Il s'agit du 14ème volume de cette collection Ainsi parlait, consacrée à un auteur que l'on découvre par le biais de "Dits et maximes de vie" tirées de son oeuvre et présentées dans l’ordre chronologique de leur date de publication. Cela permet de découvrir un auteur et ses multiples méditations.
Morceaux choisis :
« Peut-être tous les dragons de notre vie sont-ils des princesses qui n’attendent que de nous voir un jour beaux et courageux. Peut-être les choses qui nous effraient sont-elles toutes, au fond, des choses en détresse et qui attendent notre aide »
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« Il n’y a rien au monde qu’on puisse imaginer, pas la moindre chose. Tout est fait de quantité de détails uniques qui ne se laissent pas prévoir. »
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« L’art m’apparaît comme l’effort d’un individu, au-delà de l’étroit et de l’obscur, pour trouver une communication avec toutes choses, les plus petites comme les plus grands, et, dans ce continuel dialogue de se rapprocher des sources ultimes ; difficiles à entendre, de toute vie. »
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« Que ce soit le chant d’une lampe ou la voix de la tempête, le souffle du soir ou le gémissement de la mer qui t’entoure, toujours veille derrière toi une immense mélodie, tissée de mille voix, dans laquelle seule, ici et là, ton solo a sa place. »
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« Si votre quotidien vous semble pauvre, ne l’accuse pas ; accusez-vous vous-même dites-vous que vous n’êtes pas assez poète pour appeler à vous ses richesses. «
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« Etre ici est magnifique. »
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« Mais l’existence nous est encore enchantée ; en mille
endroits elle est encore source. Un jeu de forces
pures que nul ne touche s’il ne s’agenouille et n’admire. »
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« A travers tous les êtres nous atteint l’unique espace :
l’espace intérieur du monde. Le vol paisible des oiseaux nous traverse. Oh, moi qui veux grandir,
je regarde dehors et c’est en moi que l’arbre grandit. »
Dans un temps et un lieu indéterminé, des hommes quittent un camp pour se rendre dans les plaines du Nord-Est. Garri mène les quatre autres : Jamarr, Emmett, le plus jeune et Saul, le muet qui écrit des poèmes. Ils souhaitent construire là-bas une vie nouvelle, pensant trouver un eldorado, différent des pays isolés qu'ils traversent. La montagne se dresse entre eux et les plaines, mais rien ne les arrête dans la poursuite de leur rêve.
Ce que j'ai aimé :
Paradoxalement, le roman semble très statique, ils ont beau avancer, escalader des montagnes, rêver de cet ailleurs, de ces plaines inaccessibles, l'important se joue maintenant, dans leur rapport, dans leurs rencontres, dans l'entraide, l'humanité qui se dégage de ces hommes.
Ce que j'ai moins aimé :
Je n'ai pas été emportée, j'ai trop pensé en arrière plan à Steinbeck, Giono, Faulkner, je ne suis pas parvenue à entendre la voix propre de l'auteur.
« Étant enfant, je lisais tous les contes de fées qui me tombaient sous la main, pourtant, je n’ai jamais eu de goût pour les princesses. Je n’aimais que les princes. »
De l'enfance à l'adolescence, le jeune narrateur prend peu à peu conscience de son attirance pour les hommes : quand il se retourne sur les matelots dans la rue, admire les gravures d'art représentant des hommes, ou le corps d'un de ses camarades de classe, il ne peut nier sa préférence. Pourtant, il se contraint à porter un masque, dans une société japonaise des années 30-40 qui refuse l'homosexualité, il essaie de se persuader que son amour pour la belle Sonoko le rapproche de l'hétérosexualité. «A mes yeux, Sonoko apparaissait comme l’incarnation de mon amour même de la normalité, mon amour des choses de l’esprit, mon amour des choses éternelles. » Mais la scission entre sa chair est son âme est bien présente, s'il dit « Mon âme appartenait à Sonoko. », son corps lui, refuse cette pensée. Arrivera le jour où il faudra regarder la réalité en face et assumer...
D'inspiration autobiographique, ce roman s'interroge sur la norme qu'un adolescent distingue mais dans laquelle il ne peut se fondre.
"Dés le début, la vie m’avait écrasé sous un pesant sentiment du devoir. Bien que je fusse de toute évidence incapable d’accomplir ce devoir, la vie me harcelait, me reprochait ce manquement. »
L'intimité du personnage nous plonge dans cette lente prise de conscience aux étapes douloureuses, mais aussi éclairées par ce sentiment d'être différent, plus sensible, plus apte à capter les errances du monde. Le jeune narrateur fait montre d'une acuité psychologique hors normes. Quand on sait que Mishima a porté un masque toute sa vie en se mariant, en ayant des enfants avec une femme malgré ses attirances homosexuelles, et en se donnant finalement la mort de façon spectaculaire, ce récit revêt alors un aspect glaçant.
Durant cet été caniculaire, Mylan et Cléa, deux amis d'enfance, cherchent par tous les moyens à se rafraichir et à échapper à la chape de chaleur qui pèse sur Strasbourg. Ils découvrent les joies de la Skihalle, une station de ski artificielle, à quelques arrêts de tram de chez eux. Leur plaisir est de courte durée car l'un comme l'autre s'apprête à prendre la route des vacances : Cléa doit partir en Malaisie dans un club de vacances avec ses parents, et Mylan se rend chez son oncle en Norvège. Ils découvrent d'autres façons de vivre et d'envisager le rapport à l'environnement : Cléa découvre la déforestation et Mylan côtoie des personnes plus respectueuses de l'environnement.
Par cette lecture fluide, ponctuée de dialogues vifs, Sophie Adriansen nous fait découvrir deux univers, mais sans jugement de valeur, chacun ses vacances, chacun son monde et ses choix, même si certains choix sont plus pertinents pour la planète, à chacun de décider.
Ce que j'ai un peu moins aimé :
Il est un peu trop ouvertement didactique, ce qui s'explique par l'obligation de rentrer dans la collection #onestprêt (Une nouvelle collection de romans ados, dès 13 ans, qui aborde la question de l'urgence climatique à travers des récits inspirants et positifs, en collaboration avec le mouvement #onestprêt)
A noter que ma fille de 12 ans l'a lu avec plaisir et a beaucoup aimé !
« Ayez donc les femmes, dit-il tout bas au baron, en riant d’un rire hardi, vous vendrez le monde ! » p 69
Le XIXème siècle voit l'essor des grands magasins avec les travaux hausmanniens du second empire. Paris se transforme, les petits commerces souffrent de cette nouvelle concurrence avec laquelle ils ne parviennent pas à rivaliser. Ainsi, quand la jeune Denise Baudu arrive de la province pour travailler dans le petit commerce de son oncle, celui-ci lui fait comprendre qu'il n'a pas suffisamment de travail pour elle. La jeune femme se résout alors à se faire embaucher Au bonheur des dames, le grand magasin de prêt à porter qui se développe dans le quartier. Si Denise rencontre des difficultés à ses débuts, en butte à la cruauté des petites vendeuses qui connaissent des vies difficiles à cause de la précarité, et sur lesquelles pèsent sans cesse le spectre du licenciement, elle prend peu à peu sa place, soutenue par Octave Mouret, le directeur du magasin, qui tombe peu à peu sous son charme.
Octave Mouret est un homme redoutable, qui maitrise parfaitement les coulisses de la vente, les stratégies commerciales, les nouveaux outils à sa disposition comme la réclame, et surtout, qui a compris combien son commerce devait s'appuyer sur la femme et ses désirs.
« Ils avaient éveillé dans sa chair de nouveaux désirs, ils étaient une tentation immense, où elle succombait fatalement, cédant d’abord à des achats de bonne ménagère, puis gagnée par la coquetterie, puis dévorée. En décuplant la vente, en démocratisant le luxe, ils devenaient un terrible agent de dépense, ravageaient les ménages, travaillaient au coup de folie de la mode, toujours plus chère. » p 69
Pour créer son grand magasin fictif "Au bonheur des dames", l’auteur des « Rougon-Macquart » s’est inspiré du triomphe du « Bon marché », créé à Paris vingt ans plus tôt par Boucicaut. Il met en valeur le rouleau compresseur que constituent les grands magasins pour les petits commerces, qui pourtant proposent souvent des articles de bien meilleure qualité, modelés par des artisans et non pas par des spéculateurs. Si les artisans résistent, ils se font petit à petit happer par cette machine infernale. Il montre aussi les dangers de la consommation à outrance à travers les portraits de quelques femmes prêtes à tout pour être à la pointe de la mode. Par le biais de la jeune Denise et de Octave, il offre aussi un point de vue plus nuancé : les deux personnages sont conscients de la nécessité de s'adapter à ce siècle en mouvement, qui doit nécessairement évoluer vers le progrès, quitte à laisser des êtres au bord de la route. L'auteur dira lui-même « Je n'attaque ni ne défends l'argent, je le montre comme une force nécessaire jusqu'à ce jour, comme une force de civilisation et de progrès. » (Zola, réponse à un journaliste cité dans Becker et Landes 1999, p. 90.)
Ce roman ambitieux brille par son intelligence, présentant le plus honnêtement possible cette mutation, en s'appuyant sur l'histoire de personnages attachants dont la jeune Denise, femme forte qui ne se laissera pas avilir par les hommes. Un grand moment de lecture !
Je ne pouvais pas finir l'année sans vous parler des 10 ans de la collection Totem chez Gallmeister, un de mes éditeurs favoris. Je vous présente ici quelques titres que vous pourrez glisser sous le sapin :
En juin 2021, un avion Air France demande à se poser à New York mais se heurte à la méfiance des aéroports : cet avion s'est en effet déjà posé trois mois plus tôt, avec les mêmes passagers. Parmi eux Joanna, avocate, Blake tueur à gages sans scrupules, Slimboy, pop star nigériane ou Victor Miesel, écrivain suicidaire. Les passagers de juin sont dirigés vers une base militaire et des scientifiques se penchent sur le phénomène. Cette "anomalie" risque fort de bouleverser la vie de plus d'une personne !
Ce que j'ai moins aimé :
Si j'ai été intriguée par le début du roman, par l'histoire des différents personnages, j'ai rapidement perdu le fil quand les physiciens et autres scientifiques sont entrés en scène pour tenter d'élucider ce mystère scientifique.
De plus, le devenir des "doubles" est assez attendu, les questions auxquelles ils se heurtent sont sans surprise, voire stéréotypées entre l'avocate dévorée par son travail et sa morale, le couple qui se délite parce que l'homme est devenu un étranger avec le temps, l'artiste et ses découvertes fortuites, l'amoureux éconduit par une femme plus jeune, le malade en stade terminal... Le fait que les personnages soient si nombreux empêche de réellement s'attacher à l'un d'eux.
Bilan :
Vous l'aurez compris, je suis totalement passée à côté de ce titre !!