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1345 résultats pour “vie parfaite

La saga des émigrants de Vilhelm MOBERG

Publié le par Hélène

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 ♥ ♥ ♥ ♥

Une saga en 8 tomes (5 pour le format poche) sur les premiers pionniers suédois à s’installer en Amérique au XIXème siècle.

  

L’auteur :

 

Vilhelm MOBERG était un écrivain et dramaturge suédois, décédé en 1973. La saga des émigrants fut publiée entre 1949 et 1959. En 1998 il fut élu meilleur roman suédois du siècle par les suédois.

 

L’histoire :

 

Au milieu du XIXème siècle, Kristina et Karl Oskar, un jeune couple suédois décident de quitter leurs terres stériles pour émigrer en Amérique, terre de tous les possibles. Ils sont accompagnés par Robert, le frère de Karl Oskar et de son compagnon Arvid. Seront du voyage également Danjel Andreasson, un hérétique, et Ulrika de Västergöhl, la catin du village.

Tome 1  « Au Pays » : ce tome explique pourquoi et comment ils décident de quitter la Suède

Tome 2 « La traversée » : comme son nom l’indique, ce tome est consacré à la traversée de l’Atlantique

Tome 3 « La terre bénie » : leur installation dans le Mississipi

Tome 4 « Les pionniers du Minnesota » : l’édification d’une colonie suédoise et le récit de Robert parti à la quête de l’or.

Tome 5 « Au terme du voyage » : inclue la guerre de sécession, la révolte des Sioux et dresse le bilan de ces années de déracinement.

(Je me suis référée ici à l’édition en Livre de Poche, raison pour laquelle je ne mentionne que 5 tomes)

 

Ce que j’ai aimé :

 

-          L’aspect historique : l’auteur maîtrise parfaitement son sujet et s’est documenté pour nous conter les aventures de ces premiers pionniers suédois à conquérir le sol américain dans les années 1840. Il balaie dix années de cette histoire en incluant la formation de cette petite communauté suédoise, la ruée vers l’or (vécue par Robert), la guerre de sécession, les affrontements entre tribus indiennes…

-          L’aventure humaine : l’écriture rend hommage à ses personnages, sans ajouter de fioritures, de digressions sentimentales, elle décrit au plus juste ce voyage et cette installation dans un ailleurs qui deviendra mythique.

-          Les questions théologiques et philosophiques abordées enrichissent considérablement le récit : l’hérésie, les questions nombreuses de Kristina sur sa foi en la Bible, le destin…

 

Ce que j’ai moins aimé :

 

-          Le deuxième tome entièrement consacré à la traversée vers l’Amérique.

 

 

Premières phrases :

 

«  Mjödahult est une des plus anciennes fermes de Ljuder. Son nom est cité dans le procés-verbal d’un jugement deux cent ans avant la découverte de l’Amérique. La famille Niba habite et cultive cette ferme aussi loin que l’on remonte la mémoire des générations et depuis qu’il existe des dcouments écrits. »

 

Vous aimerez aussi :

Le roman de Bergen de Gunnar STAALESEN (non lu)

 

La saga des émigrants, Vilhelm MOBERG, Gaïa, 8 tomes, 1999, 19 euros le tome

POCHE : La saga des émigrants, Vilhelm MOBERG, Livre de poche, 5 tomes, 9 euros le tome

 

TAGS : Littérature suédoise - Saga familiale - Famille

 

D'autres avis : Cuné, Sylde.

Publié dans Littérature Europe

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Les nuits de laitue de Vanessa BARBARA

Publié le par Hélène

♥ ♥ 

Ada vient de mourir laissant son mari Otto démuni dans un entourage qu'il ne comprend pas forcément. Il faut dire que si Ada se fondait à merveille dans ce quartier peuplé de personnages décalés, Otto, quant à lui peine à comprendre les délires des uns et des autres. Il écoute distraitement Nico, le préparateur en pharmacie lui décrire par le menu tous les effets indésirables les plus étonnants des médicaments :

"En tous cas, ce médicament provoque des démangeaisons terribles. Avec ou sans éruption cutanée. Du coup, vous prenez un truc pour atténuer les démangeaisons et vous vous retrouvez avec un glaucome. ALors vous appliquez un collyre pour traiter le glaucome et voilà que vos yeux bleus deviennent marron. Je vous jure ! Certaines gouttes augmentent la pigmentation de l'iris. Imaginez un peu le drôle d'effet. Ah, et votre peau peut aussi devenir légèrement bleutée, surtout si vous vous exposez au soleil." p. 32

Il peste contre Anibal le facteur qui  aime se tromper dans sa distribution de courrier pour créer du lien social, il observe avec méfiance ses voisines Iolanda et ses chihuahuas hystériques, et Mariana, l'anthropologue chevronnée. Il s'entendait bien avec Monsieur Taniguchi un centenaire japonais persuadé que la Seconde guerre mondiale n'est pas terminée et qu'on lui ment, jusqu'à ce que la folie du vieil homme le rattrape.  Ada et sa vivacité virevoltante lui manque, elle qui prenait soin de son entourage avec amour, et aimait partager avec lui reportages animaliers, orgie de chou-fleurs et tisane de laitue pour soigner les insomnies.

Désoeuvré, Otto observe son entourage de loin, et comme il lit beaucoup de romans noirs, il se persuade qu'on lui cache des choses.

Truffés de trouvailles rocambolesques ce petit roman possède un charme indéniable. Comme Nico, le lecteur est tenté de compter ses doigts pour vérifier qu'il est bien dans la réalité tant les évènements et personnages dépassent l'entendement. Le décalage entre le bougonnement incessant de Otto et la fraîcheur des autres habitants du quartier accentue encore la folie de ce petit monde. 

Cocasse, drôle, Vanessa Barbara est parfaite dans sa première partie. Pourquoi avoir voulu coller une pseudo intrigue policière par la suite, comme si la description de ce petit monde atypique ne se suffisait pas en soi ? Cet aspect pollicier est comme adjoint artificiellement à l'intigue et n'adhère pas harmonieusement au roman. 

Passé cette petite réserve, il n'en reste pas moins que Les nuits de laitue est un roman à savourer absolument pour son originalité optimiste ! 

 

Présentation de l'éditeur : Zulma 

D'autres avis : Ollie ; Nadael ; Cathulu

 

Les nuits de laitue, Vanessa Barbara, premier roman traduit du portugais (Brésil) par Dominique Nédellec, Zulma, août 2015, 224 p., 17.50 euros

 

Merci à l'éditeur.

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Deux étés de Erik ORSENNA

Publié le par Hélène

♥ 

Le grand conteur Erik Orsenna nous emmène sur l'île de Bréhat, son fief, pour nous livrer une histoire qu'il a lui-même vécue : dans les années 70 débarque sur l'île Gilles avec ses 47 chats. Traducteur, il suit son rythme de croisière pour traduire, sans être inquiété puisqu'il préfère les auteurs défunts. Il se laisse ainsi porter par le balancement de l'île, travaillant de moins en moins. Jusqu'au jour où il accepte de traduire Ada de Nabokov, et les exigences et les délais changent radicalement. Quatre ans plus tard Gilles n'a toujours rien envoyé et l'éditeur se fait de plus en plus pressant. Les îliens - dont l'auteur- lui propose leur aide et, durant deux étés, vont s'investir dans ce projet fou et devenir des corsaires : 

"Quel est le travail du corsaire ?

Quand un bateau étranger lui plaît, il l'arraisonne. Jette l'équipage à la mer et le remplace par des amis. Puis hisse les couleurs nationales au sommet du plus haut mât. Ainsi fait le traducteur. Il capture un livre, en change tout le langage et le baptise français." p. 26

Tous se heurtent alors aux limites inhérentes à la traduction : comment rendre perceptible les envolées lyriques d'un auteur, sa légèreté ?

"Comment rendre en français la promenade ailée de la narration dans ce bric-à-brac, comment faire passer cette légèreté, cette liberté, cette fantaisie de papillon butinant le monde ?" p. 53

De ses lignes déborde un amour inconditionnel pour la langue française et pour la littérature au travers de Nabokov, personnalité particulière, exigeant, visant le Nobel, et capable d'envolées lyriques à la sensualité communicative...

L'auteur nous offre ici encore un récit ciselé, dans le cadre idyllique de cette île à laquelle il est tant attaché : 

"Pour notre famille de moyenne bourgeoisie assez ennuyeuse, il y avait un élément de rêve, de dépassement, de voyage, c'était Bréhat. Enfants, adultes, nous ne pensions qu'à ça toute l'année. Bréhat, c'est la mer, le port, la lecture, le rendez-vous du bonheur, de la liberté de mouvement et de penser. On a treize mètres de marnage, c'est un des records du monde. D'heure en heure le paysage change. Une île est par définition fragile, nomade. Tout le monde a peur qu'elle se dissolve à un moment donné ou parte à la dérive. Alors on navigue, d'un morceau de terre à un autre, d'un livre à l'autre, d'une langue à une autre. Je suis de plus en plus frappé par la similitude entre le fait d'écrire «il était une fois» et celui de hisser la voile. " (source : L'Express)

Sa parfaite connaissance du lieu et son acuité d'observation lui permettent de brosser des portraits cocasses et vivants des habitants et de l'atmosphère de l'île. L'harmonie et la complicité prévalent durant ces deux étés lumineux. 

Un beau récit fantaisite et optimiste. 

 

D'autres avis : Blogs : Caroline, Géraldine / Presse : Libération 

Présentation de l'éditeur : Fayard ; Le livre de poche

 

Deux étés, Erik Orsenna, Le livre de poche, 1998, 192 p., 4.90 euros

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Rencontre Gallmeister

Publié le par Hélène

Hier soir, grâce à Anthony et Nathalie, nous étions invités dans les locaux de Gallmeister à rencontrer Oliver et son équipe - et Ernest (le bison) (ou plutôt la bisonne).

Ce fut un réel plaisir de se retrouver entre passionnés - initiés même - entre ceux qui savent qui est Piergiorgio et qui lui vouent un culte sans précédent, ceux qui se demandent si le père de Betty était un bon père, celle qui me raconte Lonesome dove avec passion, celui qui s'apitoie sur le sort de Jake dans ce même Lonesome dove, celle qui n'a pas le droit d'acheter de nouveaux livres tant qu'elle n'a pas fini sa PAL infinie mais qui craque deux minutes plus tard quand on lui présente une nouvelle version de Autant en emporte le vent,  celle qui me chante les louanges de livres que je n'aurais jamais imaginé lire tels que Spartacus (sortie prévue le 22 août), Rambo ou Forrest Gump et qui, pourtant, contre toute attente, réussit à me convaincre, celle qui se plaint de l'absence de librairie dans sa commune, et tous ceux qui aimeraient avoir des journées doubles pour lire, encore et encore.

Côté news, nous avons appris la sortie le 7 mars de la suite des romans de Keith MCCAFFERTY (Buffalo blues), en même temps que sort en poche Le chant des innocents de Piergiorgio, sort aussi en grand format La septième lune, et une nouvelle série de cet auteur est annoncée pour le 3 octobre avec un libraire amoureux des chats, Ayana Mathis sort un roman le 22 août qui s'annonce extraordinaire (dixit Oliver qui l'a lu), Maren Uthaug à l'univers si particulier sort une dystopie aussi le 22 août dans laquelle la population n'est constituée que de 11% d'hommes, le juste pourcentage pour que l'humanité ne s'éteigne pas, mais guère plus ;  les éditions continuent à éditer les oeuvres magnifiques de Mario Rigoni Stern dont L'année de la victoire prévu aussi le 22 août. Même Les dents de la mer seront rééditées le 7 novembre, un livre parfait pour les lectures estivales des belles mères (dixit Benjamin).

Si Oliver a souligné que le catalogue de Gallmeister était globalement sombre, il a tenu à préciser que toujours une touche de lumière apparaissait dans les ténèbres et éclairait les romans d'une aura hors du commun. Selon lui, seul Les Hauts de Hurlevent échappe à cette règle.

En ce qui concerne les très belles éditions Litéra, Oliver conseille Les Aventures de Tom Sawyer, le roman qui a inventé le narrateur enfant, et il aimerait à plus ou moins long terme inclure Ernest Hemingway.

Je suis revenue avec L'illusion du mal qui vient de remporter le Prix du meilleur roman étranger 2023 - Trophée 813, Le radeau des étoiles qui raconte l'histoire de deux enfants embarqués sur un radeau sur une rivière infernaleet en avant première Les princes de l'étang aux finnois de Lars Elling pour une sortie le 2 mai.

Merci encore aux organisateurs  et aux éditions Gallmeister !

 

Publié dans Divers

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La valse aux adieux de Milan KUNDERA

Publié le par Hélène

                                               valse aux adieux

 ♥ ♥ ♥

"Si quelque chose m'a toujours profondément écœuré chez l'homme, c'est bien de voir comment sa cruauté, sa bassesse et son esprit borné parviennent à revêtir le masque du lyrisme."

 

L’auteur :

 

La vie de Milan Kundera pourrait se résumer en deux temps : auteur dissident en Tchécoslovaquie, il devient, en 1975, une figure importante de la vie littéraire française et internationale. Dissident, Kundera ne l'a pas toujours été : inscrit au Parti communiste, les premiers écrits de cet étudiant en littérature, en esthétique et en cinéma s'inscrivent dans une vison marxiste du monde. Pourtant, le lyrisme et la poésie sensible d'ouvrages comme 'Le Dernier mai' ou 'Monologues' ne tardent pas à l'éloigner du réalisme socialiste prôné par le régime. Ce n'est qu'à partir des années 1960 que sa critique se fait plus virulente : 'La Plaisanterie' et 'Risibles amours' incarnent avec force le souffle de liberté qui s'exprime lors du printemps de Prague, auquel il participe activement. Déchu de sa nationalité tchèque, la France lui réserve un accueil chaleureux et il devient enseignant à l'université de Rennes et à l'EHESS de Paris. C'est dans la langue de Molière qu'il signe ses plus grands succès dont son chef-d' oeuvre : 'L' Insoutenable légèreté de l'être', paru en 1984. Il y poursuit sa réflexion sur la parole, l'illusion et la condition humaine, ainsi que sur l'éternel retour nietzschéen. Cet ouvrage contient également sa définition du 'kitsch', devenue une référence. Analyste de son propre travail, Milan Kundera signe plusieurs écrits théoriques comme 'L'Art du roman', qui le place parmi les plus grands penseurs contemporains de la littérature. Le 24 mars 2011, l'auteur de 'L' Insoutenable légèreté de l'être' voit ses oeuvres complètes publiées dans la prestigieuse collection de Gallimard. Il en est le seul écrivain vivant à faire son entrée dans La Pléiade. Kundera canonisé côtoie désormais Proust et Balzac, Rabelais et Molière, Goethe et Conrad. (Source : Evene)

 

L’histoire :

 

Dans une ville d'eaux au charme suranné, huit personnages s'étreignent au gré d'une valse qui va en s'accélérant : une jolie infirmière ; un gynécologue fantaisiste ; un richard américain (à la fois saint et don Juan) ; un trompettiste célèbre ; un ancien détenu, victime des purges et sur le point de quitter son pays... Un 'songe d'une nuit d'été'. Un 'vaudeville noir'. Les questions les plus graves y sont posées avec une blasphématoire légèreté qui nous fait comprendre que le monde moderne nous a privés même du droit au tragique.

 

Ce que j’ai aimé :

 

Cette valse nous entraîne dans un tel tourbillon que l’on ne peut que succomber au charme des destins des habitants de cette petite ville d’eau. Mais une fois l’ivresse passée, reste un faisceau de réflexions qui s’épanouit dans l’esprit du lecteur et instillent leur philosophie.

 

Si le thème de la tromperie est au cœur du roman, bien d’autres ramifications philosophiques s’offrent à nous.

 

Un nouveau regard porté sur elle illumine la belle Mme Klima aspirée tout à coup par la liberté : elle se demande si son mari n’est pas juste auréolé par la jalousie et non pas par l’amour :

 

 « La jalousie possède l'étonnant pouvoir d'éclairer l'être unique d'intenses rayons et de maintenir les autres hommes dans une totale obscurité. »

 

Jakub cherche sa liberté dans l’apprivoisement de la mort, se promener avec un cachet de poison lui permet de maîtriser sa vie. Mais n’est-ce pas là encore qu’une illusion ? Ce petit cachet bleu va l’amener à s’interroger sur la vie et le mort, mais aussi sur le meurtre… La vie et la mort restent intrinsèquement liés.

 

De même que sont irrémédiablement  liés  les doubles thèmes de l’avortement et la fécondité.

 

"Je ne sais qu’une chose, c’est que je ne pourrai jamais dire avec une totale conviction : l’homme est un être merveilleux et je veux le reproduire."

 

« Avoir un enfant, c'est manifester un accord absolu avec l'homme. Si j'ai un enfant, c'est comme si je disais : je suis né, j'ai goûté à la vie et j'ai constaté qu'elle est si bonne qu'elle mérite d'être multipliée. »

« [...] je dois me demander dans quel monde j'enverrais mon enfant. L'école ne tarderait pas à me l'enlever pour lui bourrer le crâne de contre-vérités que j'ai moi-même vainement combattues pendant toute ma vie. Faudrait-il que je voie mon fils devenir sous mes yeux un crétin conformiste ? ou bien, devrais-je lui inculquer mes propres idées et le voir souffrir parce qu'il serait enchaîné dans les mêmes conflits que moi ? »

 

Faut-il mettre au monde un enfant dans un contexte politique plus que bancal. Ce contexte n’est guère développé, mais la menace sous-jacente reste bien présente. Derrière la futilité de certaines scènes ou de certains dialogues se cachent une tragédie en cours :

 

 « Une blonde s'adapte inconsciemment à ses cheveux. Surtout si cette blonde est une brune qui se fait teindre en jaune. Elle veut être fidèle à sa couleur et se comporte comme un être fragile, une poupée frivole, une créature exclusivement préoccupée de son apparence, et cette créature exige de la tendresse et des services, de la galanterie et une pension alimentaire, elle est incapable de rien faire par elle-même, elle est toute délicatesse au-dehors et au-dedans toute grossièreté. Si les cheveux noirs devenaient une mode universelle, on vivrait nettement mieux en ce monde. Ce serait la réforme sociale la plus utile que l'on ait jamais accomplie. » (p. 56)

 

« [...] le désir de l'ordre veut transformer l'univers humain en un règne inorganique où tout marche, où tout fonctionne, où tout est assujetti à une règle supérieure à l'individu. Le désir de l'ordre est en même temps désir de mort, parce que la vie est perpétuelle violation de l'ordre. Ou, inversement, on peut dire que le désir de l'ordre est le prétexte vertueux par lequel la haine de l'homme justifie ses forfaits. » (p. 126)

 

Milan Kundera réussit là encore à allier subtilement tragédie et comédie, à l’image d’une vie qui oscille sans cesse entre vie et mort…

 

Ce que j’ai moins aimé :

 

- Rien.

 

Premières phrases :

 

« L'automne commence et les arbres se colorent de jaune, de rouge, de brun ; la petite ville d'eaux, dans son joli vallon, semble cernée par un incendie. Sous le péristyle, des femmes vont et viennent et s'inclinent vers les sources. Ce sont des femmes qui ne peuvent pas avoir d'enfants et elles espèrent trouver dans ces eaux thermales la fécondité.
Les hommes sont ici beaucoup moins nombreux parmi les curistes, mais on en voit pourtant, car il paraît que les eaux, outre leurs vertus gynécologiques, sont bonnes pour le coeur. Malgré tout, pour un curiste mâle, on en compte neuf de sexe féminin, et cela met en fureur la jeune célibataire qui travaille ici comme infirmière et s'occupe à la piscine de dames venues soigner leur stérilité ! C'est ici qu'est née Ruzena, elle y a son père et sa mère. Échappera-t-elle jamais à ce lieu, à cet atroce pullulement de femmes ? »

 

Vous aimerez aussi :

 

Du même auteur : L’insoutenable légèreté de l’être

 

La valse aux adieux, Milan Kundera, traduit du tchèque par François Kérel, Folio,  juillet 1978, 363 p., 7.30, euros

 

Publié dans Littérature Europe

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Dans les forêts de Sibérie de Sylvain TESSON

Publié le par Hélène

                                          dans les forets de sibérie

  ♥ ♥ ♥

« La forêt resserre ce que la ville disperse. » (p. 43)

   

 L’auteur :

 Écrivain, journaliste et grand voyageur, Sylvain Tesson est né en 1972. Après un tour du monde à vélo, il se passionne pour l'Asie centrale, qu'il parcourt inlassablement depuis 1997. Il s'est fait connaître en 2004 avec un remarquable récit de voyage, L'Axe du loup (Robert Laffont). De lui, les Éditions Gallimard ont déjà publié Une vie à coucher dehors (2009) et, avec Thomas Goisque et Bertrand de Miollis, Haute tension (2009). (Présentation de l’éditeur)

 

L’histoire :

  Assez tôt, j'ai compris que je n'allais pas pouvoir faire grand-chose pour changer le monde. Je me suis alors promis de m'installer quelque temps, seul, dans une cabane. Dans les forêts de Sibérie.

  J'ai acquis une isba de bois, loin de tout, sur les bords du lac Baïkal.
  Là, pendant six mois, à cinq jours de marche du premier village, perdu dans une nature démesurée, j'ai tâché d'être heureux.
  Je crois y être parvenu.
  Deux chiens, un poêle à bois, une fenêtre ouverte sur un lac suffisent à la vie.
  Et si la liberté consistait à posséder le temps ?
  Et si le bonheur revenait à disposer de solitude, d'espace et de silence – toutes choses dont manqueront les générations futures ?
  Tant qu'il y aura des cabanes au fond des bois, rien ne sera tout à fait perdu. (Quatrième de couverture)

 

Ce que j’ai aimé :

L'expérience que tente l'auteur est fascinante et tout un chacun happé dans une vie urbaine envahissante a sans doute rêvé à un moment ou un autre de se retirer loin du monde pour méditer et faire connaissance avec soi-même...

 « Il fait -33°. Le camion s’est fondu à la brume. Le silence descend du ciel sous la forme de petits copeaux blancs. Etre seul, c’est entendre le silence. Une rafale. Le grésil brouille la vue. Je pousse un hurlement. J’écarte les bras, tends mon visage au vide glacé et rentre au chaud.

J’ai atteint le débarcadère de ma vie.

Je vais enfin savoir si j’ai une vie intérieure. » (p. 36)

L'auteur insiste sur la fulgurance de l'expérience qui atteint une intensité libératrice inimaginable :

  « J’ai avalé presque tout Jack London, Grey Owl, Aldo Leopold, Fenimore Cooper et une quantité de récits de l’école du Nature Writing américain. Je n’ai jamais ressenti à la lecture d’une seule de ces pages le dixième de l’émotion que j’éprouve devant ces rivages. Je continuerai pourtant à lire, à écrire. » (p. 55)

Ses journées se trouvent tout à coup vidées du temps, ce qui lui permet de fonder un autre espace-temps : il redécouvre le monde et le réinvente.

« Moi qui sautais au cou de chaque seconde pour lui faire rendre gorge et en extraire le suc, j’apprends la contemplation. Le meilleur moyen pour se convertir au calme monastique est de s’y trouver contraint. S’asseoir devant la fenêtre le thé à la main, laisser infuser les heures, offrir au paysage de décliner ses nuances, ne plus penser à rien et soudain saisir l’idée qui passe, la jeter sur le carnet de notes. Usage de la fenêtre : inviter la beauté à entrer et laisser l’inspiration sortir. » (p. 43)

  

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 « L’homme libre possède le temps. L’homme qui maîtrise l’espace est simplement puissant. En ville, les minutes, les heures, les années nous échappent. Elles coulent de la plaie du temps blessé. Dans la cabane, le temps se calme. Il se couche à vos pieds en vieux chien gentil et, soudain, on en sait même plus qu’il est là. Je suis libre parce que mes jours le sont. » (p. 72)

Loin de lasser le spectateur passif de l'isolement du narrateur, le ton de son récit teinté d'humour réhausse encore les qualités de son texte :

« « Moins on parle et plus on vivra vieux. » dit Youri. Je ne sais pourquoi mais je pense soudain à Jean-François Copé. Lui dire qu’il est en danger. » (p. 71)

 De plus, Sylvain Tesson n'est jamais isolé très longtemps : il reçoit de nombreuses visites des autochtones, et surtout il est entouré des auteurs à qui il a proposé le voyage, des philosophes, des aventuriers comme lui, des poètes, des hommes -principalement- qui ont nourri des réflexions sur la solitude, sur la vie avec les autres, sur le monde et notre raison d'être à travers lui...

 Dans les forêts de Sibérie est un récit passionnant  nourri de réflexions qui permettent d'éclairer la nuit de ceux qui perdent progressivement le rapport au monde...

 

Ce que j’ai moins aimé :

 La fin marque le retour à la civilisation mais nous n'avons aucune indication sur la façon dont se passe ce retour... Qu'a-t-il tiré de son expérience, cela a-t-il changé sa façon de vivre en ville, l'homme peut-il profiter du temps qui passe et de la beauté du monde même s'il est englué dans le quotidien d'une vie trépidante... Autant de questions auxquelles le lecteur aimerait avoir des réponses... Peut-être est-ce prévu dans un prochain tome ?

 

Premières phrases :

« Je m’étais promis avant mes quarante ans de vivre en ermite au fond des bois.

Je me suis installé pendant six mois dans une cabane sibérienne sur les rives du lac Baïkal, à la pointe du cap des Cèdres du Nord. Un village à cent vingt kilomètres, pas de voisins, pas de routes d’accès, parfois, une visite. L’hiver, des températures de -30°C, des ours sur les berges. Bref, le paradis. »

 

Vous aimerez aussi :

Du même auteur : Une vie à coucher dehors de Sylvain TESSON

Autre : Indian creek : un hiver au coeur des Rocheuses de Pete FROMM

 

D’autres avis :

Blogs : Papillon , Mango , Violette ; Jérôme

Presse :L’Express , Télérama

« L'homme face à la nature… Un livre beau, sobre et dépouillé d'emphase. »

Dominique Fernandez, Le Nouvel Observateur

« Une expérience radicale, un texte magnifique. »

Christophe Ono-Dit-Biot, Le Point

« Peut-être le plus brillant de nos écrivains voyageurs. »

Jérôme Dupuis, L'Express

« Sylvain Tesson avance pour savoir ce qu'il a dans le ventre. »

Marie-Laure Delorme, Le Journal du Dimanche

« Un livre magnétique. »

Florent Georgesco, Le Monde

« Des sensations inédites, un récit précis et poétique. »

Pauline Delassus, Paris Match

 

Dans les forêts de Sibérie, Février-Juillet 2010, Sylvain Tesson, Gallimard, septembre 2011, 288 p., 17,90 euros

 

sylvain-tesson

 

Quelques uns des livres que l'auteur emporte avec lui dans sa cabane :

  

La Ferme africaine, Karen Blixen
Noces, Camus
La chute, Camus
De sang-froid, Truman Capote
Histoire de ma vie, Casanova
Eva, James Hadley Chase
Au cœur du monde, Cendrars

 Vie de Rancé, Chateaubriand

Romans de la Table ronde, Chrétien de Troyes
 Typhon, Conrad
Le poète, Michael Connelly
L’Amant de Lady Chatterley, D.H.Lawrence
Gilles, Drieu la Rochelle
Robinson Crusoé, Daniel Defoe
Un taxi mauve, Déon
Le Mythe de l'éternel retour, Mircea Eliade
American Psycho, B.E.Ellis
Lune sanglante, James Ellroy
Un théâtre qui marche, Philippe Fenwick

Indian Creek, Pete Fromm

La Promesse de l’aube, Romain Gary

 Le Chant du monde, Giono
Elegie de Marienbad, Goethe
Vingt-cinq ans de solitude, John Haines

 Moisson rouge, Dashiell Hammett

Nouvelles complètes, Hemingway
Traité du désespoir, Kierkegaard
L'Insoutenable légèreté de l'être, Kundera
Les hommes ivres de Dieu, Lacarrière
Tao-tö-King, Lao-Tseu
Des pas dans la neige, Erik L'homme
De la nature, Lucrece
Traité de la cabane solitaire, Marcel
Le Pavillon d'Or, Mishima
Fouquet, Morand
Ainsi parlait Zarathoustra, Nietzsche
La Dernière frontière, Grey Owl
Des nouvelles d'Agafia, Peskov
Rêveries du promeneur solitaire, Rousseau
La philosophie dans le boudoir, Sade
Odes, Segalen
Le Songe d'une nuit d'été, Shakespeare
Walden, Thoreau
 Vendredi, Michel Tournier
Feuilles d'herbe, Whitman
L'Œuvre au noir, Marguerite Yourcenar
Les Mille et Une Nuits
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Rencontre avec Nathaniel Ian Miller

Publié le par Hélène

Nathaniel Ian Miller est l'auteur d'un premier roman remarqué intitulé L'odyssée de Sven qui raconte l'histoire de Sven, fuyant une vie contemporaine abrutissante pour se retirer dans une cabane au coeur du Spitzberg, une île appartenant à l'archipel norvégien de Svalbard. Cet archipel est situé à l'intérieur du cercle polaire. Si sa première année est décevante, il s'adapte peu à peu à cette vie hors du commun.

Il est indiqué que vous avez découvert la cabane de Sven lors d'une résidence d'auteur. Que faisiez-vous là-bas ? Dans l'archipel ?

Je voulais aller en arctique car je suis aussi fasciné par les explorateurs polaires, mais en tant que touriste cela coûtait cher et ce n'était pas ce que je cherchais. J'ai donc trouvé cette résidence d'artiste à bord d'une trois mâts avec des escales. Il faut savoir tout de même que c'est une expérience payante, chère aussi, j'ai dû lever des fonds pour partir. Lors d'une de ces escales j'ai découvert la cabane du vrai Sven, je suis rentré et j'ai vu les reliques de son passé, des allumettes, divers petits objets. J'ai eu envie de raconter cette vie d'isolement. On connait très peu de la vie de Sven, j'ai donc inventé à partir de ces reliques.

Que connait on du vrai Sven ? Vous êtes vous beaucoup documenté sur son histoire et sur l'arctique en général ?

Je savais peu de choses avant d'écrire, j'en ai appris davantage par la suite mais je suis heureux de ne pas avoir su avant : j'ai appris notamment que Sven n'était pas toujours très élégant avec les femmes, ou encore qu'à sa mort il a eu des funérailles magnifiques dans la ville voisine de sa hutte. Ce n'était pas mon Sven...

En ce qui concerne l'arctique j'ai beaucoup lu à propos des explorations des pôles mais je ne connais rien sur la chasse et le trappage, j'ai donc beaucoup inventé. En France, quand j'ai travaillé avec ma traductrice Mona de Pracontal, elle me posait de nombreuses questions sur les termes précis employés et elle-même faisait des recherches sur Internet pour mieux comprendre. Elle m'a d'une certaine manière sorti de mon ignorance...

Y a t il de vous en Sven ? Avez-vous été tenté par cet isolement dans une cabane ?

J'ai mis de moi en Sven, beaucoup plus que je ne le voudrais et pas forcément les meilleurs parts. J'ai vécu dans un grand isolement étant plus jeune jusqu'à effectivement ressentir cette sensation de devenir un bout de bois... J'étais dans une tour de guet, j'en avais rêvé mais cela devenait horrible. Honnêtement, je ne pourrais pas vivre ce qu'il vit, je pense qu'il a eu de la chance, parce qu'il ignorait les techniques de survie.

Le titre original est the Memoirs of Stockholm Sven. Pourquoi ce titre ? Pourquoi un titre différent en France ?

La première personne m'est venue naturellement, cela faisait sens pour lui quand il décrit cette sensation de vivre comme une pierre, et j'ai commencé à écrire ce passage d'ailleurs qui devait être un prologue. La première personne est un bon choix car Sven est honnête et le lecteur suit ainsi son chemin de pensée. Je voulais de plus le rendre observateur de ce qui l'entourait.

Le titre a été changé en France, car comme l'explique sa directrice éditoriale Maÿlis de Lajugie le terme "mémoires" en français est marqué : il s'agit plus des souvenirs d'une personne qui a réellement existé, un personnage réel qui raconte sa vie et rencontre. Ici l'histoire de Sven tient plus de l'épopée.  De plus ce roman lui avait fait penser à l'Odyssée de l'Endurance, donc cela faisait sens.
 

Sven est un personnage toujours poussé par les autres, est ce que ce ne serait pas ces autres qui finalement l'amènent à être lui-même ?

Oui, il accepte les décisions que les autres prennent pour lui, il n'est pas vraiment moteur de sa propre vie, il se considère souvent comme la personne la moins intéressante de la pièce. Il se construit peu à peu et développe une confiance en lui et devient quelqu'un de moteur, il commence à prendre des décisions par la suite, peut-être trop tard...

Avez vous écrit d'autres livres ?

Il s'agit de mon second livre mais le premier publié. Peut-être un jour lirez-vous le premier, mais il est beaucoup plus sombre. Il est assez similaire avec ces thématiques de l'isolement, de l'aliénation, mais l'Odyssée de Sven est plus humaine, les personnages sont plus drôles, plus humains.

J'aimerais voir publié ce premier livre, mais mon agent et mon éditeur me disent que cela risque de décontenancer les lecteurs qui ont apprécié l'Odyssée de Sven car l'amitié, la chaleur et l'espoir qui portent Sven sont absents du premier roman. Il est très différent, il évoque une réalité plus dure et nue.

Vous laissez ouverte la fin concernant la nièce de Sven. Pourquoi ce choix ?

J'ai ma propre idée de ce qui lui arrive, mais je voulais que le lecteur puisse imaginer sa propre suite, je voulais qu'elle continue à vivre dans son coeur. Peut-être un jour reprendra-t-elle le flambeau et vous pourrez lire la suite de ses aventures...

Quelle est la place de la nature dans votre roman ?

Au départ je voulais écrire du nature writing et non pas une fiction. J'ai besoin de voir pour écrire donc je suis allé à l'endroit en question. Rien ne m'attire a priori dans ces paysages froids et hostiles et pourtant mon prochain roman se situe en Islande, dans des espaces désolés aussi, donc j'ai au fond de moi une fascination pour ces espaces sublimes dans lesquels on se perd et devant lesquels nos problèmes deviennent si minimes... Néanmoins j'ai eu mon comptant de ces paysages, je vis au fin fond du Vernon dans une ferme, et sept mois de l'année la neige recouvre tout, cela ressemble à l'arctique. J'habite à côté d'une ville qui s'appelle Montpelier et j'envisage de m'y installer car le temps y est meilleur.

Quelle est la place de la musique dans votre roman ?

J'aime beaucoup la musique en général et il fallait qu'elle soit présente dans le roman. J'ai choisi de mentionner Dvorak car c'est un compositeur que j'apprécie, il est sombre, il remue quelque chose en moi de réflexif, qui me parle plus que d'autres compositeurs.

Merci à Babélio pour cette belle rencontre !

tous les livres sur Babelio.com
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Pourquoi être heureux quand on peut être normal ? de Jeanette WINTERSON

Publié le par Hélène

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♥ ♥

L’auteur :

Née en Angleterre en 1959, Jeanette Winterson a connu le succès dès la parution de son premier roman, Les oranges ne sont pas les seuls fruits (réédité aux Editions de l'Olivier en 2012). Couronnée de prix, elle devient une figure du mouvement féministe. Ses romans baroques, ses essais, notamment sur l'identité sexuelle (Le Sexe des cerises ou Powerbook), ont imposé sa voix singulière dans la littérature britanniqueNée en Angleterre en 1959, Jeanette Winterson a connu le succès dès la parution de son premier roman, Les oranges ne sont pas les seuls fruits (réédité aux Editions de l'Olivier en 2012). Couronnée de prix, elle devient une figure du mouvement féministe. Ses romans baroques, ses essais, notamment sur l'identité sexuelle (Le Sexe des cerises ou Powerbook), ont imposé sa voix singulière dans la littérature britannique.

 L’histoire :

Pourquoi être heureux quand on peut être normal ? Etrange question, à laquelle Jeanette Winterson répond en menant une existence en forme de combat. Dès l'enfance, il faut lutter : contre une mère adoptive sévère, qui s'aime peu et ne sait pas aimer. Contre les diktats religieux ou sociaux. Et pour trouver sa voie. Ce livre est une autobiographie guidée par la fantaisie et la férocité, mais c'est surtout l'histoire d'une quête, celle du bonheur. "La vie est faite de couches, elle est fluide, mouvante, fragmentaire", dit Jeanette Winterson. Pour cette petite fille surdouée issue du prolétariat de Manchester, l'écriture est d'abord ce qui sauve. En racontant son histoire, Jeanette Winterson adresse un signe fraternel à toutes celles - et à tous ceux - pour qui la liberté est à conquérir. (Quatrième de couverture)

 Ce que j’ai aimé :

Jeanette Winterson revient ici sur son enfance passée auprès d'une mère adoptive rigoriste obsédée par sa religion, l'Enfer, le Mal et toute leur bande... Une mère qui l'a mise à la porte parce qu'elle préférait les filles aux garçons.

La question de l'identité est au coeur du roman : comment trouver sa place dans ce monde quand le rejet, l'abandon ont été les seules mères identifiables...  Enfant adoptée, rejetée par sa mère adoptive, Jeanette Winterson n'a pu trouver de salut que dans la littérature, puis dans l'écriture.

« C’est vrai, les histoires sont dangereuses, ma mère avait raison. Un livre est un tapis volant qui vous emporte loin. Un livre est une porte. Vous l’ouvrez. Vous en passez le seuil. En revenez-vous ? » (p. 53)

« Je n’avais personne sur qui compter, mais TS Eliot m’a aidée.

Du coup, quand les gens disent que la poésie est un luxe, qu’elle est optionnelle, qu’elle s’adresse aux classes moyennes instruites, ou qu’elle ne devrait pas être étudiée à l’école parce qu’elle n’est pas pertinente ou tout autre argument étrange et stupide que l’on entend sur la poésie et la place qu’elle occupe dans notre vie, j’imagine que ces gens ont eu la vie facile. Une vie difficile a besoin d’un langage difficile – et c’est ce qu’offre la poésie. C’est ce que propose la littérature – un langage assez puissant pour la décrire. Ce n’est pas un lieu où se cacher. C’est un lieu de découverte. » (p. 55)

Elle évoque ici sa plongée dans l'enfer de la solitude, du manque d'amour source de ses souffrances, puis sa remontée rédemptrice vers la lumière de la vie, de l'envie, de l'amour... 

« En fait, nous avons droit à plus que deux chances – beaucoup plus. Avec mes cinquante années d’expérience, je sais à présent que le va-et-vient entre trouver / perdre, oublier / se souvenir, quitter / retrouver, est incessant. L’existence n’est qu’une question de seconde chance et tant que nous serons en vie, jusqu’à la fin, il restera toujours une autre chance. (p. 53)

La créativité lui permet de se tenir du côté de la santé en racontant une histoire à « la créature », son autre moi devenu fou.

"La vérité est une chose très complexe pour tout un chacun. Pour un écrivain, ce que l'on retranche en dit autant ce que l'on intègre. Que retrouve-t-on par-delà des marges du texte? La photographe cadre son sujet ; les écrivains cadrent leur univers. Mrs Winterson m’a reproché ce que j'avais intégré alors que j'avais plutôt l'impression que le jumeau muet de l'histoire était ce que j'avais retranché. Nous taisons tant de ces choses trop douloureuses. Nous faisons le vœu que ce que nous pouvons raconter apaisera le reste, l'atténuera d'une façon ou d'une autre. Les histoires sont là pour compenser face à un monde déloyal, injuste, incompréhensible, hors de contrôle. Raconter une histoire permet d'exercer un contrôle tout en laissant de l'espace, une ouverture. C'est une version mais qui n'est jamais définitive. On se prend à espérer que les silences seront entendus par quelqu'un d'autre, pour que l'histoire perdure, soit de nouveau racontée. En écrivant, on offre le silence autant que l'histoire. Les mots sont la part du silence qui peut être exprimée."

 Jeanette Winterson évoque sa remontée des Enfers avec subtilité et intelligence. 

 Ce que j’ai moins aimé :

Le ton est beaucoup moins caustique que dans « Les oranges », qui a ma préférence, celui-ci étant beaucoup plus sombre, plus centré sur l'introspection de l'auteure. Vingt-cinq ans séparent les deux écrits et c'est une Jeanette adulte qui a fait un travail psychologique poussé qui parle désormais et défend la jeune fille esseulée qu'elle était alors. La force qui s'échappait d'elle dans le récit "Les oranges" s'est craquelée, la menant vers une dépression sans doute nécessaire pour panser les blessures et rebondir plus haut. 

Premières phrases :

« Quand ma mère se fâchait contre moi, ce qui lui arrivait souvent, elle disait : « Le Diable nous a dirigés vers le mauvais berceau. »

L’image de Satan prenant congé de la guerre froide et du maccarthysme le temps de faire un crochet par Manchester en 1960 – but de la visite : duper Mrs Winterson – est théâtralement truculente. »

 Vous aimerez aussi :

Du même auteur : Les oranges ne sont pas les seuls fruits de Jeanette WINTERSON

 D’autres avis :

Presse : Télérama Magazine littéraire

Blogs : Cathulu Clara Aifelle  

 Pourquoi être heureux quand on peut être normal, Jeanette Winterson, traduit de l’anglais par Céline Leroy, Editions de l’Olivier, 2012,

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L'île des oubliés de Victoria HISLOP

Publié le par Hélène

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 L’auteur :

 Victoria Hislop née Victoria Hamson est un écrivain britannique. Elle a travaillé comme journaliste avant de devenir auteure. Son premier roman, "the island" a été un véritable bestseller au Royaume uni. (Source : Babélio)

 L’histoire :

Saga familiale bouleversante et vibrant plaidoyer contre l'exclusion, ce roman d'évasion plein d'émotion et de suspense nous emporte sur une île au large de la Crète, Spinalonga, l'île des lépreux.

Alexis, une jeune Anglaise, ignore tout de l'histoire de sa famille. Pour en savoir plus, elle part visiter le village natal de sa mère en Crète. Elle y fait une terrible découverte : juste en face du village se dresse Spinalonga, la colonie ou l'on envoyait les lépreux... et ou son arrière-grand-mère aurait péri.

Quels mystères effrayants recèle cette île des oubliés ? Pourquoi la mère d'Alexis a-t-elle si violemment rompu avec son passé ? La jeune femme est bien décidée à lever le voile sur la bouleversante destinée de ses aïeules et sur leurs sombres secrets... (Quatrième de couverture)

 Ce que j’ai aimé :

Le fond historique : l’histoire de cette île transformée en léproserie dans les années 1900 est véridique.

 « La même année (1903), le jeune gouvernement crétois décide de faire de l'îlot de Spinalonga "une léproserie ou une colonie de lépreux", c'est-à-dire un refuge obligé rassemblant tous des lépreux vivant épars dans les diverses régions de la Crète (puis plus tard de toute la Grèce), cachés dans des grottes et des cabanes de fortune ; cette déportation avait comme but d'améliorer leurs conditions de vie.

Les édifices et les ruines des bâtiments vénitiens et les demeures turques qui se trouvaient sur l'îlot de Spinalonga furent utilisés pour construire des habitations afin d'héberger les malades et les soignants, puis la mosquée turque fut convertie en hôpital, et le bastion vénitien "Dona" en cimetière ; enfin, en 1939, une route fut aménagée sur l'ensemble du périmètre de l'îlot. Le personnel soignant de la léproserie comportait un médecin, puis des infirmiers et des aides-soignants ; un surveillant et un abbé faisaient partie du personnel nécessaire sur l'îlot. 

Les conditions de vie sur Spinalonga pour les lépreux déportés de la Crète, puis la Grèce, étaient au début de l'ouverture de la léproserie, très difficiles : 

   *Le manque d'eau et de nourriture, car les malades étaient tributaires des apports de ces éléments nécessaires à la vie provenant de la Crète.

   *Durant les quatre premières années de l'ouverture de léproserie, il n'y avait pas de médecin, et les lépreux furent obligés de se soigner eux mêmes.


Les lépreux, devant l'isolement et la dure existence qu'ils menaient sur l'îlot de Spinalonga, montrèrent un courage surhumain en s'acharnant à utiliser tous les moyens disponibles, humains et matériels, afin d'améliorer leurs conditions de vie ; ils restaurèrent les demeures turques abandonnées ; remirent en service le système d'irrigation vénitien, installèrent un système permettant de récolter et stoker l'eau de pluie. En effet l'eau était un élément très important pour vivre et pour soigner les lésions cutanées et muqueuses de leur maladie qui exige, pour limiter son aggravation, une hygiène corporelle sans faille et le port de linges et vêtements propres en permanence. Les lépreux de Spinalonga chauffaient l'eau sur le feu de bois et lavaient leurs linges en vêtements dans les lavoirs déjà conçus par les Turcs.

La soif de vivre des lépreux sur Spinalonga était plus forte de que ce peut apporter leur maladie de désespoir devant la douleur, les mutilations corporelles et la mort, alors pour que leur existence ressemble à la vie de tout le monde, les historiens rapportent l'apparition sur l'îlot, de petits jardins, de vergers et de potagers autour des maisons ; certains malades pratiquaient l'élevage de poules et de chèvres ; des petits commerces voient le jour, puis un barbier, et ensuite une coiffeuse ; quelques tavernes dont une fut utilisée pour des activités culturelles, des spectacles de théâtre d'ombre et de la compagnie théâtrale de l'îlot ; des soirées dansantes et des projections de films. Vers le milieu des années trente, un générateur fut installé sur Spinalonga afin de fournir l'électricité à tous les foyers de la léproserie.

En 1937, l'état grec construit un nouvel hôpital sur l'îlot de Spinalonga dans lequel des médecins venant d'Athènes et de la Crète soignaient les malades ; puis en 1947, deux nouveaux immeubles furent édifiés afin de recevoir de nouveaux malades.

Des mariages eurent lieu dans la léproserie de Spinalonga ; plus de vingt enfants ont été mis au monde sur l'îlot, que l'état grec recueillait dans une crèche à Athènes.

En 1954, Spinalonga a pris le nom de "Calédonie".


Le gouvernement grec décida de fermer défensivement la léproserie en 1957 et les trente derniers lépreux de Spinalonga furent transférés dans un hôpital d'Athènes. » (source : Aly Abbara)

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L’auteur a cherché à créer une histoire familiale autour de cette léproserie et l’ensemble est plutôt cohérent, même si Victoria Hislop n’évite pas quelques écueils :

 Ce que j’ai moins aimé :

Il est évident qu’il est difficile pour les lépreux exilés sur l’île d’être séparés des leurs, coupés du monde, ne pouvant se permettre aucun contact avec leurs proches. Pourquoi donc l’auteur a-t-elle souhaité surenchérir en abusant du pathos ? La situation était assez explicite d’elle-même…

 Les intrigues sentimentales sont très présentes, coups de foudre à répétition, trahisons, infidélités, tromperies, passion, sont les ingrédients du récit.  

 « De son côté, le médecin pensait à Maria. Réussirait-il à attendre le mercredi suivant pour la revoir ? Sept jours. Cent soixante-huit heures. » (p. 325)

 Le style assez plat déçoit enfin le lecteur, qui pourra finalement se laisser saisir par ce roman facile, mais qui doit passer son chemin s’il recherche davantage de consistance…

 Premières phrases :

« Un vent automnal s’engouffrait dans les rues étroites de Plaka, et des bourrasques glacées enveloppaient la femme, engourdissant son corps et son esprit sans réussir à apaiser son chagrin. Comme elle peinait à parcourir les derniers mètres qui la séparaient de l’appontement, elle s’appuya de tout son poids sur son père.  Sa démarche évoquait celle d’une petite vieille transpercée par la douleur à chaque pas. Une douleur qui n’était pas physique, cependant. Son corps était aussi robuste que celui de n’importe quelle jeune femme ayant respiré toute sa vie le pur air crétois, sa peau aussi lisse et ses yeux d’un marron aussi profond que ceux de toutes les habitantes de l’île. »

 Vous aimerez aussi :

De pierre et de cendre de Linda NEWBERY

  D’autres avis :

Blogs : Cynthia 

Presse : sur le site de l’éditeur 

 

L’île des oubliés, Victoria Hislop, traduit de l’anglais (GB) par Alice Delarbre, Les Escales, mai 2012, 431 p., 22.50 euros

 

Publié dans Littérature Europe

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Les Editions Noir sur Blanc

Publié le par Hélène

Pour Un Mois un Editeur ce mois-ci nous parlons des Editions Noir sur Blanc

 

Leur présentation :

Bâtir des ponts entre Est et Ouest : une vocation de trente ans

Fondées en 1987 dans une Europe encore divisée par le rideau de fer, les Éditions Noir sur Blanc ont d’emblée l’ambition de créer des passerelles entre les cultures et les peuples.

Pour ce faire, elles ont à cœur de faire découvrir aux lecteurs francophones d’Europe occidentale la partie centrale et orientale de l’Europe à travers tous les aspects de la production éditoriale de pays à la culture foisonnante, en particulier la Pologne, mais aussi la Russie.

Romans et nouvelles symbolistes du début du XXe siècle, nouvelles satiriques des années 1930, récits contemporains, polars historiques, journaux intimes, mémoires de victimes et de dissidents, essais et biographies, livres de photographie… En trente ans d’existence, les Éditions Noir sur Blanc ont exploré l’âme russe et donné la parole à nombre de ses auteurs, exprimant toutes les sensibilités (Nina Berberova, Nicolas Bokov, Dmitri Bortnikov, Mikhaïl Chichkine, Oleg Pavlov, Roman Sentchine, Elena Tchijova, Boris Akounine…), mais aussi à des écrivains et photographes venus d’ailleurs et apportant un regard extérieur (Niels Ackermann, Giles Milton, Jacek Hugo-Bader, Owen Matthews, Dominique de Rivaz, Maurice Schobinger, Mariusz Wilk…).

2017, la Russie à l’honneur

Fidèles à nos buts initiaux, pour commémorer à notre manière la révolution russe et fêter nos trente ans, nous avons décidé de mettre la Russie à l’honneur en 2017.

Notre programme éditorial sera donc à l’image de cette vocation toujours d’actualité : une première traduction d’un romancier prometteur, Alexeï Nikitine (Victory Park, janvier 2017), une exploration de la vie quotidienne en URSS (février), le texte marquant dans l’histoire de la littérature russe de Nicolas Bokov, La Tête de Lénine, en mars, l’enquête photographique de Niels Ackermann, jeune photographe suisse installé en Ukraine, sur le devenir des statues soviétiques depuis la chute de l’URSS (Looking for Lenin, juin), et en septembre, le roman de l’écrivain tatare Gouzel Iakhina, Zouleikha ouvre les yeux, devenu d’emblée un best-seller à sa parution en Russie en 2015…

2017, des festivités d’anniversaire

Alexeï Nikitine, Nicolas Bokov et Elena Balzamo aux Journées du livre russe, de nombreuses rencontres en librairie, des rendez-vous à ne pas manquer aux Salons du livre de Paris et de Genève mais aussi de grandes fêtes à Lausanne (au théâtre de Vidy le 3 avril) et à Paris le 22 juin… !

Les titres lus ici (cliquez sur les couvertures) :

♥ ♥ ♥

 « Est-ce Dieu qui veut ça, ou est-ce l’homme qui fait lui-même sa vie ? Comment la vie se déroule-t-elle ? » (p. 120)

 

  ♥ ♥ 

  "Sur ce fond lugubre, ces heures passées avec des souvenirs sur Proust, Delacroix, me semblent les heures les plus heureuses."

 

Abandonné en cours de lecture...

 

Ce mois ci j'ai commencé le mois avec

« La logique ne provoque que des nuits blanches »

 

J'aimerais également découvrir un titre de Sophie Divry, et pourquoi pas "Le dernier gardien de Ellis Island" dont j'ai beaucoup entendu parler...

 

A suivre...
 

Publié dans Divers

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