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1344 résultats pour “vie parfaite

1Q84 de Haruki MURAKAMI

Publié le par Hélène

1q841 

♥ ♥ ♥ 

« Le romancier n’est pas quelqu’un qui résout les problèmes. C’est quelqu’un qui pose les questions. » (p.456)

 

L’auteur :

Né à Kyoto en 1949 et élevé à Kobe, Haruki Murakami a étudié le théâtre et le cinéma à l'université Waseda, avant d'ouvrir un club de jazz à Tokyo en 1974. Son premier roman Écoute le chant du vent (1979), un titre emprunté à Truman Capote, lui a valu le prix Gunzo et un succès immédiat. Suivront La Course au mouton sauvage, La Fin des temps, La Ballade de l'impossible, Danse, Danse, Danse et L'éléphant s'évapore (Seuil, 1990, 92, 94, 95 et 98). Exilé en Grèce en 1988, en Italie, puis aux États-Unis, ou il écrit ses Chroniques de l'oiseau à ressort (Seuil, 2001) et Au sud de la frontière, à l'ouest du soleil (Belfond, 2002 ; 10/18, 2003), il rentre au Japon en 1995, écrit deux livres de non-fiction sur le séisme de Kobe et l'attentat de la secte Aum, un recueil de nouvelles, Après le tremblement de terre (10/18, 2002), Les Amants du spoutnik (Belfond, 2003 ; 10/18, 2004) et le superbe Kafka sur le rivage (Belfond, 2006). Plusieurs fois favori pour le Nobel de littérature, Haruki Murakami a reçu récemment le prestigieux Yomiuri Prize et le prix Kafka 2006.

 

L’histoire :

Aomamé et Tengo, 29 ans tous deux, mènent chacun de leur côté leur vie, leurs amours, leurs activités. Tueuse professionnelle, Aomamé accomplit des missions pour le compte d’une vieille dame. Tengo lui est un génie des maths, apprenti-écrivain et nègre pour un éditeur qui lui demande de réécrire l’autobiographie d’une jeune fille bien mystérieuse.  

Les deux jeunes gens sont destinés à se retrouver mais où ? Quand ? En 1984 ? Dans 1Q84 ? Dans cette vie ? Dans la mort ?  

 

Ce que j’ai aimé :

Pour ceux qui ne connaissent pas encore Haruki Murakami vous découvrirez en commençant ces pages l'attraction qui sévit presque à notre insu et réussit à nous aimanter, sans savoir précisément à quoi cela tient. Peut-être au style, facile, coulant, précis qui fait mouche à chaque phrase. Ou à l’intrigue, mystérieuse et opaque, qui sème judicieusement indices, fausses pistes, nouveau mystère sorti des ténèbres et qui aiguillonnent insidieusement la curiosité du lecteur. Ou encore aux idées, aux questions incessantes sur le monde que pose l’auteur, sans jamais prétendre y répondre.

« Monsieur Komatsu est possédé par la littérature. Les gens comme lui cherchent à découvrir, au moins une fois dans leur vie, quelque chose de véritable, d’authentique. Ensuite, ils ont envie de l’offrir respectueusement au monde. » (p. 213)

 1Q84 est un roman complet qui oscille savamment entre profondeur et futilité : quand par exemple Aonamé apprend à ses élèvres les rudiments de l’autodéfense, on ne sait si l’on doit sourire de ses techniques pour le moins radicales, ou s’inquiéter car, en creux, est pointée l’impuissance des femmes face à la force et à la folie masculine :

« La plupart des hommes sont plus grands et plus forts. Une attaque éclair aux testicules, pour une femme, c’est la seule chance de gagner. C’est bien ce que Mao Tsétoung a dit : cherchez et trouvez le point faible de votre adversaire, prenez-le par surprise et écrasez-le. » (p. 232)

De même on ignore quel sort réserver à ces mystérieux Little People : sont-ils des lutins issus des  romans ancrés dans les mondes surnaturels, ou des allégories de forces sous-jacentes tapies sous une apparente réalité qui vacille ?

 « Que cela me plaise ou non, je me trouve à présent dans l’année 1Q84. L’année 1984 que je connaissais n’existe plus nulle part. Je suis maintenant en 1Q84. L’air a changé, le paysage a changé. Il faut que je m’acclimate le mieux possible à ce monde lourd d’interrogations. Comme un animal lâché dans une forêt inconnue. Pour survivre et assurer ma sauvegarde, je dois en comprendre au plus tôt les règles et m’y adapter. » (p. 200)

« Dans le roman de George Orwell, 1984, comme vous le savez, le personnage de Big Brother est représenté sous la forme d’un dictateur. Il s’agissait à l’époque pour l’auteur d’une allégorie du stalinisme, mais ensuite le terme de Big Brother est devenu le symbole de toute société totalitaire. Il faut porter cela au crédit d’Orwell. Aujourd’hui, alors que nous sommes vraiment en 1984, Big Brother est tellement célèbre qu’il en est devenu trop évident. S’il se manifestait devant nous, nous dirions en le montrant du doigt : « Attention ! prenez garde, lui, là, c’est Big Brother ! » Autrement dit, Big Brother n’a plus sa place sur la scène de notre monde. Ce sont ces Little People qui ont fait leur  entrée. Ne pensez-vous pas que le contraste est extrêmement significatif ? (…) Les Little People sont des êtres invisibles. Nous ne savons pas s’ils sont bons ou mauvais, s’ils possèdent une substance ou non. Pourtant, constamment, ils semblent creuser et démolir le sol sous nos pieds. » (p. 409)

1Q84 est un roman puissant qui repousse les frontières de la réalité pour questionner un monde hermétique aux questionnements des humains. Un roman peuplé de non-dits qu’il s’agit de déchiffrer pour s’adapter au roman comme au monde…

 

Ce que j’ai moins aimé :

-          La perspective de devoir attendre encore jusqu’au mois de mars pour le tome 3 a tendance à me déplaire, en attendant je vais me consoler avec le tome 2 et je si vraiment le suspense est trop prenant, je n’aurai plus qu’à apprendre le japonais…

 

Premières phrases :

 « La radio du taxi diffusait une émission de musique classique en stéréo. C'était la Sinfonietta de Janacek. Etait-ce un morceau approprié quand on est coincé dans des embouteillages ? Ce serait trop dire. D'ailleurs, le chauffeur lui-même ne semblait pas y prêter une oreille attentive. L'homme, d'un âge moyen, se contentait de contempler l'alignement sans fin des voitures devant lui, la bouche serrée, tel un vieux marin aguerri, debout à la proue de son bateau, appliqué à déchiffrer quelque sinistre pressentiment dans la jonction des courants marins. Aomamé, profondément enfoncée dans le siège arrière du véhicule, écoutait, les yeux mi-clos. »

 

D‘autres avis :

 Babélio

 Presse : Télérama

Vous aimerez aussi :

Du même auteur : Autoportrait de l’auteur en coureur de fond de Haruki MURAKAMI

Millénium de Stieg LARSSON

 

1Q84, Livre I, Avril-juin, Haruki MUAKAMI, Traduit du japonais par Hélène Morita, Belfond, août 2011, 533 p., 23 euros

 

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 challenge 1% littéraire

 

Publié dans Littérature Asie

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Mon salon du livre 2015

Publié le par Hélène

Comme je veux rendre ce qui est à César à César, je rends mon mode d'écriture de ce compte-rendu à Moka dont le "Mois après mois" m'a inspirée !

Jeudi 19 mars : Soirée d'inauguration du Salon :

Faire le salon du livre avec Sophie, c'est s'arrêter tous les mètres pour saluer quelqu'un et rencontrer de fait des tas de gens passionnants. Connus ou pas. Enfin surtout pas connus de moi... Mais passionnants.

Stand Ecole des Loisirs. Du bienfait du yoga. Si tu veux vivre sur une île va à Ibiza

Croisé Jaeneda. Lu une fois. Pas aimé.  Il s'en souvient encore. 

Stand Robert Laffont. La foule. Attirée par le fait que les entrées soient filtrées ? Ou par le buffet ? Caroline et ses bracelets bleus. Goûte les macarons. Stephie et sa spontanéité-gentillesse-bonne humeur. Je ne sais plus où j'ai garé ma voiture. Tamara  et ses bientôt presque 10 ans de blog. Pousse-toi t'es devant les millefeuilles. Noukette. Qui s'appelle Anne. L'histoire est trop longue à raconter. Y'a plus d'champagne. Caroline et Didier. Mais il t'a envoyé un SMS ? 

Tiens y'a Tonie Behar ! Lue ! Un amour de fille. Just do it ! Mais ils sont où Lattès ?Tiens si on appelait Anne ?

Stand Gallimard. Tiens y'a Serge. Qui ? Serge Joncour. Pas lu. Attends avant je salue Eric Reinhardt. Pas lu. Attends on fait un selfie. Celle qui ressemblait à Rosanna Arquette. 

Mon salon du livre 2015

Je cherche Michel Lafon. Y'a pas. Mais y'a Robert. Et des macarons à mourir. 

Tiens Ian Manook ! Lu ! Ah non c'était sa photo...

Stand storylab. Mais pourquoi ça s'appelle Iggybook ? Ca a l'air bien, ça me donnerait presque envie de devenir auteur. De l'intérêt de fréquenter les salons de province. Le train du cholestérol. Il fait froid ici, viens on s'en va.

Paul Vacca. Pas lu. Avec Yann Suty. Pas lu mais connu. Et sinon tu lis quoi Yann ? Paul Auster ? Lu !  Tu publies bientôt autre chose ? Allez, je le lirai... Ceux qui se croient au-dessus des lois et fument. Des bobos parisiens...

Pierre et Guillaume de Babélio. Ah bon y'a une rencontre Babélio dimanche ? Le gorille récalcitrant. La sécurité vacillante. Qui éteint les cigarettes mais ne te fouille pas à l'entrée. 

Tout le monde dehors. J'aime pas les gens. On ne sait jamais comment peut finir ta soirée...

Les blogueurs, une grande famille. L'an prochain, promis je lirai plus de romans français. 

 

Journée du samedi 21 mars :

Une journée placée sous le signe des blogueurs et des conseils de lecture.

Espace Presse 11h petit déjeuner Métailié entre blogueurs.

Anne-Charlotte et son sourire éclatant. Des livres de Sepulveda, Indridason, Lidia Jorge, Moussa Konaté, Galsan Tschinag... L'impression d'être chez soi. Sandy, Cryssilda avec qui j'ai tant de goûts communs. Lisez Books les filles ! Jostein, Valérie et son intérêt pour l'itinérance, Marjorie, Laurie, Noukette, Jérôme, Sara ... Framboise Lavabo. Pourquoi Lavabo ? Comme ça. Enfin mettre des visages sur des liens virtuels. Les blogueuses écrivent mal. Rencontre avec une anti-blog. Qui préfère les webzines. Qui venait carotter les pains au chocolat. Qui n'est pas restée longtemps parmi nous... Il faut que tu lises Dominic Cooper. Ah bon vous non plus vous n'aimez pas Thorarinsson...

12h30 Rencontre avec Phili et Une comète

J'adore les crêpes. Une gentillesse débordante. Parcours de vie. De la difficulté de s'échapper de sa zone de confort. Souvenirs heureux de fac. Tour de stands. Rester stoïque devant Transboréal et ses titres tentants. Viviane Hamy et sa libraire enthousiaste. Il faut lire :  Fleur et sang de Vallejo, Le coeur du pélican de Cécile Coulon et L'archange du chaos de Dominique Sylvain. Zulma. Tiens mais j'aime TOUT chez eux ! Rivages poche. Lire Westlake. Rencontre avec un fan de Sjöwall et Wahloo. Celle qui photographiait les couvertures de livres. Verdier. Mon enthousiasme pour Toledo. L'enthousiasme d'un lecteur pour Pierre Silvain. Faisons confiance. Je prends. J'aime l'enthousiasme. Si ça se trouve c'était l'auteur. Non les filles, j'crois pas...

14h Rencontre blogueurs

Des blogueurs que je connais. D'autres non. Ne surtout pas lire le dernier de Lionel Duroy. Nina et son humour. N'envoyez surtout pas vos filles à Gisors. Laure et sa vivacité. Du danger d'être prof et blogueuse. Lire Le principe de Ferrari. Lire Kamel Daoud et son Meursault.

15h Chacun reprend sa route

La leçon d'allemand ou les conseils unanimes : Lionel Duroy, un lecteur l'Express, ma nièce Clémentine, le gars aux yeux bleus qui tenait le stand. Je prends. A cause du gars aux yeux bleus, bien sûr... Lecture commune prévue en 2017... Et sinon après 5 ans de blog tu ne te lasses pas ? Du bon usage des SP. Faire un blog qui nous ressemble. Le Tripode. Celle qui voulait un livre pas plombant. J'adore ce livre. Je te fais confiance. J'aime l'enthousiasme. Tu crois qu'ils attendent Marc Lavoine ? La solitude de Nancy Huston / L'engouement pour Marc Lévy. Quand le monde littéraire ne tourne pas rond.

Bref :

Ma récolte :

Mon salon du livre 2015

Des supers rencontres qui montrent l'adéquation entre vie virtuelle et vie réelle. Merci Phili, notre rayon de soleil de la journée, qui est à l'initiative de cette rencontre de blogueurs ! Merci à Sylvain Bontoux du service com' du salon pour l'invitation du jeudi soir et à Anne-Charlotte Ullmann, du service presse de Métailié pour celle du samedi.

 

D'autres billets sur le salon du livre : Chez Caroline, Laurie,

Publié dans Divers

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Rencontre avec Paolo Cognetti

Publié le par Hélène

De passage à Paris pour quelques jours, j'ai eu la chance de partager un déjeuner avec Paolo Cognetti, l'auteur du beau roman Les Huit montagnes. Accompagné de sa charmante compagne, sa première lectrice, il a évoqué son parcours, ses passions, ses déceptions avec humanité.

Son parcours

S'il a décidé de partager son amour de la montagne à travers ce roman, il aime aussi la ville, étant lui-même né à Milan. Il a d'ailleurs consacré un guide littéraire à New-York en 2010, sur les traces des écrivains qu'il admire comme Ernest Hemingway, Raymond Carver. Il a également rédigé des nouvelles non traduites en français, principalement des portraits de femmes, écrites du point de vue féminin. Ce furent des étapes, avant son immersion dans le roman, comme un aboutissement de ces esquisses.

Son inspiration :

Les huit montagnes est un récit à résonance autobiographique dans lequel se rencontre la trajectoire de deux garçons : l'un rivé à la montagne comme un aimant, l'autre oscillant entre la ville et la campagne. Une belle amitié naît entre les deux garçons, amitié qui perdurera avec les années. Pour ces deux personnages, Paolo Cognetti s'est inspiré de sa propre vie, s'identifiant à Pietro, Bruno incarnant un très bon ami à lui. La mère de cet ami, est, comme la mère de Bruno, une taiseuse, qui ne quitte pas son village, et reste accrochée à ses montagnes, été comme hiver.

Paolo Cognetti  et sa compagne vivent eux-mêmes à la montagne six mois par an, dans un petit village du val D'Aoste. Ils repartent dans la vallée quand la neige arrive.

@www.panoramio.com

Si leur village ne compte que six habitants, il a connu une activité inahabituelle récemment puisque Paolo Cognetti y a organisé un festival dans la forêt, près de chez lui, alliant musique et livres. A cette occasion, le village a alors reçu la visite de plus de 3000 personnes ... http://www.ilrichiamodellaforesta.it/

Dans les Huit montagnes, l'auteur évoque ainsi cette lente désertion des montagnes, ces hommes et ces femmes qui partent vers la ville, ces villages qui se dépeuplent petit à petit, devenant des villages fantômes.

Ses lectures :

Souvent son roman est comparé à celui de Marcel Pagnol, La gloire de mon père, mais Paolo Cognetti ne l'a pas lu. Il apprécie Sylvain Tesson, et se reconnait dans son expérience contée dans "Dans les forêts de Sibérie". Son coeur penche évidemment aussi vers les écrivains montagnards, comme Ramuz, Mario Rigoni Stern, comme une évidence, mais aussi vers le magnifique roman Une vie entière de Robert Seethaler, ou l'écrivain norvégien Per Petterson.

Ses projets :

Malgré le fait qu'il souffre réellement du mal des montagnes, il projette de partir marcher trois semaines dans l'Himalaya. Suite à ce voyage, il écrira dans un premier temps un récit de voyage pour un magazine, et peut-être ensuite un roman si l'inspiration vient.

A suivre...

 

Je vous invite à visiter son blog http://paolocognetti.blogspot.fr/

 

Je remercie Valentine des éditions Stock pour l'invitation, qui m'a aussi permis de découvrir un restaurant atypique : le Niebé dans le 6ème arrondissement qui a l'avantage d'allier culture africaine et brésilienne et de proposer des plats vegan. Nous avons savouré le tofu sauté à la crème de manioc, curcuma, coriandre et riz noir, et en dessert, la mousse de fruits de la passion était divine, tout comme le bissap.

J'ai eu le plaisir également de croiser Audrey du blog Booksnjoy ainsi que des libraires comme Olivier Gallais de la Librairie Idéale dans le 7ème, Philippe de la librairie Le livre écarlate dans le 14ème, et la libraire de La belle lurette dans le 4ème

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Gouverneurs de la rosée de Jacques ROUMAIN

Publié le par Hélène

♥ ♥ ♥ ♥

 "Nous ne savons pas encore que nous sommes une force, une seule force, tous les habitants, les nègres des plaines et des mornes réunis. Un jour, quand nous aurons compris cette vérité, nous nous lèverons d'un point à l'autre du pays et nous ferons l'assemblée générale des gouverneurs de la rosée, le grand coumbite des travailleurs de la terre pour défricher la misère et planter la vie nouvelle."

Ce que j'ai aimé :

A l'ombre de sa case, la vieille Délira sent planer la misère au-dessus d'elle. Une sécheresse dévastatrice désespère les habitants affamés de son petit village de Fonds Rouge en Haïti. Délira espère juste le retour de Manuel, son fils parti à Cuba couper la canne à sucre il y a plusieurs années de cela. 

Quand Manuel revient, il ne reconnaît plus son village, enlisé dans la résignation, dans les rivalités claniques et fort de son expérience cubaine, décide de lutter contre l'enlisement ambiant, contre la sécheresse, contre la pauvreté en rassemblant les hommes :

"C'est traître la résignation ; c'est du pareil au même que le découragement. Ca vous casse les bras ; on attend les miracles de la Providence, chapelet en main, sans rien faire. On prie pour la pluie, on prie pour la récolte, on dit les oraisons des saints et des loa. Mais la Providence, laisse-moi te dire, c'est le propre vouloir du  nègre de ne pas accepter le malheur, de dompter chaque jour la mauvaise volonté de la terre, de soumettre le caprice de l'eau à ses besoins ; alors la terre l'appelle : cher maître, et l'eau appelle : cher maître, et il n'y a pas d'autre Providence que son travail d'habitant sérieux, d'autre miracle que le fruit de ses mains." 

Il part à la recherche de l'eau et rencontre en chemin la belle Anaïse, tous deux synonyme de rédemption : 

"L'eau. Son sillage ensoleillé dans la plaine ; son clapotis dans le canal du jardin, son bruissement lorsque dans sa course, elle rencontre des chevelures d'herbes ; le reflet délayé du ciel mêlé à l'image fuyante des roseaux ; les négresses remplissant à la source leurs calebasses ruisselantes et leurs cruches d'argile rouge ; le chant des lessiveuses ; les terres gorgées, les hautes récoltes mûrissantes."

Jacques Roumain clame ici un magnifique chant d'amour, amour de ses semblables, amour de son pays, amour de la lutte, amour de l'espoir qui palpite en nous.

"Ce que nous sommes ? Si c'est une question, je vais te répondre : eh bien, nous sommes ce pays et il n'est rien sans nous, rien du tout. Qui est-ce qui plante, qui est-ce qui arrose, qui est-ce qui récolte ? le café, le coton, le riz, la canne, le cacao, le maïs, les bananes, les vivres, et tous les fruits, si ce n'est pas nous, qui les fera pousser ? Et avec ça nous sommes pauvres, c'est vrai. Mais sais-tu pourquoi, frère ? A cause de notre ignorance : nous ne savons pas encore que nous sommes une force, une seule force, tous les habitants, les nègres des plaines et des mornes réunis. Un jour, quand nous aurons compris cette vérité, nous nous lèverons d'un point à l'autre du pays et nous ferons l'assemblée générale des gouverneurs de la rosée, le grand coumbite des travailleurs de la terre pour défricher la misère et planter la vie nouvelle."

Cet auteur hors du commun écrivit ce texte en 1944 :

"Président fondateur de la Ligue de la Jeunesse patriotique, Président d'honneur de la Fédération des Jeunesses haïtiennes, dirigeant du Comité de Grève qui sonna le glas de l'occupation et de la dictature de Borno, Jacques Roumain marchait à la tête de toutes les manifestations et participait à l'action directe des masses."

"Les peuples sont des arbres qui fleurissent malgré la mauvaise saison, à la belle saison notre arbre continue à vivre. Un peuple qui vient de produire un Jacques Roumain ne peut pas mourir. Roumain est une immortelle qui fertilise nos ramures par son amour universel. Tous les grands Haïtiens qui fleuriront désormais sur notre sol ne pourront pas ne pas lui devoir quelque chose." (Jacques Stéphen Alexis) 

Lisez-le !

                    

http://www.saintmarconline.com/

Ce que j'ai moins aimé :

-Rien.

Premières phrases :

"Nous mourrons tous... - et elle plonge sa main dans la poussière ; la vieille Délira Délivrance dit : nous mourrons tous : les bêtes, les plantes, les chrétiens vivants, ô Jésus-Marie la Saint Vierge ; et la poussière coule entre ses doigts. La même poussière que le vent rabat d'une haleine sèche sur le champ dévasté de petit-mil sur la haute barrière de cactus rongés de vert-de-gris, sur les arbres,ces bayahondes rouillés." 

Informations sur le livre :

Zulma 

D'autres avis :

Chez Babélio

 

Gouverneurs de la rosée, Jacques Roumain, Zulma, 2013, 224 p., 8.50 euros

Publié dans Littérature Antilles

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Le papillon et la lumière de Patrick CHAMOISEAU

Publié le par Hélène

      

 ♥ ♥ ♥

 « C’est cela la vraie définition du courage : ne pas renoncer à vivre ce qu’on est de la manière la plus élevée, à être tout ce qu’on est de la manière la plus décente. » (p. 89)

  

L’auteur :

 Écrivain majeur de la littérature française contemporaine, prix Goncourt 1992 pour Texaco, Patrick Chamoiseau est l'auteur d'une vingtaine d’ouvrages dont Chronique des sept misères ( 1986) ou encore Les neuf consciences du Malfini (2009). (Présentation de l’éditeur)

 L’histoire :

« C'est une soirée très ordinaire, dans un coin de la ville. Les papillons sont là. Ils tourbillonnent autour des lampadaires. Comme la lune est absente, les ampoules électriques s'emparent de l’idée de lumière : ils apparaissent alors mille fois plus fascinants. Les papillons s’en exaltent, s’en approchent, et en reviennent parfois. Le plus souvent, ils s’y brûlent les ailes. L’hécatombe est massive. Des centaines de dépouilles gisent au pied des pylônes.

Les survivants tourbillonnent encore autour des lampadaires, mais ils ont les ailes plus ou moins estropiées. Rares sont ceux qui n’arborent pas quelque chose d’abîmé. Pour les papillons de nuit, l’aile délabrée est l’emblème du courage : le signe d’un début d’expérience du grand secret de la lumière. »

Un jeune papillon se tient à l’écart des réverbères et préserve sa vie. Mais il sent bien qu’une expérience fondamentale lui échappe. Il s’en ouvre à un vieux papillon, lui aussi aux ailes intactes. Ce dernier n’en est pas forcément plus heureux et semble éluder ses questions, avant de l’entraîner dans un voyage initiatique à travers la ville, dans la nuit d’abord, puis au lever du jour vers le soleil.

Ce conte philosophique, délicatement illustré par les dessins à l’encre de Chine d’Ianna Andréadis, mène le jeune papillon (et le lecteur avec lui) vers la résolution de la lancinante énigme de toute existence : quel est le sens d’une vie où l’on ne se met pas en danger ? (Présentation de l’éditeur)

 

Ce que j’ai aimé :

Accompagner le vol de ces papillons de nuit permet d'accéder à un monde spirituel dense, riche en questionnements philosophiques incessants. Le jeune papillon ne veut pas se contenter de vivre comme les autres et risquer de se brûler les ailes aux lumières artificielles si attirantes, il préfère comprendre, réfléchir et non pas subir. Dans sa quête de la vérité, le vieux papillon va le guider, non pas en lui offrant des réponses formatées, mais en le menant vers sa propre vérité, vers son être unique et irremplaçable, vers ce qu’il est réellement. Il va le faire accoucher de lui-même comme Socrate avec ses disciples.  Et peut-être qu’alors, il pourra frôler du bout des ailes la beauté… 

papillon-deux.jpg

Patrick Chamoiseau nous offre un récit original au charme indéniable, un récit nourri d’aphorismes qui pourront mener le lecteur à son tour vers sa propre lumière… 

  « Je n’attends rien ni personne. C’est pourquoi je ne suis jamais surpris de ce qui arrive. (…) Attendre quelque chose, s’attendre à quelque chose, soupire le vieux, n’est-ce pas fermer la porte à tout ce que l’on n’attend pas : à tous les autres possibles ? » (p. 22)

 « Les croyances sont des petites traces de fortune qui permettent de conjurer l’abîme et de se donner l’impression d’avancer… » (p.24)

 « La vieillesse est le lieu de l’ultime connaissance. (…) c’est elle qui permet de de donner du sens à ce que l’on a réussi, mais aussi et surtout à tout ce que l’on a raté, tout ce que l’on a jusqu’alors été incapable d’oser, de tenter ou bien d’imaginer. C’est donc le seul moyen de vivre non pas longtemps mais…complètement. » (p. 48)

 papillon-et-lumiere.jpg

 

Ce que j’ai moins aimé :

-          Rien

 

Premières phrases :

« Chaque nuit, dans les villes, sur les routes, ensorcelés par les lumières artificielles, des millions d’insectes s’écrasent contre les ampoules brûlantes.

Parmi eux, les papillons de nuit. »

 Vous aimerez aussi :

Du même auteur : Texaco

Autre : Le poids du papillon de Erri DE LUCA

  

Le papillon et la lumière, Patrick Chamoiseau, Illustrations de Ianna Andreadis, Philippe Rey éditeur, 109 p., 15.50 euros

Publié dans Littérature Antilles

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Les affligés de Chris WOMERSLEY

Publié le par Hélène

                 

                        

♥ ♥ ♥

L’auteur :

 Chris Womersley est un écrivain australien, né en 1968 à Melbourne. Eclectique, il est l’auteur de romans policiers, de nouvelles mais aussi de recueils de poésie.

Il fit ses classes en tant que journaliste pour la radio. C’est également un voyageur passionné (Inde, Asie du Sud-Est, Amérique du Sud, Amérique du Nord et Afrique de l’Ouest.)

Il vit aujourd’hui à Sydney et publie pour la première fois en 2012 chez Albin Michel (Les Affligés).

 

L’histoire :

Australie, 1919. Alors que la Grande Guerre est enfin terminée, une épidémie de grippe espagnole ravage le pays.  Dans une atmosphère de fin du monde, des hommes en armes bloquent les routes et parcourent les campagnes pour imposer la quarantaine. 

Quinn Walker, un soldat démobilisé et hanté par ce qu’il a vécu, retrouve la petite ville de  Flint en Nouvelle- Galles du Sud, qu’il avait quittée dix ans plus tôt, après avoir été accusé à tort d’un crime effroyable. Persuadé que son père et son oncle le pendront s’ils le trouvent, Quinn décide de se cacher dans les collines avoisinantes. Il y rencontre une gamine mystérieuse, qui l’encourage à réclamer justice et semble en savoir plus qu’elle ne le devrait sur son supposé crime…

 

 Ce que j’ai aimé :

Dès les premières pages, Chris Womersley ferre son lecteur qui sait désormais qu’il ne pourra plus se défaire de son roman avant la fin. Son écriture va droit au but, sans circonvolutions inutiles, efficace, implacable, permettant aux éléments de se mettre en place rapidement.

 Quinn est un être marqué, marqué par la guerre qui vient de s’achever mais ne l’a pas laissé intact puisqu’il a  été physiquement marqué, gazé, mais aussi psychologiquement ayant cotoyé l’horreur. Mais sa vie porte surtout l’empreinte du drame qui s’est déroulé dix ans plus tôt : accusé par son père et son oncle d’avoir violé et tué sa petite sœur, il a dû fuir loin des siens pour se daire oublier.

Il revient sur les lieux de son enfance et du drame sans savoir lui-même précisément ce qu’il souhaite : que vérité soit faite, que sa mère croit en son innocence et lui pardonne, mais ce qu’il aimerait avant toute chose est que sa petite sœur adorée ressuscite et que la vie reprenne son cours comme avant l’horreur…

 Dans sa quête de rédemption, il va être secondé par Sadie, une petite fille espiègle, intelligente usant de sortilèges magiques pour survivre dans un monde hostile dans lequel rôde le Mal, incarné par un personnage peu recommandable lancé à ses trousses…

 Les affligés est un roman qui semble graviter en apesanteur tant il est pur et lumineux. Il nous parle de vengeance, de douleur, de deuil, mais surtout d’espoir et d’amour. Il restera longtemps en suspens dans nos âmes la dernière page tournée.

 

Ce que j’ai moins aimé :

 -          Rien.

 

Premières phrases :

« Le jour où la petite Sarah Walker fut assassinée, en 1909, un ouragan déboula brutalement à travers les plaines de la Nouvelle-Galles du Sud avant de se déchaîner sur la minuscule ville de Flint. Un tel meurtre devait constituer le point focal de ces quelques journées d’agitation fébrile où presque chacun des deux cents habitants eut quelque chose à déplorer. »

 

Vous aimerez aussi :

 A la lueur d’une étoile distante de Mary McGARRY MORRIS

 

D’autres avis :

Blog : Clara ;  Nina ; Jérôme ; Jostein ; Véronique ; Yves

Presse : France Inter   

 

  Les affligés, Chris Womersley, traduit de l’anglais (Australie) par Valérie Malfoy, Albin Michel, mai 2012, 336 p., 20 euros

Publié dans Littérature Océanie

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Les maraudeurs de Tom COOPER

Publié le par Hélène

♥ ♥ ♥ 

A Jeanette, en Louisiane, après le passage de Katrina, la marée noire sévit à son tour, ruinant de nombreux pêcheurs. Parmi ces derneirs, Gus Lindquist, pêcheur manchot accro aux anti-douleurs et traînant à ses heures perdues sur les îles avoisinantes, à la recherche du trésor caché de Jean Lafitte, célèbre flibustier. Wes Trench a subi aussi de plein fouet ces catastrophes naturelles puisqu'il a perdu sa mère dans l'ouragan. Il aide désormais son père sur son bateau, jusqu'à ce que la rupture entre les deux hommes soit définitivement consommée.  "Rita, Gustav et Katrina avaient fait sonner les trompettes de l'apocalypse, mais cette fois c'était la bonne. (...) La quantité de mazout et de poison dans la mer, les millions de dollars perdus pour l'industrie de la pêche." Les pêcheurs de crevettes sont parmi les premiers touchés, les restaurateurs préfèrant désormais servir des crevettes provenant de Chine, bien plus grosses que les minuscules crevettes de Louisiane, atrophiées par la marée noire...

De son côté, Brady Grimes surfe sur la vague :  il est mandaté par la compagnie pétrolière pour convaincre les familles snistrées de renoncer à toute poursuite en échange d'un chèque. En marge, les frères Toup, jumeaux psychopathes, font pousser de la marijuana sur une des îles du marécage, drogue convoitées par Hanson et Cosgrove, deux losers prêts à tout pour s'enrichir.

Ces personnages torturés survivent comme ils le peuvent, tant bien que mal, avec leur conscience en berne ou leur culpabilité marquée, chacun trouve un échappatoire.

"Wes se disait que tout le monde, d'une manière ou d'une autre, cherchait un trésor. Un ticket de loterie, une carte de joueur de base-ball, la photo égarée d'un amour de jeunesse. Un bateau." p. 162

Malmenés par la vie et la nature, les uns et les autres font des choix aléatoires sur la route de la vie, conscients de la difficulté de prendre des décisions bancales pouvant sceller leurs destins. Au sein du bayou, la pression monte peu à peu. Si l'entraide perdure, ce qui les rive à cette région sinistrée est surtout leur amour inconditionnel pour ce lieu :

"Chez lui : la saveur amère des huïtres fraîches qu'on vient de tirer de l'eau. Les invasions de termites au début du mois de mai. La cacophonie des grenouilles des marais en été. Les grillons toute la journée. Les criquets pendant la nuit. Les averses éclairs de fin juillet, cinq minutes de pluie diluviennes. Les pick-up chargés de canne à sucre qui traversent la ville en bringuebalant, à l'automne. La joie du carnaval de Mardi Gras. La bénédiction de la flotte des bateaux de pêche. La guirlande des petites barques dans la baie. La minuscule constellation de leurs phares, brillant comme des lampions de Noël à l'horizon. L'étrange lueur verte, d'un éclat presque surnaturel, émanant des cyprès à l'heure du crépuscule au printemps. Le parfum terreux du ragoût d'écrevisses. Les pralines de pécan, le boudin, le gombo. Les alligators et les hérons et les sébastes et les crevettes. Les voix cajuns, profondes et rocailleuses. Les vieux visages aux rides étranges, sinueuses cmme des empreintes digitales. " p. 392

@easyvoyage

L'auteur voulait faire entendre la tonalité du lieu là bas à notre époque. Une tonalité sombre, seules quelques touches de lumière réussissent à percer à travers la végétation dense du bayou, mais elles sont d'autant plus précieuses... Un très beau roman !

 

Présentation de l'éditeur : Albin Michel 

D'autres avis : Blogs :  Jérôme Electra ; Presse : France Inter 

 

Merci à l'éditeur. 

 

Les maraudeurs, Tom Cooper, traduit de l'anglais (EU) par Pierre Demarty, Albin Michel, mai 2016, 398 p., 22 euros 

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La poésie sauvera le monde de Jean-Pierre SIMEON

Publié le par Hélène

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"Qui se sent apte à la vaste polysémie du poème, se rend apte à la polysémie du monde qui n'est plus, comme dans le poème, un obstacle mais une chance."

Assertion percutante que celle développée ici par Jean-Pierre Siméon, mais si cette provocation étonne, au fil des mots de son essai, elle prend tout son sens. Car la poésie est une force. Une force oubliée, le déni de la poésie demeurant un fait et pourtant elle recèle en son sein une dimension sociale transgressive agissante notoire, elle peut constituer un véritable enjeu politique. Comment ? 

"La poésie relève d'abord d'un principe premier et fondateur d'incertitude. Elle est donc d'abord un scepticisme, je veux dire une quête de l'ouvert qui récuse l'immobilisation tant dans le pessimisme arrêté que dans l'optimisme béat. Elle naît du pressentiment que toute vue des choses, toute nomination, tout concept, toute définition, pour indispensables qu'ils soient, tendent à clore le réel et à en limiter la compréhension." p.  23

La poésie est à la fois mystère et ouverture, par le pouvoir d'un langage révélé, elle densifie ce qui doit l'être, à l'opposé de notre époque qui simplifie pour mieux abrutir les citoyens :

"Telle est la supercherie de nos démocraties : elles tiennent le citoyen informé comme jamais mais dans une langue close qui, annihilant en elle la fonction imaginante, ne lui donne accés qu'à un réel sans profondeur, un aplat du réel, un mensonge. C'est le règne d'une logorrhée qui noie le poisson du sens." p. 29

L'ère du divertissement aliène les esprits et la poésie serait alors un véritable acte de résistance contre cette oppression généralisée. Perversive, elle peut en effet l'être puisque qu'elle interroge et qu'en entendant la langue du poème, le lecteur sait "qu'une autre langue est possible qu'un autre énoncé du monde est possible, que d'autres représentations du réel sont disponibles." 

"Propager la poésie, c'est contester l'assimilation du populaire au vulgaire. Rendre la poésie populaire, la plus distinguée poésie, c'est venger le peuple de la vulgarité à quoi on le réduit, par le partage de la distinction." p. 76 

Elle permet l'émergence de l'inconnu, et constitue également un lien essentiel entre les hommes "traversant l'évidence du fait pour rejoindre l'universel" :

"Tout poème est un concentré d'humanité, qui révèle à chacun son altérité, c'est-à-dire son affilnité avec l'autre et l'arrachant ainsi à sa petite identité personnelle de circonstance, le relie." p. 26

En éveillant la conscience, cette poésie millénaire permet de lutter contre l'"infractus de la conscience", la plus grave maladie qui guette le citoyen selon l'auteur. 

"On rêve d'une minute de silence universel où le monde se tiendrait soudain immobile et muet, les yeux clos, attentif au seul respir du vent dans les arbres, au chuchotement clair d'un ruisseau, au déploiement d'une herbe dans la lumière, à l'unanime pulsation du sang dans les coeurs, une minute pour que le monde reprenne conscience  et se réajuste à la seule réalité qui vaille, le pur sentiment d'exister un et multiple, entre deux néants, sur la terre perdue dans les cieux innombrables." p. 60

Appelant à une insurrection poétique, Jean-Pierre Siméon insuffle l'espoir dans nos coeurs, parce qu'il sait que "Quand on n'est pas capable de donner du courage, on doit se taire." Franz Kafka

Un texte essentiel !

 

D'autres avis :

Interview dans Le Nouvel Obs

"J’entends par poésie non pas le charmant ornement qu’on y voit généralement, mais la manifestation radicale et intransigeante d’une façon d’être au monde et de penser le monde qui a des conséquences dans tous les ordres de la vie, sociale, morale et politique. Poésie désigne cet état de la conscience à vif qui, jouissant de l’inconnu et de l’imprévu, récuse toute clôture du sens, c’est-à-dire toutes ces scléroses, concepts péremptoires, identifications fixes, catégorisations en tout genre qui répriment la vie, ce mouvement perpétuel, et nous font manquer la réalité telle qu’elle est vraie et telle que le poète et l’artiste la perçoivent et la restituent : d’une insolente et infinie profondeur de champ. Elle est donc, la poésie, un dynamisme, un appétit sans bornes du réel qu’elle questionne dans le moindre de ses effets (tout poème est la formulation de ce questionnement), bref une espérance : rien n’est fini, dit-elle. " L'humanité 

 

Merci à l'éditeur.

 

La poésie sauvera le monde, Jean-Pierre Siméon, Le passeur éditions, janvier 2016, 96 p., 13 euros

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Le monde jusqu'à hier - Ce que nous apprennent les sociétés traditionnelles de Jared DIAMOND

Publié le par Hélène

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L’ouvrage se décompose en onze chapitres, eux-mêmes répartis en cinq parties, dans lesquelles Jared Diamond aborde successivement les thèmes de la délimitation de l'espace et les rapports avec les autres groupes, amis, ennemis et inconnus ; la résolution des conflits, tant au sein d’une société que dans ses relations avec les autres ; le traitement des enfants et des personnes âgées ; les manières de faire face aux dangers ; et enfin la religion, la diversité linguistique et la santé. L’auteur compare donc comment sont traitées ces thématiques par les sociétés modernes et les sociétés traditionnelles. Il ne prétend pas en mettre une en avant, il montre simplement ce que nos sociétés modernes pourraient tirer comme enseignement de l'observation du fonctionnement de ces sociétés traditionnelles. Il propose d'incorporer certaines pratiques qui ont fait leurs preuves depuis des millénaires. 

"Ce que nous apprend le monde d'hier, c'est, entre autres choses,d'être conscients de certains bienfaits de nos sociétés contemporaines, si dénigrées par ailleurs : les individus y sont débarassés de la guerre chronique, des infanticides et de l'abandon des personnes âgées. (...)"

Nous pourrions par exemple prendre exemple sur les sociétés traditionnelles concernant les liens sociaux établis, si loin de nos solitudes modernes, avoir un plus juste usage des personnes âgées et leur assurer des vies meilleures car "Concevoir d'autres conditions de vie appropriées au monde moderne en évolution pour nos anciens demeure un défi majeur pour notre société." p; 371, mettre en valeur les langues minoritaires... 

Certaines actions sont réalisables à notre échelle comme ne pas rajouter systématiquement du sel dans nos plats, mais d'autres demandent un changement profond de la société. 

Que pouvons nous faire à notre échelle ? Nous pouvons oeuvrer pour la santé : faire de l'exercice, manger lentement, bavarder avec des amis lors d'un repas, choisir des aliments sains. Nous pouvons également élever nos enfants en bilingues ou polyglottes car cette éducation bénéficie à leur réflexion et enrichit également leur existence. Dans le domaine de l'éducation des enfants, de nombreux points sont à retenir de l'obervation des sociétés traditionnelles comme : "l'allaitement à la demande, le sevrage tardif, le contact physique entre le bébé et un adulte, dormir ensemble, transporter le bébé verticalement et le regard tourné vers l'avant, accepter beaucoup l'alloparentage, réagir rapidement aux pleurs d'un enfant, éviter les châtiments corporels, laisser la liberté à votre enfant d'explorer, avoir des groupes de jeux d'âges différents, et aider vos enfants à se divertir par eux-mêmes plutôt que de les étouffer avec des "jeux éducatifs" tout fabriqués, des jeux vidéos et d'autres amusement préemballés." Ceci car "Autonomie, sécurité et maturité sociale des enfants dans les sociétés traditionnelles impressionnent tous les visiteurs qui ont eu l'occasion de les connaître."

Nous pouvons aussi adopter une paranoïa constructive : ne pas craindre les accidents d'avion, les terroristes, mais plutôt avoir peur des voitures, de l'alcool, des escabeaux et des douches glissantes... Nous devrions aussi être honnête sur ce que la religion signifie réellement pour nous. 

Au niveau gouvernemental il faudrait repenser le système des retraites et les règlements de litige par exemple.

En résumé, de nombreuses pistes de réflexion sont à tirer de ce monde jusqu'à hier...

 

Présentation de l'éditeurGallimardFolio 

Du même auteur : Effondrement, comment les sociétés décidement de leur disparition ou de leur survie 

 

Le monde jusqu'à hier, ce que nous apprennent les sociétés traditionnelles, traduit de l'anglais (EU) par Jean-François Sené, Folio essais, janvier 2015, 768 p., 10.40 euros

 

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Cannibales de Régis JAUFFRET

Publié le par Hélène

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Des liaisons dangereuses hannibalesques

Régis Jauffret met en scène dans son dernier roman une histoire pour le moins originale : Noémie vient de quitter Geoffrey et elle adresse un courrier à la mère de Geoffrey pour s'excuser d'avoir rompu. S'ensuit une correspondance entre les deux femmes autour des hommes et de l'amour, correspondance qui aboutit au projet machiavélique de tuer Geoffrey pour le dévorer ensuite. En effet, les deux femmes semblent désabusées par les hommes :

"Si on les laissait faire, si on laissait en roue libre passer le temps, on deviendrait pour une eux une putain désintéressée, adorant le ménage, leur ouvrant les portes comme un genleman, une cuisinière de haute école, une chambrière retapant le lit, changeant les draps en chantant, une gentille beauté distribuant comme des baisers son pardon à chaque vexation, une vierge rayonnante de pureté quand ils nous promènent dans leur famille, une belle salope les jours où ils rentrent de leur travail émoustillés par une vidéo visionnée entre une réunion et un rendez-vous avec un client obsédé de ristournes et de gestes commerciaux."  p. 96

Ne vaut-il mieux pas dans ce cas rester seule ?

"Le bonheur, madame, c'est l'absolue solitude. Ne se cogner à personne, ne point souffrir une autre main sous prétexte de caresse, une autre bouche cherchant à écraser vos lèvres, ne pas sentir de paroles irriter à l'improviste vos tympans fragiles tandis que vous jouissez du silence en regardant songeuse les reflets de la laque immaculée du four à micro-ondes. La solitude, c'est l'absolue beauté de se sentir incomparable dans une coquille où rien n'est beau que vous, puisqu'en fait d'humaine dans cette conque il n'y a que vous." p. 23

Mais malgré tout l'espoir perdure : "Nous espérons toujours, dit votre fils. Oui, même infiniment déçues nous sommes prêtes à aimer encore pour la première fois, mais n'avoir porté que des colifichets toute sa vie n'implique pas que vous attende quelque part un diamant, une émeraude, une humble topaze de la plus belle eau." p. 97

"Et puis, vous les avez connues ces épiphanies, ces gaietés inattendues qui parfois éclatent en nous, ces coins de rue éclairés soudain par un rai de soleil qui troue un nuage pour vous illuminer et vous donner la sensation d'être en vie une fois pour toutes, d'être née à jamais, la mort derrière soi avec l'éternité qui nous a précédées." p. 140

La haine est leur colonne vertébrale, ce moteur qui leur permet d'avancer et de distiller leur venin sur les pages écornées de leurs lettres enflammées. 

"Haïr, c'est être relié à l'élite de l'humanité, celle qui crée, dirige, façonne l'avenir avec un saint mépris de ses contemporains courant comme des enfants après les hochets qu'on agite devant leurs yeux naïfs avides de rogatons." p. 157

Le style incisif de l'auteur porte les métaphores comme un étendard. L'écriture est de l'ordre du fantasme, repoussant toutes les limites, elle permet toutes les identités et toutes les folies aussi bien pour les deux femmes que pour l'auteur.  

Ce que j'ai moins aimé : A la moitié du livre, l'histoire -ou l'absence de réelle histoire, c'est là la question - stagne, les lettres tournent en rond, les identités se brouillent tout comme la construction qui perd de l'allant et a tendance à semer le lecteur.

Bilan : Un récit original doté d'un brin de folie rafraichissant...

 

Présentation de l'éditeur : Seuil

D'autres avis : Babélio

 

Cannibales, Régis Jauffret, Seuil, 2016, 185 p., 17 euros

 

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