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litterature francaise

Etre ici est une splendeur, vie de Paula M. Becker de Marie DARRIEUSSECQ

Publié le par Hélène

 ♥ ♥

1876 à 1907. Paula Modersohn-Becker est une artiste peintre allemande de la fin du XIXème siècle, célèbre en Allemagne et dans beaucoup d’autres pays au monde, mais à peu près inconnue en France bien qu’elle y ait séjourné à plusieurs reprises... Elle est précurseure de l’expressionnisme, et fut amie de Rilke et de son épouse, la sculptrice Clara Westhoff. Elle peint envers et contre tout, comme un besoin essentiel.

Elle se marie en 1901 avec Otto Modersohn, mais elle reste déçue par le mariage, ce qui la pousse à quitter son mari quelques années plus tard, préférant se consacrer corps et âme à son art.

"L'expérience m'a enseigné que le mariage ne rend pas plus heureuse. Il ôte l'illusion d'une âme soeur, croyance qui occupait jusque-là tout l'espace. dans le mariage, le sentiment d'incompréhension redouble. Car toute la vie antérieure au mariage était une recherche de cet espace de compréhension. est-ce que ce n'est pas mieux ainsi, sans cette illusion, face à face avec une seule grande et solitaire vérité ?"

Elle reviendra vers lui et tombera alors enceinte, mettant au monde une petite fille, Mathilde. Dix-huit jours après sa naissance, alors qu'on l'autorisait à se lever pour la première fois, elle s'écroula, victime d'une embolie pulmonaire. Son dernier mot sera "Schade" "Dommage".

AU-delà de son intérêt pour son art, Marie Darrieussecq s'est aussi intéressée à elle à cause de ce dernier mot :  "J'ai écrit cette biographie à cause de ce dernier mot. Parce que c'était dommage. Parce que cette femme que je n'ai pas connue me manque. parce que j'aurais voulu qu'elle vive. Je veux montrer ses tableaux. Dire sa vie. Je veux lui rendre plus que la justice : je voudrais lui rendre l'être-là, la splendeur."

Ce que j'ai moins aimé : le style et certains détails nous font balancer entre charme et vide des propos : par exemple au restaurant des détails tels que : "Paula y prend volontiers des asperges, et Rilke du melon." apparaissent bien peu nécessaires...

Bilan : Au-delà du personnage touchant de l'artiste, je n'ai pas été sensible au charme de cette biographie.

 

Présentation de l'éditeur : POL ; Folio

D'autres avis : TéléramaBabélio

 

Etre ici est une splendeur, Marie Darrieussecq, Folio, septembre 2017, 160 p., 6 euros

 

EXTRAIT DE REQUIEM POUR UNE AMIE
Rainer Maria Rilke, 1908

Proche de Paula Modersohn-Becker, le poète Rainer Maria Rilke est terriblement affecté par la disparition de la jeune femme. Les deux amis se sont toujours vouvoyés. Mais un an après son décès, il la tutoie dans un texte poignant à sa mémoire.

« Dis, dois-je voyager ? As-tu quelque part
laissé une chose qui se désole
et aspire à te suivre ? Dois-je aller visiter un pays
que tu ne vis jamais, quoiqu’il te fût apparenté
comme l’autre moitié de tes sens ?
Je m’en irai naviguer sur ses fleuves, aux étapes
je m’enquerrai de coutumes anciennes,
je parlerai avec les femmes dans l’embrasure des portes,
je serai attentif quand elles appelleront leurs enfants.
[…]
Et des fruits, j’achèterai des fruits, où l’on
retrouve la campagne, jusqu’au ciel.
Car à ceci tu t’entendais : les fruits dans leur plénitude.
Tu les posais sur des coupes devant toi,
tu en évaluais le poids par les couleurs.
Et comme des fruits aussi tu voyais les femmes,
tu voyais les enfants, modelés de l’intérieur
dans les formes de leur existence. »

 

Le musée d'Art Moderne de Paris lui consacre une exposition en 2016, exposition à laquelle a collaboré Marie Darrieussecq :

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L'histoire du lion Personne de Stéphane AUDEGUY

Publié le par Hélène

♥♥

Alors qu'il quitte son village pour se rendre à Saint Louis, Yacine rencontre un jeune lionceau abandonné. Touché par la solitude de l'animal abandonné par sa mère, il décide de l'emmener avec lui. Et c'est ainsi que commence l'incroyable épopée de ce lion qu'il appellera Personne, en hommage à la ruse d'Ulysse sur l'île du Cyclope. Jean-Gabriel Pelletan directeur de la compagnie royale du Sénégal chez qui se rend Yacine accepte de garder le lionceau qui grandit dans un univers protégé. Mais un jour il blesse un jeune garçon et Pelletan doit l'éloigner du Sénégal. Il décide de l'envoyer à Paris, à la ménagerie royale de Versailles.

Ce court roman permet de découvrir ce fascinant animal qui a réellement vécu de 1786 à 1796.

Woira le lion et son chien, 1794-1796 © MNHN - Bibliothèque centrale

Lion Woira et le chien Braque à la ménagerie du jardin des Plantes

Son histoire originale permet de sonder les rapports entre les hommes et les animaux oscillant entre maltraitance et bienveillance.

Ce que j'ai moins aimé : Il est difficile de s'attacher à un des personnages qui sont assez détachés, froids. Sitôt que l'on commence à s'attacher à l'un d'eux, le lion doit les quitter et nous les quittons également.

Bilan : Un tableau de l'époque intéressant et original.

 

Présentation de l'éditeur : Seuil ; Points

D'autres avis : sur le site des Editions Points, l'avis des autres jurés du prix du Meilleur Roman Points

 

Histoire du lion personne, Stéphane Audéguy, Points, août 2017, 168 p., 6.50 euros

 

Roman sélectionné pour le Prix Meilleur Roman Points 2018

 

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Pactum salis d'Olivier BOURDEAUT

Publié le par Hélène

♥ ♥

Michel, agent immobilier résolument parisien à l'ambition démesurée, passe quelques jours en vacances dans un hôtel à la Baule. Il hante les rues de la cité balnéaire au volant de sa Porsche, écume les bars et boites de nuit pour étaler son argent et son charme. Par un hasard comateux éthylique il se retrouve un matin sur les terres de Jean, paludier besogneux, peu enclin à accueillir cet invité indésirable. Ces deux êtres solitaires se côtoient quelques temps, esquissent quelques pas d'amitié, pour le meilleur et pour le pire...L'amitié est-elle réellement un pacte de sel inaltérable ?

Ces deux êtres fous, improbables, sont pétris de défauts, souvent border-line et ces failles les rendent attachants, comme cela était déjà le cas dans le magnifique premier roman de l'auteur En attendant Bojangles. L'auteur sait se démarquer par ses situations loufoques, ses dialogues au rythme enlevé qu'il a appris chez Antoine Blondin, écrivain qu'il admire.

Le lieu est également un personnage à part entière, bien plus présent que l'intrigue, ténue, concentrée autour de ce corps retrouvé dans les marais. Olivier Bourdeaut a été lui-même cueillir la fleur de sel durant quatre mois dans ces marais, et sa fascination pour ce lieu changeant, soumis aux aléas météorologiques transparait en ses lignes.

Mais : Malheureusement les envolées lyriques mâtinées de métaphores filées interminables que l'auteur consacre à ce lieu tombent à plat."En contrebas, s'étalait, comme une robe déployée, un modèle de haute couture naturelle. Le tissu de gazon, vert brillant, ceinturé par le gris pâle du remblai, débordait légèrement sur la manche de sable humide aux reflets d'argent. Dentelé d'une fine écume de mousseline, l'ourlet d'une mer saphir s'accrochait au ciel, par un horizon franc qui finissait magistralement le déguisement des éléments."

Bilan : Un roman pétillant grâce à ses dialogues et à ses personnages improbables.

 

Présentation de l'éditeur : Finitude

Du même auteur En attendant Bojangles

D'autres avis : Leiloona

 

Pactum salis, Olivier Bourdeaut, Finitude, 2018, 252 p., 18.50 euros

 

Merci à l'éditeur et à l'agence Anne et Arnaud.

 

Vous pouvez rencontrer Olivier Bourdeaut le 19 janvier à 18H à la Fnac Saint Lazare :

 

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Thérèse Desqueyroux de François MAURIAC

Publié le par Hélène

♥ ♥ ♥ ♥

"Elle incarne la difficulté d'être"

Thérèse Desqueyroux sort libre du Palais de Justice, un "Non lieu" décide de son destin. Sur la route qui la ramène vers son époux, elle prépare les mots qui expliqueront, peut-être, sa conduite et qui la rachèteront aux yeux de celui qu'elle a voulu empoisonner, mais qui l'a soutenue en vue de son acquittement. La narration plonge à la fois dans le passé, dans l'avenir et l'espoir, pour mieux auréoler ce présent en attente durant lequel tout est encore possible. Le trajet solitaire est propice à l'introspection, mais face à cet homme pétri de respectabilité, Thérèse se refermera sur elle-même.

"Les êtres que nous connaissons le mieux, comme nous les déformons dès qu'ils ne sont plus là !"

Thérèse Desqueyroux est cette femme traquée aperçue par Mauriac lors d'une audience d'un procès, la jeune Henriette Blanche Canaby, mais c'est aussi cette femme croisée un soir dans le salon d'une maison de campagne, cette femme enfermée entre un mari naïf et des parentes pressantes, et ce seront finalement toutes les femmes captives, derrière les "barreaux vivants d'une famille", ces femmes qui croulent sous le poids de la parentèle, de "l'esprit de famille".

"Je sais que le drame de Thérèse Desqueyroux, c'est le drame de l'inadaptation à la vie, le "nous ne sommes pas au monde."" dira l'auteur

Thérèse est différente de son milieu natal, il y a en elle ce quelque chose d'ardent et de brûlant qui s'oppose à la mollesse de la campagne. Cette ardeur se tourne un temps vers Anne, sa belle-soeur, avant d'être déçue, trahie, et renvoyée à sa solitude clairvoyante.

"Les femmes de la famille aspirent à perdre toute existence individuelle. C'est beau, ce don total à l'espèce ; je sens la beauté de cet effacement, de cet anéantissement... Mais moi, mais moi..."

Ce roman et cette héroïne, profondément touchante dans son désoeuvrement, sont d'une intensité inoubliable...
 

Présentation de l'éditeur : Le livre de poche

 

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Le bureau des jardins et des étangs de Didier DECOIN

Publié le par Hélène

  ♥ ♥

"Il y a toujours un sens à continuer d'agir comme on doit, dit Togawa Shinobu, même si l'on croit que cela ne sert plus à rien. "

Le pêcheur Katsuro du petit village de Shimae est chargé de pêcher, choisir et apporter les carpes qui nageront dans les bassins de la  ville impériale de Heiankyo. A sa mort, sa femme Miyuki décide de le remplacer pour porter ses dernières carpes au palais royal. Elle se pare de la lourde palanche à laquelle sont suspendus ses paniers à poissons et entreprend un long périple à travers forêts et montagnes. Au bout du chemin, l'attend Nagusa Watanabe, le directeur du Bureau des Jardins et des Etangs, en charge de l'entretien des plans d'eau des temples de Heiankyo.

L'auteur s'est nourri d'une documentation très approfondie de ce Japon du XIIème siècle, si bien qu'il parvient non seulement à nous faire voir cette époque, à nous plonger dans ses ramifications, mais il sait aussi s'en éloigner pour offrir un roman fascinant mâtiné d'érotisme et d'un univers onirique surprenant. Les aventures de la jeune Miyuki ne sont que prétexte pour évoquer un monde sensuel, dans lequel l'imagination tient le rôle principal.
Ainsi, le takimono awase, jeu de l'époque dans lequel les participants en compétition doivent obtenir le meilleur parfum à base d'encens est prétexte au déploiement splendide de l'imagination par les sens. L'empereur imagine un paysage auquel devra répondre le parfum créé par les participants :

"Nous imaginons un jardin, dit l'empereur, un jardin envahi par la brume matinale. Enjambant un cours d'eau, un pont-lune très escarpé relie le jardin de droite au jardin de gauche. Seule la partie surélevée du tablier émerge de la nuée. C'est alors que, surgissant du brouillard qui noie le jardin de droite, une demoiselle s'engage sur le pont. Elle marche vite. Parvenue au sommet du dos d'âne, elle s'arrête un cours instant. Puis, reprenant sa course, la voici qui dévale le pont pour rejoindre le jardin de gauche. Et aussi soudainement qu'elle avait éclos de la brume de droite, elle disparait dans la brume de gauche. Si je vais dans son sillage tout en haut du pont, qu'y trouverai-je ?"

 
Kawase Hasui - Neige à Shinkyo, Nikko

Dans ce Japon fantasmé, les sens jouent un rôle essentiel, comme une porte vers la connaissance de soi et du monde...

"Quelle connaissance profonde avons-nous des odeurs ? Nous disons que ça sent bon ou que ça empeste, et nous n'allons pas plus loin. Au fond, nous n'en savons guère plus sur la suavité et sur la puanteur que sur le Bien et le mal. Nous traversons la vie en sautillant d'une ignorance à l'autre. Des crapauds, Atsuhito, nous sommes des crapauds."
 
Avec délicatesse et sensualité, Didier Decoin nous emporte dans un autre monde pour faire chanter nos sens et nous enchanter...
 
 

Présentation de l'éditeur : Stock

D'autres avis : Télérama

 

Le bureau des jardins et des étangs, Didier Decoin, Stock, 392 p., 20,50 €

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Eclipses japonaises de Eric FAYE

Publié le par Hélène

♥ ♥

"Je me dis qu'on peut obtenir n'importe quoi d'un être humain qui espère."

Plusieurs disparitions simultanées ont lieu en 1965 et 1970 : qu'il s'agisse d'un GI américain évaporé lors d'une patrouille dans la zone démilitarisée, entre les deux Corées, ou de jeunes filles japonaises, tous disparaissent sans laisser de traces, au grand désarroi de leur famille.

En 1987, le vol 858 de la Korean Air explose en plein vol. Une des terroristes responsable de l'attentat ne parvient pas à fuir, elle est arrêtée, interrogée, et la police finit par l'identifier comme étant une espionne de Corée du Nord, s'exprimant pourtant dans un japonais parfait. 

Le lien entre les disparitions et ces êtres maitrisant parfaitement les codes japonais, se dessinent peu à peu.

Eric Faye met en lumière un pan d'histoire peu connu, mais au-delà de l'aspect historique, il nous parle également de la capacité d'adaptation des êtres humains, qui peuvent se formater en fonction des besoins ou des idéologies. Que signifie appartenir à un pays quand on a été arraché très tôt à sa vie pour être emporté dans un autre monde ?  Ces êtres pourront-ils ensuite faire le chemin inverse et revenir vers leurs origines ?

Ce que j'ai moins aimé : Le choix de la narration ne permet pas de véritablement s'attacher aux destins individuels : Eric Faye choisit en effet d'alterner les points de vue à chaque chapitre, si bien que à peine le portrait d'un personnage est-il esquissé, qu'il s'efface devant un autre, laissant le lecteur démuni, et perdu face à tant de personnalités différentes. De plus certains chapitre sont à la première personne du singulier, d'autre à la troisième personne, accentuant ainsi le côté décousu du roman.

Enfin, la fin du roman, qui cherche à résoudre le sort de chaque personnage, rompt la narration, s'accélérant, puis proposant plusieurs épilogues à des époques différentes.

Bilan : Ce roman a le mérite de livrer des faits réels méconnus, mais, pour moi, il reste bancal dans sa construction et sa narration.

 

Présentation de l'éditeur : Seuil, Points

D'autres avis : Télérama ;

Du même auteur : Nous aurons toujours Paris ♥ ♥ ♥ ♥

 

Eclipses japonaises, Eric Faye, Points, septembre 2017, 240 p., 7 euros

 

Il s'agit de ma première lecture pour le jury du prix du meilleur roman Points

 

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Souvenirs de la marée basse de Chantal THOMAS

Publié le par Hélène

♥ ♥

"L'espace est grand ouvert devant nous. Nous courons. Nos pied tapant contre une mince surface d'eau la font jaillir en étincelles.

Rien ni personne ne nous dépasse, sauf l'ombre des nuages qui court sur le sol."

 

Chantal Thomas fait revivre en ses pages sa mère, Jackie, cette femme qui s'épanouit dans la légèreté des vagues, se laissant porter, aérienne par la mer qui l'accueille. Jackie est cette jeune femme désinvolte, qui, après une promenade en vélo vers Versailles, décide de se rafraichir dans le grand Canal des jardins de Versailles et de faire quelques brasses, sans même être inquiétée par le gardien qui n'a pas même le temps de remarquer cette belle nymphe qui se fond dans le décor. Années après années, elle transmet cette passion pour la nage à sa fille Chantal. 

"De même que Colette écrit de Sido, sa mère, qu'elle a deux visages : son visage de maison, triste, et son visage de jardin, radieux, ma mère a deux visages : son visage de maison, obscur, et son visage de natation, lumineux." p.70

D'Arcachon à Menton et Nice, Chantal Thomas peint le charme de la mer en toutes saisons, les étés lumineux avec les amies de plage, les histoires que l'on se raconte devant les châteaux de sable, les hivers langoureux, tous les interstices dans lesquels se glisse le bonheur, à la fois évident et insaisissable.

"Nous sommes les chiffonnières de la mer, les glaneuses de varech, les parleuses de la princesse. Nous allons de l'avant sans nous retourner." p. 112

Dans ce beau récit, de petits riens en petits riens, Chantal Thomas peint le portrait touchant de cette Jacky fantasque et chante son amour pour la mer et la mère avec tendresse et pudeur.

 

Présentation de l'éditeur : Seuil

D'autres avis : Télérama ; Nouvel Obs ; Magazine Littéraire

Blogs : Caroline Laure

 

Elu Meilleur Récit 2017 par le Magazine Lire

 

Souvenirs de la marée basse, Chantal Thomas, Seuil, août 2017, 224 p., 18 euros

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Pourquoi les oiseaux meurent de Victor POUCHET

Publié le par Hélène

♥  ♥ ♥

Un phénomène étrange semble se produite en Haute Normandie : des oiseaux tombent du ciel, raides morts et s'échouent sur les plages dans l'indifférence générale. Mais le narrateur, parisien originaire de Normandie décide de se rendre sur place pour enquêter. Il choisit alors la voie de l'eau et embarque sur le Seine-Princess, un bateau de croisière qui descend la Seine.

En fait, pour résumer, c'est l'histoire d'un homme qui a "la vie sur le bout de sa langue". Ainsi il se retrouve sur une péniche à guetter des oiseaux qui tombent du ciel, morts et mène une enquête pour laquelle personne ne l'a missionné.

"Sur le bout de la langue les engagements, les choix, les aventures de l'esprit, la vie sociale et les conquêtes.J'avais l'impression de passer ma vie à ne pas articuler complètement ce qui m'arrivait et à sacrifier tout un tas de syllabes, de mots et de phrases-projets."

Il tente de mettre de l'ordre dans sa vie porté par sa quête, prétexte pour revenir vers ses origines et se réconcilier avec son père ? Prétexte surtout pour se perdre dans des circonvolutions qui évitent de penser à l'essentiel...

Avec humour et intelligence, Victor Fouchet peint le portrait d'un homme perdu qui retrouve peu à peu le chemin vers la logique et sa vie.

"Le scrabble frustre comme la vie : je pourrais faire un mot sublime là tout de suite, mais il manque toujours une lettre, un endroit où le placer. On voudrait les thésauriser, les garder au chaud pour abattre ses cartes d'un seul coup, plier le jeu, ranger ses gaules et aller se coucher avec le mot de la fin. Mais on est obligé de jouer à chaque tour. Jusqu'à ce qu'un autre mot sur le plateau offre une perspective inédite, salvatrice. Il  y a des gens compte double, des après-midi compte triple; des journées Y (dix points), de très nombreuses matinées E, A ou S (un point), il y a surtout des jours où de toutes les lettres placées devant nous on ne réussit à tirer aucun mot."

Un roman érudit pour un beau portrait d'homme.

 

Présentation de l'éditeur : Finitude

 

Pourquoi les oiseaux meurent, Victor Pouchet, Finitude,septembre 2017, 192 p., 16.50 euros

 

Merci à l'éditeur.

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Dans ce jardin qu'on aimait de Pascal QUIGNARD

Publié le par Hélène

♥ ♥

Le révérend Simeon Pease Cheney, dans les années 1860-1880, eut ce projet fou de retranscrire les moindres sons musicaux de ce qu'il cotoyait avec joie au quotidien, du chant d'oiseau au bruit de l'eau du robinet qui goutte dans le seau à demi plein. Pour lui, même les choses inanimées ont leur musique, il suffit de tendre son oreille pour saisir ces subtiles symphonies célestes. Malheureusement, il n'est pas pris au sérieux, il faudra que son fils (dans la vraie vie) ou sa fille dans l'oeuvre de Quignard publie  « Wood Notes Wild, Notations of Bird Music » à compte d’auteur après sa mort. Quelques années plus tard, ce livre sera remarqué par le compositeur Anton Dvorák et lui inspirera, en 1893, le « Quatuor à cordes n° 12 ».

Ce destin double - celui de ce vieux musicien passionné par la musique de la nature et sa fille qui a lutté pour faire reconnaitre son oeuvre - a inspiré à Pascal Quignard ce texte hybride entre pièce de théâtre et chant poétique. L'auteur met l'accent sur la vie intime fantasmée du révérend : marié à une femme qu'il adorait, il la perd lors de l'accouchement de sa fille et restera inconsolable face à cette perte brutale. Il est obsédé par l'image de sa femme disparue et arpente le jardin qui lui était cher pour mieux la retrouver.

Ce que j'ai moins aimé : En lisant la quatrième de couverture, je m'attendais à davantage de passages sur l'aspect artistique du révérend, sur cet étrange projet tellement fascinant. Mais Pascal Quignard a choisi de porter son récit vers la tristesse, cette peine incommensurable ressentie à la mort d'un être cher.

Bilan : Le portrait triste et touchant d'une homme hanté par la mort de sa bien-aimée.

 

Présentation de l'éditeur : Grasset

Du même auteur : Les solidarités mystérieuses ♥ ♥ ♥ ♥ ; Villa amalia ♥ ; Une journée de bonheur ♥ ♥ ♥

 

Dans ce jardin qu'on aimait, Pascal Quignard, Grasset, mai 2017, 176 p., 17.50 euros

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L'ordre du jour de Eric VUILLARD

Publié le par Hélène

"Les plus grandes catastrophes s'annoncent souvent à petits pas."

Nous sommes le  20 février 1933. Le parti nazi cherche à lever des fonds, et il fait appel à de puissantes entreprises allemandes capables de les financer. "Ils s'appellent BASF, Bayer, Agfa, Opel, IG Farben, Siemens, Allianz, Telefunken. Dans les coulisses du pouvoir, la grande catastrophe arrive effectivement à petits pas, à coups de tractations et marchandages...

"Ils étaient vingt-quatre, près des arbres morts de la rive, vingt-quatre pardessus noirs, marron ou cognac, vingt-quatre paires d’épaules rembourrées de laine, vingt-quatre costumes trois pièces, et le même nombre de pantalons à pinces avec un large ourlet. Les ombres pénétrèrent le grand vestibule du palais du président de l’Assemblée ; mais bientôt, il n’y aura plus d’Assemblée, il n’y aura plus de président, et, dans quelques années, il n’y aura même plus de Parlement, seulement un amas de décombres fumants."

Eric Vuillard, tel un chef d'orchestre obséquieux nous entraine dans les coulisses de l'Anschluss. Dans son court roman il s'intéresse aux détails de l'histoire pour mieux en éclairer la scène. Il raconte les scènes moins connues, dissèque l'Histoire pour en extraire le quotidien d'hommes et de femmes pris comme des individus et non plus comme des entités broyés par le cours des évènements. De fait la responsabilité de ces individus ressort plus durement et l'absurdité qui mène à l'horreur glace le sang...

Ce que j'ai moins aimé : Pour moi il s'agit plus d'un documentaire, d'un essai que d'un roman, genres auxquels je suis moins sensible. Les évènements sont racontés sans mettre l'accent sur des personnages ou une intrigue, l'auteur raconte seulement des scènes marquantes de l'histoire. Alors oui, le style marque les esprits, mais mon âme romanesque s'est sentie délaissée... Pour rappel , j'avais déjà été déçue par 14 juillet pour les mêmes raisons...

 

Prix Goncourt 2017

 

Présentation de l'éditeur : Actes Sud

Du même auteur : Tristesse de la terre

 

L'ordre du jour, Eric Vuillard, Actes sud, mai 2017, 160 p., 17 euros

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