Gouverneurs de la rosée de Jacques ROUMAIN
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"Nous ne savons pas encore que nous sommes une force, une seule force, tous les habitants, les nègres des plaines et des mornes réunis. Un jour, quand nous aurons compris cette vérité, nous nous lèverons d'un point à l'autre du pays et nous ferons l'assemblée générale des gouverneurs de la rosée, le grand coumbite des travailleurs de la terre pour défricher la misère et planter la vie nouvelle."
Ce que j'ai aimé :
A l'ombre de sa case, la vieille Délira sent planer la misère au-dessus d'elle. Une sécheresse dévastatrice désespère les habitants affamés de son petit village de Fonds Rouge en Haïti. Délira espère juste le retour de Manuel, son fils parti à Cuba couper la canne à sucre il y a plusieurs années de cela.
Quand Manuel revient, il ne reconnaît plus son village, enlisé dans la résignation, dans les rivalités claniques et fort de son expérience cubaine, décide de lutter contre l'enlisement ambiant, contre la sécheresse, contre la pauvreté en rassemblant les hommes :
"C'est traître la résignation ; c'est du pareil au même que le découragement. Ca vous casse les bras ; on attend les miracles de la Providence, chapelet en main, sans rien faire. On prie pour la pluie, on prie pour la récolte, on dit les oraisons des saints et des loa. Mais la Providence, laisse-moi te dire, c'est le propre vouloir du nègre de ne pas accepter le malheur, de dompter chaque jour la mauvaise volonté de la terre, de soumettre le caprice de l'eau à ses besoins ; alors la terre l'appelle : cher maître, et l'eau appelle : cher maître, et il n'y a pas d'autre Providence que son travail d'habitant sérieux, d'autre miracle que le fruit de ses mains."
Il part à la recherche de l'eau et rencontre en chemin la belle Anaïse, tous deux synonyme de rédemption :
"L'eau. Son sillage ensoleillé dans la plaine ; son clapotis dans le canal du jardin, son bruissement lorsque dans sa course, elle rencontre des chevelures d'herbes ; le reflet délayé du ciel mêlé à l'image fuyante des roseaux ; les négresses remplissant à la source leurs calebasses ruisselantes et leurs cruches d'argile rouge ; le chant des lessiveuses ; les terres gorgées, les hautes récoltes mûrissantes."
Jacques Roumain clame ici un magnifique chant d'amour, amour de ses semblables, amour de son pays, amour de la lutte, amour de l'espoir qui palpite en nous.
"Ce que nous sommes ? Si c'est une question, je vais te répondre : eh bien, nous sommes ce pays et il n'est rien sans nous, rien du tout. Qui est-ce qui plante, qui est-ce qui arrose, qui est-ce qui récolte ? le café, le coton, le riz, la canne, le cacao, le maïs, les bananes, les vivres, et tous les fruits, si ce n'est pas nous, qui les fera pousser ? Et avec ça nous sommes pauvres, c'est vrai. Mais sais-tu pourquoi, frère ? A cause de notre ignorance : nous ne savons pas encore que nous sommes une force, une seule force, tous les habitants, les nègres des plaines et des mornes réunis. Un jour, quand nous aurons compris cette vérité, nous nous lèverons d'un point à l'autre du pays et nous ferons l'assemblée générale des gouverneurs de la rosée, le grand coumbite des travailleurs de la terre pour défricher la misère et planter la vie nouvelle."
Cet auteur hors du commun écrivit ce texte en 1944 :
"Président fondateur de la Ligue de la Jeunesse patriotique, Président d'honneur de la Fédération des Jeunesses haïtiennes, dirigeant du Comité de Grève qui sonna le glas de l'occupation et de la dictature de Borno, Jacques Roumain marchait à la tête de toutes les manifestations et participait à l'action directe des masses."
"Les peuples sont des arbres qui fleurissent malgré la mauvaise saison, à la belle saison notre arbre continue à vivre. Un peuple qui vient de produire un Jacques Roumain ne peut pas mourir. Roumain est une immortelle qui fertilise nos ramures par son amour universel. Tous les grands Haïtiens qui fleuriront désormais sur notre sol ne pourront pas ne pas lui devoir quelque chose." (Jacques Stéphen Alexis)
Lisez-le !
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Ce que j'ai moins aimé :
-Rien.
Premières phrases :
"Nous mourrons tous... - et elle plonge sa main dans la poussière ; la vieille Délira Délivrance dit : nous mourrons tous : les bêtes, les plantes, les chrétiens vivants, ô Jésus-Marie la Saint Vierge ; et la poussière coule entre ses doigts. La même poussière que le vent rabat d'une haleine sèche sur le champ dévasté de petit-mil sur la haute barrière de cactus rongés de vert-de-gris, sur les arbres,ces bayahondes rouillés."
Informations sur le livre :
D'autres avis :
Gouverneurs de la rosée, Jacques Roumain, Zulma, 2013, 224 p., 8.50 euros