Condor de Caryl FEREY
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Lorqu'il faisait des recherches pour son précédent roman Mapuche, Caryl Ferey a trouvé tellement de matière qu'il a décidé d'en garder pour son prochain roman, Condor, qui sort ce mois-ci. A la différence de Mapuche qui se déroulait en Argentine, celui-ci se passe au Chili, pays bien moins gai et festif, plombé par les années de dictature répressive de Pinochet. Bouleversé par l'Histoire, par ses horreurs et par l'inhumanité de certains êtres qui se prétendent pourtant humains, l'auteur choisit de planter son décor dans une réalité sociale et politique désabusée. Néanmoins il met ici l'accent sur des jeunes qui portent en eux l'espoir de voir refleurir un monde nouveau, cette génération qui n'a pas connu directement les exactions du dictateur. Ainsi Gabriela est-elle une femme pleine de vie qui va enquêter sur la mort mystérieuse de plusieurs jeunes de quartiers. Pour mener sa croisade, elle demande l'aide d'Esteban, avocat spécialiste des causes perdues. Les deux acolytes plongent alors dans les bas-fonds de Santiago, dans des quartiers gangrénés par la drogue et la corruption. Leur enquête les mènera jusqu'aux confins du désert de l'Atacama.
Malgré ce fond social et politique passionnant, fruit de plusieurs années d'investigation par l'auteur sur place, le roman traîne en longueur, ne parvenant pas à s'élever suffisamment vers une pureté romanesque. Et pourquoi vouloir à tout prix placer une pseudo histoire d'amour ? Pourquoi tant de mièvrerie au coeur d'une intrigue si violente et intense ? Pourquoi des passages comme celui-ci :
"Sa main caressa sa joue, une seconde magnétique. Gabriela frissonna sur le siège tandis qu'Esteban remettait la gomme -maintenant c'était sûr, elle était amoureuse de lui." p. 180
"Tiens, dit Esteban, j'ai ramassé ça pour toi.
Il lui tendit un petit galet poli en forme de coeur."
Pourquoi décrire à chaque page la façon dont sont habillés les personnages -surtout les filles-
"Gabriela avait revêtu un jean moulant et un tee-shirt de fille qui soulignait la fluidité de ses bras." p. 43
"La jeune fille portait une robe bleue à motifs, une paire de ballerines assorties en plastique imitation lézard et un collier d'argent mapuche sur un décolleté que son cardigan noir peinait à cacher." p.72
"Véra portait un legging noir et un petit pull en laine de même couleur les cheveux détachés." p. 229
Pourquoi ces dialogues creux :
"- Putain, faut que je pisse quelque part, annonça daddy.
- Pas sur ma gueule ! s'esclaffa une voix sous un masque.
Les autres pouffèrent, par habitude." p. 47
Pourquoi ces expressions stéréotypées comme "l'effet dynamisant du pisco sour, de ses yeux bleu pétrole, du temps qui doucement se délitait." p. 129
La fin du roman aux allures de western rattrape quelque peu les passages laborieux, éclairés de surcroît par la culture mapuche de la jeune Gabriela, apprentie chamane. Mais ce ne sera pas suffisant pour le sauver ...
Présentation de l'éditeur : Gallimard
D'autres avis : L'Express ; Les échos ; Télérama ; Bibliobs
Du même auteur : Mapuche
Condor, Caryl Ferey, Gallimard, série noire, 2016, 416 p., 19.50 euros
Merci à Babelio et aux Editions Gallimard qui m'ont permis de rencontrer l'auteur. Concernant la rencontre c'est ICI.
Je joins un extrait d'une lecture musicale qui a eu lieu récemment à la maison de la poésie : dans le roman, l'un de sprotagonistes écrit un roman dans lequel il livre une allégorie du Chili, premier pays néolibéral après le coup d'état de Pinochet en 1973. Les personnages dépeints, victimes de la dictature, évoluent dans un champ de ruines qui ressemble furieusement au Chili d'aujourd'hui.
Lecture, chant : Bertrand Cantat - Machines, basses : ManuSound - Guitare : Marc Sens - Ingénieur du son : Eddy Josse