L'art de perdre de Alice ZENITER

Publié le par Hélène

 ♥ ♥ ♥

"Dans l'art de perdre il n'est pas dur de passer maître." Elisabeth Bishop

Pour Naïma l'Algérie dont est originaire sa famille n'est qu'une toile de fond à laquelle elle s'est peu intéressée. Son grand-père Ali, kabyle, a été taxé de "harki" mais il est mort avant de pouvoir livrer son histoire à la jeune fille. Hamid, son père est arrivé enfant à l'été 1962 et il refuse de parler de ce passé qui l'empêche de remettre les pieds sur son territoire. Sa mère, française, n'en sait pas beaucoup plus. Naïma comble peu à peu les lacunes de son histoire.

"C'est pour cela aussi que la fiction tout comme les recherches sont nécessaires, parce qu'elles sont tout ce qui reste pour combler les silences transmis entre les vignettes d'une génération à l'autre." p. 19

La première partie du roman se déroule en Algérie dans les années 30 à 50. Le jeune Ali assiste à l'arrivée progressive du FLN, aux choix des uns et des autres, puis à la violence qui peu à peu s'invite, la brutalité du conflit, les tribunaux improvisés dans les villages, les embuscades sur les routes, les "veuves de la libération" qui fleurissent. Ali et sa famille doivent fuir pour la France et rejoindre dans un premier temps un camp de transit, puis un hameau de forestage, avant d'être parqués dans une cité HLM en Normandie.

"L'Algérie les appellera des rats. Des traîtres. Des chiens. Des apostats. Des bandits. Des impurs. La France ne les appellera pas, ou si peu. La France se coud la bouche en entourant de barbelés les camps d'accueil"

L'écriture s'incarne parfaitement avec les personnages, permet de vivre pleinement cette tranche de l'histoire et amène à une réflexion profonde. Réflexion pesée sur ce qui fonde l'identité, sur le rapport à nos origines, sur ce qui nous construit. Sur les femmes qui ne choisissent pas :

"- J'en veux aussi à mon mari parce que si ce n'était que moi, je serais restée là-bas. c'est lui qui a voulu fuir. Nous, jamais on nous demande notre avis. On nous trimballe. Ils font des conneries entre hommes et après, c'est nous qui payons.

- Pauvres de nous...

Et elles soupirent en broyant les amandes sur le pays perdu par la faute des hommes." p.211

Sur les enfants qui ne comprennent pas ce passé qui s'échappe et meurt avec chaque ancêtre qui s'éteint.

"Tu peux venir d'un pays sans lui appartenir. Il y a des choses qui se perdent... On peut perdre un pays. (...) Personne ne t'a transmis l'Algérie. Qu'est-ce tu croyais ? Qu'un pays, ça passe dans le sang ? Que tu avais la langue kabyle enfouie quelque part dans tes chromosomes et qu'elles se réveillerait quand tu toucherais le sol ?" p. 432

"Un pays n'est jamais une seule chose à la fois : il est souvenirs tendres de l'enfance tout autant que guerre civile, il est peuple comme il est tribus, campagnes et villes, vagues d'immigration et d'émigration, il est son passé, son présent et son futur, il est ce qui est advenu et la somme de ses possibilités." p. 441

Sur ces émigrés perdus dans un monde qu'ils ne reconnaissent pas. 

L'art de perdre c'est celui de perdre un pays, une langue, des illusions, des biens minuscules mais essentiels, perdre pour avancer, et fonder une nouvelle vie, une nouvelle oeuvre, un nouveau monde, pour, enfin, peut-être, se libérer.

 

Présentation de l'éditeur : Flammarion

D'autres avis : Télérama ; Babélio

 

L'art de perdre, Alice Zeniter, Flammarion, 16 août 2017, 22 euros

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Commenter cet article
D
J'aime beaucoup comme tu parles de ce livre. Oui un pays ce n'est pas une seule chose à la fois.<br /> Une très belle lecture pour moi aussi.<br /> Bises
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F
Qu'est-ce que je l'ai aimé ce roman..et encore plus depuis ma rencontre avec Alice dans une librairie à Bordeaux ! Une femme remarquable !
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H
Une belle découverte
T
Qu'est-ce qu'il me tente celui-là ! Je ne lis que des critiques élogieuses à son sujet.
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H
Un beau roman !
G
Ton billet me donne envie. je note !
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H
Un beau roman !
N
Un grand roman...! Il faut que je prenne le temps d'en parler !
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H
Je suis d'accord, un grand roman !
D
Bonjour Hélène, dès que je le trouve en biblio, je l'emprunte. Bonne après-midi.
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H
Il vaut le détour, et je pense qu'il a de fortes chances d'avoir le Goncourt ou le Fémina
C
J'avais beaucoup aimé "Jusque dans nos bras" de cette auteure.
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H
je ne connaissais pas cette auteure, je la découvre
A
On sent que tu as été sensible à cette lecture.
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H
Oui j'ai beaucoup aimé
D
J'ai un avis très mitigé sur ce livre dont le sujet m'a immédiatement attiré mais dont j'ai trouvé le récit un peu trop plat sans vrai relief bref pour moi une déception
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H
Je n'avais pas lu beaucoup de romans sur cette période donc pour moi il y avait aussi l'attrait de découvrir l'histoire par le biais des personnages.
S
beau blog. un plaisir de venir flâner sur vos pages. une belle découverte. un blog très intéressant. J'aime beaucoup. je reviendrai. N'hésitez pas à visiter mon blog (lien sur pseudo). au plaisir
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H
Merci, très beau site pour toi aussi !
A
Je n'ai lu que du bien sur ce roman. Je vais peut-être finir par me laisser tenter...
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H
Oh oui !
V
rahh toi aussi tu as aimé! Je ne voulais pas le lire (va savoir pourquoi!?) et tous ces éloges me font doucement changer d'avis...
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H
Il FAUT que tu le lises !
L
un sujet intéressant et visiblement un roman réusi
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H
Oui c'est intéressant de découvrir l'Histoire par ce biais !
C
La critique - très réussie - me donne envie de lire ce livre. Merci
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H
merci !
I
très belle chronique. je vois que ce roman t'a également touchée. perso c'est mon très gros coup de cœur de ces 6 derniers mois
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H
Une belle découverte !
Y
Coup de coeur pour moi aussi ☺
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H
Il fait l'unanimité !