Le chagrin des vivants de Anna HOPE

Publié le par Hélène

"C'est la guerre qui gagne. Et elle continue à gagner, encore et toujours."

Novembre 1920. Le Soldat Inconnu doit être rapatrié depuis la France en Angleterre. Les préparatifs s'accélèrent pour accueillir comme il se doit cet hommage aux hommes disparus brusquement durant la guerre.

A Londres, trois femmes restent marquées par cette guerre meurtrière : le fiancé d'Evelyn a été tué et elle cotoie chaque jour des anciens soldats puisqu'elle travaille au bureau des pensions de l'armée, Ada espère toujours voir son fils revenir alors qu'il est tombé au front, Hettie accompagne chaque soir d'anciens soldats sur la piste du Hammer-Smith Palais pour six pence la danse. Le frère de Hettie est revenu de la guerre profondément marqué ; les destins de ces trois femmes s'entrecroisent au seuil de cette journée qui se prépare.

La guerre a laissé son lot de séquelles dans les âmes de ces hommes et de ces femmes. Si les hommes restent bien souvent ancrés dans leurs traumatismes, les femmes tentent de libérer la parole pour surmonter les douleurs.

"Je vois tellement de femmes, ici, qui s'accrochent, toutes. Qui s'accrochent à leur fils, à leur amant, à leur mari ou à leur père, tout aussi solidement qu'elles s'accrochent aux photos qu'elles conservent ou aux fragments d'enfance qu'elles apportent avec elles et déposent sur cette table."
Elle désigne le plateau d'une main.
"Elles sont toutes différentes, et pourtant toutes pareilles. Toutes redoutent de les laisser partir. Et si on se sent coupable, c'est encore plus dur de relâcher les morts. On les garde près de nous, on les surveille jalousement. Ils étaient à nous. On veut qu'ils le restent."
Il y a un silence.
"Mais ils ne sont pas à nous, poursuit-elle. Et dans un sens, ils ne l'ont jamais été. Ils n'appartiennent qu'à eux-mêmes, et seulement à eux. Tout comme nous nous appartenons. Et c'est terrible par certains côtés, et par d'autres... ça pourrait nous libérer."

Les femmes sont sur le devant de la scène dans ce roman, s'affranchissant peu à peu des carcans masculins. La danse constitue pour certaines un nouvel espace de liberté qui permet d'exorciser les démons effrayants de l'époque. Anna Hope a su créer des portraits de femmes profondément attachants qui chantent avec talent la vie plus forte que la mort...

 

Présentation de l'éditeur : Gallimard ; Folio

D'autres avis : Télérama ; Papillon ; Carobookine; Audrey ; Dasola

 

Le chagrin des vivants, Anna Hope, trad. de l'anglais par Élodie Leplat, Gallimard, Folio, août 2017, 432 p., 8.30 euros

 

Le mois anglais est aujourd'hui consacré à Anna Hope

 

Publié dans Littérature Europe

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