La tête à Toto de Sandra KOLLENDER
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L’auteur :
Conceptrice-rédactrice puis comédienne, elle met sa carrière entre parenthèses en 2003 pour s’occuper de son fils, alors atteint du Syndrome de West.
Elle partage actuellement son temps entre les nombreuses rééducations et la scène.
La Tête à Toto est son premier roman.
L’histoire :
– Écoute Anna, ton bébé est gravement malade, mais tu sais il pourrait être handicapé. Ah, OK, il est handicapé ? Mais tu pourrais être une mère célibataire. Ah, ça aussi ? Bon mais ne te plains pas, je te rappelle que le père de ton fils est vivant alors que ton amoureux d’avant est mort d’un cancer. Ah, tu vois, ça va tout de suite mieux non ?
Anna a grandi dans une famille où le pathos est proscrit. Chez les siens, il est un devoir de rire de tout. Alors, elle n'a pas choix, il faut tout prendre autrement. C'est une question de survie.
Dans ce roman autobiographique, Sandra Kollender nous entraîne dans un monde surréaliste et lumineux. Elle démontre que dans la vie non seulement tout peut arriver – mais que, surtout, presque tout arrive. Même le meilleur.
En refermant ce livre sur le pouvoir de l'amour maternel, on se dit que, bien qu’escarpé, le chemin est exaltant.
Ce que j’ai aimé :
Sandra Kollender nous fait découvrir le parcours du combattant d’une mère et de son enfant handicapé : les médecins peu aptes à expliquer la maladie, peu psychologues, les directrices d’école, peu enclines à accepter un enfant handicapé, les méthodes de rééducation, peu adaptées en France… Le bilan pour la France est lourd : il semble que ce soit un pays qui ne sait pas gérer cette réalité, obligeant par exemple Noé à se faire rééduquer à … Toronto !
Après les stages à Toronto avec la méthode MEDEK voici le bilan de la jeune maman :
« Eh bien moi j’ai réalisé pendant mes longues heures d’avion que si Noé était né dans une ferme au fin fond de la Creuse, dans une famille un peu moins informée et avantagée, il n’aurait pas pu partir à Toronto et rien de tout ça ne serait arrivé.
J’ai aussi vu le retard de la France en matière de prise en charge (peu de choix, quasiment aucun remboursement), mais surtout l’étroitesse d’esprit des nombreux rééducateurs qui refusaient de s‘ouvrir aux méthodes qui ne sont pas celles enseignées à l’école.(…)
« Ah oui, c’est très bien. Oui vraiment, très impressionnant. Ca ressemble un peu à la méthode machin que j’utilise parfois. Bravo, il a fait de beaux progrès. Allez, reprenons où on en était. » » (p. 43)
Le ton de ce témoignage se veut drôle et décalé :
« Je n’ai rien contre les PMI. C’est peut-être très bien. Mais faut pas y aller quand t’es malade. C’est marqué dans le règlement. Quand t’es malade il faut aller voir le pédiatre. Mais comment tu sais que t’es malade si tu vas qu’à la PMI ? » (p. 21)
En effet derrière cette mascarade humoristique, se cache de véritables failles, cachées pour les besoins du bien-être de l’enfant :
« Mais il faut qu’il sache que je suis la plus graaaande actrice qu’il ait jamais connue.
Je suis celle qui peut vire chaque jour avec un cœur mort en chantant « Meunier tu dors » avec les mains qui tournent et le changement de rythme et tout et tout.
Je suis celle qui peut parler pendant près d’une heure avec sa grand-mère adorée d’une voix parfaitement calme et raccrocher pour pouvoir enfin m’écrouler.
Je suis celle qui va jouer la comédie du monde meilleur pour son petit garçon, parce que si je ne le fais pas, il va devenir triste. » (p. 76)
Ce que j’ai moins aimé :
J’ai nettement moins aimé les chapitres consacrés uniquement à la maman et à ses déboires amoureux. Il faut dire aussi que ce livre est beaucoup centrée sur elle, sur sa capacité à passer outre les difficultés, à être une super-maman…
Je me suis demandée si les quelques caricatures qui égratignent la France sont vraies ou pas, j'aurais aimé qu'un dossier accompagne ce petit livre, avec en plus des explications sur la maladie évoquée.
Au final, je pense que le fait de traiter de ce sujet sur un mode humoristique est dérangeant pour les personnes concernées par le handicap, j’ai en effet demandé à deux personnes dont c’était le cas, elles m’ont répondu que ce type de livre les gênait.
Premières phrases :
« Je m’appelle Anna, je suis au bord de mes trente-sept ans et de pas mal d’autres choses. J’ai des diplômes vraiment très impressionnants. Si vous voulez les voir, ils sont quelque part au fond d’un carton. »
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D’autres avis :
La tête à Toto, Sandra Kollender, Steinkis Editions, février 2012, 156 p., 9.50 euros