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litterature francaise

Neverland de Timothée DE FOMBELLE

Publié le par Hélène

  ♥ ♥

"C'était un voyage incertain. J'ai dormi sous la lune."

Un beau matin, le narrateur décide de partir en chasse de son enfance. Il enfourche son cheval, s'équipe de sarbacanes, de potions, casiers filets, fléchettes qui endorment, ne sachant pas à quoi s'attendre ni comment prendre dans ses filets cette enfance éphémère tellement insaisissable. Et le voilà en quête de celui qu'il était... "J'étais le chercheur d'or, le chasseur fou, illuminé par ce rêve."

Il traque aussi ce moment où tout bascule, où l'enfance s'évade pour laisser place à la gravité de l'adulte. Au mitan de sa vie il rêve de la capturer pour ne pas la laisser s'évanouir dans les airs du temps pesant. Don Quichotte courant après des moulins à vent, il erre funambule sur le fil de sa mémoire. Il s'illumine soudain au souvenir de certaines scènes comme ces dimanches soirs magiques, quand ses parents décidaient de prolonger le week-end bienheureux en emmenant toute la famille manger des cailles chaudes sur un rocher plat dans le forêt de Fontainebleau, comme pour retenir les heures avant la reprise de la semaine.

"Je n'ai jamais essayé de retenir l'enfance ou de m'y attarder. J'ai simplement voulu faire grandir l'enfant en moi, le faire progresser, en le gardant vivant. Car, malgré les promesses que me faisait ce nouveau monde, le pays adulte, il y avait quelque chose que je n'abandonnerais pas : l'envie d'inventer et de créer. C'était un serment. Je ne renoncerais pas à l'imaginaire. Je ne perdrais pas le fil. Ce serait la continuation de l'enfance par d'autres moyens, le rêve de perfectionner éternellement l'enfance."

Une magie volatile s'échappe de cette quête, elle survole nos vies et frôle nos âmes, pour une géographie poétique de l'enfance millénaire. Neverland exerce une indéniable attirance sur nos âmes d'enfants...

 

Présentation de l'éditeur : L'iconoclaste

D'autres avis : Lecture commune avec Eva

Télérama

Du même auteur : Tobie Lolness (2006, Gallimard Jeunesse) / Vango (2010, Gallimard Jeunesse) / Le Livre de Perle (2014, Gallimard Jeunesse)

 

Neverland,Timothée de Fombelle, L'Iconoclaste, 2017, 116 p.,  16 euros

 

Sélectionné pour le prix Psychologies du roman inspirant.

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Eparse de Lisa BALAVOINE

Publié le par Hélène

  ♥ ♥

"On cherche les lignes droites, mais elles son éparses et on doit se résoudre à suivre le mouvement."

Au lendemain de la rupture, la narratrice n'est plus que fragments. Sa vie a volé en éclats, elle doit tant bien que mal réconcilier l'ensemble pour continuer à avancer, pour essayer du moins, de faire semblant. Elle plonge dans sa mémoire pour rassembler, pour comprendre peut-être enfin, d'où elle vient, pour peut-être, discerner une logique dans cet ensemble bancal que semble être devenue sa vie. Le passé, pour retrouver une époque bénie plus légère, pour oublier un instant la lourdeur de la fin.

Mais ses efforts sont vains, la jeune femme reste cette femme décousue, femme contemporaine tout en angles et contradictions...

"Peut-être faudrait-il prendre des résolutions, se résoudre, se raisonner, résorber les vices, résoudre les vides, colmater les brèches. Mais je laisse tout béant, ouvert aux quatre vents.

Je fais de l'incertitude mon objet d'étude."

L'auto-dérision aide à contrebalancer la tristesse sous-jacente qui parcourt les pages de cet auto-portrait contemporain. L'auteur a tendance à un peu trop user et abuser des énumérations-inventaires mais elle signe là son premier roman qui témoigne d'un univers dense et prometteur.

Elle nous offre un brin d'espoir, et pallie un instant à notre solitude existentielle. Et tout à coup, au détour d'une phrase, d'une pensée, le sens jaillit...

« Il y a des moments - rares - où je prends conscience que je suis vivante et que je respire encore.
Je souris parfois lorsqu'on me regarde.
Rien n'est perdu. »

 

Présentation de l'éditeur : JC Lattès

D'autres avis : Charlotte ; Leiloona ; Caroline ; Sabine ; Clarabel ; Séverine ; Agathe ; Eimelle  ;

Interview chez Au fil des livres

"Prenez le temps de penser à vous, de vous accompagner, de vous suivre du regard, avec bienveillance. C’est important de s’accorder du temps pour s’accorder avec soi-même."

 

Eparse, Lisa Balavoine, JC Lattès, janvier 2018, 208 p., 18 euros

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Frappe-toi le coeur de Amélie NOTHOMB

Publié le par Hélène

♥ ♥ ♥ ♥

Marie a 19 ans en 1971. Elle incarne la beauté, le sait et cette perfection lui laisse penser qu'elle se forgera un destin d'exception. Mais ses projets tournent court puisqu'elle tombe enceinte du fils du pharmacien, qui, s'il est le plus beau garçon de la ville, n'incarne pas pour autant ce destin exceptionnel auquel la jeune fille se destinait. Quand sa fille Diane nait et que tous vantent sa beauté hors normes, Marie se sent flouée et la jalousie, l'envie, l'insatisfaction la rongent peu à peu. Diane a la chance de pouvoir se réfugier chez ses grands-parents, chez qui elle trouve l'amour totalement inexistant chez sa mère. L'enfant, brillante, comprend rapidement que la jalousie empêche le sentiment de s'épanouir chez sa mère.

La jeune Diane apprendra à aimer ailleurs, trop, mal, elle apprendra à reconnaitre ce sentiment d'envie chez d'autres. Donner la juste dose d'amour s'avère compliqué, tant chacun a tendance à aimer trop ou pas assez.

Ce conte cruel met en avant la complexité des rapports humains, aux ramifications profondes et quelquefois douloureuses... Un texte court et brillant !

 

Présentation de l'éditeur : Albin Michel

D'autres avis : Télérama ; L'Express

Géraldine

 

Frappe-toi le coeur, Amélie Nothomb, Albin Michel, août 2017, 176 p., 16.90 euros

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En camping-car de Ivan JABLONKA

Publié le par Hélène

♥ ♥

"Le camping-car nous a emmenés au Portugal, en Grèce, au Maroc, à Tolède, à Venise. Il était pratique, génialement conçu. Il m’a appris à être libre, tout en restant fidèle aux chemins de l’exil. Par la suite, j’ai toujours gardé une tendresse pour les voyages de mon enfance, pour cette vie bringuebalante et émerveillée, sans horaires ni impératifs. La vie en camping-car. "

Dans les années 80, les parents de Ivan Jablonka font l'acquisition d'un camping-car pour passer des vacances sous l'aune de la liberté. Ces vacances seront les moments de son enfance durant lesquels l'auteur aura été le plus heureux, libre, lové dans l'interstice voluptueux placé entre l'école, les études plus pesantes. Il s'efforce de répondre à l'injonction de son père "Soyez heureux", cette obligation au bonheur par respect pour ce que sa famille a pu subir, ses grands-parents ayant été assassinés à Auschwitz, et son père sommé de grandir dans les institutions réservées aux orphelins de la Shoah. En famille, il arpente donc les rives de la Méditerranée, la Grèce, l'Italie, le Maroc, mais aussi la Californie, et profite de ce qui s'offre à lui :

"A Nazaré, un petit port sur l'Atlantique au nord de Lisbonne, nous nous attardons sur la plage à la fin de la journée, après le départ des touristes. Des boeufs, aiguillonnées par les pêcheurs, remontent des filets remplis de poissons. Les filets sortent lentement de l'eau, l'air se remplit d'écume, le soleil fait étinceler le frétillement argenté. Les pêcheurs, d'allégresse, jettent leurs casquettes en l'air." p. 17

Ces voyages ponctués de visites culturelles organisées avec talent par ses parents permettent également au jeune garçon d'appréhender l'histoire autrement : il erre dans les colonnes du temps en recherchant des tessons, des plantes, des fibules, des épaves, ce qui le confortera dans sa passion pour l'histoire :  "L'historien est quelqu'un qui voyage dans l'espace autant que dans le temps."

Ivan Jablonka évoque aussi une époque révolue, pourtant pas si loin de nous, avant Internet, avant les ordinateurs portables, un monde sans airbags, sans Facebook, sans teinter son récit de nostalgie, il décrit en historien ce monde éteint.

"J'ai grandi dans le camping-car et le camping-car m'a fait grandir. En valorisant une culture démocratique et une manière d'être toujours en mouvement, il a été le support d'un rapport au monde qui fait le lien entre le cosmopolitisme juif du XIXème siècle, la culture contestataire du XXème siècle et les idéaux de la gauche du XXIème siècle." p . 136

Ce que j'ai moins aimé : J'ai été gênée, comme pour Laëtitia, par ce côté décousu, entre autobiographie, essai sociologique, historique... J'appréciais les passages liés au récit des vacances, saisie par la poésie qui se dégageait des descriptions, puis brusquement, cette poésie s'arrêtait net pour laisser place à des considérations sociologiques ou historiques, et j'ai été dérangée par ce mélange abrupt des genres qui oblige à faire un va-et-vient sans cesse entre différentes émotions. Je ne dois pas avoir le cerveau assez élastique pour cette gymnastique... (l'âge sans doute...)

Bilan : Pour l'auteur, il s’agit de « débusquer ce qui en nous n’est pas à nous. Comprendre en quoi notre unicité est le produit d’un collectif, l’histoire et le social. Se penser soi-même comme les autres. » Beau projet, qui conviendra à ceux qui ont le cerveau vif et élastique...

 

Présentation de l'éditeur : Seuil 

Du même auteur : Laëtitia ou la fin des hommes

D'autres avis : Presse :  Télérama, Nouvel Obs ; Blogs : Joëlle

 

En camping-car, Ivan Jablonka, Seuil, janvier 2018, 192 p., 17 euros

 

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Couleurs de l'incendie de Pierre LEMAITRE

Publié le par Hélène

♥ ♥ ♥ ♥

En février 1927 lors des obsèques de Marcel Péricourt, un nouveau drame va fondre sur la famille. Madeleine est appelée à reprendre la main sur la fortune de son père et sur ses affaires mais le geste tragique de son fils Paul change irrémédiablement sa destinée. Confrontée aux manigances politiques, aux trahisons des banquiers, aux abandons de ses proches, elle devra faire preuve de la même froideur et du même calcul qu'eux pour garder la tête hors de l'eau et préserver son fils Paul.

Cette grande fresque n'est pas sans rappeler le magnifique Comte de Monte Cristo avec cette même mécanique de la vengeance. Chaque personnage est bien dessiné et nous naviguons entre eux, emportés par un élan romanesque enchanteur ! Que ce soit Charles, député qui essaie de marier ses filles laides, Léonce la traitresse arriviste, Vladi la nurse polonaise tellement efficace, Joubert le banquier vénal, Dupré au service de la lutte des classes, Paul et sa passion pour l'opéra, André, le précepteur trouble, tous sont pris aux rets d'une époque bancale, entre manoeuvres politiques, désir d'évasion fiscale, ambitions démesurées des uns et des autres, et surtout peu à peu, montée du nazisme. L'intime rejoint la grande Histoire, les deux s'entremêlant savamment. 

A noter que ce roman peut se lire indépendamment de Au revoir là-haut, nul besoin de se souvenir des personnages pour comprendre l'intrigue.

Vivement la suite !

 

Présentation de l'éditeur : Albin Michel

D'autres avis : Télérama ; France Inter ;

Eva ;

 

Du même auteur : Au revoir là-haut ♥ ♥ ♥ ; Trois jours et une vie ♥ ; Cadres noirs ♥ ♥ ♥ (policier)

 

Couleurs de l'incendie, Pierre Lemaitre, Albin Michel, janvier 2018, 540 p., 22.90 euros

 

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Arrête avec tes mensonges de Philippe BESSON

Publié le par Hélène

♥ ♥

Barbezieux, 1984. Là où tout commence... Philippe Besson, a 17 ans, des résultats à la hauteur des attentes de son père, instituteur, des amis fidèles. Quelques rumeurs courent déjà sur son attirance pour les garçons et si Philippe ne les alimente pas, il ne les fuit pas non plus, secrètement ravi de se trouver différent des autres, s'éloignant ainsi du rôle d'un enfant modèle qu'on lui assigne... "Je n'aurai pas à suivre la meute. D'instinct, je déteste les meutes. Cela ne m'a pas quitté." Durant cette année de terminale, il tombe sous le charme de Thomas Andrieu, garçon sombre et ténébreux qui se rapproche de lui.  Thomas et Philippe s'organisent des rendez-vous discrets, vivant une parenthèse enchantée, en parallèle de leur vie connue. La fin de l'année de terminale et les routes divergentes risquent de briser cet élan si pur...

"J'écrirai souvent, des années après, sur l'impondérable, sur l'imprévisible qui détermine les évènements.

J'écrirai également sur les rencontres qui changent la donne, sur les conjonctions inattendues qui modifient le cours d'une existence, les croisements involontaires qui font dévier les trajectoires.

Ça commence là, dans l'hiver de mes dix-sept ans."

A l'orée entre autobiographie et fiction, Philippe Besson évoque ici son premier amour, Thomas à la source de des thèmes récurrents de son oeuvre, le manque, "la privation insupportable de l'autre", la tristesse, la folie qui menace, manque qui prend ces racines ici, dans cette première histoire d'amour. Il sèmera dans son oeuvre des allusions à ce Thomas adolescent. Avec délicatesse et subtilité, l'auteur se livre sur ses choix, sur son homosexualité "Mais jamais je ne dévierai. Jamais je ne penserai : c'est mal, ou : j'aurais mieux fait d'être comme tout le monde, ou : je vais leur mentir afin qu'ils m'acceptent. Jamais. Je m'en tiens à ce que je suis. Dans le silence certes. Mais un silence têtu. Fier."

Mais il parle aussi d'un époque, de destins divergents à l'âge où l'avenir se profile, de ceux qui partent et ceux qui restent, dans leur ville natale, du hasard qui crée des trajectoires. Il touche à l'humain quand il parle d'identité, quand il effleure ce qu'il y a en nous que nous ignorons mais que les autres peuvent voir, par une soudaine fulgurance de l'esprit :  Thomas aura cette phrase visionnaire marquante sur Philippe  "Parce que tu partiras et que nous resterons." Il nous parle enfin de mensonges et de vérités, du pouvoir de la fiction et de sa force, face à une vérité rivée douloureuse.

Ainsi, Philippe Besson nous parle de lumière avec une mélancolie infinie ...
 

Prix obtenus : Prix Maison de la Presse 2017 et le Prix Psychologie du roman inspirant 2017. Il sera le président du jury du Prix Psychologies du roman Inspirant 2018, et j'ai la chance de faire aussi partie du jury cette année.

 

Présentation de l'éditeur : Julliard, 10-18

Du même auteur : L'arrière-saison

D'autres avis : Télérama ; Alex ; Sylire ; Benoît  ; Caroline ;

 

Arrête avec tes mensonges, Philippe Besson, 10-18, janvier 2018, 158 p., 6.90 euros

Le roman sera adapté au cinéma par Olivier Peyon.

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Sapho de Alphonse DAUDET

Publié le par Hélène

♥ ♥

"Quel maléfice tenait donc, dans cette vie à deux ?"

Jean Gaussin tombe amoureux de Sapho dans les milieux interlopes du Paris bohème et s'attache à cette femme plus âgée que lui. Il découvre qu'elle est en fait une courtisane et comprend que cette femme issue d'un tout autre milieu que le sien fera son malheur, mais il se rassure en se disant qu'il la quittera, quand sa nomination à l'étranger arrivera. Mais les liens sont difficiles à couper quand l'amour s'invite...

Sapho, Moeurs parisiennes paraît pour la première fois sous forme de feuilleton dans l’Echo de Paris en 1884 puis chez G.Charpentier aussi en 1884. Ce roman permet de s'interroger sur les rouages du sentiment amoureux et du couple. Jean est un jeune amoureux impétueux, freiné souvent par Sapho, plus expérimentée. Il offre finalement une vision sans concession du couple avec notamment cette métaphore de la première montée des escaliers quand Jean choisit de porter sa femme jusqu'aux étages :

"Il monta le premier étage d'une haleine, heureux de ce poids que deux beaux bras, frais et nus, lui nouaient au cou.

Le second étage fut plus long, sans agrément. la femme s'abandonnait, se faisait plus lourde à mesure. Le fer de ses pendeloques, qui d'abord le caressait d'un chatouillement, entrait peu à peu et cruellement dans sa chair.

Au troisième, il râlait comme un déménageur de piano ; le souffle lui manquait, pendant qu'elle murmurait, ravie, la paupière allongée : "Oh ! m'ami, que c'est bon ... qu'on est bien..." Et les dernières marches, qu'il grimpait une à une, lui semblaient d'un escalier géant dont les murs, la rampe, les étroites fenêtres tournaient en une interminable spirale. ce n'était plus une femme qu'il portait, mais quelque chose de lourd, d'horrible, qui l'étouffait, et qu'à tout moment il était tenté de lâcher, de jeter avec colère, au risque d'un écrasement brutal."

Sapho est-elle une femme corruptrice ? La ville de Paris serait-elle corruptrice également, lieu de perdition, par rapport à la province, plus saine et  simple ? Pour écrire ce roman Alphonse Daudet se serait inspiré de son expérience tumultueuse qu’il vécut, étant jeune, avec Marie Rieu. Il hantait également les milieux bohèmes de l'époque et sa peinture de Paris rayonne de réalisme.

 

Présentation de l'éditeur : Flammarion

 

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Etre ici est une splendeur, vie de Paula M. Becker de Marie DARRIEUSSECQ

Publié le par Hélène

 ♥ ♥

1876 à 1907. Paula Modersohn-Becker est une artiste peintre allemande de la fin du XIXème siècle, célèbre en Allemagne et dans beaucoup d’autres pays au monde, mais à peu près inconnue en France bien qu’elle y ait séjourné à plusieurs reprises... Elle est précurseure de l’expressionnisme, et fut amie de Rilke et de son épouse, la sculptrice Clara Westhoff. Elle peint envers et contre tout, comme un besoin essentiel.

Elle se marie en 1901 avec Otto Modersohn, mais elle reste déçue par le mariage, ce qui la pousse à quitter son mari quelques années plus tard, préférant se consacrer corps et âme à son art.

"L'expérience m'a enseigné que le mariage ne rend pas plus heureuse. Il ôte l'illusion d'une âme soeur, croyance qui occupait jusque-là tout l'espace. dans le mariage, le sentiment d'incompréhension redouble. Car toute la vie antérieure au mariage était une recherche de cet espace de compréhension. est-ce que ce n'est pas mieux ainsi, sans cette illusion, face à face avec une seule grande et solitaire vérité ?"

Elle reviendra vers lui et tombera alors enceinte, mettant au monde une petite fille, Mathilde. Dix-huit jours après sa naissance, alors qu'on l'autorisait à se lever pour la première fois, elle s'écroula, victime d'une embolie pulmonaire. Son dernier mot sera "Schade" "Dommage".

AU-delà de son intérêt pour son art, Marie Darrieussecq s'est aussi intéressée à elle à cause de ce dernier mot :  "J'ai écrit cette biographie à cause de ce dernier mot. Parce que c'était dommage. Parce que cette femme que je n'ai pas connue me manque. parce que j'aurais voulu qu'elle vive. Je veux montrer ses tableaux. Dire sa vie. Je veux lui rendre plus que la justice : je voudrais lui rendre l'être-là, la splendeur."

Ce que j'ai moins aimé : le style et certains détails nous font balancer entre charme et vide des propos : par exemple au restaurant des détails tels que : "Paula y prend volontiers des asperges, et Rilke du melon." apparaissent bien peu nécessaires...

Bilan : Au-delà du personnage touchant de l'artiste, je n'ai pas été sensible au charme de cette biographie.

 

Présentation de l'éditeur : POL ; Folio

D'autres avis : TéléramaBabélio

 

Etre ici est une splendeur, Marie Darrieussecq, Folio, septembre 2017, 160 p., 6 euros

 

EXTRAIT DE REQUIEM POUR UNE AMIE
Rainer Maria Rilke, 1908

Proche de Paula Modersohn-Becker, le poète Rainer Maria Rilke est terriblement affecté par la disparition de la jeune femme. Les deux amis se sont toujours vouvoyés. Mais un an après son décès, il la tutoie dans un texte poignant à sa mémoire.

« Dis, dois-je voyager ? As-tu quelque part
laissé une chose qui se désole
et aspire à te suivre ? Dois-je aller visiter un pays
que tu ne vis jamais, quoiqu’il te fût apparenté
comme l’autre moitié de tes sens ?
Je m’en irai naviguer sur ses fleuves, aux étapes
je m’enquerrai de coutumes anciennes,
je parlerai avec les femmes dans l’embrasure des portes,
je serai attentif quand elles appelleront leurs enfants.
[…]
Et des fruits, j’achèterai des fruits, où l’on
retrouve la campagne, jusqu’au ciel.
Car à ceci tu t’entendais : les fruits dans leur plénitude.
Tu les posais sur des coupes devant toi,
tu en évaluais le poids par les couleurs.
Et comme des fruits aussi tu voyais les femmes,
tu voyais les enfants, modelés de l’intérieur
dans les formes de leur existence. »

 

Le musée d'Art Moderne de Paris lui consacre une exposition en 2016, exposition à laquelle a collaboré Marie Darrieussecq :

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L'histoire du lion Personne de Stéphane AUDEGUY

Publié le par Hélène

♥♥

Alors qu'il quitte son village pour se rendre à Saint Louis, Yacine rencontre un jeune lionceau abandonné. Touché par la solitude de l'animal abandonné par sa mère, il décide de l'emmener avec lui. Et c'est ainsi que commence l'incroyable épopée de ce lion qu'il appellera Personne, en hommage à la ruse d'Ulysse sur l'île du Cyclope. Jean-Gabriel Pelletan directeur de la compagnie royale du Sénégal chez qui se rend Yacine accepte de garder le lionceau qui grandit dans un univers protégé. Mais un jour il blesse un jeune garçon et Pelletan doit l'éloigner du Sénégal. Il décide de l'envoyer à Paris, à la ménagerie royale de Versailles.

Ce court roman permet de découvrir ce fascinant animal qui a réellement vécu de 1786 à 1796.

Woira le lion et son chien, 1794-1796 © MNHN - Bibliothèque centrale

Lion Woira et le chien Braque à la ménagerie du jardin des Plantes

Son histoire originale permet de sonder les rapports entre les hommes et les animaux oscillant entre maltraitance et bienveillance.

Ce que j'ai moins aimé : Il est difficile de s'attacher à un des personnages qui sont assez détachés, froids. Sitôt que l'on commence à s'attacher à l'un d'eux, le lion doit les quitter et nous les quittons également.

Bilan : Un tableau de l'époque intéressant et original.

 

Présentation de l'éditeur : Seuil ; Points

D'autres avis : sur le site des Editions Points, l'avis des autres jurés du prix du Meilleur Roman Points

 

Histoire du lion personne, Stéphane Audéguy, Points, août 2017, 168 p., 6.50 euros

 

Roman sélectionné pour le Prix Meilleur Roman Points 2018

 

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Pactum salis d'Olivier BOURDEAUT

Publié le par Hélène

♥ ♥

Michel, agent immobilier résolument parisien à l'ambition démesurée, passe quelques jours en vacances dans un hôtel à la Baule. Il hante les rues de la cité balnéaire au volant de sa Porsche, écume les bars et boites de nuit pour étaler son argent et son charme. Par un hasard comateux éthylique il se retrouve un matin sur les terres de Jean, paludier besogneux, peu enclin à accueillir cet invité indésirable. Ces deux êtres solitaires se côtoient quelques temps, esquissent quelques pas d'amitié, pour le meilleur et pour le pire...L'amitié est-elle réellement un pacte de sel inaltérable ?

Ces deux êtres fous, improbables, sont pétris de défauts, souvent border-line et ces failles les rendent attachants, comme cela était déjà le cas dans le magnifique premier roman de l'auteur En attendant Bojangles. L'auteur sait se démarquer par ses situations loufoques, ses dialogues au rythme enlevé qu'il a appris chez Antoine Blondin, écrivain qu'il admire.

Le lieu est également un personnage à part entière, bien plus présent que l'intrigue, ténue, concentrée autour de ce corps retrouvé dans les marais. Olivier Bourdeaut a été lui-même cueillir la fleur de sel durant quatre mois dans ces marais, et sa fascination pour ce lieu changeant, soumis aux aléas météorologiques transparait en ses lignes.

Mais : Malheureusement les envolées lyriques mâtinées de métaphores filées interminables que l'auteur consacre à ce lieu tombent à plat."En contrebas, s'étalait, comme une robe déployée, un modèle de haute couture naturelle. Le tissu de gazon, vert brillant, ceinturé par le gris pâle du remblai, débordait légèrement sur la manche de sable humide aux reflets d'argent. Dentelé d'une fine écume de mousseline, l'ourlet d'une mer saphir s'accrochait au ciel, par un horizon franc qui finissait magistralement le déguisement des éléments."

Bilan : Un roman pétillant grâce à ses dialogues et à ses personnages improbables.

 

Présentation de l'éditeur : Finitude

Du même auteur En attendant Bojangles

D'autres avis : Leiloona

 

Pactum salis, Olivier Bourdeaut, Finitude, 2018, 252 p., 18.50 euros

 

Merci à l'éditeur et à l'agence Anne et Arnaud.

 

Vous pouvez rencontrer Olivier Bourdeaut le 19 janvier à 18H à la Fnac Saint Lazare :

 

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