Rien ne résiste à Romica de Valérie RODRIGUE
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"Il y a la pauvreté mais il y a aussi la famille, les enfants, l'amour. Sans tout cela, il n'y aurait que la pauvreté." p. 72
Après le discours de Nicolas Sarozy en 2010 dans lequel il stigmatisait les Roms et créait un amalgame dérangeant entre Roms, gens du voyage et délinquance, Valérie Rodrigue, journaliste dans des magazines féminins, s'insurge et décide de réagir, de militer. Dans un premier temps, elle s'investit auprès des enfants et propose de l'aide aux devoirs dans un village d'insertion rom roumain dans le 93. Puis, un beau jour, son chemin croise celui de Romica, une jeune rom enceinte faisant la manche avec son enfant. Touchée par la détresse mêlée de colère de la jeune femme, elle s'intéresse à elle et une amitié improbable voit alors le jour. Délicatement, des liens profondément humains se tissent entre elles. Valérie devient "l'ange gardien" de Romica, lui rappelant qu'elle a des droits sur le sol français, et qu'elle a aussi le droit de croire à ses rêves "Enfin, parce qu'elle avait un rêve, Romica, celui de devenir médecin. Mais la vie de misère n'autorise pas les rêves, seulement le mariage à l'âge de la puberté et les grossesses non désirées à la suite. C'est ça naître fille et rom dans les Balkans." (Source http://www.huffingtonpost.fr/)
Elle offre ici le témoignage de cette rencontre et de cette communauté stigmatisée. Ce sont des hommes et des femmes qui doivent toujours reconstruire, ailleurs, encore et encore parce qu'ils sont chassés, expulsés, parce que leurs camps sont incendiés. Des êtres touchants qui se heurtent pourtant aux préjugés, aux phrases toutes faites, à la méfiance collective, résonnant des discours habituels ""Qu'ils travaillent au lieu de faire la manche." "Dans une situation pareille on ne fait pas d'enfants." "Ils ont des enfants pour les faire mendier." "Ils viennent ici pour les prestations sociales." "Encore faut-il qu'on leur donne le droit de travailler et la possibilité d'engager une nounou pour garder leurs enfants ...
"S'ils mendient, c'est qu'ils n'ont rien, ni argent, ni nourriture, ni bien à échanger. Si les mères mendient avec leurs enfants, c'est qu'elles n'ont pas d'autre choix, à moins de les laisser tout seuls dans la cabane du bidonville. Elles n'ont qu'à les confier ? A qui ? A une nourrice agréée ?
Pour obtenir des prestations sociales (CAF, CMU), il faut pouvoir justifier d'un domicile, d'un séjour régulier et de ressources déclarées. Autant dire que cela concerne des gens qui ont déjà des acquis. Autant dire une infime minorité.
L'Aide médicale d'Etat est rarement accordée, seulement dans 7% des cas éligibles. Parce qu'il est difficile de comprendre la paperasse française, sauf à avoir été scribe dans une autre vie, parce qu'il faut avoir une domiciliation, parce qu'il faut attendre la réponse environ trois mois, sans se décourager malgré les expulsions et les ordres de quitter le territoire français." p. 62
Valérie Rodrigue peint des réalités là où ne règne que des préjugés, elle s'est intéressée à ces êtres humains démunis en suivant la jeune Romica. Elle raconte les aberrations administratives, le parcours du combattant pour obtenir un bout de papier nécessaire à la survie et à l'intégration, la difficulté de se faire comprendre pour des populations qui ne parlent pas toujours le français, mais elle montre aussi que l'espoir peut être au bout du chemin.
Ce récit d'une vraie rencontre, entre deux femmes d'univers opposés, résonne profondément dans nos esprits. "Romica, c'est Dora, jeune femme rom roumaine de 25 ans, arrivée en France en 2008 par le circuit des passeurs. Elle ne s'attendait ni à cette misère ni à faire la mendicité. Venant d'un ancien pays communiste où la contraception était interdite, elle a eu quatre enfants (mariée à 14 ans) et plusieurs avortements sauvages sur les bidonvilles."
Ce que j'ai moins aimé :
Le style est assez basique, très journalistique, décrivant un état de fait sans aucune fioriture.
Bilan : Un beau témoignage brut qui met en avant l'importance des liens humains et la foi en l'humanité.
Présentation de l'éditeur : Editions Plein Jour
D'autres avis : Antigone ; Clara ; Paolina
Merci à l'éditeur.
Rien ne résiste à Romica, Valérie Rodrigue, Plein jour, mars 2016, 176 p., 17 euros