Une journée de bonheur de Pascal QUIGNARD

Publié le par Hélène

♥ ♥

"Vivre l'entièreté de la journée d'un jour encore, telle est ma prière. Telle est ma simple prière.

Vivre seulement un jour.

Avoir encore le bonheur d'un jour.

Passer encore sur cette terre seulement, en gros, douze heures de lumière, entre la gaieté et les irisations et les cris qui fusent dans l'aurore - et le ternissement, la douceur, l'obscuration, le silence crépusculaire et l'enténèbrement."

 

Le premier texte de ce recueil est une conférence  intitulée"Tuer les fleurs" donnée à Lille en 2013 au musée des Beaux-Arts. Dans ce texte, Pascal Quignard veut "chercher à comprendre ce mouvement qui, s'il n'est pas universel, est invétéré (puisqu'il est attesté dès le paléolithique, il est documenté dès les tombes de Shanidar, en Irak), qui consiste à prélever des fleurs dans les champs, sur les rives, dans les forêts, au haut des montagnes, et à les disposer dans les demeures souterraines auprès des os rassemblés et teints d'ocre des morts." De là, il revient sur trois rituels : l'art floral de l'ikebana au Japon, la composition d'anthologies dans la Grèce ancienne et le fait de citer des morts à Rome, les mots des morts étant arrachés de leurs origines pour revivre ailleurs dans un autre recueil. 

Il s'interroge sur "le carpe diem" cher à Horace et sonde l'obscurité que recèle ce célèbre vers. Paradoxalement l'acte de cueillir porte en lui la mort de la fleur, la mort de l'instant or il est nécessaire de choisir la mort pour faire croitre la vie, de s'abstraire du temps de la vie et de la mort pour vivre pleinement hors du temps, sans crainte du futur, sans désir qui pousse en avant. Sacrifier une fleur, pour donner plus de vie à la vie. La fulguration de la chute porte en elle un surplus de vie. 

De la même façon, les heures crépusculaires durant lesquelles tout bascule fascinent l'écrivain poète :“Il s’agit toujours de ramener de la nuit une espèce de beauté qui éclairerait le monde” note-t-il dans ‘Performances de ténèbres’.

"Où cours-tu , Aurore ? Reste, si mince et bouleversante lueur ! Aurore, garde-toi de l'aube ! C'est l'heure que je préfère. C'est l'heure où le monde s'apprête à être le plus pur. Où l'air est le plus frais. Où l'oiseau tire de son gosier énorme et de sa tête minuscule le chant le plus liquide et le plus miraculeux. Où la feuille de l'arbre retombe, dans la première pâleur, couverte de la rosée que l'air mystérieusement pleure, attendant les becs des oiseaux et les lèvres si brèves des chats qui boivent l'aube sur leurs pétales ou la prélèvent sur leur peau." Dies est Dieu

Ainsi la vie se terre-t-elle dans les interstices, entre le jour et la nuit, entre la vie et la mort... Tout le talent de l'artiste sera de la débusquer...

 

Présentation de l'éditeur : Arléa

Du même auteur : Les solidarités mystérieuses Villa amalia

 

Une journée de bonheur, Pascal Quignard, Arléa poche, mars 2017, 11 euros

Merci à l'éditeur

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
Z
Et bien je note. J'aime les mots enchanteurs de Quignard
Répondre
P
Pascal Quignard est un musicien des mots et ses livres sont toujours un envoûtement avec ce qu'il y a de mystérieux. Dans ce jardin qu'on aimait, lu dernièrement, associe les fleurs, les oiseaux, la mort, la vie à la musique. Je ne connaissais pas celui que vous évoquez, j'irai voir. Merci de l'info.<br /> Anne
Répondre
H
J'ai encore "ce jardin qu'on aimait" qui m'attend, j'ai hâte !
D
moi aussi il m'attend<br /> les textes de Quignard sont toujours un peu mystérieux mais aussi ô combien attachants
Répondre
H
Il est vrai qu'il faut relire plusieurs fois certains passages, mais comme tu le dis après avoir refermé les dernières pages, on est comme ébloui par ce qu'on vient de lire !
A
Il m'attend dans ma PAL.
Répondre
H
Hâte de lire ton avis