1Q84 de Haruki MURAKAMI
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« Le romancier n’est pas quelqu’un qui résout les problèmes. C’est quelqu’un qui pose les questions. » (p.456)
L’auteur :
Né à Kyoto en 1949 et élevé à Kobe, Haruki Murakami a étudié le théâtre et le cinéma à l'université Waseda, avant d'ouvrir un club de jazz à Tokyo en 1974. Son premier roman Écoute le chant du vent (1979), un titre emprunté à Truman Capote, lui a valu le prix Gunzo et un succès immédiat. Suivront La Course au mouton sauvage, La Fin des temps, La Ballade de l'impossible, Danse, Danse, Danse et L'éléphant s'évapore (Seuil, 1990, 92, 94, 95 et 98). Exilé en Grèce en 1988, en Italie, puis aux États-Unis, ou il écrit ses Chroniques de l'oiseau à ressort (Seuil, 2001) et Au sud de la frontière, à l'ouest du soleil (Belfond, 2002 ; 10/18, 2003), il rentre au Japon en 1995, écrit deux livres de non-fiction sur le séisme de Kobe et l'attentat de la secte Aum, un recueil de nouvelles, Après le tremblement de terre (10/18, 2002), Les Amants du spoutnik (Belfond, 2003 ; 10/18, 2004) et le superbe Kafka sur le rivage (Belfond, 2006). Plusieurs fois favori pour le Nobel de littérature, Haruki Murakami a reçu récemment le prestigieux Yomiuri Prize et le prix Kafka 2006.
L’histoire :
Aomamé et Tengo, 29 ans tous deux, mènent chacun de leur côté leur vie, leurs amours, leurs activités. Tueuse professionnelle, Aomamé accomplit des missions pour le compte d’une vieille dame. Tengo lui est un génie des maths, apprenti-écrivain et nègre pour un éditeur qui lui demande de réécrire l’autobiographie d’une jeune fille bien mystérieuse.
Les deux jeunes gens sont destinés à se retrouver mais où ? Quand ? En 1984 ? Dans 1Q84 ? Dans cette vie ? Dans la mort ?
Ce que j’ai aimé :
Pour ceux qui ne connaissent pas encore Haruki Murakami vous découvrirez en commençant ces pages l'attraction qui sévit presque à notre insu et réussit à nous aimanter, sans savoir précisément à quoi cela tient. Peut-être au style, facile, coulant, précis qui fait mouche à chaque phrase. Ou à l’intrigue, mystérieuse et opaque, qui sème judicieusement indices, fausses pistes, nouveau mystère sorti des ténèbres et qui aiguillonnent insidieusement la curiosité du lecteur. Ou encore aux idées, aux questions incessantes sur le monde que pose l’auteur, sans jamais prétendre y répondre.
« Monsieur Komatsu est possédé par la littérature. Les gens comme lui cherchent à découvrir, au moins une fois dans leur vie, quelque chose de véritable, d’authentique. Ensuite, ils ont envie de l’offrir respectueusement au monde. » (p. 213)
1Q84 est un roman complet qui oscille savamment entre profondeur et futilité : quand par exemple Aonamé apprend à ses élèvres les rudiments de l’autodéfense, on ne sait si l’on doit sourire de ses techniques pour le moins radicales, ou s’inquiéter car, en creux, est pointée l’impuissance des femmes face à la force et à la folie masculine :
« La plupart des hommes sont plus grands et plus forts. Une attaque éclair aux testicules, pour une femme, c’est la seule chance de gagner. C’est bien ce que Mao Tsétoung a dit : cherchez et trouvez le point faible de votre adversaire, prenez-le par surprise et écrasez-le. » (p. 232)
De même on ignore quel sort réserver à ces mystérieux Little People : sont-ils des lutins issus des romans ancrés dans les mondes surnaturels, ou des allégories de forces sous-jacentes tapies sous une apparente réalité qui vacille ?
« Que cela me plaise ou non, je me trouve à présent dans l’année 1Q84. L’année 1984 que je connaissais n’existe plus nulle part. Je suis maintenant en 1Q84. L’air a changé, le paysage a changé. Il faut que je m’acclimate le mieux possible à ce monde lourd d’interrogations. Comme un animal lâché dans une forêt inconnue. Pour survivre et assurer ma sauvegarde, je dois en comprendre au plus tôt les règles et m’y adapter. » (p. 200)
« Dans le roman de George Orwell, 1984, comme vous le savez, le personnage de Big Brother est représenté sous la forme d’un dictateur. Il s’agissait à l’époque pour l’auteur d’une allégorie du stalinisme, mais ensuite le terme de Big Brother est devenu le symbole de toute société totalitaire. Il faut porter cela au crédit d’Orwell. Aujourd’hui, alors que nous sommes vraiment en 1984, Big Brother est tellement célèbre qu’il en est devenu trop évident. S’il se manifestait devant nous, nous dirions en le montrant du doigt : « Attention ! prenez garde, lui, là, c’est Big Brother ! » Autrement dit, Big Brother n’a plus sa place sur la scène de notre monde. Ce sont ces Little People qui ont fait leur entrée. Ne pensez-vous pas que le contraste est extrêmement significatif ? (…) Les Little People sont des êtres invisibles. Nous ne savons pas s’ils sont bons ou mauvais, s’ils possèdent une substance ou non. Pourtant, constamment, ils semblent creuser et démolir le sol sous nos pieds. » (p. 409)
1Q84 est un roman puissant qui repousse les frontières de la réalité pour questionner un monde hermétique aux questionnements des humains. Un roman peuplé de non-dits qu’il s’agit de déchiffrer pour s’adapter au roman comme au monde…
Ce que j’ai moins aimé :
- La perspective de devoir attendre encore jusqu’au mois de mars pour le tome 3 a tendance à me déplaire, en attendant je vais me consoler avec le tome 2 et je si vraiment le suspense est trop prenant, je n’aurai plus qu’à apprendre le japonais…
Premières phrases :
« La radio du taxi diffusait une émission de musique classique en stéréo. C'était la Sinfonietta de Janacek. Etait-ce un morceau approprié quand on est coincé dans des embouteillages ? Ce serait trop dire. D'ailleurs, le chauffeur lui-même ne semblait pas y prêter une oreille attentive. L'homme, d'un âge moyen, se contentait de contempler l'alignement sans fin des voitures devant lui, la bouche serrée, tel un vieux marin aguerri, debout à la proue de son bateau, appliqué à déchiffrer quelque sinistre pressentiment dans la jonction des courants marins. Aomamé, profondément enfoncée dans le siège arrière du véhicule, écoutait, les yeux mi-clos. »
D‘autres avis :
Presse : Télérama
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1Q84, Livre I, Avril-juin, Haruki MUAKAMI, Traduit du japonais par Hélène Morita, Belfond, août 2011, 533 p., 23 euros