Liberté sur la montagne de Marc Graciano
♥ ♥
Un chant hypnotique
L’auteur :
Marc Graciano est né le 14 février 1966.
Il vit au pied des montagnes aux confins de l’Ain et du Jura.
Liberté dans la montagne est son premier livre. (Présentation de l’éditeur)
L’histoire :
« Depuis bien des jours le vieux cheminait avec la petite le long de la rivière. Quelquefois le vieux tenait la main de la petite mais, le plus souvent, il la laissait voyager seule autour de lui » : telle est la première phrase de cette histoire puissamment envoûtante tant par la tension dramatique constante que Marc Graciano parvient à conserver tout au long de ce voyage initiatique, semé d’embûches, dans un temps très ancien, que par son style unique, fait de litanies.
Dans leur périple vers l’amont de la rivière, le nord, le vieux et la petite traversent une nature à la fois splendide et sauvage, croisent des personnages inoubliables, comme le veneur.
Vers où les conduira leur destin ? (Présentation de l’éditeur)
Ce que j’ai aimé :
Marc Graciano nous conte un récit très original : le vieux et la petite marche vers un ailleurs teinté de présent, ils marchent et ils rencontrent des dangers, des joies, des peines. Le vieux nomme à la petite les choses pour qu’elle accède à la connaissance du monde, il ne lui épargne aucune de ses vilenies, le sordide côtoie le sublime parce qu’au fond, le monde est fait ainsi.
Ils marchent, étroitement liés et rencontrent tour à tour un cirque ambulant, une joute de chevaliers, des hommes conduits à l’échafaud, un abbé, un berger, un géant, un veneur, une jeune femme envoûtante… Un lien étroit unit ce vieux et cette petite, un lien fait de tendresse, d’amour et de danger. Leur destin les porte inéluctablement là où ils devaient aller…
C’est une peinture du Moyen-Age vivante et dynamique qui se profile sous nos yeux ébahis, les personnages se mettent en branle, tout bouge très vite et prend forme, un monde s’ébauche par la puissance des mots du vieux et de l’auteur. De vieilles légendes puissantes émaillent le récit comme celle d’un cerf magique … Les mots font exister un monde.
Et ce premier roman nous offre une très belle allégorie de la vie, un enseignement philosophique lumineux :
« Alors le vieux dit à la petite qu’ils possédaient des choses qu’ils ne pouvaient pas perdre et que nul ne pourrait leur dérober. Il lui dit qu’ils possédaient le ciel et il lui dit qu’il possédait la forêt et il lui dit qu’ils possédaient l’enchantement chaque jour renouvelé du chemin que tous deux suivaient. (…) Il lui dit qu’ils possédaient les plantes et il lui redit qu’ils possédaient le ciel et aussi les oiseaux dedans le ciel puis il lui dit qu’ils possédaient ces choses à chaque fois qu’ils savaient les capter. Grâce à la connaissance qu’ils en avaient. » (p. 33)
« Il leur dit qu’ils devaient aller toujours librement. Il leur dit qu’ils devaient cultiver désormais le respect et la délicatesse. Il leur dit qu’ils devaient s’arrêter à tous moment et qu’ils devaient s’asseoir et qu’ils devaient regarder le ciel avec une intense sérénité et il leur dit qu’ils se satisferaient alors de la sensation de leur corps chaud et vivant. (…) Le vieux leur dit qu’ils devaient se faire sensible aux chants des oiseaux et à l’odeur de terre humide qui montent de la rivière le soir. Il leur dit qu’ils devaient admirer la pureté du ciel et la beauté des traces. (…) Le vieux leur qu’ils devaient savoir jouir des agréments d’un chemin qui s’enrubanne dans la forêt. » (p. 141)
Ce que j’ai moins aimé :
Il faut être très concentré sur sa lecture pour suivre le destin de ces deux personnages atypiques : les paragraphes sont denses, les dialogues sont uniquement retranscrits au discours indirect, le vocabulaire est riche, les répétitions nombreuses, il faut se laisser porter par cette scansion orale pour pénétrer entièrement dans cet univers si particulier et se laisser hypnotiser.
Un texte difficile qui se mérite.
Premières phrases :
« Depuis plusieurs jours le vieux cheminait avec la petite le long de la rivière. Quelqeufois le vieux tenait la main de la petite mais, le plus souvent, il la laissait voyager seule autour de lui. A cette fin, le vieux veillait à libérer la petite de tout faix. Le vieux veillait aussi à toujours régler son pas sur celui de la petite. »
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D’autres avis :
Aliette Armel ; Sur le site de l'éditeur ; Dominique
Liberté sur la montagne, Marc Graciano, José corti, janvier 2013, 311 p., 19.50 euros