Grizzly Park de Arnaud DEVILLARD
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Be bear aware
Arnaud Devillard partage ici le voyage qu'il a effectué avec sa compagne Cécile de Denver dans le Colorado à Glacier National Park, au nord du Montana. Le couple arpente les routes et visite les parcs nationaux avec toujours en tête la bearanoia. Là réside l'ambivalence des touristes des grands espaces américains : avides d'aventure, ils viennent voir des animaux sauvages sans penser que lesdits animaux sont effectivement sauvages et peuvent les réduire en pièces en cinq minutes. Les park rangers essaient de raisonner les touristes, en vain, ceux ci n'hésitant pas à s'agglutiner dés qu'un ours pointe son nez, et ce au péril de leur vie. Arnaud et Cécile suivent quant à eux les instructions des park rangers à la lettre : faire du bruit en marchant, éviter toute odeur forte, et si on se retrouve nez à nez avec un ours au détour d'un chemin ne surtout pas partir en courant, mais bomber le torse pour impressionner l'animal sauvage... Plus facile à dire qu'à faire me direz-vous ? Arnaud et Cécile en ont bien conscience, raison pour laquelle ils redoutent à chaque pas de rencontrer LA Bête !
Pour l'heure, point d'ours, mais des marmottes, des tamias, des biches, et surtout des paysages à couper le souffle ! Mais là encore le paradoxe du tourisme fait rage :
"Avant d'y pénétrer, j'avais une vision très extrémiste du système des parcs ; naïve, je le reconnais. Des espaces inviolés, difficiles d'accés, où il serait aisé de se perdre, loin de tout et sans sa voiture. En réalité, il y a des routes, dans les parcs nationaux. Des parkings, des navettes, des abribus, des campings, des hôtels et la queue aux douches." p. 51
"C'est le paradoxe des parcs nationaux américains. Ils ont été inventés pour préserver des écosystèmes et des paysages de l'activité humaine, empêcher les forages, les exploitations minières et forestières. Or les zones naturelles alentour sont laides, saccagées. Mécaniquement, prolifère aux lisières des parcs nationaux tout ce qui est interdit à l'intérieur." p. 48
Les deux voyageurs peignent avec humour les moeurs américaines, ces hommes toujours en mouvement pour qui la voiture a tant d'importance :
« La première chose qu’un touriste américain nous demande en arrivant à Yellowstone, c’est jusqu’où il doit rouler pour voir un ours ; la première chose que me demande un touriste européen, c’est où il doit aller marcher pour voir un ours »
Les passages humoristiques alternent avec des pages plus lyriques :
"En reprenant la route, je ressens partout la torpeur crépusculaire qui s'est emparée du parc. L'impression est trompeuse. Plutôt que de torpeur, il s'agit de la sauvagerie véritable qui reprend ses droits et impose son rythme après avoir cédé à celui des hommes durant la journée. Les bruits du soir et de la nuit seront les siens. Les mouvements seront les siens. Les ours pourront arpenter les parkings qui, pour tout dire, n'existeront plus. Cette heure que j'apprécie tant envoie le message que nous n'appartenons pas à ce monde. En saisir quelques bribes me remplit d'une jubilation muette." p. 133
Le récit se teinte d'émotion quand l'auteur évoque ses souvenirs d'enfance de fils d'instituteurs et ses rapports privilégiés avec son père. C'est un peu pour lui qu'il continue à voyager, par fidélité pour cette passion qu'il lui a léguée.
Un récit drôle et intelligent, placé sous l'égide de Pete Fromm et de Doug Peacock...
Mes réticences : un peu lassant sur la fin : promenade, peur de l'ours, voiture, puis repos bienvenu, camping déserté, pizza et bière, nuit agitée par la peur de l'ours, etc...
Bilan : Je veux y aller....
Parc national du Grand Teton
http://www.revamericatours.com/programmes/authentiques/ouest-sauvage/
Présentation de l'éditeur : Le mot et le reste
D'autres avis : Repéré chez Keisha ; Chinouk, La buvette des alpages ; Nathalie
Grizzly park, Arnaud Devillard, Le mot et le reste, 2013, 331 p., 20 euros