Martin Eden de Jack LONDON
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"En vain il se demandait : où sont les grandes âmes ? Et parmi la foule d'êtres indifférents, informes, stupides qu'il évoquait, il ne trouvait rien." p; 294
Martin Eden vient de débarquer d'un bateau de pêche quand il vole au secours d'un homme élégant malmené par des voyous dans une bagarre. Pour le remercier, Arthur Morse l'invite dans l'opulente demeure familial où il rencontre la sœur d'Arthur, Ruth. Martin est fasciné par le milieu qu'il découvre et il tombe immédiatement amoureux de Ruth. Il décide alors de s'instruire en autodidacte pour intégrer la communauté des intellectuels qui gravitent autour de la jeune femme, et pour, peut-être, espérer lui plaire un jour. Fasciné par le savoir, il progresse très rapidement, supplantant bien vite ces bourgeois aux idées conformistes. Ruth n'estime que les valeurs établies, incapable de réfléchir par elle-même, elle n'estime que ceux qui ont réussi et rejette ceux qui échouent. Elle se laisse néanmoins séduire par la vitalité de Martin, l'exhortant à se fondre dans la société bourgeoise en prenant un travail honorable. Mais Martin n' a qu'une ambition : il veut écrire et vivre de la littérature.
S'il est obligé de retourner travailler régulièrement pour gagner de l'argent, sa dernière expérience en blanchisserie le dégoûte définitivement de cette vie de labeur qui pousse les hommes vers la boisson et les transforme en brutes. Le travail l'aliène.
Mais son ascension intellectuelle ira de pair avec une désillusion poignante.
"Autrefois, il s'imaginait naïvement que tout ce qui n'appartenait pas à la classe ouvrière, tous les gens bien mis avaient une intelligence supérieure et le goût de la beauté ; la culture et l'élégance lui semblaient devoir marcher forcément de pair et il avait commis l'erreur insigne de confondre éducation avec intelligence." p. 286
Martin se réclame de Nietzsche pour lui "Le monde appartient aux forts, à ceux qui allient la force à la noblesse d'âme, qui ne se vautrent pas dans les mares croupies des compromissions, dans les pots-de-vin et les affaires plus ou moins véreuses. " "Il ne faut être esclave que de la beauté". Il veut être aimé pour lui-même, par lui-même et non pas pour sa notoriété ou son argent.
La conclusion de ce combat solitaire ne pouvait qu'être tragique, "La vie n'est, je crois, qu'une gaffe et une honte. C'est vrai, une gaffe et une honte." p. 396
S'il est certain que Martin Eden partage avec Jack London certains points communs, l'auteur ayant connu cette misère pour se consacrer lui aussi à la littérature, pour l'amour d'une femme, les deux hommes avaient deux conceptions de la vie bien différentes puisque Jack London était résolument socialiste, croyant en l'homme et fustigeant cet individualisme. Pour l'auteur, un individu seul ne peut l'emporter face à la société, le manque de solidarité poussant les hommes à leur perte.
Le récit de la trajectoire tragique de ce jeune ouvrier qui fait l'épreuve de l'incompréhension, de la misère du désespoir, constitue à juste titre le chef d'oeuvre de Jack London.
Martin Eden, Jack London, traduit de l'anglais par Claude Cendréé, 10/18,