Pour ces premières rencontres régionales du Goncourt des Lycéens à Lille étaient présents :
- Une classe de seconde du lycée Paul Langevin de Beauvais,
- Une classe de 1ère Bac Pro commerce du lycée polyvalent Eugène Woillez de Montreuil sur Mer
- Une classe de 1ère Bac Pro électronique du lycée polyvalent Ernest Couteaux de Saint Amand les Eaux
- Une classe de 1ère L du lycée Henri Wallon à Valenciennes
- et une 1ère S du lycée Pablo Neruda de Dieppe
La rencontre était animée d'une main de maître par le journaliste Frédéric Launay.
Côté auteurs le premier plateau de 14h à 15h comprenait : Metin Arditi ; Karine Tuil ; Nathacha Appanah et Régis Jauffret
Voici quelques unes de questions qui leur ont été posées :
Régis Jauffret parlait de son roman Cannibales paru au Seuil :
Présentation de l'éditeur : Noémie est une artiste-peintre de vingt-quatre ans. Elle vient de rompre avec un architecte de près de trente ans son aîné avec lequel elle a eu une liaison de quelques mois. Le roman débute par une lettre adressée par Noémie à la mère de cet homme : elle s’y excuse d’avoir rompu. Une correspondance s’amorce alors et s’affermit entre les deux femmes, qui finissent par nouer des liens diaboliques et projeter de se débarrasser du fils et ex-amant. Elles imaginent même de le dévorer cuit à la broche au cours d’un infernal banquet. En réalité, ce roman parle d’amour. Les deux femmes sont des amoureuses passionnées. La vieille dame a appelé son fils du nom du seul homme qu’elle ait jamais aimé, et qui est mort accidentellement avant leur mariage. Noémie, elle, est une « collectionneuse d’histoires d’amour », toujours à la recherche de l’idéal. Au fil des lettres que, de son côté, il échange avec les deux protagonistes, le fils et ex-fiancé exprime toute la passion qu’il éprouve toujours pour Noémie. Un roman d’amour épistolaire, donc, dans la plus belle tradition du genre.
Pourquoi choisir deux personnages de deux générations différentes ?
Je voulais montrer que l'amour est toujours resté le même. L'amour est comme une poupée qu'on retourne. Le temps n'existe pas quand on parle de l'amour et la mort.
Avez-vous déjà envisagé de manger un être humain ?
Non ! C'est intéressant sur le plan symbolique. Dans le roman, cela fait partie des choses qui unissent les deux femmes, il s'agit d'un fantasme commun qui les réunit.
Pourquoi choisir une forme épistolaire ?
L'une des portes vers l'écriture est cette forme épistolaire. Tout le monde écrit, qu'il s'agisse de lettres ou de mails. Il s'agit de la forme première des choses, la lettre est comme un monologue dans lequel on laisse entrer les gens.
D'où vous est venue l'inspiraion ?
La rupture est une expérience que tout le monde connait ou a connu. On ne réfléchit à l'amour que quand il est déjà parti.
Nathacha Appanah pour Tropique de la violence chez Gallimard
Présenation de l'éditeur : «Ne t’endors pas, ne te repose pas, ne ferme pas les yeux, ce n’est pas terminé. Ils te cherchent. Tu entends ce bruit, on dirait le roulement des barriques vides, on dirait le tonnerre en janvier mais tu te trompes si tu crois que c’est ça. Écoute mon pays qui gronde, écoute la colère qui rampe et qui rappe jusqu’à nous. Tu entends cette musique, tu sens la braise contre ton visage balafré? Ils viennent pour toi.» Tropique de la violence est une plongée dans l’enfer d’une jeunesse livrée à elle-même sur l’île française de Mayotte, dans l’océan Indien. Dans ce pays magnifique, sauvage et au bord du chaos, cinq destins vont se croiser et nous révéler la violence de leur quotidien.
Quel était le but du roman ?
Je voulais sans doute montrer comment sur une île perdue et abandonnée il peut se dérouler une humanité et une inhumanité terrible.
Croyez-vous en la vie après la mort ?
Non. Mais à Mayotte la mort fait partie de la vie. La mort n'est pas une fin. Les morts ont plus de vérité que les vivants, ils ne peuvent pas mentir.
Metin Arditi pour L'enfant qui mesurait le monde chez Grasset
Présentation de l'éditeur : À Kalamaki, île grecque dévastée par la crise, trois personnages vivent l’un près de l’autre, chacun perdu au fond de sa solitude. Le petit Yannis, muré dans son silence, mesure mille choses, compare les chiffres à ceux de la veille et calcule l’ordre du monde. Maraki, sa mère, se lève aux aurores et gagne sa vie en pêchant à la palangre. Eliot, architecte retraité qui a perdu sa fille, poursuit l’étude qu’elle avait entreprise, parcourt la Grèce à la recherche du Nombre d’Or, raconte à Yannis les grands mythes de l’Antiquité, la vie des dieux, leurs passions et leurs forfaits... Un projet d’hôtel va mettre la population en émoi. Ne vaudrait-il pas mieux construire une école, sorte de phalanstère qui réunirait de brillants sujets et les préparerait à diriger le monde ?
Lequel des deux projets l’emportera ? Alors que l’île s’interroge sur le choix à faire, d’autres rapports se dessinent entre ces trois personnages, grâce à l’amitié bouleversante qui s’installe entre l’enfant autiste et l’homme vieillissant.
Pourquoi ce titre ?
C'est un titre qui s'est imposé. Pourtant au début Yannis n'appartenait pas au roman, je voulais juste un combat Périclès / Palace puis l'enfant a pris toute la place. L'angoisse de cet enfant est que le monde change, il a donc besoin de trouver des choses immuables, des mesures qui le rassurent sur la stabilité du monde.
Où avez-vous eu les informations sur l'autisme ?
J'ai consulté les dirigeants d'un centre de recherche d'une fondation à Genève qui a pignon sur rue sur l'autisme. Puis j'ai assisté à des réunions de thérapeutes. J'ai alors eu la sensibilité à ce qu'est le trouble autistique alors qu'avant, je n'avais pas de connaissances sur cette maladie. Il est d'ailleurs précisé sur la quatrième de couverture que je suis président de la fondation Pôle Autisme mais cela ne s'est fait qu'après le roman, c'est un des miracles de l'écriture !
Karine Tuil pour L'insouciance chez Gallimard :
Présentation de l'éditeur : De retour d’Afghanistan où il a perdu plusieurs de ses hommes, le lieutenant Romain Roller est dévasté. Au cours du séjour de décompression organisé par l’armée à Chypre, il a une liaison avec la jeune journaliste et écrivain Marion Decker. Dès le lendemain, il apprend qu’elle est mariée à François Vély, un charismatique entrepreneur franco-américain, fils d’un ancien ministre et résistant juif. En France, Marion et Romain se revoient et vivent en secret une grande passion amoureuse. Mais François est accusé de racisme après avoir posé pour un magazine, assis sur une œuvre d’art représentant une femme noire. À la veille d’une importante fusion avec une société américaine, son empire est menacé. Un ami d’enfance de Romain, Osman Diboula, fils d’immigrés ivoiriens devenu au lendemain des émeutes de 2005 une personnalité politique montante, prend alors publiquement la défense de l’homme d’affaires, entraînant malgré lui tous les protagonistes dans une épopée puissante qui révèle la violence du monde.
Pourquoi choisir des personnages de banlieue ?
Tout d'abord pour des raisons personnelles, je viens moi-même de la banlieue, et j'ai toujours été fascinée par les contrastes des mondes et la cohabitation de ces mondes là. Je trouvais intéressant aussi la question de la violence sociale notamment de la question de la place sociale, de l'espace géographique avec ces enclaves ces banlieue. Enfin je voulais m'interroger sur la question du déterminisme et de la difficulté à trouver sa place dans la société.
Le World Trade Center est mentionné dans l'incipit mais il n'en est plus question par la suite. Pourquoi ?
La chute des tours est le point de départ de tout ce qui est décrit dans le livre : la guerre en Afghanistan et en Irak. Ce petit chapitre parle aussi de la question des choix que l'on fait dans la vie et des répercussions que ces choix ont. La question de la date de l'évènement politique a une incidence dont on subit encore aujourd'hui les effets.
Questions posées à tous :
Y a-t-il eu des personnages plus difficiles que d'autres à imaginer ?
Pour Metin Arditi : si l'on considère que le critère est l'écoute nécessaire pour que le personnage se dévoile, je dirais Yannis.
Pour Karine Tuil : les soldats. Pour une question de probité intellectuelle
Pour Régis Jauffret : Geoffrey car les hommes sont moins romanesques que les femmes. Les femmes portent plus à l'imaginaire, alors que l'image des hommes n'est pas flatteuse.
Pour Nathacha la difficulté a été non pas un personnage humain mais le pays lui-même, Mayotte. C'est pourtant un personnage à part entière, qui est là tout le temps.
Quelle vision de la jeunesse avez-vous ?
Pour Régis Jauffret la jeunesse est une notion de consommation, un slogan publicitaire. On loue la jeunesse quand ce sont les vieux qui tiennent les commandes. On flatte les jeunes mais on le leur donne rien de particulier.
Pour Karine Tuil c'est une notion qui reste vague. La jeunesse inclut des gens très différents : on peut être âgé et très jeune aussi dans son esprit.
Metin Arditi associe à la jeunesse l'inconscience du risque, un élément essentiel de la vie. Il n'y a pas d'acte artistique sans risque, pas de vie sans risque, et pas de vie réussie sans risques. Ce qui me désole c'est la perte du goût du risque que j'observe autour de moi. Une des choses dont je suis le plus heureux est mon goût du risque qui a été une fonction croissante de l'âge.
Nathacha : la vision de la jeunesse est différente en fonction des pays, de la situation sociale, de l'éducation. Le point commun serait peut-être cette envie de donner des coups de pied dans la fourmilière.
A lire également :
- Rencontres régionales du Goncourt des lycéens 1er épisode
- Mon avis sur Tropique de la violence
- Mon avis sur L'enfant qui mesurait le monde
Prochainement :
- Le compte rendu du deuxième plateau avec Jean-Baptiste Del Amo, Gaël Faye, Leïla Slimani et Romain Slocombe
- Les impressions post-rencontre des lycéens, des enseignants et des auteurs.
- Mon avis sur Cannibales de Régis Jauffret
- Mon avis sur Chanson Douce de Leïla Slimani