Electre de Jean GIRAUDOUX
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« Evidemment, la vie est ratée, mais c’est très très bien, la vie. Evidemment rien ne va jamais, rien ne s’arrange jamais, mais parfois, avouez que cela va admirablement, que cela s’arrange admirablement… » (p. 94)
L’auteur :
Né à Bellac en 1882, Jean Giraudoux est reçu en 1903 au concours de l'Ecole Normale Supérieure, puis en 1910 au concours de « chancelleries ». Il deviendra chef du service de d'information et de presse du minisitère des Affaires étrangères. Dès 1909, il publie Provinciales, et mène de front carrière diplomatique et création littéraire. Son œuvre frappe par sa diversité : essais, romans, théâtre. La guerre de Troie n'aura pas lieu est créée en 1935. Jean Giraudoux meurt en 1944. (Source : librairie dialogues.fr)
L’histoire :
Agamemnon, le Roi des Rois, a sacrifié sa fille aux dieux. Son épouse, Clytemnestre, aidée de son amant, Egisthe, l’assassine à son retour de la guerre de Troie. Oreste, le fils, est banni. Reste Electre, la seconde fille. « Elle ne fait rien. Elle ne dit rien. Mais elle est là. » Aussi Egisthe veut-il la marier pour détourner sur « la famille des Théocathoclès tout ce qui risque de jeter quelque jour un lustre fâcheux sur la famille des Atrides ». Mais Oreste revient et désormais Electre n’est plus que haine, assoiffée de justice et de vengeance, au mépris de la menace qui pèse sur le royaume des siens.
Mon avis :
Electre est un personnage fascinant, qui, poussée par une haine contre les assassins et détracteurs de son père, va aller jusqu’au bout de sa passion, réclamant justice, même si un conflit sanglant doit en découler. Quand Oreste cherche à passer outre, à continuer son chemin pour ne pas avoir de sang sur les mains, Electre a soif de vérité et est prête à tout pour laver les affronts faits à son père :
« ELECTRE
Je le sais, ce que tu voudrais m’entendre dire.
ORESTE
Alors dis-le moi.
ELECTRE
Que les humains sont bons, après tout, que la vie après tout est bonne !
ORESTE
N’est-ce pas vrai ?
ELECTRE
Que ce n’est pas un mauvais sort que d’être jeune, beau et prince. D’avoir une sœur jeune et princesse. Qu’il suffit de laisser les hommes à leurs petites occupations de bassesse et de vanité, de ne pas presser sur les pustules humaines, et de vivre les beautés du monde !
ORESTE
Et ce n’est pas ce que tu me dis ?
ELECTRE
Non. Je te dis que notre mère a un amant. » (p. 111)
La question de la justice et de ce qu’il faut lui sacrifier est au cœur de cette pièce. Faut-il choisir la vérité alors qu’ « Il est des vérités qui peuvent tuer un peuple », comme le souligne Egisthe qui en tant que roi a des responsabilités politiques.
GIraudoux lui-même, dans une interview avec Kleber Haedens (L'Insurgé, 12 mai 1937) a dit :
« Electre, c'est pour moi, le mythe de la vérité. Dans une ville gorgée de plaisirs, abandonnée, tout entière aux joies fades, Electre est seule à souffrir . . . je crois qu'il est nécessaire de faire revenir de temps en temps les grandes figures ; je crois que de grandes héroïnes comme Electre et Jeanne d'Arc doivent revenir vers nous. Il faut épousseter de temps en temps les statues éternelles. »
A la fin de la pièce Electre triomphante clame : "J'ai la justice, j'ai tout," et pourtant sa patrie Argos est en flammes, son frère a tué Clytemnestre et Egisthe et est pétri de remords, si bien qu’il va finir par la haïr…
Premières répliques :
PREMIERE PETITE FILLE
Ce qu’il est beau, le jardinier !
DEUXIEME PETITE FILLE
Tu penses ! C’est le jour de son mariage.
TROISIEME PETITE FILLE
Le voilà, monsieur, votre palais d’Agamemnon !
L’ETRANGER
Curieuse façade !... Elle est d’aplomb ? »
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Du même auteur : La guerre de Troie n'aura pas lieu
Autre : Antigone de Jean ANOUILH
Electre, Jean Giraudoux, Le livre de poche, novembre 1967, 122 p., 4 euros