Les solidarités mystérieuses de Pascal QUIGNARD
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« Les femmes ont besoin des hommes afin qu’ils les consolent de quelque chose d’inexplicable. »
L’auteur :
Pascal Quignard est né dans une famille d'enseignants. Il grandit au Havre. Adolescent, ses goûts se portent sur la musique, le latin, le grec et les littératures anciennes…
En 1968, il est étudiant en philosophie à Nanterre. Le Mercure de France publie son premier essai, consacré à Sacher Masoch en 1969, mais il faudra Le Salon du Wurtemberg en 1986 puis Les Escaliers de Chambord en 1989, pour révéler Pascal Quignard au grand public.
Il a enseigné à l’université de Vincennes et à l’École pratique des hautes études en sciences sociales. Il a fondé avec le président François Mitterrand le festival d’opéra et de théâtre baroque de Versailles.
Pascal Quignard a collaboré longtemps aux éditions Gallimard (lecteur extérieur à partir de 1969, puis membre du comité de lecture en 1976 et enfin en charge du secrétariat général du service littéraire, en 1990). En 1994, il a démissionné de toutes ses fonctions, pour se consacrer uniquement à son travail d’écrivain. Il déclare alors « Je suis plus heureux d’être libre et solitaire ».
Le prix Goncourt 2002, obtenu pour Ombres errantes, a été perçu comme le couronnement d'une œuvre à mi-parcours. (Présentation Babélio)
L’histoire :
En Bretagne, près de Dinard, une femme d'une quarantaine d'années rencontre son ancien professeur de piano qui l'invite chez elle. Peu à peu, elle se réinstalle ainsi dans la ville de sa jeunesse, retrouve son premier amour, se rapproche de son frère et redécouvre les lieux autrefois familiers. (Présentation de Babélio)
Ce que j’ai aimé :
Les solidarités mystérieuses appartient à la catégorie des textes rares qui modifient par leur beauté et l’intensité de leur texte le rapport au monde du lecteur.
Il chante la limpidité de la vie et des instants saisis dans leur pureté lumineuse :
« Elles restent assises dans l’herbe.
Tout est silencieux.
Il n’y a pas encore de sauterelles, de papillons, de cigales, d’abeilles. C’est un peu leur silence qu’elles entendent. Il n’y a pas de vent. Tout est vide.
Les nuages se déchirent silencieusement les uns après les autres laissant passer de plus en plus de lumière.
Et cette lumière inonde la lande. » (p. 40)
La nature omniprésente est le miroir des émois et des pensées de Claire, mais petit à petit ces paysages happent Claire avec une telle force qu’elle devient partie intégrante du monde qui l’entoure. Les oiseaux ne s’envolent plus à son arrivée, elle est une composante essentielle du paysage et souffre quand les éléments lui refusent sa promenade quotidienne.
« Elle avance le plus près possible, courbée sous le vent, la tête en avant, les cheveux tout raides et tout blancs tombant sur ses yeux, au bord de l’à-pic.
Il fait froid.
Maintenant le soleil s’était éloigné dans le ciel.
Maintenant les étoffes avaient des couleurs extraordinairement variées. Maintenant on pouvait voir sans être aveuglé ou ébloui. Parfois le réel revenait. Parfois la nuit s’allongeait peu à peu dans les jours. Parfois le goudron était solide et blessant. Parfois on pouvait oublier le bonheur de l’été. Parfois il fallait de nouveau lutter contre le vent et se protéger contre le froid. » (p. 98)
- Le titre du roman fait référence aux liens ténus qui s’imposent entre Claire et son frère Paul, des liens qui transcendent les sentiments amoureux et restent inexpliqués, inexplicables, rayonnant de beauté mystérieuse :
« Ce n'était pas de l'amour, le sentiment qui régnait entre eux deux. Ce n'était pas non plus une espèce de pardon automatique. C'était une solidarité mystérieuse. C'était un lien sans origine dans la mesure où aucun prétexte, aucun événement, à aucun moment, ne l'avait décidé.» (p. 185)
Claire est une femme amoureuse meurtrie qui essaie de vivre dans le mince interstice
qui s’épanouit entre la vie et la mort.
« Les femmes ne désirent pas les hommes comme les hommes se désirent entre eux.
Les femmes ne sont pas vraiment sensibles à la beauté invraisemblable de leur sexe.
Les femmes ne séduisent pas non plus les hommes pour mettre la main sur leur pouvoir, ni pour l’exercer en sous-mains, ni pour les domestiquer, ni pour prendre leur argent, ni pour acquérir ce qu’elles convoitent.
Les femmes ne veulent même pas des enfants des hommes qu’elles étreignent afin de les reproduire, ni pour se reproduire elles-mêmes, ni dans le dessein d’assouvir leur vengeances en lançant leurs petits à la conquête du monde.
Les femmes n’attendent même pas des hommes des maisons où s’ennuyer auprès d’eux et y vieillir.
Les femmes ont besoin des hommes afin qu’ils les consolent de quelque chose d’inexplicable. » (p. 195)
Un texte lumineux éblouissant…
« Qu'il réfléchisse au mystère des origines, de la mort ou de la sexualité dans les essais de Dernier Royaume, qu'il subjugue par son érudition ou la fulgurante beauté poétique de ses contes et de ses Petits Traités, qu'il se promène en imagination dans la Rome antique (Albucius), la France janséniste du XVIIe siècle (Tous les matins du monde) ou le monde d'aujourd'hui (Les Escaliers de Chambord, Villa Amalia)..., chaque phrase, chaque ligne de Pascal Quignard sonde sans fin l'énigme que constitue le fait d'être au monde : naître du néant pour finalement y retourner, entre-temps choisir de vivre, d'aimer, de vieillir - ou s'extraire du cycle, s'absenter, faire sécession. » Nathalie Crom, Télérama
Ce que j’ai moins aimé :
- Rien.
Premières phrases :
« Mireille Methuen se maria à Dinard le samedi 3 février 2007. Claire partit le vendredi. Paul refusa de l’accompagner. Il n’avait conservé aucun lien avec ce qui restait de la famille. Dès onze heures elle eut faim. Elle suivait l’Avre. Elle préféra passer Breux, Tillières, Verneuil. Après la sortie de Verneuil, Claire s’arrêta pour déjeuner sur une aire sableuse et vide. »
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Du même auteur : Villa Amalia
Autre : Coups de coeur
D’autres avis :
Presse : Télérama, Le Magazine littéraire,
Blogs : Clara
Les solidarités mystérieuses, Pascal Quignard, Gallimard, octobre 2011, 251 p., 18.50 euros