L'été solitaire de Elizabeth VON ARNIM
♥ ♥ ♥ ♥
"Ne serait-ce pas délicieux, ne serait-ce pas merveilleux, un été de solitude ? Pendant des semaines, quel bonheur de se réveiller en sachant qu'on est à soi, rien qu'à soi et à personne d'autre ?"
Cet été Elizabeth décide de ne recevoir personne. Voilà trois ans qu'elle est installée à la campagne, à Nassenheide en Prusse, et elle souhaite profiter de son été pour observer "tout ce qui se passe dans mon jardin. (...) Les jours de pluie, je m'enfoncerai au plus profond des bois, là où les aiguilles de pin sont toujours sèches ; quand le soleil brillera, je m'allongerai dans la bruyère et observerai le flamboiement des genêts contre les nuages. Mon bonheur sera constant puisque personne ne sera là pour le troubler." Son mari "L'homme en Colère", semble sceptique, persuadée qu'Elizabeth va rapidement s'ennuyer et réclamer à nouveau de la compagnie. Mais le jeune femme bénéficie déjà de compagnie triée sur le volet : ses compagnons sont ses auteurs fétiches : Jane Austen, Heine, Miss Mitford, Goethe, Ruskin, Lubboc, White, Thoreau bien sûr, Hawthorne, Montaigne, et tant d'autres à qui elle voue un amour sans failles : "Quelle bénédiction d'aimer les livres ! Tout le monde doit aimer quelque chose, et je ne connais aucun objet digne d'être autant aimé qu'un livre et un jardin."
Elizabeth se promène jour et nuit dans son jardin, contemple le miracle de la nature, s'enivre du parfum des fleurs :
"Le calme et la beauté de ce matin paraissaient d'autant plus merveilleux que nous associons le jour au bruit des voix, au va-et-vient pressé des passants, à la monotonie du travail qui procure la nourriture nécessaire à notre survie, et aux repas qui permettent de reprendre le travail qui procurera la nourriture... Là, le monde avait les yeux grand ouverts mais n'appartenait qu'à moi. J'étais seule à respirer l'air pur, les parfums entêtants, à entendre le rossignol, à me réchauffer au soleil. Pas un mot déplacé, pas une manifestation d'égoïsme, rien qui ternisse la pureté miraculeuse de l'univers que Dieu nous a donné."
Elle se fond dans le cycle de la nature, consciente de l'importance des saisons. L'hiver est en effet nécessaire pour "connaître la face sombre de l'existence." "Le thermomètre descend à moins vingt degrés Réaumur, et vous êtes obligé de descendre avec lui jusqu'aux vérités élémentaires."
Lovée dans son jardin, seule, Elizabeth rencontre finalement un bonheur calme et serein :
"D'ailleurs, il n'est guère de plaisir qui ne soit à la portée de tout un chacun. Allez vous promener dans la campagne, ou, plus simplement encore, installez-vous sur le seuil de votre porte et ouvrez les yeux La nature, la généreuse nature vous a préparé mille spectacles : les premières fleurs, encore toute pâles, qui apparaissent au milieu des halliers ; une anémone qui se détache contre le bleu du ciel ; la première neige en automne ; les grands vents qui chassent les derniers miasmes de l'hiver ; l'odeur chaude des pins -on croirait des mûres - lorsque le soleil les frappe, le premier soir de février assez beau pour qu'on s'aperçoive que les jours rallongent - derrière les arbres sombres dont les branches, couvertes de gouttes de pluie, ressemblent à des rangs de perles, s'étend une bande de ciel couleur jaune pâle ; l'émotion douce qui vous saisit lorsqu'on comprend que l'hiver s'en est allé et que le printemps est là ; l'odeur des jeunes mélèzes, quelques semaines plus tard ; le petit bouquet de primevères que vous ne pouvez vous empêcher d'embrasser tant il est doux et beau et parfait, et aucun baiser au monde n'est plus délicieux."
Mais la guerre gronde et menace son fragile équilibre solitaire...
Elizabeth Von Arnim nous offre ici un petit précis d'hédonisme parfait pour l'été qui s'annonce !
Du même auteur : Christopher et Colombus