Suite française d'Irène NEMIROVSKY

Publié le par Hélène

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"Ce qui m'intéresse ici c'est l'histoire du monde."

Irène Némirovsky a fait une entrée fracassante en littérature avec son David Golder en 1929. Pendant l'année 1941-1942, elle entreprend un travail ambitieux, la Suite française, qui devait comprendre cinq parties. Elle rêvait d' "d'un livre de mille pages, construit comme une symphonie, mais en cinq parties." (préface de Myriam Anissimov) Seulement la guerre rattrapera son auteur, arrêtée puis déportée à Auschwitz.

Seuls deux romans sont achevés,  Tempête en juin qui commence en juillet 1940 et s'axe sous forme de tableaux sur la fuite de nombreux habitants loin de Paris avant l'arrivée des allemands dans la ville, et Dolce, roman décrivant l'occupation dans Bussy, une petite ville de campagne. Le  troisième roman intitulé Captivité devait montrer les origines d'une volonté de résistance, le quatrième et cinquième romans Bataille et La Paix étaient encore flous. Certains personnages se retrouvaient d'une partie à l'autre, dans le but de créer une sorte de Guerre et Paix, une fresque ample et ambitieuse, dans lequel destin communautaire et destin individuel seraient irrémédiablement liés. Son manuscrit sera publié de manière posthume après un voyage qui mériterait à lui seul un roman...

Ainsi, elle nous raconte l'Histoire avec un grand H à travers des destins individuels. "Le plus important ici et le plus intéressant est la chose suivante : les faits historiques, révolutionnaires, etc., doivent être effleurés, tandis que ce qui est approfondi, c'est la vie quotidienne, affective et surtout la comédie que cela présente." (Annexes Notes manuscrites d'Irène Némirovsky sur l'état de la France et son projet Suite Française, relevées dans son cahier)

Dans Tempête en juin, elle met en scène la famille Péricand, parents et enfants. Le jeune Hubert s'échappe pendant l'exode qui doit les mener à Nîmes et cette expérience participera à son apprentissage de la vie. Il découvrira l'autre côté de l'exode, les portes closes, les réfugiés qui pillent, le désordre, la lâcheté, la vanité, l'ignorance. Son frère Philippe, prêtre, fera aussi cette expérience cruelle. L'auteur peint également le destin de Corte, écrivain imbu de sa personne, et des Michaud, des employés de banque qui doivent rejoindre Tours et s'inquiètent pour leur fils Jean-Marie parti au combat. Ce dernier est blessé et soigné dans une famille de paysans à Bussy.

Bussy, petit village que nous retrouvons dans Dolce à travers le destin de Lucile Angellier dont le mari est fait prisonnier par les allemands et condamnée à vivre avec sa belle-mère qui ne l'apprécie guère. Elles doivent accueillir un allemand dans leur maison. Si Madame Angellier montre son mépris de l'ennemi de façon ostentatoire, les sentiments de sa belle-fille Lucile se font plus complexe face à cet homme, qui avant d'être un soldat allemand, est avant tout un être sensible, animé par les mêmes passions que la jeune femme. Une douce relation s'installe entre eux : "Jusqu'au soir, rien, des heures lentes, une présence humaine, un vin léger et parfumé, de la musique, de longs silences, le bonheur..." 

Parallèlement Madeleine, qui avait abrité le jeune Jean- Marie, se doit d'épouser Benoît, son promis qui revient de la guerre, tout en espérant toujours secrètement le retour de Jean-Marie. Le couple abrite quant à eux un interprète allemand qui n'est pas insensible au charme de la jeune paysanne. 

Par le biais de ces personnages, les sentiments contradictoires qui animent les français occupés sont mis en valeur : ce savant mélange d'attirance - répulsion pour les allemands qui anime la jeune Lucile, mais aussi d'autres personnages : "Elle eut presque peur des sentiments qui s'éveillaient en elle et qui ressemblaient à ce qu'elle eût éprouvé en caressant une bête sauvage, quelque chose d'âpre et de délicieux, un mélange d'attendrissement et de terreur."

"La guerre... oui, on sait bien ce que c'est. Mais l'occupation en un sens, c'est plus terrible, parce qu'on s'habitue aux gens ; on se dit : "Ils sont comme nous autres après tout", et pas du tout, ce n'est pas vrai. On est deux espèces différentes, irréconciliables, à jamais ennemis."

Dans ce roman bouleversant, Irène Némirovsky nous offre un tableau complet et vivant de cette période historique, éclairant les hypocrisies et les humanités des uns et des autres. Un grand roman, digne de Guerre et Paix...

 

Présentation de l'éditeur : Folio

Lu dans le cadre du Blogoclub consacré aujourd'hui à Irène Némirovsky

 

Publié dans Littérature Europe

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Commenter cet article
M
J'avais lu le bal du même auteur et je compte lire son roman le plus connu pour la période historique qui m'intéresse beaucoup.
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H
Je te le conseille !
I
J'aime beaucoup cette auteure, son acuité, l'élégance de son écriture. Et il faut saluer le fait que ce roman est l'un des rares qui ose traiter d'un thème aussi tabou (la séduction par l'occupant allemand d'une jeune fille "bien comme il faut et bien de chez nous"...)
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H
Je me souviens aussi du très beau "silence de la mer" sur ce thème, je te le conseille si tu ne l'as pas lu
Z
Livre lu à sa sortie. Le premier de cet auteur et j'ai poursuivi depuis
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H
J'ai adoré !
F
J'ai lu ce roman dès sa parution, il y a déjà plusieurs années et j'avais beaucoup aimé. Il faudrait que je le relise maintenant, mais je vais d'abord explorer un peu plus l'œuvre de Némiroski dont l'écriture me plaît beaucoup. C'est en effet dommage qu'elle n'ait pas pu poursuivre son projet. Je crois que cela aurait donné une grande œuvre, une espèce de fresque monumentale sur la société française pendant la guerre !
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H
oh oui cela aurait été un chef d'oeuvre !
S
Oui, un grand roman... Et je suis d'accord avec Keisha, quel dommage que les autres n'aient pas pu être écrites.<br /> Les avis sur le film étaient mitigés alors j'ai préféré rester sur la bonne impression du livre.
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H
je pense que comme toit je resterai sur la magie du livre !
I
comme je partage ton sentiment. Sublime roman dont je me permets de te soumettre mon avis : http://www.livreetcompagnie.com/2015/05/suite-francaise-d-irene-nemirovsky-folio.html<br /> <br /> as-tu lu Jezabel qui vaut aussi le détour?
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H
je pense effectivement continuer avec Jézabel .
B
Un très beau livre, très "vrai". Et une belle plume ! J'ai adoré !
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H
oh oui moi aussi !
K
Comme on regrette qu'il n'y ait pas les autres parties, celles lues sont tellement réussies!
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H
Comme tu dis je suis restée démunie à la fin, j'aurais tellement aimé continuer !
C
Suite française, présente un échantillon de la société française qui n'échappe pas à la plume satirique de Nemirovsky. Un livre très fort.
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H
Oui j'ai été indubitablement marquée !
A
Une auteure restée dans l'ombre quelques années, malheureusement.
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H
L'histoire de ce manuscrit est incroyable !
A
C'est un livre que j'ai beaucoup aimé également. Je n'ai pas vu le film.
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H
oui quel livre !
L
je n'ai pas vu le film, j'ai eu trop peur de gâcher mes souvenirs d'un livre que j'ai beaucoup aimé.
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H
C'est vrai j'hésite aussi d'autant qu'il semble assez différent, moins subtil
Y
Beaucoup aimé le film visionné avant hier et j'aimerais beaucoup lire le livre maintenant
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H
Je pense voir aussi le film !