Deux étés de Erik ORSENNA

Publié le par Hélène

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Le grand conteur Erik Orsenna nous emmène sur l'île de Bréhat, son fief, pour nous livrer une histoire qu'il a lui-même vécue : dans les années 70 débarque sur l'île Gilles avec ses 47 chats. Traducteur, il suit son rythme de croisière pour traduire, sans être inquiété puisqu'il préfère les auteurs défunts. Il se laisse ainsi porter par le balancement de l'île, travaillant de moins en moins. Jusqu'au jour où il accepte de traduire Ada de Nabokov, et les exigences et les délais changent radicalement. Quatre ans plus tard Gilles n'a toujours rien envoyé et l'éditeur se fait de plus en plus pressant. Les îliens - dont l'auteur- lui propose leur aide et, durant deux étés, vont s'investir dans ce projet fou et devenir des corsaires : 

"Quel est le travail du corsaire ?

Quand un bateau étranger lui plaît, il l'arraisonne. Jette l'équipage à la mer et le remplace par des amis. Puis hisse les couleurs nationales au sommet du plus haut mât. Ainsi fait le traducteur. Il capture un livre, en change tout le langage et le baptise français." p. 26

Tous se heurtent alors aux limites inhérentes à la traduction : comment rendre perceptible les envolées lyriques d'un auteur, sa légèreté ?

"Comment rendre en français la promenade ailée de la narration dans ce bric-à-brac, comment faire passer cette légèreté, cette liberté, cette fantaisie de papillon butinant le monde ?" p. 53

De ses lignes déborde un amour inconditionnel pour la langue française et pour la littérature au travers de Nabokov, personnalité particulière, exigeant, visant le Nobel, et capable d'envolées lyriques à la sensualité communicative...

L'auteur nous offre ici encore un récit ciselé, dans le cadre idyllique de cette île à laquelle il est tant attaché : 

"Pour notre famille de moyenne bourgeoisie assez ennuyeuse, il y avait un élément de rêve, de dépassement, de voyage, c'était Bréhat. Enfants, adultes, nous ne pensions qu'à ça toute l'année. Bréhat, c'est la mer, le port, la lecture, le rendez-vous du bonheur, de la liberté de mouvement et de penser. On a treize mètres de marnage, c'est un des records du monde. D'heure en heure le paysage change. Une île est par définition fragile, nomade. Tout le monde a peur qu'elle se dissolve à un moment donné ou parte à la dérive. Alors on navigue, d'un morceau de terre à un autre, d'un livre à l'autre, d'une langue à une autre. Je suis de plus en plus frappé par la similitude entre le fait d'écrire «il était une fois» et celui de hisser la voile. " (source : L'Express)

Sa parfaite connaissance du lieu et son acuité d'observation lui permettent de brosser des portraits cocasses et vivants des habitants et de l'atmosphère de l'île. L'harmonie et la complicité prévalent durant ces deux étés lumineux. 

Un beau récit fantaisite et optimiste. 

 

D'autres avis : Blogs : Caroline, Géraldine / Presse : Libération 

Présentation de l'éditeur : Fayard ; Le livre de poche

 

Deux étés, Erik Orsenna, Le livre de poche, 1998, 192 p., 4.90 euros

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G
Merci pour le lien ! J'avais effectivement adoré ce livre pourtant resté longtemps dans ma PAL !
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H
Quand on aime la Bretagne c'est aussi un incontournable ..
Y
Quel beau et bon raconteur d'histoire
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H
Un talent fou !
A
Un beau récit mais seulement 2 coeurs.
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E
Merci ;-)
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N
Je ne connaissais pas ce titre d'Orsenna. Je note.
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L
Ce roman est superbe !
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E
Dès mon retour, moi aussi je vais aussi tirer sur tout ce qui bouge, speedy blogueuse ;-)<br /> J'avoue : je ne connais que de nom Erik Orsenna, je n'ai jamais été attirée par ses écrits. Tu lui as mis deux petits cœurs, pas suffisant pour la blogueuse exigeante que je suis LOL
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H
Oui il m'a manqué un petit quelque chose ! t'inquiète, je reviens avec du nature writing début août, cela te parlera davantage !