Le coeur sauvage de Robin MACARTHUR
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Dans ces courtes nouvelles, les personnages tapis au fin fond du Vermont semblent tous attendre quelque chose qui n'arrive pas.
"On attend l'orage, on le sent venir à travers les arbres. On attend Robbie, le petit copain de ma mère aux dents toutes cariées. On attend l'aube, ou bien demain, ou bien l'année prochaine, c'est selon. Les feuilles bruissent. Des flots de nuages laiteux passent dans le ciel. La rivière appelle à elle l'eau des nuages. Maman dit que ça lui rappelle l'odeur du désir et renverse la tête en arrière, humant l'air."
Etres indécis, ils oscillent sans cesse, à la fois prisonniers de leur enfance et de leur lieu de naissance, rêvant de liberté et de grands espaces, loin de la fibre primitive, et pourtant, quand ils partent, ils reviennent et retrouvent là un petit quelque chose d'eux-mêmes, de profondément humain et émouvant.
"Il y a deux mondes auxquels je n'appartiendrai jamais, ai-je répliqué. Chez moi et ailleurs." Les femmes de chez moi
"Non, je ne déteste pas cet endroit ; je déteste ce qui m'arrive quand je m'y trouve. Je déteste l'attirance qu'il exerce sur moi. Le fait qu'il ne conduise nulle part ailleurs qu'à lui-même. Le fait que tout le monde dépende de tout le monde et qu'un individu ne puisse pas être libre. Cet endroit est trop beau pour qu'on le déteste", dis-je" p. 195 Les femmes de chez moi
Ils sont conscients de ce qui sépare les êtres : la maladie, la guerre, le racisme. Mais, au-delà des drames, la lumière jaillit soudainement. Dans Là où les prés tentent d'exister un homme revient dans la maison de son enfance où un drame s'est produit vingt ans auparavant. Il ressent la lourdeur de l'atmosphère mais soudain un rayon de lumière surgit sous les traits d'une jeune fille qui invite le narrateur à venir voir des petits veaux nouveaux nés.
"Je m'arrête un moment sur cette route, les bras ballants, et je ferme les yeux en me disant que la vie nous offre peut-être plus d'une chance de nous en sortir, ou différentes formes de chance, et je me remets à marcher vers l'endroit où je suis né (...)" p. 144
Dans Silver creek, une mère et sa fille partagent une baignade et dans Avoir des ailes, elles désherbent les petits pois, côte côte, complices pour un instant. Enfin, dans la dernière nouvelle, magnifique, Les femmes de chez moi, une fille revient vers sa mère atteinte du cancer, mais l'une et l'autre refusent de se résigner, et aux côtés de Kirsty la meilleure amie de la fille, elles dansent sous les étoiles, profondément vivantes.
De portraits en portraits, l'auteur a réussi à saisir l'âme du lieu et de ses habitants et si elle nous fait découvrir avec tendresse "les femmes de chez elle", elle nous parle surtout de la vie comme elle va, cahin-caha, mais qui vaut, malgré tout, toujours le risque encouru.
Présentation de l'éditeur : Albin Michel
D'autres avis : Lecture commune avec Electra.
Le coeur sauvage, Robin Macarthur, traduit de l'américain par France Camus-Pichon, Albin Michel terres d'Amérique, 2017, 213 p., 19 euros