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litterature afrique

La géométrie des variables de Mamadou Mahmoud N’DONGO

Publié le par Hélène

géométrie des variables

♥ ♥

 « La vérité historique c’est quand un mensonge est accepté par le plus grand nombre » (p. 99)

 

L’auteur :

Mamadou Mahmoud N’DONGO est un écrivain, cinéaste et photographe né au Sénégal. La géométrie des variables est son cinquième roman.

L’histoire :

Pierre-Alexis de Bainville et Daour Tembely, métis d’origine peule,  sont deux « communicants  politiques », hommes de l’ombre qui secondent les hommes politiques dans leurs quêtes du pouvoir. Ils se rendent tous deux aux Pays-Bas pour recevoir un prix. Ce sera l’occasion pour Pierre-Alexis de faire rapidement un point sur sa carrière pour donner quelques conseils à son poulain qui va se lancer seul dans ce monde aux entre fils compliqués.

 

Ce que j’ai aimé :

-          La simplicité du récit : les paroles prédominent dans ce récit comme dans le monde de ces deux hommes pour qui  tout passe par le discours. Leurs échanges sont mesurés, concis,  ils ont le sens de la formule exacte.

La mise en page épouse leur rythme de réflexion : quelques lignes seulement peuvent orner une page, afin de laisser le temps au locuteur et au lecteur de méditer, respirer, avant de comprendre, puis d’être convaincu.

-          Ces personnages placés dans l’orbite des hommes politiques publics sont désarçonnés quand leur vie privée envahit leur monde. Dans leur univers tout est tellement lissé, que les sentiments semblent les effrayer, trop incontrôlables à leurs yeux. Leur personnalité émerge peu à peu, au fil des pages, ils prennent vie par les mots et sortent de l’ombre comme en s’excusant, désabusés, pas encore tout à fait désespérés…

-          L’analyse neutre que fait l’auteur de la politique et de ses emblèmes est très fine : ces communicants ne sont pas des politiques, si bien que finalement les discours et les idées des hommes politiques deviennent atones, dénués du bel idéal qui devrait être le leur.

 

Ce que j’ai moins aimé :

-          L’impression que ce roman ne me laissera pas un souvenir impérissable.

 

Premières phrases :

« « L’antisémitisme est la réponse à la xénophobie juive ». Les Noces de Wolkenstein, acte II, Didascalie, Yaya Cissé, bonjour…

Indéniablement, l’évènement théâtral de cette rentrée hivernale 2008, nous le devons aux Noces de Wolkenstein de Lionel Seligmann, dans unemise en scène de Christopher Adams, que j’ai le plaisir de recevoir : Christopher Adams, bonjour… »

 

Merci à Frédérique ROMAIN des Editions Gallimard pour cette découverte qui sort de l’ordinaire…

 

La géométrie des variables de Mamadou Mahmoud N’DONGO, Gallimard, Continents noirs, septembre 2010, 320 p., 19.50 euros

1pourcent

Publié dans Littérature Afrique

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Poulet-bicyclette et cie de Florent COUAO ZOTTI

Publié le par Hélène

Poulet-bicyclette-et-Cie

♥ ♥

 Une plongée dans un univers africain peuplé de sorciers inquiétants…

  

L’auteur :

 

Florent Couao Zotti est un romancier béninois. Journaliste, scénariste, il se consacre depuis 2003 entièrement à l’écriture.

 

L’histoire :

 

Poulet-bicyclette et cie est un recueil de nouvelles qui met beaucoup en avant la sorcellerie, les croyances, la superstition présente dans certaines communautés béninoises :

Dans « Femelle de ta race », une femme veut récupérer son enfant qui subit une séance d’exorcisme orchestré par son père, dans « Barbecue blues » un garçon fait passer de la drogue dans de la viande du Bénin au Nigéria et se fait malheureusement voler sa marchandise, dans « La femme étoile » une femme revient d’entre les morts pour se venger de son beau-frère qui l’a assassinée…

 

Ce que j’ai aimé :

 

-          Le style : ces nouvelles sont admirablement bien écrites, très poétiques, le langage est peuplé d’images :

 

« Là-bas, derrière la cime des arbres aux feuillages moutonneux, le soleil faisait ses dernières parades dans le ciel. Un ciel immense et plat, presque enrobé dans les rayures dentelées de l’horizon. Effacées, les rumeurs des pluies de la veille avec ces filets de nuages encore chargés d’eau. Gommée, cette impression de lourdeur et d’humidité poisseuse. Il semblait que le vent avait tout nettoyé, tout balayé, ne laissant à l’œil que le spectacle d’un paysage avide d’enchantement et de voyage. Un paysage qui donne envie de déployer ses ailes pour connaître le vertige des espaces infinis. » (p.30)

 

-          Ces nouvelles sont le reflet d’une réalité dont il est rarement question : là-bas, des enfants et des femmes meurent, victimes d’actes de sorcellerie parfaitement justifiés dans l’esprit des assassins. Les enfants nés par le siège par exemple peuvent être tués car leur arrivée particulière serait signe de sorcellerie. Ces questions sont peu abordées en Occident. L’auteur ne porte pas de jugement, il énonce seulement les faits en les romançant.

 

Ce que j’ai moins aimé :

 

-          La dureté des sujets et des scènes.

-          L’absence d’espoir. La population semble embourbée dans cette violence sans aucune prise de conscience.

 

Premières pages :

 

« C’est à toi que je m’adresse, bout de femme, tout petit bout de femme, enchâssée dans les rets du temps.

C’est à toi que je parle, femme-lion, femme-énergie ; toi, étagée sur trois pommes vertes…

Ne te cache pas à la lame rayonnante du soleil. Ne te dissimule pas à l’humeur riante du soleil. Nos regards ont si rarement des choses à s’offrir que tu me fais injure en voulant t’enfouir dans l’ombre. »

 

Vous aimerez aussi :

 

 Photo de groupe au bord du fleuve de Emmanuel DONGALA

 

 

Poulet bicyclette et cie, Florent COUAO ZOTTI, Gallimard, Continents noirs, avril 2008, 17.10 euros

Publié dans Littérature Afrique

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Photo de groupe au bord du fleuve de Emmanuel DONGALA

Publié le par Hélène

photo de groupe au bord du fleuve

 ♥ ♥ ♥

 La lutte d’une poignée de femmes africaines bien décidées à se faire entendre.

  

 L’auteur :

Emmanuel DONGALA est un romancier congolais. Il vit actuellement aux Etats-Unis où il est enseignant. Ses romans sont traduits dans une douzaine de langues.

 

L’histoire :

 

La vie de Méréana et de ses collègues casseuses de pierre bascule le jour où elles décident de vendre plus cher leur sac de pierre. Les besoins en gravier ont en effet considérablement augmentés dans la ville en raison de la construction d’un aéroport et ceux à qui les casseuses de pierre vendent leurs sacs font des plus values de plus en plus importantes. Méréana devient la porte parole de ce combat qui les conduira jusqu’au ministère.

 Ce que j’ai aimé :

 

-          Le portrait émouvant de ces femmes africaines si souvent humiliées par les hommes : ce simple combat devient peu à peu celui de toutes les femmes qui refusent de céder devant l’injustice.

Elles n’ont pas choisi d’être casseuses de pierres : l’une veut gagner l’argent nécessaire pour obtenir un diplôme qui lui a échappé en raison d’une grossesse inattendue, l’autre a été spoliée par sa belle famille à la mort de son mari, une autre encore violée par des soldats a dû soudainement pourvoir au quotidien de triplés nés de cet union… Unies, elles iront jusqu’au bout de leurs revendications pour enfin choisir et non plus subir leur vie.

« Ne te fie pas aux lois qui sont sur le papier. Ils les écrivent pour plaire à l’ONU et à toutes ces organisations internationales qui leur donnent de l’argent et les invitent à leurs conférences. La vraie loi, celle que nous subissons tous les jours, est celle qui donne l’avantage aux hommes. » (p.53)

« Et puis pourquoi ce mépris des femmes qui dégouline de chaque mot tombant de sa bouche ? a fait quoi si ces femmes sont analphabètes ? Pense-t-il qu’il faille un doctorat pour être une femme debout, une femme de courage ? Peut-être ne le sait-il pas mais des tas de femmes à l’éducation modeste ont changé l’histoire de leur société. » (p. 119)

-          Une image de l’Afrique juste et directe : Emmanuel DONGALA peint avec beaucoup de subtilité le quotidien de la république du Congo. Il évoque la corruption, la violence des forces de l’ordre qui n’hésitent pas à tirer à balles réelles sur des manifestants, les ministères si soucieux de l’image qu’ils pourront donner à l’extérieur, la sorcellerie tenant une place importante dans la société, le sida…

-          Le message pacifiste qui transparaît dans leur action collective : ce sont des femmes intelligentes qui veulent éviter quoi qu’il arrive le recours à la violence. A chaque étape de leur lutte, elles cherchent la meilleure stratégie à adopter, sans heurts.

 

Ce que j’ai moins aimé :

 

-          Le début d’idylle naissant entre Méréana et Armando était superflu à mes yeux…

 

Premières phrases :

 

«  Tu te réveilles le matin et tu sais d’avance que c’est un jour déjà levé qui se lève. Que cette journée qui commence sera la sœur jumelle de celle d’hier, d’avant-hier et d’avant avant-hier. Tu veux traîner un peu plus au lit, voler quelques minutes supplémentaires à ce jour qui pointe afin de reposer un brin plus longtemps ton corps courbatu, particulièrement ce bras gauche encore endolori par les vibrations du lourd marteau sur lequel tu cognes quotidiennement la pierre dure. Mais il faut te lever, Dieu n’a pas fait cette nuit plus longue pour toi. »

 

Vous aimerez aussi :

Poulet bicyclette et cie de Florent COUAO ZOTTI

 

Photo de groupe au bord du fleuve, Emmanuel DONGALA, Actes Sud, avril 2010, 334 p., 22.80 euros  

Publié dans Littérature Afrique

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Monsieur Ki. Rhapsodie parisienne à sourire pour caresser le temps de Koffi KWAHULE

Publié le par Hélène

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♥ ♥

Un magnifique chant aux accents jazzy

  

L’auteur :

 

Koffi KWAHULE est un écrivain ivoirien qui a obtenu en 2006 le prix Ahmadou KOUROUMA pour son roman Babyface.  Il a beaucoup écrit pour le théâtre.

  

L’histoire :

 

Le narrateur s’installe dans une chambre de bonne, rue Saint Maur à Paris.  Il y trouve une bande magnétique visiblement laissée là par le précédent locataire qui s’est jeté sous un train. Sur cette bande ce dernier s’adresse à un mystérieux Monsieur Ki et raconte des histoires qui se déroulent dans un village africain, Djimi, village voisin de celui du narrateur lui-même. Il va alors retranscrire les histoires que raconte cet étrange locataire pour essayer d’éclaircir cette coïncidence…

 

Ce que j’ai aimé :

 

-          Le style : il épouse les rythmes de la rhapsodie, à la fois décousu et unitaire. Chaque personnage a droit à l’improvisation, et si chacun semble rivé dans sa solitude, l’ensemble s’assemble et devient soudain cohérent.

-          Les contes magiques et envoûtants : la sorcellerie tient une place importante et loin d’être tournée en dérision, elle est porteuse d’enseignements philosophiques éclairés :

 

« Les gens croient qu’on meurt parce qu’on est atteint du cancer ou du sida, ou parce qu’on a ceci ou parce qu’on a cela ; on meurt simplement pour la même raison que le soleil brille, que la mer fait des vagues ou que le nouveau-né sourit. On n’a rien fait pour mériter de naître et on ne fera rien pour démériter de mourir. Ne pas tricher avec elle. De toute façon, tôt ou tard, elle aura le dernier mot. Alors que nous coûte-t-il d’être honnêtes avec elle. Ceux qui se suicident sont de mauvais perdants, et on devrait les pendre ! Point à la ligne. » (p. 79)

 

- L’évocation de l’Afrique par ces africains exilés : la nostalgie les émeut et les enserre à la fois :

 

« Comme ça, de but en blanc, un matin un masque entre chez toi, rue Saint-Maur, en plein paris, et te somme de retourner au village au motif que c’est toi que les Anciens et la Confrérie de l’Ancêtre-à-tête-de-cynocéphale ont choisi pour perpétuer la tradition. Au nom de quel mérite ? Au nom de quel parjure ? Au nom de quoi bon Dieu ? Personne ne sait. C’est ainsi. Ca a toujours été ainsi. Non, mais, où se croient-ils ? C’est fini, ces conneries-là ! » (p. 120)

 

Ce que j’ai moins aimé :

 

-          Rien…

  

Premières phrases :

  

"Ki, l'autre signe, le premier, ç'a été cela, la mort de l'oncle Koui Gaspard. parce qu'il désirait être à ma place. Je t'en ai encore parlé l'autre jour, mais ces histoires-là, c'est comme une obsession, une bande magnétique qui se déclence toute seule dans ta tête... Mon destin. Par rapport à l'Ancêtre-à-tête-de-cynocéphale."

  

Vous aimerez aussi :

 

Verre cassé d’Alain MABANCKOU

 

Monsieur Ki. Rhapsodie parisienne à sourire pour caresser le tempsde Koffi KWAHULE, Editions Gallimard, Continents noirs, janvier 2010, 146 p., 16 euros

 

TAGS : Littérature ivoirienne- Emigration-Sorcellerie-Solitude

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Cette vie de Karel SCHOEMAN

Publié le par Hélène

                 

♥ ♥ ♥ ♥ 

Un roman puissant au cœur du veld sud africain.

L’auteur :

Karel Schoeman est un écrivain sud africain contemporain de langue afrikaans. Il a exercé divers métier dont celui de bibliothécaire et est aujourd’hui à la retraite. Il est l’auteur d’une œuvre prolifique, dans des genres différents (romans, essais, pièces de théâtre…) Cette vie est son dernier roman et est le premier d’un triptyque intitulé « Voix ».

L’histoire :

Sur son lit de mort, une vieille femme appelle à elle ses souvenirs pour les rassembler avant l’ultime départ. Elle évoque sa vie dans le veld en cette fin du XIXème siècle, sa mère si distante et âpre, son père fermier travaillant durement, et ses deux frères Pieter et Jakob, ainsi que leurs épouses. Jeune enfant discrète, puis jeune femme effacée, elle a observé les siens et a saisi certains secrets sans réellement en avoir conscience. A l’heure de sa mort, elle les livre à la lumière de son âme.

Ce que j’ai aimé :

-       L’écriture : intense, serrée au début, comme si elle ne voulait rien laisser percer au travers des mots, elle se délie au fur et à mesure pour chanter la liberté d’une femme dépendante des autres pendant trop longtemps.

-       L’intensité du récit : la narratrice livre des bribes de souvenirs au fil des pages, laissant aux pages suivantes le soin de dévoiler – peut-être - un autre souvenir éclairant, si bien que le récit rebondit, guidé par une mémoire sélective.  Le lecteur est littéralement happé par cet univers sporadique.

-       La beauté du texte en général : l’hommage rendu aux paysages de cette région est envoûtant. La ferme dans laquelle vit la narratrice est isolée, au cœur du Roggeveld, et les paysages sauvages environnants sont pour elle comme un aimant, un appel à la liberté et à l’insouciance, mais aussi un chemin vers des réponses. Les lieux savent des secrets que les humains ignorent… Mais le vent aura beau souffler, il ne trahira pas…

« Je sens autour de nous l’air doucereux, le parfum de l’anis sauvage, et contemple les arbustes qui ont pris racine dans les crevasses parmi les pierres, les fleurs blanches des zygophyllums qui se balancent au pied des collines, le printemps fade, gris, argenté et blanchâtre sous le ciel pâle, l’eau qui scintille un instant au loin à la surface d’un marécage et qui redevient terne tandis que le paysage s’assombrit à mesure que l’ombre obscurcit le soleil. » (p. 82)

-       Le magnifique portait de cette femme, qui, à l’aube de la mort, souhaite solder ses comptes avec la vie et rendre hommage à ceux qu’elle a aimés…

« Je me suis souvenue de ce que j’avais oublié, j’ai mis des mots sur ce que je ne voulais pas savoir, ma mission est accomplie (…) » (p. 256)

« L’être humain est condamné à se souvenir et à porter son fardeau jusqu’à la fin. » (p. 262)

Ce que j’ai moins aimé :

-       La densité du récit, déroutante au premier abord. La narratrice nous livre un monologue avec très peu de pauses, peu de dialogues, comme si elle voulait vraiment profiter de son dernier souffle pour tout dire. Aussi faut-il vraiment se plonger dans le texte pour en saisir toute la beauté, c’est un texte qui se mérite.

Premières phrases :

« La veilleuse vacille et s’éteint ; allongée dans l’obscurité, j’entends la respiration régulière de la jeune fille qui dort sur la paillasse au pied de mon lit. C’est sans importance, plus rien n’a d’importance, il ne reste plus qu’à attendre, et peu importe qu’il fasse jour ou bien nuit. »

Vous aimerez aussi :

 Disgrâce de J. M. COETZEE

 

Merci à Denis LEFEBVRE du groupe LIBELLA.

  Cette vie de Karel SCHOEMAN, Phébus, 2009, 265 p., 21 euros

 

Vous le trouverez aussi chez Keisha, et chez Dominique. 

TAGS : Littérature d'Afrique du Sud- Famille-Solitude -Femmes

Publié dans Littérature Afrique

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