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poesie francaise

La poésie sauvera le monde de Jean-Pierre SIMEON

Publié le par Hélène

♥ ♥ ♥ 

"Qui se sent apte à la vaste polysémie du poème, se rend apte à la polysémie du monde qui n'est plus, comme dans le poème, un obstacle mais une chance."

Assertion percutante que celle développée ici par Jean-Pierre Siméon, mais si cette provocation étonne, au fil des mots de son essai, elle prend tout son sens. Car la poésie est une force. Une force oubliée, le déni de la poésie demeurant un fait et pourtant elle recèle en son sein une dimension sociale transgressive agissante notoire, elle peut constituer un véritable enjeu politique. Comment ? 

"La poésie relève d'abord d'un principe premier et fondateur d'incertitude. Elle est donc d'abord un scepticisme, je veux dire une quête de l'ouvert qui récuse l'immobilisation tant dans le pessimisme arrêté que dans l'optimisme béat. Elle naît du pressentiment que toute vue des choses, toute nomination, tout concept, toute définition, pour indispensables qu'ils soient, tendent à clore le réel et à en limiter la compréhension." p.  23

La poésie est à la fois mystère et ouverture, par le pouvoir d'un langage révélé, elle densifie ce qui doit l'être, à l'opposé de notre époque qui simplifie pour mieux abrutir les citoyens :

"Telle est la supercherie de nos démocraties : elles tiennent le citoyen informé comme jamais mais dans une langue close qui, annihilant en elle la fonction imaginante, ne lui donne accés qu'à un réel sans profondeur, un aplat du réel, un mensonge. C'est le règne d'une logorrhée qui noie le poisson du sens." p. 29

L'ère du divertissement aliène les esprits et la poésie serait alors un véritable acte de résistance contre cette oppression généralisée. Perversive, elle peut en effet l'être puisque qu'elle interroge et qu'en entendant la langue du poème, le lecteur sait "qu'une autre langue est possible qu'un autre énoncé du monde est possible, que d'autres représentations du réel sont disponibles." 

"Propager la poésie, c'est contester l'assimilation du populaire au vulgaire. Rendre la poésie populaire, la plus distinguée poésie, c'est venger le peuple de la vulgarité à quoi on le réduit, par le partage de la distinction." p. 76 

Elle permet l'émergence de l'inconnu, et constitue également un lien essentiel entre les hommes "traversant l'évidence du fait pour rejoindre l'universel" :

"Tout poème est un concentré d'humanité, qui révèle à chacun son altérité, c'est-à-dire son affilnité avec l'autre et l'arrachant ainsi à sa petite identité personnelle de circonstance, le relie." p. 26

En éveillant la conscience, cette poésie millénaire permet de lutter contre l'"infractus de la conscience", la plus grave maladie qui guette le citoyen selon l'auteur. 

"On rêve d'une minute de silence universel où le monde se tiendrait soudain immobile et muet, les yeux clos, attentif au seul respir du vent dans les arbres, au chuchotement clair d'un ruisseau, au déploiement d'une herbe dans la lumière, à l'unanime pulsation du sang dans les coeurs, une minute pour que le monde reprenne conscience  et se réajuste à la seule réalité qui vaille, le pur sentiment d'exister un et multiple, entre deux néants, sur la terre perdue dans les cieux innombrables." p. 60

Appelant à une insurrection poétique, Jean-Pierre Siméon insuffle l'espoir dans nos coeurs, parce qu'il sait que "Quand on n'est pas capable de donner du courage, on doit se taire." Franz Kafka

Un texte essentiel !

 

D'autres avis :

Interview dans Le Nouvel Obs

"J’entends par poésie non pas le charmant ornement qu’on y voit généralement, mais la manifestation radicale et intransigeante d’une façon d’être au monde et de penser le monde qui a des conséquences dans tous les ordres de la vie, sociale, morale et politique. Poésie désigne cet état de la conscience à vif qui, jouissant de l’inconnu et de l’imprévu, récuse toute clôture du sens, c’est-à-dire toutes ces scléroses, concepts péremptoires, identifications fixes, catégorisations en tout genre qui répriment la vie, ce mouvement perpétuel, et nous font manquer la réalité telle qu’elle est vraie et telle que le poète et l’artiste la perçoivent et la restituent : d’une insolente et infinie profondeur de champ. Elle est donc, la poésie, un dynamisme, un appétit sans bornes du réel qu’elle questionne dans le moindre de ses effets (tout poème est la formulation de ce questionnement), bref une espérance : rien n’est fini, dit-elle. " L'humanité 

 

Merci à l'éditeur.

 

La poésie sauvera le monde, Jean-Pierre Siméon, Le passeur éditions, janvier 2016, 96 p., 13 euros

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A la lumière d'hiver de Philippe JACCOTTET

Publié le par Hélène

♥ ♥ ♥

Ce recueil regroupe "A la lumière d'hiver", "Chants d'en bas", "Pensées sous les nuages", et « Leçons ». Une note de Jaccottet lui-même précise que « Leçons » et « Chants d’en bas » sont deux livres de deuil. On n’apprendra qu’en 1994 dans un petit volume intitulé Tout n’est pas dit que le disparu était Louis Haestler, beau-père de Jaccottet, « un homme simple et droit » et dont la droiture même l’a inspiré pour dire « la douleur de sa fin ».

Cette tonalité mélancolique, réflexion sur la perte, se fond dans un lyrisme qui chante aussi la beauté du monde et l'immense pouvoir de transfiguration du réel de la poésie. 

 

"Plus aucun souffle.

Comme quand le vent du matin

a eu raison

de la dernière bougie.

Il y a en nous un si profond silence

qu'une comète

en route vers la nuit des filles de nos filles

nous l'entendrions." (Leçons)

 

"Plutôt, le congé dit, n'ai-je plus eu qu'un seul désir :

m'adosser à ce mur pour ne plus regarder à l'opposé que le jour,

pour mieux aider les eaux qui prennent source en ces montagnes

à creuser le berceau des herbes,

à porter sous les branches basses des figuiers,

à travers la nuit d'août,

les barques pleines de brûlants soupirs." ( Leçons)

 

"Ce matin, il y avait un miroir rond dans la brume,

un disque argenté près de virer à l'or,

il eût suffi d'yeux plus ardents pour y voir

le visage de celle qui en efface avec un tendre soin

les marques de la nuit...

 

Et dans le jour encore gris

courent ici et là comme la crête d'un feu pâle

les branchages neufs des tilleuls..." (Le mot joie)

 

"Cette montagne a son double dans mon coeur.

Je m'adosse à son ombre,

je recueille dans mes mains son silence

afin qu'il gagne en moi et hors de moi,

qu'il s'étende, qu'il apaise et purifie.

Me voici vêtu d'elle comme d'un manteau.

Mais plus puissante, dirait-on, que les montagnes

et toute lame blanche sortie de leur forge,

la frêle clef du sourire." (Le mot joie)

 

"Tu es assis

devant le métier haut dressé de cette harpe.

Même invisible, je t'ai reconnu,

tisserand des ruisseaux surnaturels." (A Henry Purcell)

 

Présentation de l'éditeur : Gallimard 

 

A la lumière d'hiver, suivi de Pensées sous les nuages, Philippe Jaccottet, Poésie Gallimard, 1977-1994, 7.20 euros

Publié dans Poésie française

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Printemps des poètes

Publié le par Hélène

Publié dans Poésie française

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La cour couleurs de Jean-Marie HENRY, dessins de ZAÜ

Publié le par Hélène

ean-

♥ ♥ ♥ ♥

"Les couleurs

sont

les empreintes

digitales

du soleil."

Malcom de Chazal

 

Les juments blanches

En breton, pour dire "La jument blanche"

on dit : "Ar gazeg wenn".

En arabe, on dit : "El fâras lè bèda".

En anglais, on dit "The white mare".

En esquimau, on ne dit rien parce que chez eux

il n'y a pas de juments blanches.

En espagnol, on dit : "La yegua blanca".

En flamand, on dit : "De witte merrie".

 

Comme vous pouvez le voir

toutes ces juments sont très différentes.

 

Mais ce sont toutes des juments blanches."

Paul André

 

Divisions

"- Il y a cinq continents.

- Je ne suis pas doué.

- Pour quoi ?

- Pour les divisions."

Eugène Guillevic

 

La cour couleurs de Jean-Marie HENRY, dessins de ZAÜ

Marc

Au loin

"J'ai regardé au loin

J'ai vu quelque chose qui bougeait

Je me suis approché

J'ai vu un animal

Je me suis encore approché

Et j'ai vu que c'était mon frère."

Proverbe tibétain

La cour couleurs de Jean-Marie HENRY, dessins de ZAÜ

La cour couleurs, Anthologie de poèmes contre le racisme Préface d'Albert Jacquard, poèmes rassemblés par Jean-Marie Henry et Images de Zaü, Rue du monde, 1997

 

C'était ma participation au challenge Je lis aussi des albums avec comme thème ce mois-ci : Les couleurs

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Printemps des poètes - 6

Publié le par Hélène

Or, pour moi, la culture, c’est tout ce qui refuse les similitudes, l’immobilisme des racines, les miroirs de la mémoire close, tout ce qui refuse ou écarte le semblable ou le similaire pour rechercher ce qui est différent, ce qui est dissemblable. Etre cultivé aujourd’hui, ce n’es pas lire Tacite ou Homère dans le texte (ça c’est l’érudition), ce n’est pas non plus connaître par cœur les composantes chimiques du sol de Mars ou de Saturne, c’est simplement admettre jusqu’en sa propre création la culture des autres, c’est même au besoin se mêler à elle et la mêler en soi. Etre cultivé aujourd’hui, c’est porter en soi à sa mort des mondes plus nombreux que ceux de sa naissance. C’est s’enrichir et s’agrandir en se tissant, se métissant de la culture des autres.

Jacques Lacarrière

Extrait de « Nous ne sommes plus des paramécies »
Texte publié dans la revue Gulliver (93)

Publié dans Poésie française

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A l'orient de tout. Oeuvres poétiques de François CHENG

Publié le par Hélène

♥♥♥♥

"La beauté est une rencontre" 

 

"Quand se tait soudain le chant du loriot

L'espace est empli de choses qui meurent

Tombant en cascade un long filet d'eau

Ouve les rochers de la profondeur

Le vallon s'écoute et entend l'écho

D'immémoriaux battements de coeur."

 

"Vers le soir

Abandonne-toi

à ton double destin :

Habiter le coeur du paysage 

Et faire signe

aux filantes étoiles."

 

Le lac Suwa dans la province de Shinano, (c) Hokusai

 

"Céder à l'invite du tronc couché

Céder à l'antique blessure

guérie par la résine du temps

Au sortilège d'un après-midi

en vierge forêt

Aux murmures ininterrompues de l'été

A la félicité de l'attente, à l'arrivée

inattendue d'une amante de rêve

Au bourdonnement autour des mûres

que les renards ont crachées

Aux écailles de serpent muées en papillons

A la soif qu'étanchent seules les larmes

A l'irrépressible nostalgie renée

de l'éternel instant

 

Céder à l'invite du héron debout

Qui, près de l'étang, là-bas

Tend le miroir d'un soir doré

au coeur de la mémoire terrestre."

 

"Réduit au plus ténu du souffle

Etre pure ouïe

Et faire écho en silence

Au respir des sycomores

Quand l'automne les pénètre

De son haleine d'humus et de brume

A la saveur de sel après larmes

 

Réduit au plus ténu du souffle

Abandonné au rien

Et au change

A rine de moins qu'échange

Là où voix est voie

Et voie voix

Là est"

Shiro Kasamatsu – Pin sous la pluie, Kinokunizaka, in Tokyo, 1938

 

"Ne laisse en ce lieu, passant

Ni les trésors de ton corps

Ni les dons de ton esprit

Mais quelques traces de pas

 

Afin qu'un jour le vent fort

A ton rythme s'initie

A ton silence à ton cri

Et fixe enfin ton chemin"

 

"Au bout de la nuit un seuil éclairé

Nous attire encore vers son doux mystère

Les grillons chantant l'éternel été

Quelque part la vie vécue reste entière"

 

Kawase Hasui (1883-1957), "Lune d'hiver à Toyamagahara" (ukiyo-e, c. 1931)

 

"Accorde-nous de boire l'eau céleste

Aussi pure que les perles de crapaud

sous l'éclair de la lune

 

De surgir une fois encore du sol

Des chairs meurtries au gré de la tige

du bambou réduite aux os

 

De ne pas oublier le cou de cygne

Plus tendre u'un rêve de paradis

au coeur de la foule en perdition

 

De perpétuer les mots non dits à jamais

Lèvres d'iris effleurées par la brise

émanant du volcan d'origine

 

"Nous reverrons-nous un jour ?" 

"Mais..."

 

Présentation de l'éditeur :

Gallimard 

 

A l'orient de tout. Oeuvres poétiques, François Cheng, Préface d'André Velter, Poésie/Gallimard, septembre 2005, 7.10 euros

Publié dans Poésie française

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Printemps des poètes - 5

Publié le par Hélène

  « Il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre » pensait Ulysse. Aussi son chant écarta six reines et écueils ainsi sut-il revenir vers Pénélope : qu’à son exemple chacun cherche son Ithaque qui en lui demeure – sans doute lui sera-t-il accordé d’y aborder lumen de lumine.

Combien de temps faut-il pour comprendre qu’il n’y a ni passé no future on a tout le temps pour apprendre qu’y a rien à apprendre sinon le présent (é)mouvant ce curseur qui dévoile une seconde l’éternité. Que je devienne mon maître et son serviteur intérieurs que je n’aie pas d’autre héros que moi m’aime.

Le ciel est bleu ou gris et la mer son miroir va ma vie vogue après vague ma nave voyage. Ulysse des banlieues j’aime êtres et hêtres la belle et la bête elle et l’aile le clair et la chair mi-di comme minuit mon cri et mon silence le crépuscule des matins avec celui des soirs j’aime l’obscur et le clair et par l’éclair je vois dans la nuit jour de colère de tendresse ;

pas résigné pas rampant pas rebut pas à consommer condamné pas denrée mais vivant comme le corps beau délicieux croâ je crois et croîs en moi niant les saigneurs de guerre les assassins du seigneur moi-M niant les prophéties de Mal-heure les religieux du Mal-aise désobéissant aux politiques de Mal-être – n’oubliant pas qu’à l’an vert du monde rit le vers lent du démon ;

simple comme un caillou sage comme un arbre vif comme une pie inquiet comme un homme mon pays : le monde – ma patrie : la terre où la femme égale l’homme d’aucun parti mais de la totalité où les humains vont égaux en tous sous le soleil exactement embrassant seule religion la Vie Vraie (la guerre étroite celle des détroits de Toi n’aura pas lieu) n’y a rien d’autre qu’être moi toi soi notre Odyssée ludique dans l’Univers lieu unique :
être homme humus d’humanité !


Daniel Biga

Poème publié dans l'anthologie Une salve d'avenir. L'espoir, anthologie poétique, parue chez Gallimard en Mars 2004

Publié dans Poésie française

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Printemps des poètes - 4

Publié le par Hélène

Je crois en ceux qui marchent
à pas nus
face à la nuit

Je crois en ceux qui doutent
et face à leur doute
marchent

Je crois en la beauté oui
parce qu’elle me vient des autres

Je crois au soleil au poisson
à la feuille qui tremble
et puis meurt
en elle je crois encore
après sa mort

je crois en celui 
qui n’a pas de patrie
que dans le chant des hommes

et je crois qu’on aime la vie
comme on lutte 
à bras le corps

Jean-Pierre Siméon, Sans frontières fixes, éd. Cheyne

Publié dans Poésie française

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Printemps des poètes -3

Publié le par Hélène

Ils ont mis des frontières entre les sables,
dressé des barrages aux icebergs,
isolé les cormorans de la banquise.
mais ils n'attacheront jamais les ailes du vent!

Prisonnier de l'inutile,
nous avons rompu le fil
qui relie le ciel et la terre.
Fortunés bac plus dix,
nous n'osons plus marcher
sur la sente déserte.
Tapis dans nos pavillons,
nous ne connaissons plus le chaud et le froid.
L a vitesse a tout emporté sur son passage
et le silence a eu peur.

Il existe un bateau de nuit perdu au fond d'un jardin,
une pleurésie grimpante,
une neige qui ne fond jamais,
une étable pour s'asseoir dans la lumière de midi.

 

Dominique Cagnard

Publié dans Poésie française

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Printemps des poètes - 2

Publié le par Hélène

A qui tue par idéal

Ne sais-tu pas combien Dieu s’est vêtu de silence
Et n’ordonne plus
Que cherches-tu dans le bruit et la fureur
Dans l’arrêt du voilier par ton rêve
Insensible insensé
Qu’existe-t-il hors la vie
Les départs les aubes recommencées
Les carreaux de givre sur la vitre
Te souviens-tu du souffle sur ton berceau
Du pas frêle de ton amoureuse un matin de neige
Dis que sais-tu de cet amour
Qui se donne et ne reprend pas
De cette perte et de la porte
Que sais-tu de la liberté qui jamais ne meurt
Même sous le boisseau
Sais-tu combien Dieu s’est vêtu de silence
Et t’appelle à plus haut soleil
Que le sang renversé
A présence tremblée
A chuchotement dans les reflets
Ne sais-tu pas mon frère
Qu’il n’est de gloire que d’abord effacée
Puis d’étoiles sans nuit
Observe ta victime aux mains blanches
Immolée dans le calme tant t’enivrent tes raisons
Et le visage angélique du mal
Dans victime il y a vie
Tu as servi la mort et pourtant tendu au vent semences d’avenir
Debout serons-nous
Dans l’assurance du jour
Et rirons
De son éclat sans brisure

Tu te croyais exilé du destin je sais
Avril avili
Et les réclames qui pavoisent aujourd’hui
Enfonçaient dans le corps du monde
Le refus du poème
Je sais
Mais ton destin était d’être
A peine
Roseau sur le bord du chemin
Aquarelle envolée
Un presque rien qui s’étonne
Et devient univers

Ne sais-tu pas combien Dieu s’est vêtu de silence
Et t’appelle à vie

Que notre douleur de ce jour
Soit ce cristal éteint
Où renaîtra matin debout

Marc Desombre 
10 janvier 2015

Publié dans Poésie française

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