Meursault contre-enquête de Kamel DAOUD

Publié le par Hélène

♥ ♥ ♥

"La mère, la mort, l'amour, tout le monde est partagé, inégalement, entre ces pôles de fascination."

Ce que j'ai aimé :

Haroun est le frère de "l'arabe" tué par Meursault dans le célèbre roman de Camus. Ayant vécu dans l'ombre de ce grand frère disparu, il souhaite redonner un nom à celui qui n'était pas seulement "l'arabe", mais Moussa, mort sur une plage ensoleillée. Hantant les bars, ce vieil homme rencontre "un jeune universitaire à l'oeil sceptique" à qui il va raconter son histoire et celle de son frère. Lui aussi est étranger au monde et à lui-même, condamné comme son frère à n'être qu'un "arabe" à cause de l'histoire torturée de son pays l'Algérie et de ses rapports avec la France.

 "Ce détail est un incommensurable mystère et donne le vertige, quand on se demande ensuite comment un homme peut perdre son prénom, puis sa vie, puis son propre cadavre en une seule journée. Au fond, c'est cela, oui. Cette histoire - je me permets d'être grandiloquent - est celle de tous les gens de cette époque. On était Moussa pour les siens, dans son quartier, mais il suffisait de faire quelques mètres dans la ville des Français, il suffisait du seul regard de l'un d'entre eux pour tout perdre, à commencer par son prénom, flottant dans l'angle mort du paysage." p. 72

La guerre d'Algérie couplée à la mort de son frère ont fait basculer Haroun qui ne peut qu'interroger le monde qui l'entoure et cet homme qu'il rencontre un soir de désoeuvrement dans un bar. Que siginifie notre présence au monde, quel sens lui donner ? La religion ? Comme Camus, il refuse sa facillité "La religion pour moi est un transport collectif que je ne prends pas. J'aime aller vers ce Dieu, à pied s'il le faut, mais pas en voyage organisé." p.76

Il interroge ses liens à sa terre, sa relation à la mère, le traumatisme de la mort du frère, les femmes qui passent, font semblant de s'arrêter, prennent la fuite, plus volatiles que la plus infime des fumées. Il interroge le mystère de la vie et cherche une identité.  

"Pardonne au vieillard que je suis devenu. c'est d'ailleurs un grand mystère. Aujourd'hui je suis si vieux que je me dis souvent, les nuits où les étoiles sont nombreuses à scintiller dans le ciel, qu'il y a nécessairement quelque chose à découvrir quand on vit aussi longtemps. Autant d'efforts à vivre ! Il faut qu'au bout, nécessairement, il y ait une sorte de révélation essentielle. Cela me choque, cette disproportion entre mon insignifiance et la vastitude du monde. Je me dis souvent qu'il doit y avoir quelque chose, quand même, au milieu, entre ma banalité et l'univers !" p. 147

La frontière entre fiction et réalité devient floue, la puissance littéraire de Kamel Daoud agit comme par magie. Puissance de l'idée de ce premier roman, puissance du style, puissance des mots qui signifient au-delà des frontières temporelles et géographiques, puissance des fantômes qui hantent les vivants, puissance de lecture...  Un grand roman !

Ce que j'ai moins aimé :

- rien.

Présentation de l'éditeur :

Actes sud

Vous aimerez aussi :

Du même auteur : Le Minotaure 504

Autre : L'étranger de FERRANDEZ d'après l'oeuvre de Albert Camus

D'autres avis :

Marilyne, Jérome, Luocine

Merci à Valérie et aux autres acolytes du salon du livre pour ce beau conseil !

 

Meursault contre-enquête, Kamel Daoud, Actes sud, 2014, 19 euros

 

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A
Pour une fois, je ne te rejoins pas vraiment .... Attaqué avec enthousiasme, je pensais que le Meursault allait en prendre plein la figure, enfin (et oui, j'avoue, je fais partie des lecteurs que "L'étranger" ennuie copieusement et qui, ne comprend toujours pas le meurtre de l'arabe, et le coup du soleil dans les yeux, que le style de Camus dans ce roman a fait bailler ... Et puis, malgré la beauté de la langue de l'auteur, j'ai commencé à bailler là-aussi, le destin du narrateur m'a laissé de marbre ... Je dois avoir un problème avec cette histoire, moi ! ^-^
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H
Je dois avouer ne pas adorer "L'étranger", je l'ai lu deux ou trois fois pour mes cours et tu ne le verras pas apparaitre sue le blog car il ne m'enthousiasme pas. Mais le daoud m'a plu. Comme quoi...
K
Malgré tous ces avis enthousiastes, il ne fait pas partie de mes envies prioritaires... j'ai sans doute tort.
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H
Tu n'as pas du tout tort, chacun ses choix...
P
Toujours pas lu, pourtant j'ai beaucoup aimé Le minotaure 504. Bises
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H
Oh chic oui je veux bien, c'est adorable !
P
Je crois que je l'ai à la maison. Si tu veux, je te l'envoie dans une semaine. Bisous
H
J'ai bien envie de lire celui dont tu parles !
Y
L'un de ceux qui m'attiraient lorsqu'il est sorti, mais je ne l'ai pas encore lu. De fait, j'aimerais lire d'abord le Camus, même si ce n'est pas indispensable, car je ne l'ai toujours pas lu...
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A
Il vient d'arriver à la médiathèque et je l'ai réservé dès qu'il reviendra de l’équipement, j'ai hâte !
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H
Tu ne seras pas déçue !
A
Il m'attend dans ma liseuse sans doute depuis trop longtemps.
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H
Lance toi !
V
Un coup de coeur pour moi alors je suis ravie qu'il t'ait plu. J'ai aimé le propos et l'écriture est splendide. Toi aussi, tu as eu une belle dédicace, alors? J'adore la mienne.
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H
Non je ne suis pas trop dédicace, je l'ai emprunté à la médiathèque ...
N
Dans cette lecture, je retiens surtout la langue de Kamel Daoud... Tout ce que j'aime en littérature...! Un auteur que je ne peux que relire !
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H
Comme toi j'ai envie de poursuivre dans son oeuvre !
V
J'ai moi aussi beaucoup aimé ce roman, qui déroute, questionne, transporte. Il m'a fallu du temps pour le lire, pas question de le "dévorer", comme d'autres, mais plutôt le laisser infuser, se laisser immerger par cette ambiance... <br /> De plus, Daoud est menacé il convient de le soutenir, au moins en lisant son livre !
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H
Oui c'est un roman qui se savoure..
J
J'ai aimé sans plus. je suis resté trop imprégné de l'oeuvre de Camus pour profiter pleinement de cette "variation".
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H
Je te comprends...