Les grandes marées de Jacques POULIN
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Quand son patron demande à Teddy Bear ce qui le rendrait heureux, il n'hésite pas, il souhaite vivre sur une île déserte. Ainsi, il devient le gardien de l'île Madame, tout en assurant ses traductions de bandes dessinées. Toutes les semaines il reçoit la visite de son patron qui reprend ses traductions et lui amènent de nouvelles bandes dessinées ainsi que des provisions. Teddy Bear mène la vie sereine dont il avait rêvé. Il est heureux. Bonheur que vient troubler la visite tout d'abord de Marie qui, elle aussi s'installe dans l'île, bientôt suivie à chaque grande marée par d'autres individus plutôt loufoques. Peu à peu la tranquillité de Teddy Bear est affectée par ces visites et les égos des uns et des autres. Son bonheur vacille.
Comment vivre avec les autres harmonieusement alors qu'ils ont tendance à envahir notre espace physique et psychique ? Malgré son envie de solitude, Teddy a conscience que son bonheur peut aussi venir de ces rencontres lumineuses qui enrichissent le coeur et l'âme. Quand Marie lui demande ce qui compte le plus pour lui, il répond :
"R. C'est difficile à dire.
Q. : Dieu ?
R. : Non.
Q : Les gens ?
R. : Non
Q : L'amour ?
R. : Je pense que non.
Q : La nature ?
R. : Non.
Q : Les livres ?
R. : Je pense que non.
Q : Les chats ?
R. : Non.
Q : Le tennis ?
R. : Non.
Q : Le gruau Quaker ?
R. : Tu ris de moi...
Q : Qu'est-ce qui reste ?
R. : Il y a une chose que j'aime bien. C'est quand, dans les yeux des gens, parfois, on voit passer quelque chose. Une sorte d'éclair qui brille, unesorte de chaleur. C'ets une chose que j'iame beaucoup." p. 184
Mais son bonheur est aussi mis à mal par ces mêmes autres, là réside un des paradoxes de la vie en société... Ces Grandes Marées fonctionnent comme une parabole, allégorie de la vie en société : Teddy apprendra que le paradis sur terre ne dure jamais longtemps et que le précepte de Sartre "l'enfer c'est les autres" peut malheureusement s'avérer tristement vrai...
Mes réserves : Ce texte est assez différent des autres oeuvres de Poulin, beaucoup plus pessimiste, comme si l'auteur lui-même avait perdu sa quiétude, envahi par le monde. Même si on retrouve avec plaisir la poésie de l'auteur et son univers habité par la mer et les chats, une amertume lancinante court dans ces pages.
Présentation de l'éditeur : Actes Sud
Du même auteur : Le vieux chagrin ; Volkswagen blues
D'autres avis : Babelio
Les grandes marées, Jacques Poulin, Actes sud Babel, 1986, 213 p., 6.60 euros