Tal Ben Shahar a été professeur de psychologie positive à Harvard, il s'intéresse à la question du bonheur. Il s'inspire ici de son coiffeur, homme de bon sens aimant partager ses conseils lors des rendez-vous pour guider ses clients vers la voie du bonheur. Il met l'accent sur l'importance du toucher, de la bienveillance, de la générosité, insiste sur la nécessité de prendre son temps, dans la vie et dans le prise de décision, de ralentir pour profiter des moments et d'accueillir les leçons données par la vie. Il invite aussi à baser ses rapports avec autrui sur la confiance, mais s’intéresse aussi aux questions d'éducation : "Je récompense Agam pour le chemin parcouru, et non parce qu'il est arrivé à destination."
Les chapitres courts s'enchainent avec bonheur. Certes, certaines idées sont quelque peu banales, mais il n'en reste pas moins que cela permet de se recentrer et de repartir sur de bonnes bases.
"Chaque poème est un minuscule tombeau élevé à la mémoire de l'invisible."
La jeune Emily Dickinson est comme un oisillon fragile et insaisissable, sa vie est entourée de mystères : née le 10 décembre 1830 dans le Massachusetts, morte le 15 mai 1886 dans la même maison, elle ne s’est jamais mariée, n’a pas eu d’enfants, a passé ses dernières années cloîtrée dans sa chambre, écrivant sans cesse, mais sans souhaiter publier. Et pourtant, elle est aujourd’hui considérée comme l’une des figures les plus importantes de la littérature mondiale.
Le style poétique de Dominique Fortier s'attache aux pas de Emily Dickinson sans chercher à juger, ni à expliquer cette femme dont le cœur s'emballe à la vue de "l'éclair rouge d'un cardinal dans le feuillage de l'érable."
"En écrivant, elle s'efface. Elle disparaît derrière le brin d'herbe que, sans elle, on n'aurait jamais vu.(...) Elle écrit pour témoigner : ici a vécu une fleur, trois jours de juillet de l'an 18**, tuée par une ondée un matin, Chaque poème est un minuscule tombeau élevé à la mémoire de l'invisible."
Elle imagine les raisons qui ont pu la mener à rester recluse à la moitié de sa vie :
"C'est dans cette exquise répétition des choses, dans ce temps suspendu, qu'elle arrive, par éclairs, à saisir ce que murmure l'herbe et ce que souffle le vent. Il n'y a pas d'autre moyen de s'arrêter que de tourner exactement au même rythme que la Terre qui tournoie autour du Soleil, et de s'abandonner à ce vertige."
La délicatesse et la beauté de l'écriture de l'autrice s'accorde parfaitement avec ce personnage diaphane, presque magique.
"Il existe une autre dimension mais, du fait qu'elle n'est pas visible,les hommes l'ignorent. Entre les branches des arbres, dans les sous-bois, passe un je-ne-sais-quoi d'espace et de lumière qu'on ne verrait peut-être pas si certains peintres ne l'avaient pas mis en évidence. Il y a, dans l'ordinaire, quelque chose qui transcende l'ordinaire, la formule est de l'ancien maître de haïku Bashô."
Après avoir voyagé en Afrique, en Chine et au Moyen-Orient, Antoine Marcel fait le choix de se retirer loin de l'agitation du monde, dans les monts d'Auvergne. Il se consacrera ainsi entièrement à l'émerveillement, dans un esprit simple et dépouillé du superflu.
Ce que j'ai aimé :
L'auteur nous livre avec simplicité une vie au jour le jour enrichi de cultures, de réflexions sur le sens de la vie, sur la vie, sur le monde et l'univers.
De nombreuses références littéraires comme Soseki :
"En quittant le souci du monde, oublier le moi, les choses.
Regarder simplement par la fenêtre et les vieux pins sombres.
L'immense nature, au coeur de la nuit, pure de tout bruit ;
Silencieux et seul, se tenir assis comme un vieux bouddha." SOSEKI, Poèmes
Ou encore Holderlin qui dit d'habiter la terre en poète "Dans le fond, ce que tout homme cherche, c'est un monde à habiter. Un monde dans lequel pouvoir vivre en fidélité à soi-même, à ce que l'on possède de plus précieux."
Ce que j'ai moins aimé :
Il faut être initié un minimum au bouddhisme, au zen pour comprendre toutes les nuances de ce récit / essai.
Bilan :
Un texte riche dont on ressort grandi, même si tout n'est pas intelligible pour un néophyte.
"Le talent, ou même le génie, est aussi la faculté de voir des choses que tout le monde voit, mais en les voyant plus clairement, sous tous les angles à la fois."
N'en faites pas une histoire est une édition posthume de divers textes de Raymond Carver : des nouvelles de la première heure, quelques poèmes, des préfaces d'anthologie de nouvelles dont il était éditeur, des critiques de livre, des courts textes sur l'amitié ou sur Hemingway... De ce bric à broc littéraire, émane un esprit supérieur, une intelligence scintillante qui nous parle de ces éclairs, ces moments où l'être humain se sent profondément vivant et où il est transcendé par une lumière, une pureté du moment. Carver savait retranscrire ce moment, ce dénuement soudain de la réalité qui s'offre à l'écrivain dans toute sa fraicheur, cette fusion soudaine du sentiment et de l'intellect.
S'il apprécie les récits réalistes, c'est parce qu'ils sont "Un reflet de notre propre vie, ou de celle d'individus que nous côtoyons quotidiennement : des hommes et des femmes exerçant le métier de vivre, un métier banal mais où il y a parfois des moments extraordinaires, et qui, comme nous, ont une conscience aiguë de leur mortalité. "
Il partage ses coups de coeur, ses déceptions littéraires, nous explique ce qu'il recherche dans un récit, et derrière chacun de ses mots, brille la puissance de la littérature, l'amour inconditionnel pour l'art capable de nous transcender.
"Avec la grand littérature, nous éprouvons toujours un choc au moment où la signification humaine de l'oeuvre se révèle à nous, car nous y reconnaissons, inévitablement, quelque chose de nous-même."
«Vous avez vu comment d'un homme on fit un esclave ; vous verrez comment un esclave devint un homme.»
Dans ce témoignage personnel, Frederick Douglass, ancien esclave américain en 1845, raconte son enfance sur la plantation, les différents maîtres auxquels il a été confronté, la violence omniprésente, et l'espoir d'échapper à ce destin affreux. Frédérick a oeuvré pour ne plus être un esclave : il a compris notamment que l'oppression passait par l'abêtissement si bien qu'il a appris à lire et à écrire, et peu à peu, a réussi à conquérir sa liberté. Mais avant cette liberté rédemptrice, combien d'humiliations, de violences gratuites, de déshumanisation a-t-il dû subir ....
Par le biais de ce témoignage personnel, Frédérick Douglass dénonce l'esclavage et son ignominie. Il souligne également l'hyprocrisie de ces hommes prétendument religieux et capables pourtant du pire. Son réquisitoire est sans appel, la force du style appuyant la force des propos, usant d'images fortes et marquantes "il la fouettait pour la faire crier et la fouettait pour la faire taire."
Cette édition est assortie d'un dossier didactique très complet.
"J'ai toujours cru que la littérature c'était comme la mer, ou plutôt comme le vol d'un oiseau au-dessus de la mer, glissant très près des vagues, passant devant le soleil."
("Lettre d'Albuquerque" Le Clézio)
Le Clézio est un écrivain qui a su se prémunir naturellement de la notoriété et ses risques. La qualité de ses écrits est indéniable parce qu'il est cet homme qui écrit par nécessité, parce qu'il croit en la littérature et en ses pouvoirs :
"Elle [la littérature] n'était pas un monument érigé en souvenir d'univers disparus, mais une passerelle pour entrer dans une nouvelle manière d'exister : la musique de ses mots aiguisait la capacité à être attentif aux moindres frémissement de la vie, à en percevoir les sensations et les émotions."
Pour cet homme mystique dans le sens où il est passionné "par les expériences, par les vertus religieuses, par la foi, quelle que soit la foi.", l'écrit révèle. Aliette Armel rappelle ce qui fait le prix de l’œuvre de cet auteur et de son secret :"Non pas l'or et le pourpre des distinctions les plus prestigieuses et des couvertures de livres pompeuses, mais la singularité d'une existence nomade, en quête d'un sens dont les civilisations oubliées demeuraient dépositaires, et la richesse d'une écriture forgée au cœur de la nature et dans l'observation des rituels."
Elle revient sur ses rencontres avec cet homme insaisissable, nous raconte sa propre découverte de son oeuvre, nous livre ses propres hésitations face à cet homme fascinant. En choisissant de présenter les écrivains par le biais de sa propre expérience, Aliette Armel choisit résolument l'humilité. L'auteure se place à sa propre hauteur de vue, et cela lui permet également de livrer son ressenti et ses émotions. Elle, qui a pourtant eu l'immense honneur de pouvoir assister à la remise du prix Nobel de littérature à J.-M. G. Le Clézio à Stockholm, ne se met pas en avant, et laisse juste transparaitre sa fascination pour cet écrivain aux multiples contours, si insaisissable.
Avec intelligence, elle nous enjoint simplement à retrouver cet homme mystérieux dans ses écrits. Ce que je vais faire de ce pas aux côtés de Bitna...
Les idées en question ont été publiées sur Internet et sur les réseaux sociaux, émaillées de commentaires, de suggestions, elles sont ici ajustées.
Plusieurs pôles de réflexion voient le jour: Réformer les institutions françaises, Revoir les frontières entre public et privé, Tonifier le travail et le management, S’adapter à la société numérique, Mieux vivre le quotidien, Ajuster les politiques sociales, Réviser l’intégration européenne, Mieux lutter contre l’insécurité et les incivilités,Actualiser l’école et l’enseignement, Innover pour les fêtes de fin d’année
Ce que j'ai moins aimé :
Une tendance marquée à la privatisation, au libéralisme : Privatiser Radio France et France Télévision, Supprimer le ministère de la Culture, Supprimer le supplément familial de traitement des fonctionnaires, Supprimer chauffeurs et voitures de fonction dans le secteur public, Supprimer le financement public des syndicats, Mettre fin aux disponibilités des fonctionnaires, Mettre fin aux subventions publiques à la presse, Cesser les subventions publiques aux start-up, etc...
Des propositions vides de sens pour beaucoup, provocatrices pour la plupart, que je n'ai pas même trouvées drôles : Faire les réunions debout, Établir un droit à la sieste, Interdire les réunions après 18 heures, Mettre Mayotte en vente, Laisser les adolescents dormir...
De nombreuses occurrences du terme "supprimer " et peu de "créer" pour un discours finalement assez répressif. Si il s'agit de second degré, si le but est de nous montrer vers quel monde nous nous dirigeons dans ce cas pourquoi ne pas l'afficher clairement : Réprimer les incivilités, Généraliser la vidéosurveillance, Expérimenter la tolérance zéro, Systématiser les amendes contre les fumeurs de joints, Forcer les tagueurs à nettoyer les tags, Faire nettoyer les facultés occupées par leurs étudiants militants, Éradiquer la fraude dans les transports en impliquant les salariés, Réintroduire l’uniforme à l’école...
Même dans certaines propositions légères on retrouve un aspect dirigiste allant à l'encontre des libertés comme : Abonner tous les adolescents à un journal (mais laissez les lire ce qu'ils veulent !), Ne pas faire de cadeaux à Noël !
Les idées sont survolées, on nous annonçait une assise chiffrée et sociologique mais que nenni ! "Le propos se veut rigoureux, appuyé sur des données, des expériences, des analyses fondées." dit l'auteur dans sa préface
Bilan : Je m'attendais à un livre plus sérieux, plus documenté et finalement plus profond. Je ne suis pas sûre d'avoir envie d'habiter un monde ainsi changé, même si ce livre a le mérite de lancer des débats, pour "ambiancer" comme le souligne l'auteur avec malice !
Alors qu'elle est pigiste pour le Magazine Littéraire, en 1990, Aliette Armel propose au comité de rédaction de coordonner un dossier sur Marguerite Duras. Cette rencontre avec l'auteure de "L'amant" la marque durablement, elle lui consacre par la suite plusieurs ouvrages et articles dont Marguerite Duras et l'autobiographie en 1990 et Marguerite Duras, les trois lieux de l'écrit en 1998.
Ici, elle revient sur ces rencontres, sur son entrée en "durassie" et sur son rapport avec cette grande dame, rapport de fascination tout d'abord. Les différentes facettes de l'écrivaine apparaissent, par le biais de la période indochinoise, du rapport à la mère et aux frères, de ses années d'alcoolisme, de ses relations amoureuses passionnées, ou encore de son rapport avec son fils.
"Ce que Marguerite Duras poursuivait à travers l'écriture, c'était l'élucidation des bouleversements intérieurs provoqués par les tourmentes de sa propre existence." p.31
Aliette Armel propose une belle approche qui donne envie de se replonger dans l'oeuvre et la biographie de celle qui est devenue une figure mythique de la littérature !
"Jusqu'à l'extrême fin, elle a cru en l'écriture, en son pouvoir de dire ce qui est - même le terrible - et d'agir sur ceux qui la reçoivent, non pour les apaiser, mais pour qu'ils se sentent moins seuls. (...) Elle a créé de la beauté. Elle a affronté l'épouvante. Elle a plongé l'écran de ses films dans le noir. Elle a mis en pleine lumière l'image de la jeune fille qui découvre, dans une Indochine encore coloniale, la force ensorcelante de l'accomplissement su désir. "
Ce titre est le premier d'une série intitulée "En compagnie de..." dirigée par Aliette Armel. Cette série promet de belles rencontres prochaines avec des auteurs contemporains marquants tels que Erri De Luca, François Cheng, Sylvie Germain, JMG Le Clézio...
Antoine de Maximy est surtout connu pour son émission J'irai dormir chez vous dans laquelle il parcourt le monde, et atterrit dans des endroits plus ou moins éloignés en s'invitant chez les locaux pour y manger et dormir, afin d'être en immersion total dans ces autres cultures.
Dans ce témoignage, il raconte ses expériences passionnantes, tant cet homme autodidacte a connu un parcours extraordinaire. Exalté par la découverte et par le fait d'être débutant et de devoir improviser, il apprend rapidement, et teste différents genres.
"C'est pour cette raison que je ne pense pas trouver ma place un jour. Parce que trouver sa place, c'est commencer à s'ennuyer. Pour moi, le bonheur n'est pas de trouver sa place, mais de la chercher. Et dans ce domaine, une chose est sûre : quand rien n'est prévu, tout est possible."
Il est à la fois ingénieur du son, reporter de guerre, puis réalisateur de documentaires animaliers avec des passionnés, des "types capables de venir te réveiller en pleine nuit parce qu'ils ont trouvé une chenille plus grosse qu'un caméléon". Son côté technique inventif lui permet de mettre en forme la cinébulle, une montgolfière motorisée biplace conçue pour des prises de vue aériennes et utilisée par Nicolas Hulot. Il évoque également l'incroyable radeau des cimes qui permet d'observer la forêt tropicale de la cime des arbres :
Dans ses reportages de l'émission qui le rendra célèbre, cet homme simple et bienveillant privilégie tout ce qui est ambiance, atmosphère, relations humaines, sans forcément donner les informations typiques des documentaires, et c'est ce qui fera finalement son succès.
Et si le nouveau luxe dans un monde ultra-connecté, était le silence ?
Erling Kagge est un aventurier, le premier à avoir réussi le « challenge des trois pôles » en atteignant le pôle Nord, le pôle Sud et le sommet du mont Everest. Il est ainsi le premier à atteindre le pôle Sud en solitaire et sans assistance le 1er juillet 1993 après 52 jours et environ 1 300 kilomètres. Revenu à la civilisation, il observe ses filles adolescentes et remarque leur hyper-connectivité, accompagnée d'un bruit omniprésent, il décide alors de s'adresser à elles dans ce petit essai miraculeux pour les enjoindre à s'essayer au silence pour, peut-être voir le monde avec plus d'acuité.
Pour lui, les bénéfices du silence sont multiples, même s'il est difficile à obtenir tant le bruit nous entoure et nous habite.
"Le silence traite, au fond, de tout le contraire. Il s'agit d'atteindre l'intérieur de ce que tu es en train de faire. De laisser ses sens ouverts et son esprit en repos, autant que faire se peut. De prendre la pleine mesure de l'instant. De ne pas se laisser envahir par d'autres personnes ou d'autres choses. De s'abstraire du monde et de créer son silence à soi quand on court, fait la cuisine, fait l'amour, étudie, discute, travaille, trouve une nouvelle idée, lit ou danse." p. 51
Dans un très bel exemple, il cite l'expérience d'un guide de haute montagne qui à l'aube de la randonnée qu'il s'apprête à mener avec son groupe, distribue à chaque personne un papier sur lequel est écrit "Oui, c'est tout à fait fantastique". Parce que les mots mettent des limites à ce que nous ressentons, et que mieux vaut se laisser envahir par le monde que de chercher à le cercler dans des espaces restreints : "Il désirait éviter que les marcheurs passent leur temps à se dire entre eux au cours de la journée à quel point l'expérience était fantastique, au lieu de se concentrer sur ce qui était, précisément, fantastique. Les mots peuvent gâcher une atmosphère. Ils ne sont pas à la hauteur. Oui, c'est merveilleux de partager de belles aventures, mais en parler eut aussi les éloigner de nous."p. 92
Ainsi, peut-être, l'être humain retrouvera-t-il sa capacité à s'émerveiller :
"Pour un aventurier, tout part de l'étonnement, voire de l'émerveillement. C'est une des formes de joie les plus pures que je connaisse. J'aime cette sensation. J'en fais l'expérience souvent, oui, presque partout : en voyage, quand je lis, rencontre des gens, écris, ou encore quand je sens mon coeur battre et assiste à un lever de soleil. Cette faculté d'émerveillement me parait être une de nos forces innées les plus puissantes." p. 13
A chacun de trouver sa propre voie pour accéder au silence...
"Laisse tes appareils électroniques chez toi et pars pour un endroit désert. Sois seul pendant trois jours. Ne parle à personne. Et, progressivement, tu découvriras de nouvelles facettes de toi.
L'important n'est pas ce que moi je crois, mais que nous suivions tous notre propre route. (...)