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poesie francaise

L'effraie de Philippe JACCOTTET

Publié le par Hélène

Le recueil "L'effraie" est, contrairement aux autres oeuvres de Jaccottet, fortement teinté d'éléments autobiographiques. Le poète évoque dans ses poèmes les étrangers, la mort de Michelle un amour rencontré en Italie à 21 ans, la nature, mais livre aussi sa vision du monde, les catastrophes qui vous écorche, puis la mort, la fin inéluctable qui nous guette au creux des chemins. Une atmosphère sombre court en ses pages, l'accent est mis sur la fragilité de l'existence, cette existence qui peut se déliter en un instant. De là, le poète s'interroge sur le sens de l'existence et sur la condition humaine.

"Errant encor vers la richesse des montagnes

dans la fraîcheur du trèfle nocturne, je fais

halte : notre pays est de pierre et de mûres

et les ruines de l'avenir en bornent l'aire."

L'effraie qui donne son titre au recueil est emblématique du recueil : animal nocturne au cri déchirant la nuit, il est clairvoyant, tout comme le poète à ses heures.

"La nuit est une grande cité endormie
où le vent souffle... Il est venu de loin jusqu’à
l’asile de ce lit. C’est la minuit de juin.
Tu dors, on m’a mené sur ces bords infinis,
le vent secoue le noisetier. Vient cet appel
qui se rapproche et se retire, on jurerait
une lueur fuyant à travers bois, ou bien
les ombres qui tournoient, dit-on, dans les enfers.
(Cet appel dans la nuit d’été, combien de choses
j’en pourrais dire, et de tes yeux... ) Mais ce n’est que
l’oiseau nommé l’effraie, qui nous appelle au fond
de ces bois de banlieue. Et déjà notre odeur
est celle de la pourriture au petit jour,
déjà sous notre peau si chaude perce l’os,
tandis que sombrent les étoiles au coin des rues."

Un recueil assez triste qui nous interroge sur notre finitude.

 

Présentation de l'éditeur : Gallimard

Du même auteur : Lumière d'hiver

 

Publié dans Poésie française

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Printemps des poètes 2018

Publié le par Hélène

   

 

J’ai demandé la lune au rocher
J’ai pensé qu’en m’agrippant
Je sauverais l’instant
J’ai pensé qu’en m’accrochant
J’arrêterais le temps

J’ai demandé la lune au rocher
Et j’y ai cru longtemps
M’entraînant
Soulevant des poids
Brisant des plumes

Je n’ai pas vu venir
Passer
Rides années
Tout entière absorbée par le rocher

Je le caresserai toujours
Car je crois au vieil amour qu’on rajeunit
De l’aile chaque jour
Mais je cède maintenant aux caprices du vent
Va mon cœur
Mène moi où tu voudras

J’ai demandé la lune au rocher
Et j’ai cru lire un jour sur sa face
Impassible
« Oublie-la »

Et j’ai reçu en partage
L’étoffe des nuages
Qui déploie ses formes étranges
Le sourire des mésanges
Le vieux pin qui là-haut
Doucement se balance
L’amour
Encordé à jamais

J’ai demandé la lune au rocher
Et il m’a tout donné



Poème de Stéphanie Bodet, extrait de À la verticale de soi ©Éditions Guérin

Publié dans Poésie française

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Sens averse (répétitions) de Valérie ROUZEAU

Publié le par Hélène

"Souvent je passe à côté de ma vie

Quand ma vie est en cet arbre droit comme un i"

 

"Tu dois te remettre à l'heure heureuse" s'admoneste l'auteure. Agressée par le monde, par cette modernité quelquefois aliénante, il est difficile de trouver sa place et d'exercer le "dur métier de vivre". Restent les mots, comme un rempart, leur assemblage comme magique qui permet de créer, le temps d'un vers, un brin de beauté.

Dans sa poésie du quotidien Valérie Rouzeau observe les sorties d'école, les repas, les balades urbaines, les soldes, et d'un oeil neuf et d'une écriture vive, elle restitue la modernité des sujets. L'inspiration se terre partout et les associations décalées créent la surprise.

De beaux textes émanent de ces pages, comme cet hommage à Comme un avion de Podalydès et Charlélie Couture

"Kayak un joli palindrome comme un avion

Se laisser porter au fil de l'air de la chanson

Y'a qu'à ! Y'a qu'à ! Y'a qu'à ! aimer bien la rivière

En suivre le courant se laisser faire aptère

Glisser glisser jusqu'à tomber sur la fée verte

Planer sans ailes au beau milieu d'un carré d'herbe

Sentir la vase la boue le fossé jusqu'au cou

Puisqu'il faut bien se perdre pour se retrouver mieux

Y'a qu'à y'a qu'à y'a qu'à tanguer jusqu'à la mer

Aux avirons du beau milieu de l'existence."

Ce que j'ai moins aimé : Je n'ai pas été vraiment sensible à ce recueil.

 

Présentation de l'éditeur : La Table Ronde

 

Sens averse (répétitions), Valérie ROUZEAU, La table ronde, mars 2018, 144 p., 16 euros

Merci à l'éditeur !

 

Publié dans Poésie française

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Printemps des poètes 2018 - L'Ardeur

Publié le par Hélène

 

 

PRINTEMPS DES POÈTES

VINGTIÈME ÉDITION

3 - 19 mars 2018

L'ARDEUR

 

Imaginé à l’initiative de Jack Lang, et créé à Paris du 21 au 28 mars 1999 par Emmanuel Hoog et André Velter, afin de contrer les idées reçues et de rendre manifeste l’extrême vitalité de la Poésie en France, Le Printemps des Poètes est vite devenu une manifestation d’ampleur nationale. Sous l’impulsion d’Alain Borer en 2001, puis de Jean-Pierre Siméon de 2002 à 2017, un Centre de Ressources pour la Poésie est venu prolonger les temps forts du Printemps tout au long de l’année. C’est ainsi que la voix des poètes s’est propagée et que de nombreuses actions poétiques se sont déployées sur tout le territoire et jusqu’à l’étranger.


Au fil des saisons, avec le soutien des Ministères de la Culture, via le Centre National du Livre, et de l’Éducation Nationale, la petite équipe du Printemps des Poètes a su tisser une immense communauté active : poètes, éditeurs, enseignants, élèves, bibliothécaires, chanteurs, comédiens, musiciens, lecteurs… Avec cette 20e édition, c’est un troisième souffle, un passage de témoin à Sophie Nauleau qui entend bien décupler cette aura du poème : « Pour Le Printemps des Poètes 2018, je voulais plus qu’un thème, je voulais un emblème. Une bannière qui étonne et aimante à la fois. Un mot dont tous les synonymes disent l’allant, la passion, la vigueur, la fougue, l’emportement. Un vocable vaste et généreux qui, à lui seul, condense l’élan et l’inspiration poétiques. Plus qu’un intitulé, L’Ardeur est le souffle même de la Poésie. Ernest Pignon-Ernest, qui avait calligraphié la signature du Printemps dès l’origine, a imaginé ce somptueux pastel représentant l’envol d’un être ailé. Est-ce un homme, une femme, un ange, une chimère ? C’est tout cela, mais aussi Zélos, le dieu grec du zèle et de l’ardeur, frère méconnu de Niké, la Victoire. Cette aile bleue sur un revers de toile brute est à l’image de notre ambition : à la fois intense et artisanale. Un dessin fait main qui importe en ce troisième millénaire de très haute technologie. Car s’il s’agit d’habiter encore poétiquement le monde, il est vital que la langue des poètes continue de pulser en chacun de nous. Ce qui ne nous empêche guère de travailler à une toute nouvelle version du site internet pour 2018 : la Poésie aussi étant un art de pointe. »

Publié dans Poésie française

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Le piéton de Paris de Léon-Paul FARGUE

Publié le par Hélène

♥ ♥

"O vie, dans ce moment qui passe

et que nous voudrions pour toujours

ressaisir,

Cesse de dérober le secret de nos jours." Plainte

Léon-Paul Fargue, poète piéton se promène dans le Paris d'avant guerre, et chante sa ville ses quartiers, les cafés, les hôtels, et ses lieux emblématiques, quartiers par quartiers. Il agrémente son récit de rencontres, d'anecdotes qui illustrent cette vision nostalgique d'une ville qui s'évanouit peu à peu, toujours changeante sous les feux de l'histoire qui couve.

"Si j'avais quelque jeune disciple à former, je me contenterais probablement de lui murmurer ces seuls mots : sensible, s'acharner à être sensible, infiniment sensible, infiniment réceptif. Toujours en état d'osmose. Arriver à n'avoir plus besoin de regarder pour voir. Discerner le murmure des mémoires, le murmure de l'herbe, le murmure des gonds, le murmure des morts. Il s'agit de devenir silencieux pour que le silence nous livre ses mélodies, douleur pour que les douleurs se glissent jusqu'à nous, attente pour que l'attente fasse enfin jouer ses ressorts. Ecrire, c'est savoir dérober des secrets qu'il faut encore savoir transformer en diamants. Piste longuement loin, s'il le faut" p. 11

"Au-delà du halo des grands boulevards, l'éventail de vitres de la gare de l'Est commence à rougir. Et, par les soirs de fête, les arbres se garnissent à perte de vue d'oranges sanguines, dont la lumière en chemise à plis peint en bras nus les branches poudreuses..." Suite de la rêverie

"J'ai bu le lait divin que versent les nuits blanches." Suite de la rêverie

"Nous pourchassions l'immense variété de vivre. Nous déchirions l'album des rues et des boutiques. Nous courions dans les fêtes en voleurs d'images." Talus

Le titre de ce livre est devenu le nom que l'on donne à Fargue. C'est lui qui est à jamais "le piéton de Paris".

 

Présentation de l'éditeur : Gallimard

 

Publié dans Poésie française

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La vraie gloire est ici de François CHENG

Publié le par Hélène

♥ ♥

"Dehors un matin de mai

qui s'offre, clair et plein, heureux

D'être reconnu par toi,

d'être simplement là, en soi."

En peu de mots, en quelques vers, en quelques sons, dire l'essence du monde. Chanter sa beauté, chanter sa puissance, chanter l'étonnement de l'humain qui pénètre à pas de velours aux côtés de son incandescence et qui n'en finit pas de s'étonner d'être là. Le poète sait intuitivement être présent au monde et accepter ce qui luit, comme il accepte l'obscurité inhérente à la vie.

Les mots enchantés de François Cheng résonnent puissamment en nos âmes.

"Voici que la sève a gravi les degrés

du haut fût jusqu'à la cime,

Que les branches ont poussé leur effervescence

jusqu'aux confins du désir,

Vois : même réduite en fumée, la saison

garde sa flamme incandescente ;

Viens : réponds oui à l'invite à habiter

corps et âme le lieu vacant.

 

Dans le souffle éternel, tout instant est gloire de la donation totale."

 

"Le diamant de l'instant

taille à vif

Dans les interstices."

 

"Ce quelque chose - ou quelqu'un-

Venu de loin

Qui nous effleure avec douceur,

Dans la vélléité de l'aube,

Pour nous annoncer que toujours

Le monde recommence.

 

Il nous entoure d'une tunique d'herbe

Et de rosée,

Puis s'en va à pas d'écureuil,

Nous laissant inter-dits,

Dans le jour iné-dit

Qui déjà commence."

 

"Don de l'instant,

Quand, au bout du temps vécu,

Après mille perditions, te voilà

Revenue dans l'infini du soir,

Chevelure auréolée d'étoiles,

D'un seul mot aimantant tout,

Tu annonces au guetteur éveillé

Le dès l'origine promis,

Le depuis toujours déjà là

Avènement."

 

Présentation de l'éditeur : Gallimard

Du même auteur : Quand reviennent les âmes errantes ♥ ; Oeil ouvert coeur battant

 

Publié dans Poésie française

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Habiter poétiquement le monde - Anthologie manifeste

Publié le par Hélène

♥ ♥ ♥

"La Poésie, c'est l'Enthousiasme cristallisé" Alfred de Vigny

Sont réunis dans ce recueil plus de cent auteurs qui tous rappellent la nécessité d'"habiter poétiquement le monde" pour reprendre l'expression d'Hölderlin.

Autour de cinq grandes périodes sont rassemblés des textes essentiels sur la poésie :

- Le monde romantique avec Schlegel, Holderlin, Novalis, Keats, Shelley, Wordsworth, Leopardi, Hugo, Lamartine, Sand.

- Le monde post-romantique avec Emerson, Whitman, Poe, Baudelaire, Rimbaud.

- Le monde moderne avec Apollinaire, Yeats, Rilke, Proust.

- Le monde du renouveau avec Breton, Reverdy, Jouve.

- Le monde contemporain avec Deguy, Bonnefoy, Jacottet, White, Cheng, Bobin.

Chacun expose sa conception de la poésie et explique pourquoi elle est essentielle à notre âme...

"Le privilège spécifique de la poésie est un certain pouvoir qu'elle a d'interpréter les choses. Entendez par là, non pas le pouvoir de tracer, avec du blanc sur du noir, une explication du mystère de l'Univers, mais le pouvoir de nous présenter les choses d'une telle façon que s'éveille en nous un sentiment merveilleusement riche, original, intime des choses et de nos relations avec elles. Que ce sentiment s'éveille ne nous à l'endroit des objets qui nous sont extérieurs, et aussitôt nous nous sentons en contact avec la nature même, avec l'essence de ces objets ; ils ne nous causent plus d'angoisse, ils ne nous accablent plus ; nous tenons leur secret ; l'harmonie s'est faire ente nous et eux. Sentiment qui nous apaise, qui nous comble comme nul autre ne pourrait faire." Matthew Arnold

De l'importance de regarder et interroger la beauté des choses :

"De là vient que la plupart des gens ignorent que le monde est beau et que les plus petites choses, la moindre fleur, une pierre , une écorce, une feuille de bouleau, manifestent une splendeur. Les adultes, qui ont des affaires et des soucis et qui se tourmentent de ces riens, cessent bientôt complètement de voir ces richesses que ces enfants, s'ils sont attentifs et bons, ont tôt fait de découvrir et d'aimer de tout leur coeur. Le plus beau serait pourtant que chacun s'efforçât de rester toujours, à cet égard, comme un enfant attentif et bon, candide et pieux de coeur, et ne perdît jamais le don de tirer autant de joie d'une feuille de bouleau, d'une plume de paon ou d'une aile de corneille mantelée que d'une haute montagne ou d'un magnifique palais. Le petit est aussi peu petit que le grand est grand. Une grande beauté éternelle imprègne le monde tout entier, équitablement répartie sur les petites choses et les grandes ; car, pour l'important, pour l'essentiel, il n'est pas sur terre d'injustice." Rainer Maria Rilke

"Car il n'est pas nécessaire d'écrire pour être poète. Il faut et il suffit d'être en état de grâce et de contemplation." Léon-Paul Fargue

"Le rôle du poème et du poète c'est d'aider l'autre à trouver sa poésie, à faire en sorte de vivre sa vie dans cette présence à soi et aux choses au cours des actes les plus quotidiens : préparer son café,seul le matin dans une cuisine, aller au travail, regarder un pigeon qui passe, une pierre qui roule..(...)

La poésie, c'est la sensation de nos rapports avec les choses les plus humbles comme les plus grandes, sensation qui fait de la vie un perpétuel madrigal de Monteverdi.

Trouver à la vie -sa vie- une certaine tonalité, un certain prolongement, une certaine exaltation ; vivre tout évènement quotidien dans les coordonnées de l'éternité, c'est pour moi la poésie." Eugène Guillevic

"La poésie serait ces moments chargés de clarté et de mystère, qui par leur inflexion naturelle nous prennent au passage en nous convainquant, le temps d'une extase à la fois passagère et durable, d'une sorte de surcroît de l'être." Michael Edwards

"Disons : la poésie illimite le réel, elle rend justice à sa profondeur insolvable, à la prolifération infinie des sens qu'il recèle. Inquiétant ? Oui. La poésie est inquiétante, elle récuse par principe la quiétude du sens, elle est même davantage : une leçon d'inquiétude. Or cette inquiétude est une sauvegarde puisqu'elle objecte à toute pesée arrêtée, à l'insolence des certitudes, au figement des dogmes, aux absolutismes et fanatismes subséquents. Elle est donc le gage d'une liberté insolvable, de cette "liberté libre" que nommait Rimbaud qui revendique une autonomie sans compromis de la conscience face aux décrets de toutes sortes qui enjoignent des chemins d'existence. On comprend que dans un temps plus obsédé que jamais de prise et de maîtrise, d'ordre et de sécurité, toutes choses qui ne s'obtiennent qu'en réprimant justement la part d'inconnu, d'imprévisible, d'indécidable que porte immanquablement le réel, la poésie soit tenue pour intempestive." Jean Pierre Siméon qui conclue :

"La poésie nous sauvera, si rien ne nous sauve."

 

Présentation de l'éditeur : Poésis éditions

Vous aimerez aussi : La poésie sauvera le monde de Jean-Pierre Siméon

 

Publié dans Poésie française

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Printemps des poètes 2017 - Afrique(s)

Publié le par Hélène

Du 4 au 19 mars 2017

Ce 19e Printemps des poètes invite à explorer le continent largement et injustement méconnu de la poésie africaine francophone. Si les voix majeures de Senghor, U Tam'si ou Kateb Yacine par exemple, ont trouvé ici l'écho qu'elles méritent, tout ou presque reste à découvrir de l'intense production poétique africaine, notamment celle, subsaharienne, qui caractérisée par une oralité native, tributaire de la tradition des griots et nourrie par ailleurs des poésies d'Europe, offre des chemins neufs sur les terres du poème.

Parole libérée, rythmes imprévus, puissance des symboles et persistance du mythe: écoutons le chant multiple des Afriques , du Nord et du Sud.
Il va de soi que cette exploration ne peut ignorer les voix au-delà du continent africain, des Antilles à la Guyane, de Madagascar à Mayotte ...

Ce 19e Printemps des Poètes sera l'occasion de mettre en avant notamment l'oeuvre de Léopold Sedar Senghor et de Tchicaya U Tam'si.

Jean-Pierre Siméon
Directeur artistique

Inauguration sur les ondes 

4 et 5 /03 Week-end France Culture les Afriques

Clôture : au Cabaret sauvage
19 mars : Clôture du Printemps des Poètes
et lancement de la 22e semaine de la langue française et de la Francophonie

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Eros émerveillé - Anthologie de la poésie érotique française

Publié le par Hélène

♥ ♥

"La volupté est une syncope de l'âme dans un corps anesthésié, où le corps charcute l'âme, et l'âme embaume le corps pour un temps. La volupté, c'est l'état cataleptique double, où corps et âme, dans un cercueil unique de sensation, se parlent face à face." Malcolm de Chazal

Présentation de l'éditeur :

Du vertige libertin qui envahit la poésie française au XVIe siècle jusqu'aux blasons amoureux des surréalistes, de l'érotisme le plus feutré à la pornographie la plus exacerbée, on trouvera ici, en trois cent cinquante poèmes, une anthologie de la volupté sous toutes ses facettes. Un florilège du chavirement, explorant le territoire amoureux dans sa dimension toujours renouvelée.
De Ronsard à Rimbaud, de Verlaine à Genet, de Louise Labé à Joyce Mansour, de Sade à Bataille, de Jouve à Calaferte, de Pierre Louÿs à Franck Venaille, de Michel Leiris à Bernard Noël, quelque deux cents poètes, dont un grand nombre de modernes et de contemporains, disent ici l'incroyable besoin d'impudeur qui parfois les saisit. Ils disent les jeux de la langue et du sexe, avec toutes leurs saveurs, du sucré au salé, de l'implicite à l'explicite.
Cette anthologie, qui rassemble ce que la poésie a produit de plus érotique en cinq siècles, entraîne le lecteur à célébrer Éros en tous ses fastes, lumineux, sombres ou hilarants – Éros émerveillé.

Passages choisis :

"Au vrai, la vie créatrice est si proche de la vie sexuelle, de ses souffrances, de ses voluptés, qu'il n'y faut voir que deux formes d'un seul et même besoin, d'une seule et même jouissance." Rainer Maria Rilke

"Tu m’as parlé de vice en ta lettre d’hier
Le vice n’entre pas dans les amours sublimes
Il n’est pas plus qu’un grain de sable dans la mer
Un seul grain descendant dans les glauques abîmes

Nous pouvons faire agir l’imagination
Faire danser nos sens sur les débris du monde
Nous énerver jusqu’à l’exaspération
Ou vautrer nos deux corps dans une fange immonde

Et liés l’un à l’autre en une étreinte unique
Nous pouvons défier la mort et son destin
Quand nos dents claqueront en claquement panique
Nous pouvons appeler soir ce qu’on dit matin

Tu peux déifier ma volonté sauvage
Je peux me prosterner comme vers un autel
Devant ta croupe qu’ensanglantera ma rage
Nos amours resteront pures comme un beau ciel

Qu’importe qu’essoufflés muets bouches ouvertes
Ainsi que deux canons tombés de leur affût
Brisés de trop s’aimer nos corps restent inertes
Notre amour restera bien toujours ce qu’il fut

Ennoblissons mon cœur l’imagination
La pauvre humanité bien souvent n’en a guère
Le vice en tout cela n’est qu’une illusion
Qui ne trompe jamais que les âmes vulgaires"

3 fév. 1915. Apollinaire Lettres à Lou

@Sieff

"En célébrant les noces du feu charnel et du silence, l'acte d'amour rend à l'opacité de l'ombre sa lumineuse transparence.

En délivrant l'homme de sa langue

l'amour délivre l'homme de soi

L'amour qui n'humilie jamais le sexe, s'éclaire à son feu secret." Michel Camus

 

"… Etroits sont les vaisseaux, étroite notre couche.

Immense l’étendue des eaux, plus vaste notre empire

Aux chambres closes du désir.


Entre l’Eté, qui vient de mer. A la mer seule, nous dirons

Quels étrangers nous fûmes aux fêtes de la Ville, et quel astre montant des fêtes sous-marines

S’en vint un soir, sur notre couche, flairer la couche du divin.


En vain la terre proche nous trace sa frontière. Une même vague par le monde, une même vague depuis Troie

Roule sa hanche jusqu’à nous. Au très grand large loin de nous fut imprimé jadis ce souffle…

Et la rumeur un soir fut grande dans les chambres : la mort elle-même, à son de conques, ne s’y ferait point entendre !

Aimez, ô couples, les vaisseaux ; et la mer haute dans les chambres !

La terre un soir pleure ses dieux, et l’homme chasse aux bêtes rousses ; les villes s’usent, les femmes songent…

Qu’il y ait toujours à notre porte

Cette aube immense appelée mer – élite d’ailes et levée d’armes, amour et mer de même lit, amour et mer au même lit –

et ce dialogue encore dans les chambres :


II

1 –

« … Amour, amour, qui tiens si haut le cri de ma naissance, qu’il est de mer en marche vers l’Amante ! Vigne foulée sur toutes grèves, bienfait d’écume en toute chair, et chant de bulles sur les sables… Hommage, hommage à la Vivacité divine !

« Toi, l’homme avide, me dévêts : maître plus calme qu’à son bord le maître du navire. Et tant de toile se défait, il n’est plus femme qu’agréée. S’ouvre l’Eté, qui vit de mer. Et mon cœur t’ouvre femme plus fraîche que l’eau verte : semence et sève de douceur, l’acide avec le lait mêlé, le sel avec le sang très vif, et l’or et l’iode, et la saveur aussi du cuivre et son principe d’amertume – toute la mer en moi portée comme dans l’urne maternelle…

« Et sur la grève de mon corps l’homme né de mer s’est allongé. Qu’il rafraîchisse son visage à même la source sous les sables ; et se réjouisse sur mon aire, comme le dieu tatoué de fougère mâle… Mon amour, as-tu soif ? Je suis femme à tes lèvres plus neuve que la soif. Et mon visage entre tes mains comme aux mains fraîches du naufrage, ah ! qu’il te soit dans la nuit chaude fraîcheur d’amande et saveur d’aube, et connaissance première du fruit sur la rive étrangère.

« J’ai rêvé, l’autre soir, d’îles plus vertes que le songe… Et les navigateurs descendent au rivage en quête d’une eau bleue ; ils voient – c’est le reflux – le lit refait des sables ruisselants : la mer arborescente y laisse, s’enlisant, ces pures empreintes capillaires, comme de grandes palmes suppliciées, de grandes filles extasiées qu’elle couche en larmes dans leurs pagnes et dans leurs tresses dénouées.

« Et ce sont là figuration du songe. Mais toi l’homme au front droit, couché dans la réalité du songe, tu bois à même la bouche ronde, et sais son revêtement punique : chair de grenade, et cœur d’oponce, figue d’Afrique et fruit d’Asie… Fruits de la femme, ô mon amour, sont plus que fruits de mer : de moi non peinte ni parée, reçois les arrhes de l’Eté de mer… »

2 –

« … Au cœur de l’homme, solitude. Etrange l’homme, sans rivage, près de la femme, riveraine. Et mer moi-même à ton orient, comme à ton sable d’or mêlé, que j’aille encore et tarde, sur ta rive, dans le déroulement très lent de tes anneaux d’argile – femme qui se fait et se défait avec la vague qui l’engendre…

« Et toi plus chaste d’être plus nue, de tes seules mains vêtue, tu n’es point Vierge des grands fonds, Victoire de bronze ou de pierre blanche que l’on ramène, avec l’amphore, dans les grands mailles chargées d’algues des tâcherons de mer ; mais chair de femme à mon visage, chaleur de femme sous mon flair, et femme qu’éclaire son arôme comme la flamme de feu rose entre les doigts mi-joints.

« Et comme le sel est dans le blé, la mer en toi dans son principe, la chose en toi qui fut de mer, t’a fait ce goût de femme heureuse et qu’on approche… Et ton visage est renversé, ta bouche est fruit à consommer, à fond de barque, dans la nuit. Libre mon souffle sur ta gorge, et la montée, de toutes parts, des nappes du désir, comme aux marées de lune proche, lorsque la terre femelle s’ouvre à la mer salace et souple, ornée de bulles, jusqu’en ses mares, ses maremmes, et la mer haute dans l’herbage fait son bruit de noria, la nuit est pleine d’éclosions…

« Ô mon amour au goût de mer, que d’autres paissent loin de mer l’églogue au fond des vallons clos – menthes, mélisse et mélilot, tiédeurs d’alysse et d’origan – et l’un y parle d’abeillage et l’autre y traite d’agnelage, et la brebis feutrée baise la terre au bas des murs de pollen noir. Dans le temps où les pêches se nouent, et les liens sont triés pour la vigne, moi j’ai tranché le nœud de chanvre qui tient la coque sur son ber, à son berceau de bois. Et mon amour est sur les mers ! et ma brûlure est sur les mers !…

« Etroits sont les vaisseaux, étroite l’alliance ; et plus étroite ta mesure, ô corps fidèle de l’Amante… Et qu’est ce corps lui-même, qu’image et forme du navire ? nacelle et nave, et nef votive, jusqu’en son ouverture médiane ; instruit en forme de carène, et sur ses courbes façonné, ployant le double arceau d’ivoire au vœu des courbes nées de mer… Les assembleurs de coques, en tout temps, ont eut cette façon de lier la quille au jeu des couples et varangues.

« Vaisseau, mon beau vaisseau, qui cède sur ses couples et porte la charge d’une nuit d’homme, tu m’es vaisseau qui porte roses. Tu romps sur l’eau chaîne d’offrandes. Et nous voici, contre la mort, sur les chemins d’acanthes noires de la mer écarlate… Immense l’aube appelée mer, immense l’étendue des eaux, et sur la terre faite songe à nos confins violets, toute la houle au loin qui lève et se couronne d’hyacinthes comme un peuple d’amants !

« Il n’est d’usurpation plus haute qu’au vaisseau de l’amour. »

Saint John Perse Amers

 

Présentation de l'éditeur : Chez Gallimard

D'autres avis : Télérama

 

Publié dans Poésie française

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La poésie sauvera le monde de Jean-Pierre SIMEON

Publié le par Hélène

♥ ♥ ♥ 

"Qui se sent apte à la vaste polysémie du poème, se rend apte à la polysémie du monde qui n'est plus, comme dans le poème, un obstacle mais une chance."

Assertion percutante que celle développée ici par Jean-Pierre Siméon, mais si cette provocation étonne, au fil des mots de son essai, elle prend tout son sens. Car la poésie est une force. Une force oubliée, le déni de la poésie demeurant un fait et pourtant elle recèle en son sein une dimension sociale transgressive agissante notoire, elle peut constituer un véritable enjeu politique. Comment ? 

"La poésie relève d'abord d'un principe premier et fondateur d'incertitude. Elle est donc d'abord un scepticisme, je veux dire une quête de l'ouvert qui récuse l'immobilisation tant dans le pessimisme arrêté que dans l'optimisme béat. Elle naît du pressentiment que toute vue des choses, toute nomination, tout concept, toute définition, pour indispensables qu'ils soient, tendent à clore le réel et à en limiter la compréhension." p.  23

La poésie est à la fois mystère et ouverture, par le pouvoir d'un langage révélé, elle densifie ce qui doit l'être, à l'opposé de notre époque qui simplifie pour mieux abrutir les citoyens :

"Telle est la supercherie de nos démocraties : elles tiennent le citoyen informé comme jamais mais dans une langue close qui, annihilant en elle la fonction imaginante, ne lui donne accés qu'à un réel sans profondeur, un aplat du réel, un mensonge. C'est le règne d'une logorrhée qui noie le poisson du sens." p. 29

L'ère du divertissement aliène les esprits et la poésie serait alors un véritable acte de résistance contre cette oppression généralisée. Perversive, elle peut en effet l'être puisque qu'elle interroge et qu'en entendant la langue du poème, le lecteur sait "qu'une autre langue est possible qu'un autre énoncé du monde est possible, que d'autres représentations du réel sont disponibles." 

"Propager la poésie, c'est contester l'assimilation du populaire au vulgaire. Rendre la poésie populaire, la plus distinguée poésie, c'est venger le peuple de la vulgarité à quoi on le réduit, par le partage de la distinction." p. 76 

Elle permet l'émergence de l'inconnu, et constitue également un lien essentiel entre les hommes "traversant l'évidence du fait pour rejoindre l'universel" :

"Tout poème est un concentré d'humanité, qui révèle à chacun son altérité, c'est-à-dire son affilnité avec l'autre et l'arrachant ainsi à sa petite identité personnelle de circonstance, le relie." p. 26

En éveillant la conscience, cette poésie millénaire permet de lutter contre l'"infractus de la conscience", la plus grave maladie qui guette le citoyen selon l'auteur. 

"On rêve d'une minute de silence universel où le monde se tiendrait soudain immobile et muet, les yeux clos, attentif au seul respir du vent dans les arbres, au chuchotement clair d'un ruisseau, au déploiement d'une herbe dans la lumière, à l'unanime pulsation du sang dans les coeurs, une minute pour que le monde reprenne conscience  et se réajuste à la seule réalité qui vaille, le pur sentiment d'exister un et multiple, entre deux néants, sur la terre perdue dans les cieux innombrables." p. 60

Appelant à une insurrection poétique, Jean-Pierre Siméon insuffle l'espoir dans nos coeurs, parce qu'il sait que "Quand on n'est pas capable de donner du courage, on doit se taire." Franz Kafka

Un texte essentiel !

 

D'autres avis :

Interview dans Le Nouvel Obs

"J’entends par poésie non pas le charmant ornement qu’on y voit généralement, mais la manifestation radicale et intransigeante d’une façon d’être au monde et de penser le monde qui a des conséquences dans tous les ordres de la vie, sociale, morale et politique. Poésie désigne cet état de la conscience à vif qui, jouissant de l’inconnu et de l’imprévu, récuse toute clôture du sens, c’est-à-dire toutes ces scléroses, concepts péremptoires, identifications fixes, catégorisations en tout genre qui répriment la vie, ce mouvement perpétuel, et nous font manquer la réalité telle qu’elle est vraie et telle que le poète et l’artiste la perçoivent et la restituent : d’une insolente et infinie profondeur de champ. Elle est donc, la poésie, un dynamisme, un appétit sans bornes du réel qu’elle questionne dans le moindre de ses effets (tout poème est la formulation de ce questionnement), bref une espérance : rien n’est fini, dit-elle. " L'humanité 

 

Merci à l'éditeur.

 

La poésie sauvera le monde, Jean-Pierre Siméon, Le passeur éditions, janvier 2016, 96 p., 13 euros

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