Face à la feuille blanche, le poète cherche à retranscrire la quintessence de ce qu'il voit et ressent. Le Haïku se prête bien à cet exercice d'émerveillement, condensé, il se penche sur l'indicible et extrait ces trois vers, comme un pont entre nous et le monde.
Dans sa préface, Akiyama Yutaka, l’éditeur de ses Œuvres complètes au Japon raconte que Soseki définissait l'haïku comme "en premier lieu, un concentré de rhétorique, en second lieu, il est un univers irradiant à partir d'un point focal, comme le rivet d'un éventail qui permet de maintenir ensemble toutes ses branches." A la lecture de ses poèmes, les sensations qui nous traversent filent droit vers notre point focal pour s'épanouir en nous. En transcrivant ses états d'âme par le biais des haïkus mais aussi de ses peintures, le poète résonne jusqu'aux confins de notre être !
Depuis le début du XIXe siècle, la poésie persane a été célébrée en Occident, notamment grâce au mouvement Orientaliste et à la traduction des Quatrains de Khayyâm. Cependant, cette reconnaissance s'est principalement concentrée sur les poètes masculins de renom tels que Ferdowsi, Saadi, Hâfez et Rûmî. Les poétesses de langue persane sont largement méconnues du grand public, en partie parce que leur œuvre est souvent restée confidentielle, même en Iran, jusqu'au XXe siècle. Jusqu'à présent, aucune anthologie globale n'a été dédiée à ces voix féminines persanophones, qu'elles soient iraniennes, afghanes ou tadjikes, et très peu de leurs poèmes ont été traduits en français.
Ce recueil, constitué de poèmes choisis et traduits par Franck Merger et Niloufar Sadighiam, ambitionne de briser ce silence pesant en mettant en lumière ces voix féminines trop longtemps négligées ou étouffées. La plupart des poèmes, traduits pour la première fois en français, forment une anthologie inédite qui embrasse une période allant du Moyen Âge à nos jours, ainsi qu'une région géographique persanophone s'étendant au-delà des frontières de l'Asie, en raison de la diaspora importante des dernières décennies. Cette poésie exprime le désir, la sensualité, l'humour, mais aussi la lutte et la résistance. Ces voix de femmes résonnent aujourd'hui plus que jamais comme une force dynamique, une source vitale inépuisable. Il est impératif de prendre en considération ces voix et ce chant de résistance, car ils contribuent à l'équilibre du monde.
"Je ne supporte pas les nouvelles quotidiennes
si elles proviennent du bazar fébrile et de la guerre froide
et non des secrets extraordinaires des forces humaines
je veux de larges espaces
infinis comme les cieux
et un monde qui n'exige de l'humanité aucun sacrifice..." Jâleh Esfahâni
Alors qu'elle est une icône de la culture afro-américaine, Maya Angelou est restée longtemps méconnue en France. Ce n'est qu'en 2008 qu'elle devient connue avec l'édition d'un des sept volumes de son autobiographie Je sais pourquoi chante l’oiseau en cage dans lequel elle raconte son enfance dans une Amérique ségrégée, son viol et le mutisme de six ans qui l'a suivi, puis sa rencontre avec Bertha Flowers, amie de sa tante qui lui fera découvrir la littérature et son immense pouvoir. Cette dernière l'initiera à la poésie et c'est cette forme que préfèrera Angelou. Au début de sa carrière, elle alternait la publication de chaque texte autobiographique avec un recueil. Et pourtant je m’élève, son troisième opus publié en 1978, composé de 32 poèmes, demeure l’un de ses plus emblématiques. Engagée dans la lutte pour les droits civiques, elle témoigne ici de son combat incessant aux côtés des marginaux :
"Vous pouvez me rabaisser pour l’Histoire
Avec vos mensonges amers et tordus,
Vous pouvez me traîner dans la boue
Mais comme la poussière, je m’élève encore,
Mon insolence vous met-elle en colère ?
Pourquoi vous drapez-vous de tristesse
De me voir marcher comme si j’avais des puits
De pétrole pompant dans mon salon ?
Comme de simples lunes et de simples soleils,
Avec la certitude des marées
Comme de simples espoirs jaillissants,
Je m’élève encore.
Voulez-vous me voir brisée ?
La tête et les yeux baissés ?
Les épaules tombantes comme des larmes.
Affaiblie par mes sanglots émus.
Est-ce mon dédain qui vous blesse ?
Ne prenez-vous pas affreusement mal
De me voir rire comme si j’avais des mines
d’or creusant dans mon jardin ?
Vous pouvez m’abattre de vos paroles,
Me découper avec vos yeux,
Me tuer de toute votre haine,
Mais comme l’air, je m’élève encore.
Ma sensualité vous met-elle en colère ?
Cela vous surprend-il vraiment
De me voir danser comme si j’avais des
Diamants, à la jointure de mes cuisses ?
Hors des baraques des hontes de l’histoire
Je m’élève
Surgissant d’un passé enraciné de douleur
Je m’élève
Je suis un océan noir, bondissant et large,
Jaillissant et gonflant je porte la marée.
En laissant derrière moi des nuits de terreur et de peur
Je m’élève
Vers une aube merveilleusement claire
Je m’élève
Apportant les présents que mes ancêtres m’ont donnés,
Je suis le rêve et l’espérance de l’esclave.
Je m’élève
Je m’élève
Je m’élève"
"La poétesse questionne les notions de race, de différence, les violences faites aux femmes, les inégalités et nous rappelle qu'en tout lieu et en tout temps, il nous faudra puiser au fond de nous-mêmes la force de surpasser la haine, le racisme, la défaite et la capitulation." (préface de Alain Mabanckou)
Voici le voyage d'une
survie grâce à la poésie
voici mes larmes, ma sueur et mon sang
de vingt et un ans
voici mon cœur
dans tes mains
voici la blessure
l'amour
la rupture
la guérison
Dans ce recueil poétique, de courts poèmes en prose sont présentés, centrés autour de 4 parties : souffrir / aimer / rompre / guérir.
La jeune femme aura connu la violence, les abus sexuels, mais aussi l'amour fou, sa perte, pour mener son chemin vers l'affirmation de sa féminité et de son identité. Ce chemin lui aura permis de comprendre qu'on se construit avec et contre les hommes, mais que finalement les forces qui dorment en nous sont capables de nous élever et de nous mener vers toutes les résiliences. Pour qui sait regarder et aimer le monde, le bonheur reste possible dans ce monde tourmenté. Histoire d'une reconstruction, d'une résilience, ce recueil résonne langoureusement en nos âmes.
Que le couchant est beau et que belle est la nuit qui reste…
Et que si c’est ainsi c’est parce que c’est ainsi…"
Le gardeur de troupeaux est l’œuvre majeure d’Alberto Caeiro, hétéronyme inventé par Fernando Pessoa. Il se définit à travers une métaphore comme un "gardeur de troupeaux" le troupeau désignant ses pensées. Son âme est comme un berger qui garderait ses pensées et les empêcherait de prendre le pas sur ses sensations. Il veut avant tout être attentif au monde qui l'entoure par la biais de ses sensations immédiates, considérer les choses qui l'entourent dans leur immédiateté « Je n’ai pas de philosophie, j’ai des sens » dit-il dans le poème II. Il admire le monde sans chercher un sens qui le dénaturerait, sans ses pensées qui seraient parasites et l’empêcheraient de voir la terre. Pour lui il n’y a pas de mystères en ce monde, et tout vaut la peine, « Notre unique richesse, c’est voir » poème VII
Le poète ressent un amour inconditionnel pour la nature, admirant la simplicité des arbres et des plantes et invitant l'homme à prendre exemple sur eux : « Passe oiseau passe et apprends moi à passer ! « poème 43. La nature lui apprend aussi à ne pas craindre la mort, si la tristesse est naturelle, inutile de souhaiter lutter contre elle, elle est nécessaire, comme la pluie est nécessaire au soleil.
Pessoa exalte finalement le bonheur d'être au monde, de sentir l'air qui fraichit sur nos joues, d'observer la course des nuages, pour « sentir la vie couler en moi comme un grand fleuve en son lit » 49
Quand Barbara Kingsolver s'essaie à la poésie, la même bienveillance que dans ses romans se fait entendre. Elle nous livre les secrets et son expérience du monde dans une volonté altruiste.Qu'il s'agisse de gestes simples "Apprendre à sécher les patates douces" "Apprendre à tondre un mouton", de conseils de vie comme dans "Apprendre à survivre à ça" "Apprendre à partir ailleurs pour ne rien faire ensuite" ou d'expériences plus personnelles comme lorsqu'elle évoque son voyage en Italie et ses souvenirs touchants lorsqu'elle nageait dans la baie de Naples, ou prenait un train pour la Sicile, elle sait toucher son lecteur. Elle convoque aussi les ancêtres puis son enfance, ou encore rend hommage à ses chers écrivains, Virginia Woolf, Emily Dickinson, ou Dickens.
"Mais qui pourrait être plus présent qu'un homme
doué d'une patience de sycomore, qui me montre
le nid de colibri qu'il a repéré tout en haut
d'un arbre, mon oeil de mortelle à peine capable de discerner
le noeud tacheté de lichen sur le coude d'une branche.
Toi tu connais le jour où la portée prendra son envol. "
Ce recueil au ton tour à tour humoristique ou quelquefois aux consonances plus graves nimbe tout à coup notre quotidien d'un halo lumineux....
Quand se dessine,
dans le ciel blême,
le tremblement des peupliers,
je suis
dans la respiration des feuilles bruissantes,
fraîcheur
et frisson de lumière.
Novella Cantarutti 1920-2009 Ultima stella, Éditions fario, 2021
"Je ne suis qu'un pauvre artiste au service de la beauté
Marchand de sentiment et de moment d'humanité "
Ce volume se compose des textes de l’album L’Hiver peul album de slam mais aussi de nombreux poèmes inédits de Souleymane Diamanka.
D'originaire peule, le slameur perpétue sa tradition poétique orale tout en incluant la culture occidentale. Les deux se mêlent et s'entremêlent pour former un métissage poétique fulgurant.
"La nuit la poésie se fabrique des ailes
En nouant les plumes de ses auteurs les unes aux autres
Je suis venu avec les mots et les sourires
De toutes les muses du monde et je suis sous vos ordres
J’entends d’ici le médicament contre la peur
Le tam-tam tribal peul qui bat dans le lointain
Il dit : « À demain matin, l’étoile est dans ta main
Le soleil s’est juste couché, il ne s’est pas éteint. " (Poésie de nuit)
Ses textes universels parlent d'amour, et invite à connaître l'autre pour plus de tolérance. Un artiste à découvrir !
"Il s'agit surtout de passionner le temps" Vladimir Jankélévitch
L’ comme L’instant, E comme Envol, P comme Passion, H comme Humanité… C’est sur le mode d’un acrostiche que les Éditions Bruno Doucey ont conçu l’anthologie de la 24e édition du Printemps des Poètes. L’éphémère et son unique voyelle invoquée quatre fois, l’inachevé, le fugace, le passager… Sans omettre ces insectes qui ne vivent qu’un jour, l’enfance et ses changements incessants, la brièveté de la vie humaine au regard des temps géologiques, la mémoire en lutte contre l’effacement, le rêve plus insaisissable que l’oiseau, la neige qui renvoie le monde à son impermanence. Bien sûr il y a l’envers de toute chose : l’éternité et le « dur désir de durer » dont parle Éluard, la mort seule immortelle. Mais reconnaissons-le, l’éphémère est avant tout une invitation à vivre pleinement le peu de temps qui nous est donné. Ici et maintenant. Et sans attendre !
88 poètes parmi lesquels :
Katerina Apostolopoulou, Margaret Atwood, Édith Azam, Nawel Ben Kraïem, Hélène et René-Guy Cadou, Louis‑Philippe Dalembert, René Depestre, Ananda Devi, Patrick Dubost, Jin Eun-young, Nancy Huston, Charles Juliet, Yvon Le Men, Jean-Michel Maulpoix, Hala Mohammad, Ada Mondès, Paola Pigani, André Velter, Sapho, Fabienne Swiatly, Carmen Yáñez, Hyam Yared...
L’instant éternellement présent
Épingle ses éclats
Propulse les écueils
Habite les saisons
Efface peu à peu
Mon texte jamais écrit
Et pas un seul mot
Rien ne le retiendra
Encre sur la paume
au creux du temps
Acrostiche réalisé à partir de fragments de poèmes de : André Velter, Murielle Szac, Imasango, Albane Gellé, Samantha Barendson, Marianne Catzaras, Thierry Renard, Jeanne Benameur, Louise Dupré, Stéphane Juranics
L'aller simple est celui des émigrés qui tentent de rejoindre le sol italien, en devant affronter la faim, la violence de la nature, les passeurs. La violence est leur quotidien, ponctué quelquefois de quelques éclats de lumière. Et tout à coup, entre les interstices du désespoir, la lumière jaillit malgré tout...
"Nous sommes les innombrables, redoublés à chaque case d’échiquier,
Nous pavons de squelettes votre mer pour marcher dessus.
Vous ne pouvez nous compter, une fois comptés nous augmentons
fils de l'horizon, qui nous déverse à seaux.
Nous sommes venus pieds nus, sans semelles,
et n’avons senti ni épines, ni pierres, ni queues de scorpions.
Aucune police ne peut nous opprimer
plus que nous n’avons déjà été blessés.
Nous serons vos serviteurs, les enfants que vous ne faites pas,
nos vies seront vos livres d’aventures.
Nous apportons Homère et Dante, l‘aveugle et le pèlerin,
l’odeur que vous avez perdue, l’égalité que vous avez soumise."
*
"en plein été nous devinmes de la brume coralline.
La musique jouée et tant chantée nous retenait en abs autour des feux de campements,
haie d'accordéons et de danses,
la musique inventée tous les soirs du monde
ne nous laissait pas partir.
Nous qui jouions sans partition, nous fûmes enfermés derrière les lignes de la portée en fil barbelé."
*
"L'humanité sera rare, métisse, bohémienne
et elle ira à pied. Elle aura pour butin la vie
la plus grande richesse à transmettre à ses fils."
"Une seule guerre fut juste, et aucune autre,
celle de Toire : deux peuples en armes
pour celui des deux qui devait garder la beauté. "