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311 résultats pour “itinéraire d'enfance

Certaines n’avaient jamais vu la mer de Julie OTSUKA

Publié le par Hélène

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 ♥ ♥ ♥

Prix fémina étranger 2012 

 

L’auteur :

 Née en 1962 en Californie, où elle passé toute son enfance, Julie Otsuka, petite-fille d'immigrés japonais, a étudié les beaux-arts à l'Université de Yale et entamé une carrière de peintre. La trentaine venue, elle a décidé de se consacrer pleinement à l'écriture et publié en 2002 un premier roman très remarqué, Quand l'empereur était un dieu, paru deux ans plus tard en France : un livre inspiré par l'histoire de son grand-père, suspecté de trahison après l'attaque de Pearl Harbor en 1941 et interné dans un camp de l'Utah pendant trois ans. Julie Otsuka vit actuellement à New York.

 

L’histoire : 

 L’écriture de Julie Otsuka est puissante, poétique, incantatoire. Les voix sont nombreuses et passionnées. La musique sublime, entêtante et douloureuse. Les visages, les voix, les images, les vies que l’auteur décrit sont ceux de ces Japonaises qui ont quitté leur pays au début du XXe siècle pour épouser aux États-Unis un homme qu’elles n’ont pas choisi.

C’est après une éprouvante traversée de l’océan Pacifique qu’elles rencontrent pour la première fois celui pour lequel elles ont tout abandonné. Celui dont elles ont tant rêvé. Celui qui va tant les décevoir.

  À la façon d’un chœur antique, leurs voix se lèvent et racontent leur misérable vie d’exilées… leur nuit de noces, souvent brutale, leurs rudes journées de travail, leur combat pour apprivoiser une langue inconnue, l’humiliation venue des Blancs, le rejet par leur progéniture de leur patrimoine et de leur histoire… Une véritable clameur jusqu’au silence de la guerre. Et l’oubli.

 PRIX FEMINA ÉTRANGER 2012 (Présentation de l’éditeur)

 

Ce que j’ai aimé :

 Julie Otsuka a choisi un mode narratif particulier pour faire parler ces femmes japonaises au destin atypique : elle a opté pour un « nous » qui permet de donner une voix ample et puissante à ces femmes qui chantent en chœur leur douleur :

 « La nuit nous rêvions de nos maris. De nouvelles sandales de bois, d'infinis rouleaux de soie indigo, de vivre dans une maison avec une cheminée. Nous rêvions que nous étions grandes et belles. Que nous étions de retour dans les rizières que nous voulions si désespérément fuir. Ces rêves de rizières étaient toujours des cauchemars. Nous rêvions aussi de nos soeurs, plus âgées, plus jolies, que nos pères avaient vendues comme geishas pour nourrir le reste de la famille, et nous nous réveillions en suffoquant. Pendant un instant, j'ai cru que j'étais à sa place. »

 Le récit fait fi du pathos, et se contente de nous décrire froidement la vie filiforme de ces femmes arrachées à leur pays natal avec des rêves pleins la tête, et finalement vouées à trimer aux champs aux côtés d’un mari bien éloigné des photos et des lettres initiales… Les enfants qu’elles vont mettre au monde ne seront qu’une maigre consolation, élevés dans la pauvreté, ils n’en seront pas moins américains, et s’éloigneront peu à peu de ces mères japonaises si peu intégrées.

 Mais l’horreur de leur destin ne s’arrête pas là puisque Julie Otsuka aborde également ce sujet souvent passé sous silence : le déplacement et l'internement de quelque 120 000 Japonais, en 1942, après l'attaque, le 7 décembre 1941, par l'aéronavale japonaise, de la base américaine de Pearl Harbor. Un à un ces visages japonais disparaîtront, emportés dans un gouffre qui va les broyer et les mener vers l’oubli. 

 « Un garçon de Parlier a emporté une couverture de flanelle bleue qui conservait l’odeur de sa chambre. Une fille aux longues couettes venant de la petite ville de Tulare a emporté une épaisse craie rose. Elle s’est arrêtée un instant pur dire au revoir aux gens immobiles sur le trottoir et, d’une petit geste rapide, elle leur a fait signe de s’en aller et s’est mise à sauter à la corde. Elle est partie en riant. Elle est partie sans se retourner. » (p. 214)

 Heureusement, la littérature est là pour nous rappeler le souvenir de ces destins malheureux et pour offrir à ces femmes un écrin de mémoire…

  

Ce que j’ai moins aimé :

 La froideur du ton et du style fait que quelquefois on reste en dehors du récit, avec l’impression de lire une liste dépourvue d’humanité.

 

Premières phrases :

« Sur le bateau nous étions presque toutes vierges. Nous avions de longs cheveux noirs, de larges pieds plats et nous n’étions pas très grandes. Certaines d’entre nous n’avaient mangé toute leur vie durant que du gruau de riz et leurs jambes étaient arquées, certaines n’avaient que quatorze ans et c’étaient encore des petites filles. »

 Vous aimerez aussi : 

Littérature Asie de l'Est  

 

D’autres avis :

Lecture commune avec Valérie , Mirontaine, Jeneen, Monpetitchapitre, Mélo et Sandrine.

Presse : Le Figaro ; Le Monde ; Télérama

Blogs : Canel ; Théoma ; Kathel, Yv, Aproposdelivres, Canel, Jérôme, Philisine Cave,

 

 Certaines n’avaient jamais vu la mer, Julie Otsuka, traduit de l’anglais (américain) par Carine Chichereau, Phébus,  août 2012, 144 p., 15 euros

 grand prix lectrices de elle

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Madame Bovary de Gustave FLAUBERT

Publié le par Hélène

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 ♥ ♥ ♥

 

 L’auteur :

 D'origine bourgeoise (père médecin), il a une enfance peu heureuse car délaissé par ses parents qui lui préfère son frère aîné. Il est néanmoins très proche de sa soeur cadette.

Il fait sa scolarité au lycée de Rouen. Renvoyé, il passe seul son bac en 1840.
Dispensé de service militaire il commence des études de droit à Paris en 1841. Il abandonne en 1844 à cause de ses crises d'épilepsie. En 1846, sa soeur meurt et il prend en charge sa fille âgée de 2 mois.

Il poursuit ses tentatives littéraires et aboutit en 1851 au début de la rédaction de Madame Bovary qui parait en 1856. Le livre fera l'objet d'un procès pour outrage aux bonnes moeurs. Flaubert sera acquitté.

Durant ces années, il fréquente les salons parisiens. Il y rencontre entre autre Georges Sand.
En 1858, il entreprend un voyage en Tunisie afin de se documenter pour Salaambô.
En 1866, il reçoit la légion d'honneur.

Ses dernières années sont sombres : ses amis disparaissent et il est assailli par les difficultés financières et par des problèmes de santé. Il meurt subitement d'une hémorragie cérébrale. Il est enterré au cimetière de Rouen.

 

L’histoire :

Une jeune femme romanesque qui s'était construit un monde romantiquement rêvé tente d'échapper - dans un vertige grandissant - à l'ennui de sa province, la médiocrité de son mariage et la platitude de sa vie. Mais quand Flaubert publie Madame Bovary, en 1857, toute la nouveauté du roman réside dans le contraste entre un art si hautement accompli et la peinture d'un univers si ordinaire. L'écriture transfigure la vie, mais s'y adapte si étroitement qu'elle la fait naître sous nos yeux.

 « Ce n'était plus du roman comme l'avaient fait les plus grands », dira Maupassant : « C'était la vie elle-même apparue. On eût dit que les personnages se dressaient sous les yeux en tournant les pages, que les paysages se déroulaient avec leurs tristesses et leur gaieté, leurs odeurs, leur charme, que les objets aussi surgissaient devant le lecteur à mesure que les évoquait une puissance invisible, cachée on ne sait où. » (Source : Le livre de poche)

madame bovary hirondelle

  L'hirondelle de Yonville

 

Mon avis :

Gustave Flaubert a voulu dans ce roman montrer une vie où il ne se passe rien au travers le point de vue d'un personnage :  montrer les idées, les sentiments, l'enchaînement du psychologique et l'évolution des différentes psychologies. 

 Pour ce faire, il choisit comme personnage principal éponyme Emma Bovary, jeune femme épris de romantisme car influencée par ses nombreuses lectures :

  « Elle aurait voulu vivre dans quelque vieux manoir, comme ces châtelaines au long corsage, qui, sous le trèfle des ogives, passaient leurs jours, le coude sur la pierre et le menton dans la main, à regarder venir du fond de la campagne un cavalier à plume blanche qui galope sur un cheval noir. » (p. 71)

  « Elle n’aimait la mer qu’à cause de ses tempêtes, et la verdure seulement lorsqu’elle était clairsemée parmi les ruines. Il fallait qu’elle pût retirer des choses une sorte de profit personnel ; et elle rejetait comme inutile tout ce qui ne contribuait pas à la consommation immédiate de son cœur, - étant de tempérament plus sentimentale qu’artiste, cherchant des émotions et non des paysages. » (p. 70)

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 « Il lui semblait que certains lieux sur la terre devaient produire du bonheur, comme une plante particulière au sol et qui pousse mal tout autre part. Que ne pouvait-elle s’accouder sur le balcon des chalets suisses ou enfermer sa tristesse dans un cottage écossais, avec un mari vêtu d’un habit de velours noir à longues basque, et qui porte des bottes molles, un chapeau pointu et les manchettes ! » (p. 74)  

 Mais la pesanteur existencielle provoque irrémédiablement une chute après l'envol du regard d'Emma :

« Mais l’anxiété d’un état nouveau, ou peut-être l’irritation causée par la présence de cet homme, avait suffi à lui faire croire qu’elle possédait enfin cette passion merveilleuse qui jusqu’alors s’était tenue comme un grand oiseau au plumage rose planant dans la splendeur des ciels poétiques ; -  et elle ne pouvait s’imaginer à présent que ce calme où elle vivait fût le bonheur qu’elle avait rêvé. » (p. 73)

   « Mais elle, sa vie était froide comme un grenier dont la lucarne est au nord, et l’ennui, araignée silencieuse, filait sa toile dans l’ombre à tous les coins de son cœur. » (p. 78)

 « D’où venait donc cette insuffisance de la vie, cette pourriture instantanée des choses où elle s’appuyait ? … Mais, s’il y avait quelque part un être fort et beau, une nature valeureuse, pleine à la fois d’exaltation et de raffinements, un cœur de poète sous une forme d’ange, lyre aux cordes d’airain, sonnant vers le ciel des épitaphes élégiaques, pourquoi, par hasard, ne le trouverait-elle pas ? oh ! quelle impossibilité ! Rien, d’ailleurs, ne valait la peine d’une recherche ; tout mentait ! Chaque sourire cachait  un bâillement d’ennui, chaque joie une malédiction, tout plaisir son dégoût, et les meilleurs baisers ne vous laissaient sur la lèvre qu’une irréalisable envie d’une volupté plus haute. » (p. 319)

« Avant qu’elle se mariât, elle avait cru avoir de l’amour ; mais le bonheur qui aurait dû résulter de cet amour n’étant pas venu, il fallait qu’elle se fût trompée, songeait-elle. Et Emma cherchait à savoir ce que l’on entendait au juste dans la vie par les mots de félicité, de passion et d’ivresse, qui lui avaient paru si beaux dans les livres. » (p. 68)

 Charles lui-même, son mari, est prisonnier d’une image, comme elle-même et comme les autres : Emma est emprisonnée dans toutes ces identités opaque : pour Léon, elle est une « dame », pour Rodolphe, une petite femme élégante de province proie facile pour ce séducteur patenté.  

 La multiplication des voix, des points de vue permet d'épouser l'intériorité de ces personnages et d'offrir une description pointue de cet univers provincial et de ce destin tragique.

 Madame Bovary est un magnifique portrait de femme, servi par un style irréprochable, un classique à relire encore et toujours...  

 

Premières phrases :

« Nous étions à l’Etude, quand le Proviseur entra, suivi d’une nouveau habillé en bourgeois et d’un garçon  de classe qui portait un grand pupitre. Ceux qui dormaient se réveillèrent, et chacun se leva comme surpris dans son travail. »

 Vous aimerez aussi :

Du même auteur : Salammbô

 

Madame Bovary, Gustave Flaubert, Folio, 5.30 euros 

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Les gens honnêtes tome 1 et 2 de Jean-Pierre GIBRAT et Christian DURIEUX

Publié le par Hélène

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  ♥ ♥ ♥

 

 Les auteurs :

Christian DURIEUX : Né à Bruxelles le 18 janvier 1965, Christian Durieux obtient une licence de lettres avant de s'inscrire aux cours de bande dessinée de l'Institut Saint-Luc.

Il réalise une courte biographie d'André Malraux, scénarisée par Luc Dellisse, pour TINTIN REPORTER, en 1989, puis s'associe avec Jean Dufaux pour lancer sa première série, Avel, aux éditions Glénat, dans leur collection "Grafica". Cette saga d'un tueur à la recherche de son destin comptera quatre volumes. Un tel thème exigeait un graphisme froid et raide qu'il maîtrise parfaitement.

Il passe ensuite au Lombard où il entreprend, sur scénarios de Luc Dellisse, la série Foudre. Il adopte cette fois un trait plus en rondeur, mieux acclimaté avec le côté parfois grotesque de ce thriller futuriste. Sur une toile de fond pessimiste et cataclysmique, ce cycle de cinq volumes publiés de 1996 à 1998 ne manque pas d'humour dans les relations entre des personnages s'efforçant de survivre dans un univers qui leur échappe.

Un bref passage aux Humanoïdes Associés aboutit à l'album "Benito Mambo", en 1999, avant qu'il prenne Andréas pour scénariste chez Delcourt et commence la série Mobilis.

Soucieux d'expériences nouvelles, tant au niveau du récit que du graphisme, il est séduit par un projet humoristique de Denis Lapière et s'attaque en 2001 à la série Oscar chez Dupuis. Un tout nouveau registre où il relate d'un trait simplifié et vivant, dynamiquement cocasse, les exploits et affabulations d'un petit garçon pas comme les autres. Un de ses plus vifs plaisirs est de changer régulièrement de technique. (Source : Dupuis)

 

Né le 17 avril 1954 à Paris, Jean-Pierre Gibrat connaît une enfance banlieusarde sans histoires. Élevé dans une ambiance cégétiste, brillant en histoire, il obtient son bac grâce au Front Populaire et à l'agriculture de l'URSS.

Il se tourne ensuite vers le graphisme publicitaire, puis s'inscrit en Fac d'Arts Plastiques en 1975. Deux ans plus tard, il interrompt ses études pour se lancer sérieusement dans la bande dessinée et publie ses premiers récits complets dans PILOTE.

Sa rencontre avec le scénariste Jackie Berroyer, son aîné de huit ans, va faire naître le petit "Goudard" dans B.D., série d'avatars quotidiens d'un adolescent finement typé qui fréquentera ensuite CHARLIE MENSUEL, puis FLUIDE GLACIAL. Parallèlement, Gibrat multiplie les dessins dans la presse branchée (L'EDJ, LE NOUVEL OBS, etc.) et collabore à L'ORDINATEUR DE POCHE, SCIENCES ET AVENIR, puis à JE BOUQUINE et OKAPI (la série "Médecins sans frontières", sur des scénarios de Guy Vidal, puis Dominique Leguillier).

En 1982, son talent d'évocation de la gent féminine incite Berroyer à lui proposer un personnage de "Parisienne" en vacances à introduire dans PILOTE. Ils décident de réunir Goudard et cette séduisante créature dans la série d'albums que leur ouvrent les éditions Dargaud.

Dessinateur perfectionniste, donc lent, Gibrat aime se surprendre en changeant de sujet pour aborder des domaines où on ne l'attendait guère. En 1985, il accepte de faire vivre dans TÉLÉ-POCHE la chienne Zaza de Dany Saval et Michel Drucker ("L'Empire sous la mer").

Dix ans plus tard, il publie chez Albin Michel une version érotique de "Pinocchia", sur un scénario de Francis Leroi.

L'année suivante, avec Daniel Pecqueur, il mélange onirisme et fantastique dans "Marée basse" pour la collection "Long Courrier" de Dargaud.

Mais c'est dans la prestigieuse collection "Aire Libre" qu'il compose seul un chef-d'oeuvre de nostalgie rurale et de recomposition historique des années d'occupation telles que vécues dans la France profonde : "Le Sursis" emporte de multiples prix et un accueil enthousiaste des lecteurs. Son premier essai d'auteur complet est une réussite totale. Il sera suivi, en 2002, du magnifique "Vol du Corbeau".

Le festival BD de Saint-Malo,"Quai des bulles", a décerné son grand prix 2004 à Jean-Pierre Gibrat ("Le Sursis", "Le Vol du Corbeau").

Jean-Pierre Gibrat s'est vu remettre, le jeudi 26 janvier 2006, le Prix du dessin au Festival d'Angoulême pour le second tome du "Vol du corbeau". (Source : Dupuis)

 

L’histoire :

Aujourd'hui, Philippe fête son anniversaire. 53 ans, déjà. Sa maison est confortable, ses enfants sont grands, sa mère est bavarde, son nouveau vélo est magnifique. Une belle tranche de vie, dans la simplicité, l'honnêteté. Mais celui qui empoisonne le gâteau, c'est le patron de Philippe quand il lui annonce son licenciement. Victime collatérale de la mondialisation, Philippe coule à pic. Perd tout, même son toit. Mais cette plongée au coeur de lui-même va lui permettre d'ouvrir son regard sur les autres. Les gens honnêtes n'ont rien d'ordinaire.

Chronique de la tragi-comédie du quotidien, Les gens honnêtes marque la rencontre entre deux auteurs réunis par la tendresse qu'ils éprouvent pour leurs personnages. Jean-Pierre Gibrat, au scénario, et Christian Durieux, au dessin, savent faire vibrer à l'unisson la parcelle indicible de la création romanesque: son humanité.

 

Ce que j’ai aimé :

Les gens honnêtes est un récit optimiste, qui prouve que tout un chacun peut facilement et rapidement toucher le fond et remonter malgré tout vers la lumière en usant de ruse et d’intelligence. Avec des appuis indispensables tels que la famille et les amis, Philippe va rebondir de façon spectaculaire après son licenciement. Le chômage ne sera qu'une étape vers un épanouissement profond lui conférant une liberté bienvenue...

 Les personnages sont profondément humains tel que l’ami médecin de Philippe  qui accepte de l’héberger dans son petit studio avec le sourire, sans jamais se plaindre, et qui finalement va lui trouver la solution miracle pour l’aider à remonter la pente, mais aussi  l’ami libraire hédoniste amoureux du vin et des livres, en passant par les enfants de Philippe…

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Ce que j’ai moins aimé :

 Oui c’est un peu facile quelquefois, oui un peu caricatural peut-être, mais cela reste tendre et c’est un petit album de fée qui fait du bien au moral !

 

Vous aimerez aussi :

Du même auteur : Le vol du corbeau

Autre : les albums de Jean-Claude DENIS

 Les gens honnêtes, Gibrat, Durieux, Editions Dupuis, août 2008, 2 tomes, 18 euros le tome.

BD Mango bleu 

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A mon âge, je me cache encore pour fumer de RAYHANA

Publié le par Hélène

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♥ ♥ ♥

 « SAMIA - D’être avec vous comme ça, je me sens forte comme un homme.

NADIA - Une femme  Samia, une femme ! » (p. 103)

  

L’auteur :

 Née dans le quartier de Bab el-Oued à Alger, Rayhana a suivi les cours de l’École des Beaux-Arts puis de l’Institut national d’Art dramatique et chorégraphique (Inadc) de Bordj el-Kiffan, avant de rejoindre la troupe du Théâtre de Béjaïa alors dirigée par feu Malek Bouguermouh. Comédienne sur plusieurs pièces et films pour la télévision et le cinéma, Rayhana a fait ses premiers pas d’auteure et de metteure en scène avec Fita bent el alouane, une pièce pour enfants créée en 1992, avant de quitter l’Algérie pour la France. A mon âge, je me cache encore pour fumer est sa première pièce écrite en français.

 

L’histoire :

A mon âge, je me cache encore pour fumer est une tragi-comédie qui rassemble 9 femmes d’âges et de conditions diverses dans un hammam à Alger. Dans l’intimité de cet espace protégé de l’extérieur, les regards et les points de vue se croisent, entre pudeur et hardiesse, dans le dévoilement violent, ironique, drôle et grave, des silences refoulés de femmes qui se sont tues trop longtemps. Peu à peu se révèlent leurs destins particuliers, à travers des histoires qui ont marqué et modelé leur chair, dévoilant progressivement la violence politique, sociale et sexuelle d’une Algérie en proie à la corruption, à la misère et à l’intégrisme meurtrier. Un enfant s¹apprête à venir au monde et par instinct et nécessité, toutes, d’une manière ou d’une autre se lèveront pour protéger et défendre cet être nouveau, symbole de leur foi inébranlable en l’avenir. Neuf femmes,neuf destins entre rébellion, rêve ou soumission, réunis au coeur de la matrice, le Hammam, ou le combat contre l’oppression, la violence, la guerre, se panse entre fous rires et pleurs, secrets et exaltation.

 

Ce que j’ai aimé :

Parce que les femmes se retrouvent au hammam, les hommes sont exclus de l'espace de la pièce. Ils restent à la porte et ils auront beau cogner pour entrer, les portes de la féminité resteraont solides... Mais si ces hommes sont absents, ils sont de au coeur de toutes les conversations. Pour Samia, ils représentent l'espoir juvénile d'un amour torride et complet, pour les autres, ils sont bien souvent porteurs d'oppression et d'incompréhension. Latifa aura beau essayer de réconforter la jeune naïve en lui vantant les qualités de son propre mari, les hommes auront tout de même raison des rêves rosés de la jeune Samia qui n'en sortira pas indemne... 

Les dialogues sont calibrés, intelligents et teintés d'humour, comme ces femmes qui pointent du doigt les aberrations de leur pays mais y sont néanmoins viscéralement attachées comme le souligne Fabien Chappuis, metteur en scène de la pièce :

« Même si des évènements récents ont donné toutes les raisons objectives de partir, la patrie reste le lieu de nos origines, de l’histoire dont nous sommes le fruit, de l’histoire de nos parents, de notre enfance. Une patrie qui a été source de souffrance mais que l’on ne peut s’empêcher d’aimer profondément. Une histoire difficile mais qui reste, malgré tout, notre histoire. Si Rayhana condamne certains aspects de l’histoire récente de l’Algérie, le portrait qu’elle fait de ces femmes est pour moi une déclaration d’amour. » (Préface de Fabian Chappuis)

En témoigne la dernière scène :

« VOIX OFF DE SAMIA – Moi, je ne fais pas comme ma mère, je ne me frappe jamais la tête quand je suis triste. Moi, je vais en haut, sur la terrasse de notre immeuble blanchi à la chaux, à l’occasion du grand nettoyage pour accueillir le printemps. Chez nous tout est blanc ; Alger la blanche, c’est comme ça que l’appellent les amoureux. Depuis ma terrasse je regarde, la mer, là-bas, au loin, coincée entre deux immeubles blancs eux aussi. Parfois il y a des bateaux, on dirait des goélands géants, chargés de poissons encore vivants dans leurs ventres, et je pense aux jeunes qui, tout comme ces poissons, se cachent dans les entrailles des bateaux qui rejoignent la France…

De ma terrasse, je regarde les autres terrasses, où d’autres femmes suspendent le linge de toutes les couleurs, délavé par la force des mains ! Ca ressort mieux, qu’elles disent : dix pantalons, douze chemises, vingt culottes… et des foulards surtout des foulards qui souvent se détachent et s’envolent, emportés par le vent, attirés vers la mer eux aussi.

Il y a aussi d’autres filles suspendues à leurs terrasses. On regarde, on se regarde, on s’épie, on rêve… Puis d’un seul coup, en même temps, un cri attire notre attention vers la rue en bas, au pied de l’immeuble : (comme si elle commentait un match de foot) des enfants qui courent de partout, ils crient, ils gigotent, ils sautent… Et But ! L’équipe des enfants de l’immeuble de gauche vient de marquer un but à l’équipe de l’immeuble de droite avec leur ballon de fabrication locale, fait d’un sac poubelle bourré de vieux journaux que leurs pères ont fini de lire, et que leurs mères ont déjà utilisé pour faire briller les vitres. Les petites filles à côté, jouent à la mariée, elles font la fête, elles chantent tout en tapant sur les bidons d’huile en guise de derbouka, que leurs mères a essoré jusqu’à la dernière goutte dans le couscous familial de la veille.

Et puis d’un seul coup, des cris, des rires, des sourires et des youyous, des milliers de youyous à vous percer les tympans, des youyous de joie qui s’échappent de chaque immeuble, de chaque fissure, de chaque femme, de chaque gorge : l’eau est revenue !

A la fin de chaque pénurie on est tellement heureux ; et on en a des pénuries ! Il n’y a pas que de l’eau qui nous manque, l’électricité, la semoule, la patate et l’amour, surtout.

Moi je crois en l’amour.

C’est pour ça que je ne veux pas partir… »

Un magnifique cri d'espoir...

 

Ce que j’ai moins aimé :

 D'avoir manqué sa représentation...

 

Premières répliques :

« FATIMA – Mon Dieu, qu’est-ce qui se passe !

MYRIAM – (essouflée et en pleurs ; elle parle en arabe) El Babe, aghelqui el bab, rabbi yiaychak eghelkiha !

Fatima se dirige vers la porte.

FATIMA – Ne crie pas, je vais la fermer cette porte ! (grognant, à elle-même) Il n’y a plus nulle part où l’on peut fumer tranquille dans ce pays… »

 

D’autres avis :

Jeune Afrique ; Marianne 

A mon âge, je me cache encore pour fumer, Rayhana, Les cygnes, décembre 2009, 11 euros

 

Publié dans Théâtre

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Les nuits de Karachi de Maha Khan PHILLIPS

Publié le par Hélène

                                            nuits de karachi

  

Un roman ambivalent

   

L’auteur :

Maha Khan Phillips est née à Karachi en 1976. Elle est spécialiste de l’analyse des conflits internationaux, diplômée de l’Université du Kent (Canterbury). A 18 ans, elle est partie s’installer à Londres où elle est aujourd’hui journaliste spécialisée dans la finance. Elle partage son temps entre Londres, Karachi et Bordeaux (où vit sa belle-mère française). Les nuits de Karachi est son premier roman.

 

L’histoire :

Amynah Farooqui écume les soirées branchées de Karachi qu’elle chronique dans un journal people. Avec ses amies d’enfance Mumtaz et Henna, elle est le parfait symbole d’une certaine jeunesse dorée pakistanaise, à mille lieues d’une population misérable et opprimée, irrésistiblement attirée par les discours extrémistes. Lorsque les trois filles décident de réaliser un documentaire sur la violence faite aux femmes dans leur pays, le film, qui acquiert une notoriété aussi subite que surprenante, va bouleverser leur existence...

Le talent de Maha Khan Phillips éclate dans ce premier roman étincelant d’un humour noir subversif, qui dynamite l’image de soumission des femmes dans les sociétés islamiques. Rien de tel que ce cocktail Chanel, sexe et cocaïne pour comprendre la décadence qui s’est emparée d’une certaine élite dans l’un des pays les plus instables du monde. (Présentation de l’éditeur)

 

Mon avis :

Maha Khan Phillips explique en ces termes son projet : « Je me suis aussi rendue compte que j’en avais marre de cette idée selon laquelle les femmes des pays islamistes sont toutes des victimes, ou toutes impuissantes d’une certaine manière. Alors j’ai pensé qu’il serait amusant d’inverser un peu l’idée de l’exploitation, et d’avoir des personnages féminins qui aimeraient exploiter d’autres femmes, et aussi des médias crédules. (…) J’ai l’impression que la violence envers les femmes est institutionnalisée, et que la religion est un outil pour maintenir les choses comme elles sont. A moins que le Pakistan n‘arrive à gérer le problème de la violence structurelle, nous allons devoir lutter pour avancer. Parce que souvent, ce sont aussi les femmes qui non seulement en sont victimes, mais perpétuent ces violences. (…) J’ai aussi un regard très cynique sur la manière dont les histoires d’oppression des femmes sont commercialisées. » (propos recueillis pour thehungyreader.wordpress.com, septembre 2010, traduction d’Aliénor Arnould)

La réflexion sur le rôle quelquefois diabolique des médias est assez bien mise en scène au travers de jeunes femmes insouciantes qui souhaitent à la fois défendre une femme opprimée et en profiter pour gagner en notoriété avec un reportage-choc. Si ces propos n’ont rien de nouveau, ils ont le bénéfice d’éclairer une logique commerciale pouvant mener au pire.

 Le discours sur l’oppression des femmes est beaucoup plus ambivalent : cette oppression est une réalité qui est comme atténuée par l’auteur en ces pages, comme si elle était exagérée par les médias et par les femmes elles-mêmes. En présentant des jeunes femmes insouciantes, notamment Amynah, jeune femme superficielle indifférente à l’actualité de son pays, l’auteur éclaire sans doute une partie de la population pakistanaise, surprotégée, égoïste, plongée dans des mondes artificiels qui les éloignent de la réalité. Mais le personnage de Nilofer ne dessert-il pas la cause des femmes ? En souhaitant traiter le sujet avec cynisme et humour, l’auteur prend le risque d’être mal comprise de ses lecteurs.

 Car quelle est la cible de l’auteure ? En choisissant une écriture facile, des personnages superficiels, une narration rendue fluide en multipliant les supports (articles de journaux, narration à la première personne, extrait du roman que rédige Amynah), il semble qu’un lectorat avide de lectures futiles soit visé. La violence, l’horreur sont soigneusement évitées au profit d’une légèreté de ton flirtant avec des sujets difficiles. Ce lectorat fera-t-il la part des choses et ira-t-il chercher au-delà des apparences ironiques du roman ?

 Les nuits de Karachi est un roman dérangeant pour ces raisons…

 Je vous renvoie à un article d’Amnesty International datant de 2010 sur les femmes parkistanaises : http://www.amnesty.ch/fr/actuel/magazine/2010-4/pakistan-femmes-enfermees-dans-la-tradition

 

Mustafa Qadri, chercheur sur le Pakistan pour Amnesty, explique à TF1 News en quoi la situation des femmes dans le pays est très difficile. :

 http://lci.tf1.fr/monde/asie/pakistan-les-violences-contre-les-femmes-restent-trop-souvent-6797472.html

 

 benazir-bhutto-.jpg

 

  Premières phrases :

« Courrier des lecteurs

Un lecteur d’Austin en colère

Cher Monsieur,

Je suis abonné depuis peu à votre publication. En tant qu’expatrié pakistanais, j’appréciais votre analyse des évènements du pays, jusqu’à ce que je tombe sur la chronique « Nuits de Karachi ». Monsieur, je suis absolument scandalisé que l’on puisse autoriser la parution d’une telle chronique dans un journal destiné aux Pakistanais résidant non seulement au Pakistan mais à l’étranger. »

 

Vous aimerez aussi :

 Quand viennent les cyclones de Anita NAIR

 

D’autres avis :

Yves ;  Jostein

 

 Les nuits de Karachi, Maha Khan Phillips, traduit de l’anglais (Pakistan) par Sabine Porte, Albin Michel, avril 2012, 315 p., 20 euros

 Merci aux Editions Albin Michel.  

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Les ignorants de Etienne DAVODEAU

Publié le par Hélène

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♥ ♥ ♥ ♥

« Le vin, c’est un truc pour se détendre, c’est un point de rencontre, un lien entre les gens ! » (p. 111)

 

L’auteur :

Je suis né en 1965 dans les Mauges ( c’est une région du Maine & Loire dont le nom viendrait étymologiquement de "MAUvaises GEns" en latin, vous voyez le tableau) . J’y ai passé une enfance formidable . Elle a principalement consisté à me balader avec mes copains dans les champs, à tirer à la fronde d’innocents moineaux puis à ricaner bêtement sur ma mobylette devant les filles.

Partie sur une courbe idéale qui faisait la fierté de mes parents, ma scolarité a reçu en pleine gueule une adolescence tourmentée. S’en est suivi un piqué en flammes assez spectaculaire. Quand je me suis réveillé au milieu des débris , ma main droite cramponnait un document noirci. Il fallait bien me rendre à l’évidence : J’avais mon bac.
À Rennes, je me suis inscrit à la fac, section Arts Plastiques pour une raison qui m’échappe encore. J’y ai étudié (un peu) et dessiné (beaucoup). Avec quelques gaillards qui nourrissaient le même intérêt que moi pour la bande dessinée, nous avons fondé le studio Psurde, modeste association qui nous permit de publier nos premiers travaux, heureusement aujourd’hui introuvables.
Qui étaient ces vaillants pionniers ? Olivier Maunaye, créateur du présent site, Fred Simon (Rails, Le Poisson clown, Popotka), Jean-Luc Simon (coloriste et dessinateur, pour qui j’ai écrit La Gagne), Joub avec qui j’anime Max & Zoé, ainsi que Christophe Hermenier et Thierry Guyader qui ont lâchement abandonné la bande dessinée pour la peinture et la presse.

Après quelques années d’études approximatives mais fort poilantes, j’ai cédé aux encouragements de la femme de ma vie et j’ai écrit le scénario de ce qui allait devenir mon premier livre. Intitulé L’homme qui n’aimait pas les arbres, il s’est niché comme il a pu dans le catalogue Dargaud en 1992. (Source : babélio)

Son blog : http://www.etiennedavodeau.com/

 

L’histoire :

Par un beau temps d’hiver, deux individus, bonnets sur la tête, sécateur en main, taillent une vigne. L’un a le geste et la parole assurés. L’autre, plus emprunté, regarde le premier, cherche à comprendre « ce qui relie ce type à sa vigne », et s’étonne de la « singulière fusion entre un individu et un morceau de rocher battu par les vents. »

Le premier est vigneron, le second auteur de bandes dessinées.

Pendant un an, Etienne Davodeau a goûté aux joies de la taille, du décavaillonnage, de la tonnellerie ou encore s’est interrogé sur la biodynamie.

Richard Leroy, de son côté, a lu des bandes dessinées choisies par Etienne, a rencontré des auteurs, s’est rendu dans des festivals, est allé chez un imprimeur, s’est penché sur la planche à dessin d’Etienne…

Etienne et Richard échangent leurs savoirs et savoir-faire, mettent en évidence les points que ces pratiques (artistiques et vigneronnes) peuvent avoie ne commun ; et ils sont plus nombreux qu’on ne pourrait l’envisager de prime abord. (Présentation de l’éditeur)

 

Ce que j’ai aimé :

« Les ignorants » : des hommes vierges de savoir dans un certain domaine, des hommes humbles  prêts à s’ouvrir à un autre monde, des hommes beaux qui vont se lancer corps et âme dans une « initiation croisée ».  Le titre et le sous-titre ont déjà une aura magique et majestueuse en eux : ils portent l’humanité comme une toile de fond de cette histoire vécue si touchante.

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Richard va mener Etienne dans un monde aux mots inconnus : décavaillonnage, ébourgeonnage, palissage, et Etienne va inviter Richard à découvrir son univers artistique peuplé de mots et d’images. Cet enrichissement mutuel se fait dans une tolérance exemplaire, dans la simple volonté d’accéder à la compréhension d’un monde différent du leur. Leur année commune se centre sur l’ouverture, apprentissage de la différence.

Etienne ne comprend pas toujours les logiques de la biodynamie...

 « J’ai l’impression que c’est très subjectif, la biodynamie...

- Mais TOUT est subjectif dans le vin !" (p. 91)

... comme Richard reste hermétique à l’art de Moebius. Mais il fera la rencontre des pages de Gibrat, Guibert, Mathieu, Spiegelman, et bien d’autres auteurs qui le toucheront à des degrés divers. Quant à lui Etienne rencontrera des gars qui travaillent au naturel pas au chimique, parce que «  la proximité physique et donc mentale, du vigneron avec son travail… pense à ça quand tu bois du vin. » (p. 102)

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Les ignorants est truffés de réflexions philosophiques :

« Mais bon, y’a pas de recettes… Il faut de l’attention. Ouvrir les yeux sur les choses élémentaires. » (p.229)

économiques, 

« Rester petit, c’est garder le contrôle sur la qualité de notre travail ! Refusons de croître ! » (p.158)  

réflexions artistiques comme dans ce passage magnifique dans lequel  Marc-Antoine Mathieu évoque sa relation au lecteur :

« Ce qui m’importe par-dessus-tout, c’est qu’ils [ses livres]soient cohérents avec la vision de monde que j’y développe… Ensuite y entre qui veut… »

A la fin de l'album, l’auteur nous livre la liste des vins bus et des BD lues, comme une invitation à nous initier, nous aussi, à ces autres mondes... 

Un joyau d’humanité !

 

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Les deux "ignorants" au milieu des coteaux

© Photo F.Roy - Editions Futuropolis

 

Ce que j’ai moins aimé :

-Rien ! 

 

Vous aimerez aussi :

 De Gaulle à la plage de Jean-Yves FERRI 

 

D’autres avis :

Blogs : Sylire  Aifelle Joelle - Fransoaz

Presse : Télérama Lire  

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Les ignorants, récit d’une initiation croisée,  Etienne DAVODEAU, Futuropolis, octobre 2011, 272 p., 24,9euros

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Chaman de Galsan TSCHINAG

Publié le par Hélène

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♥ ♥

 

L’auteur :

Galsan Tschinag est né en 1944 dans une famille d’éleveurs nomades touvas en Mongolie occidentale et a passé sa jeunesse dans les steppes du Haut-Altaï, aux confins de l'Union Soviétique.
Après son bac à Oulan-Bator, bénéficiant des programmes de coopération entre les pays communistes, Galsan Tschinag a la possibilité d’étudier la linguistique à Leipzig, en RDA. Il écrit soit en mongol soit en allemand. Son premier ouvrage, Ciel bleu, est publié en Allemagne en 1994. Il obtient le prix Adalbert von Chamisso, récompensant un auteur étranger écrivant en allemand.

Parallèlement à l'écriture, Galsan Tschinag se consacre à la protection des coutumes de son peuple, menacées par les dangers de la modernisation.

L’histoire :

Après de nombreuses années passées à sillonner le monde, Galsan Tschinag revient vers son peuple, les Touvas, des nomades du Haut- Altaï au nord de la Mongolie, pour y passer le soir de sa vie. Mais la situation est délicate, ses deux disciples chamans, ainsi que son peuple, ne sont pas d’accord sur le chemin à prendre pour affronter l’avenir. La vie nomade traditionnelle et le XXIe siècle se dressent face à face comme deux géants inconciliables.


Pour apaiser les esprits, une caravane est envoyée au Lac Jaune où une colline sacrée doit être consacrée. La narration tisse des rêves et des souvenirs du narrateur qui passe sa vie en revue pour en retenir les moments les plus importants : scolarité pendant les années 50 staliniennes, études supérieures à Leipzig dans les années 60, la première rencontre avec le Dalaï-lama en 1981, et la réalisation de son souhait le plus cher : la grande caravane avec laquelle son peuple retourne en 1985 dans le Haut- Altaï pour reprendre le mode de vie traditionnel nomade.

 

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Ce que j’ai aimé :

 

Chaman est un texte pur mené par une voix hypnotique qui nous invite dans son univers, à la rencontre des siens. Le lecteur est comme gêné au début, décalé dans un monde qui n'est pas le sien, puis, petit à petit, le talent de conteur et ses qualités indéniables d'hôte mettent à l'aise ses invités passionnés alors par ce qu'ils découvrent. 

 Les textes de Galsan Tschinag sont toujours une plongée en apnée dans un univers lointain dépaysant et fascinant. Ici, il nous livre son histoire et nous permet de mieux comprendre les clés de cette Mongolie en pleine mutation, oscillant entre tradition et modernité. Son texte est nimbé de son intelligence et de sa clairvoyance de chaman.

"Ma yourte palpite dans la steppe

cette autre grande yourte qui est mienne

Le mince filet de fumée

Qui tourbillonne dans la petite

S'élève à travers la grande

Et s'enfonce parmi les nuages

Est le cordon de ma naissance

Je suis l'oeuvre commune

De notre père le Ciel, de notre mère la Terre

Et pour trois vies de cheval

Je me chauffe au foyer fougueux des nomades." (p. 115) 

 

Ce que j’ai moins aimé :

 

 Il est quelquefois difficile de rentrer dans ce texte, il faut se laisser bercer par le chant hypnotique de l'auteur et faire abstraction de ce qui nous entoure pour que se crée la vraie rencontre. Galsan Tschinag demande de la concentration, mais la beauté du texte vaut les efforts fournis... 


Premières phrases :

« Voici l’histoire d’un rêve opiniâtre. Un rêve qui, pendant tout un hiver, s’est emparé de moi presque chaque nuit, parfois même le jour, pour me ravir et me tourmenter tout à la fois. J’ai dû et pu le coucher sur le papier avant même de savoir si j’allais pouvoir lui aussi le réaliser comme nombre de ses prédécesseurs, tout d’abord vagues chimères, songes bouillonnants et bariolés. »

 

Vous aimerez aussi :

 

Du même auteur :  Ciel bleu : une enfance dans le Haut Altaï 

Autre : deux films magnifiques Les deux chevaux de Gengis Khan de Byambasuren Davaa et Urga de Nikita MiKhalkov

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D’autres avis :

 

LA QUINZAINE LITTERAIRE, Jean-Luc Tiesset
« Galsan Tschinag nous entraîne une fois de plus vers les paysages lointains et grandioses de l’Asie centrale, là où la réalité le dispute au fabuleux ». Lire l'article entier ici.

KAELE, Fabien Franco

« Ce qui frappe dans ce texte littéraire, c’est la force de son réalisme, la richesse de sa pensée, et la profondeur de son humanisme. Comment ne pas accepter un tel cadeau ».

BOOKS, Suzi Vieira

" Son dernier livre revient sur son incroyable parcours, mais surtout sur son retour au sein du clan Touva, une minorité turkmène de Mongolie, dont il es le chef et le chaman".

LE MONDE DIPLOMATIQUE, Sophie Divry

« Passeur de frontières ». Lire la suite ici

MEDIAPART, Aliette Armel
« Je suis issu d'un peuple nomade et j'ai appris à maîtriser la culture occidentale. Je me considère donc comme un pont liant l'Est et l’Ouest.» Lire la suite ici

 

Chaman, Galsan Tschinag, Métaillié, traduit de l’allemand (Mongolie) par Isabelle Liber, mars 2012, 252 p., 20 euros

Merci à Valérie Guiter des Editions Métailié

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Lambeaux de Charles JULIET

Publié le par Hélène

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♥ ♥ ♥

 « Et tu sais qu’en dépit des souffrances, des déceptions et des drames qu’elle charrie, tu sais maintenant de toutes les fibres de ton corps combien passionnante est la vie. » (p. 155)

 

L’auteur :

 Charles Juliet est né en 1934 à Jujurieux (Ain). À trois mois, il est placé dans une famille de paysans suisses qu’il ne quittera plus. À douze ans, il entre dans une école militaire dont il ressortira à vingt, pour être admis à l’École de Santé Militaire de Lyon. Trois ans plus tard, il abandonne ses études pour se consacrer à l’écriture. Il travaille quinze ans dans la solitude avant de voir paraître son premier livre (Fragments préfacé par Georges Haldas). Il vit à Lyon.
Une nouvelle édition en format poche de L'Autre faim aux éditions POL est prévue pour décembre 2011.
En janvier 2012 paraîtra Hadewijch d'Anvers, une femme ardente, dans la collection " Sagesses " de Points.
Charles Juliet prépare pour les éditions P.O.L une anthologie de ses poèmes et le prochain tome de son Journal.

 L’histoire :

Lambeaux est un récit autobiographique dans lequel Charles Juliet évoque sa mère qu’il n’a pas connue – morte de faim après huit ans d’enfermement abusif en hôpital psychiatrique – et le rôle que, malgré cette absence, ou à cause de cette absence, elle a joué dans sa vie d’homme et dans sa formation d’écrivain.
Dans un second temps, il nous relate son parcours : la famille adoptive, l’enfance paysanne, l’école d’enfants de troupe, puis les premières tentatives d’écriture, lesquelles vont progressivement déboucher sur une toute autre aventure : celle de la quête de soi. Une descente aux enfers sera le prix à payer pour qu’un jour puisse éclore la joie grave et libératrice de la seconde naissance.
Dans cette démarche obstinée il trouve la force de se mesurer à sa mémoire pour en arracher les moments les plus enfouis, les plus secrets, et les plus vifs. L’auteur devient son propre historien et nous livre un texte « pour finir encore ». (Présentation de l’éditeur)

 Ce que j’ai aimé :

Charles Juliet nous offre le portrait émouvant d’une mère idéaliste exceptionnelle aux aspirations quasi philosophiques et qui ne peut pas se contenter d’une vie commune banale. Elle se trouve dans l’incapacité d’exprimer son mal-être et sombrera peu à peu, enfermée en elle-même.

 « Toujours en toi cette nostalgie de tu ne sais quoi, ce besoin incoercible d’une vie dégagée de toute entrave une vie libre et riche, vaste, intense, une vie où ne règneraient  que bonté, compréhension et lumière. » (p. 72)

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« T’enfuir… marcher sans fin sur les routes… aller là où tout pourrait recommencer…là où tu ne connaîtrais plus ni la peur ni l’angoisse ni la honte… là où les humains vivraient dans la concorde, n’auraient pour leurs semblables que respect, attention, bonté… là où peut-être le temps ni la mort n’existeraient plus… là où la vie ne serait que joie, bonheur, félicité… Mais  ces rêves et ces divagations sont de courte durée, car la réalité est là, que tu ne saurais oublier. Alors une lourde mélancolie s’empare de toi. Ce que tu ressens et penses est comme amorti, la vie ne te traverse plus, semble s’écouler ailleurs, et il n’est rien qui puisse te tirer de ta désespérance.» (p. 76)

 « Heures merveilleuses des voyages immobiles ! Tu lisais un poème, méditais en contemplant la reproduction d’une toile, dialoguais avec un philosophe de l’Antiquité, et le temps ainsi que tout ce qui t’enténébrait se trouvaient instantanément abolis. Tu rencontrais là ce qui en toi reposait encore dans des limbes, et tu vivais des heures exaltées à sentir que tu t’approchais de la source. Ces hommes et ces femmes dont les œuvres t’ont aidé à te mettre en ordre, dénuder ton centre, glisser parfois à la rencontre de l’impérissable, de quel profond amour tu les as aimés. » ( p. 148)

 

Il ne s’agit pas ici d’établir une véritable biographie, mais plus d’évoquer des états de conscience, de peindre la vie intérieure dense de ces femmes. Les lambeaux de pensée s’ajoutent les uns aux autres pour faire revivre ces mères essentielles. L’écriture permet d’approcher au plus près la magie de l’enfantement.

« En écrivant, se délivrer de ses entraves, et par là même, aider autrui à s’en délivrer. Parler à l’âme de certains. Consoler cet orphelin que les non-aimés, les mal-aimés, les trop-aimés portent en eux. Et en cherchant à apaiser sa détresse, peut-être adoucir d’autres détresses, d’autres solitudes. » (p. 124)

Un très bel hommage rendu à ces mères dévouées et au pouvoir rédempteur de l'écriture...

 Ce que j’ai moins aimé :

 -          Rien

 Premières phrases :

 « Tes yeux. Immenses. Ton regard doux et patient où brûle ce feu qui te consume. Où sans relâche la nuit meurtrit la lumière. Dans l’âtre, le feu qui ronfle, et toi, appuyée de l’épaule contre le manteau de la cheminée. »

 Vous aimerez aussi :

 Le livre de ma mère de Albert COHEN

 

POCHE : Lambeaux, Charles Juliet, Folio, avril 1997, 5.95 euros

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Rhinocéros de Eugène IONESCO

Publié le par Hélène

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 ♥ ♥ ♥

« Je suis le dernier homme, je le resterai jusqu’au bout ! Je ne capitule pas ! » (p.246)

 

L’auteur :

Né à Slatina (Roumanie), le 13 novembre 1909. Né d'un père roumain et d'un mère française, Eugène Ionesco passa sa petite enfance en France. Il y écrivit à onze ans ses premiers poèmes, un scénario de comédie et un « drame patriotique ». En 1925, le divorce de ses parents devait le conduire à retourner en Roumanie avec son père. Il fit là-bas des études de lettres françaises à l'université de Bucarest, participant à la vie de diverses revues avant-gardistes.
En 1938 il regagnait la France pour préparer une thèse, interrompue par le déclenchement de la guerre qui l'obligea à regagner la Roumanie. C'est en 1942 qu'il devait se fixer définitivement en France, obtenant après la guerre sa naturalisation.
En 1950, sa première œuvre dramatique, La Cantatrice chauve, sous-titrée « anti-pièce », était représentée au théâtre des Noctambules. Échec lors de sa création, cette parodie de pièce allait durablement marquer le théâtre contemporain, et faisait de Ionesco l'un des pères du « théâtre de l'absurde », une dramaturgie dans laquelle le non-sens et le grotesque recèlent une portée satirique et métaphysique, présente dans la plupart des pièces du dramaturge. Citons, entre autres, La Leçon (1950), Les Chaises (1952), Amédée ou comment s'en débarrasser (1953), L'Impromptu de l'Alma (1956), Rhinocéros (1959), dont la création par Jean-Louis Barrault à l’Odéon-Théâtre de France apporta à son auteur la véritable reconnaissance. Viendront ensuite Le Roi se meurt (1962), La Soif et la Faim (1964), Macbeth (1972).
Auteur de plusieurs ouvrages de réflexion sur le théâtre, dont le célèbre Notes et contre-notes, Eugène Ionesco connut à la fin de sa vie cette consécration d'être le premier auteur à être publié de son vivant dans la prestigieuse bibliothèque de la Pléiade.
Eugène Ionesco fut élu à l'Académie française le 22 janvier 1970, par 18 voix contre 9 à Jules Roy, au fauteuil de Jean Paulhan. Il fut reçu par le professeur Jean Delay, le 25 février 1971.
Mort le 28 mars 1994. (Source : Académie française)

 L’histoire :

 Rhinocéros est la pièce la plus riche de Ionesco. Elle ne perd rien de l'esprit d'innovation, de provocation, des premières pièces. Comme elles, celle-ci mélange les genres et les tons, le comique et le tragique. Mais l'innovation principale qui s'introduit ici est la réflexion sur l'Histoire, à travers le mythe. La pièce est une condamnation de toute dictature (en 1958, on pense au stalinisme). Ionesco condamne autant le fascisme que le communisme. C'est donc une pièce engagée : « Je ne capitule pas », s'écrie le héros.

Le rhinocéros incarne le fanatisme qui « défigure les gens, les déshumanise ». On sent l'influence de La Métamorphose de Kafka. Dans une petite ville, un rhinocéros fait irruption. Par rapport à lui, les personnages prennent diverses attitudes. Certains se transforment en rhinocéros ; un troupeau défile. Seul Bérenger résiste à la marée des bêtes féroces, symboles du totalitarisme. (Source : éditeur)

 Ce que j’ai aimé :

 Les situations du début de la pièce et les conversations sont totalement absurdes, pointant également du doigt les errements liés au langage et les quiproquos que cela peut induire. Les scènes sont alors comiques, mais annoncent en filigrane le tragique à venir.

 « JEAN : Vous rêvez debout !

BERENGER : Je suis assis.

JEAN : Assis ou debout, c’est la même chose.

BERENGER : Il y a tout de même une différence.

JEAN : Il ne s’agit pas de cela. » (p. 35)

 Le langage stéréotypé ne peut rendre fidèlement compte des pensées des personnages, piégé, il n’est souvent qu’automatisme :

 « Autre syllogisme : tous les chats sont mortels. Socrate est mortel. Donc Socrate est un chat. » (p. 46)

 Le débat qui sévit sur scène est le reflet de celui qui hante ceux qui ont connu la montée des idéologies totalitaires en Europe : confrontés à un débat idéologique grave, ils peuvent ou suivre la masse et devenir tous rhinocéros, ou résister comme Bérenger en prenant le risque d’être les seuls…

 « Peut-on savoir où s'arrête le normal, où commence l'anormal ? Vous pouvez définir ces notions, vous, normalité, anormalité ? Philosophiquement et médicalement, personne n'a pu résoudre le problème. » (p. 195)

 « Vous ne pouvez nier que le racisme est une des grandes erreurs du siècle. » (p. 95)

 L’absurde au sens large nous poussent à réfléchir sur le sens de l’existence et sur l'attitude à adopter face à l'hostilité du monde et à la mort inéluctable... Comme Bérenger, il faut apprendre à se révolter contre la rhinocérite, contre l'absurde d'une existence qui nous ailéne.

  « Sentir sa vie, sa révolte, sa liberté, et le plus possible, c'est vivre et le plus possible. Là où la lucidité règne, l'échelle des valeurs devient inutile... Le présent et la succession des présents devant une âme sans cesse consciente, c'est l'idéal de l'homme absurde » (Camus)

Ce que j’ai moins aimé :

 -          Rien

Premières répliques :

 « L’EPICIERE
Ah ! celle-là ! (A son mari qui est dans la boutique.) Ah ! celle-là, elle est fière. Elle ne veut plus acheter chez nous. »

Vous aimerez aussi :

 Du même auteur : La cantatrice chauve

Autre : En attendant Godot de Samuel BECKETT

 D’autres avis :

 Canel

 Rhinocéros, pièce en trois actes et quatre tableaux, Eugène Ionesco, Folio, 6.95 euros 

 

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Petit traité de philosophie naturelle de Kathleen DEAN MOORE

Publié le par Hélène

                        

♥ ♥ ♥ ♥

"Parfois le monde naturel vous fait un don si précieux, si merveilleux, qu'il ne vous reste plus qu'à demeurer là, en larmes." (p. 169)

 

L’auteur :

 

Kathleen Dean Moore est écrivain, philosophe et naturaliste. Elle a passé son enfance dans l’Ohio et enseigne aujourd’hui la philosophie à l’Université de l’Oregon. Elle est notamment l’auteur de deux autres livres non traduits en français : Riverwalking (1996) et The Pine Island Paradox (2004), unanimement salués par la critique et le public américain.

 

L’histoire :

 

Parcourant l’Ouest américain, des côtes sauvages de l’Oregon aux rivages de l’Alaska, les textes de ce recueil s’appuient sur l’observation de phénomènes naturels pour interroger les notions de distance et de séparation, la capacité de chacun à trouver sa place au sein de la nature et parmi ses proches.     Chacun de ces brefs et percutants récits est l’occasion d’aborder avec simplicité des sujets graves. Pourquoi et comment accepter la mort ou la souffrance, l’éloignement de ceux qu’on aime, le temps qui passe et nous fait oublier ? À quoi, en somme, se rattacher et quelle est l’essence même de notre existence ? Autant de questions auxquelles ce livre apporte des réponses. (Présentation de l'éditeur)

 

Ce que j’ai aimé :

 

-          J’ai tout aimé dans le récit de cette femme qui chante une hymne à la nature, cherchant l’accord parfait, hurlant avec les loups en pleine forêt, pêchant des huîtres avec son fils… Je ne saurais mettre des mots face à une telle densité de talent, aussi, pour une fois, vais-je laisser parler l’auteur :

 

« Nous comprenons, trop tard, que nous n’avons jamais appris à nos étudiants ce que les canards savent sans savoir. Que, comme le disait Dostoïevski, « il nous faut aimer la vie plutôt que le sens de la vie. » Il nous faut aimer la vie par-dessus tout, et de cet amour naîtra peut-être un sens. (…)

Que nous disent-ils, ces instants semblables à un prisme braqué sur l’existence, sue disent ce marais, cette humidité, ce vacarme écumant, cet assaut de volonté parmi les saules, cette scène criarde, ces couleurs, ces plumages, ces efforts, ce bruit, cette complexité, tout ce qui ne laisse ni note ni explication ?

Rien, me semble-t-il, si ce n’est qu’il faut continuer.

C’est la  leçon du marais. La vie concentre toutes ses puissances sur un seul but : continuer à exister. Un marais au crépuscule, c’est la vie qui exprime son amour de la vie. Rien de plus. Mais rien de moins, et nous serions stupides de nous dire que c’est là une leçon sans importance.» (p. 20)

 

« Donnez des racines à vos enfants, laissez-les avoir des ailes » : « Un enracinement qui tienne au fait de percevoir, de se soucier, de se remémorer, d’étreindre, de prendre plaisir à l’immensité de l’horizon, de trouver un réconfort dans l’odeur familière de la pluie. » (p. 29)

 

« Je veux qu’ils [mes enfants] évoluent dans un monde rationnel, dont l’ordonnancement est pour eux source de plaisir. Mais pour autant dans un monde improbable, aux sons barbares et aux couleurs flamboyantes, où ils auront toujours une chance de tomber sur quelque chose de rare et de splendide, quelque chose qui n’est pas dans les livres. » (p. 48)

 

« Le vie éternelle, si elle existe, ne consiste pas à prolonger indéfiniment la durée de notre existence, mais sa profondeur. (…) Je veux aller le plus loin possible dans l’instant, le plonger dans une somme confuse de détails, le brandir dans l’air humide parcouru de cris. » (p.69)

 

« Ce qu’ils veulent pour leurs enfants, c’est le saumon et le cèdre jaune, la Rivière, la Crique, et une petite ville dont les maisons de bois se dressent sur pilotis au-dessus des grands bancs de poissons. Un foyer, c’est un lieu qu’on connaît par cœur parce que, comme me l’a expliqué un adolescent, quand on ouvre la porte, « il y a une rangée de bottes et d’imperméables, une pile de bois pour la cheminée, et le petit frère qui vous guette pour vous sauter dessus. » Un lieu où les ours retournent les rochers sur la plage pour manger crabes et cottidés. Où les jardins poussent dans des caisses de lait calées au-dessus de la marée – des jonquilles, des fleurs d’ail, de la rhubarbe pour les tourtes. Où les voix des femmes hèlent les enfants de l’autre côté du dock, où le vent salé porte le rire des hommes. Où les gens gagnent leur vie sans ramasser le gros lot. Un lieu où l’on est richissime quand on a de quoi vivre. » (p. 159)

 

Ce que j’ai moins aimé :

 

- RIEN, sauf que je suis tellement fan que je me demande pourquoi les deux autres livres de l’auteure n’ont pas encore été traduits en France… Il faut absolument qu’Oliver se réveille !!!

 

Premières phrases :

 

« Dans l’océan vert aux reflets chatoyants qui borde la côte de l’Oregon, de grandes algues se tendent vers la rive à chaque marée montante et retournent vers la haute mer en tourbillonnant dès que l’eau redescend. »

 

Vous aimerez aussi :

 

Une année à la campagne de Sue HUBBELL

 

Petit traité de philosophie naturelle, Holdfast, Kathleen Dean Moore, Traduit de l’américain par Camille Fort-Cantoni, Gallmeister, Nature writing, 2006, 185 p., 18 euros

 

challenge nature writing

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