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312 résultats pour “itinéraire d'enfance

Les ignorants de Etienne DAVODEAU

Publié le par Hélène

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♥ ♥ ♥ ♥

« Le vin, c’est un truc pour se détendre, c’est un point de rencontre, un lien entre les gens ! » (p. 111)

 

L’auteur :

Je suis né en 1965 dans les Mauges ( c’est une région du Maine & Loire dont le nom viendrait étymologiquement de "MAUvaises GEns" en latin, vous voyez le tableau) . J’y ai passé une enfance formidable . Elle a principalement consisté à me balader avec mes copains dans les champs, à tirer à la fronde d’innocents moineaux puis à ricaner bêtement sur ma mobylette devant les filles.

Partie sur une courbe idéale qui faisait la fierté de mes parents, ma scolarité a reçu en pleine gueule une adolescence tourmentée. S’en est suivi un piqué en flammes assez spectaculaire. Quand je me suis réveillé au milieu des débris , ma main droite cramponnait un document noirci. Il fallait bien me rendre à l’évidence : J’avais mon bac.
À Rennes, je me suis inscrit à la fac, section Arts Plastiques pour une raison qui m’échappe encore. J’y ai étudié (un peu) et dessiné (beaucoup). Avec quelques gaillards qui nourrissaient le même intérêt que moi pour la bande dessinée, nous avons fondé le studio Psurde, modeste association qui nous permit de publier nos premiers travaux, heureusement aujourd’hui introuvables.
Qui étaient ces vaillants pionniers ? Olivier Maunaye, créateur du présent site, Fred Simon (Rails, Le Poisson clown, Popotka), Jean-Luc Simon (coloriste et dessinateur, pour qui j’ai écrit La Gagne), Joub avec qui j’anime Max & Zoé, ainsi que Christophe Hermenier et Thierry Guyader qui ont lâchement abandonné la bande dessinée pour la peinture et la presse.

Après quelques années d’études approximatives mais fort poilantes, j’ai cédé aux encouragements de la femme de ma vie et j’ai écrit le scénario de ce qui allait devenir mon premier livre. Intitulé L’homme qui n’aimait pas les arbres, il s’est niché comme il a pu dans le catalogue Dargaud en 1992. (Source : babélio)

Son blog : http://www.etiennedavodeau.com/

 

L’histoire :

Par un beau temps d’hiver, deux individus, bonnets sur la tête, sécateur en main, taillent une vigne. L’un a le geste et la parole assurés. L’autre, plus emprunté, regarde le premier, cherche à comprendre « ce qui relie ce type à sa vigne », et s’étonne de la « singulière fusion entre un individu et un morceau de rocher battu par les vents. »

Le premier est vigneron, le second auteur de bandes dessinées.

Pendant un an, Etienne Davodeau a goûté aux joies de la taille, du décavaillonnage, de la tonnellerie ou encore s’est interrogé sur la biodynamie.

Richard Leroy, de son côté, a lu des bandes dessinées choisies par Etienne, a rencontré des auteurs, s’est rendu dans des festivals, est allé chez un imprimeur, s’est penché sur la planche à dessin d’Etienne…

Etienne et Richard échangent leurs savoirs et savoir-faire, mettent en évidence les points que ces pratiques (artistiques et vigneronnes) peuvent avoie ne commun ; et ils sont plus nombreux qu’on ne pourrait l’envisager de prime abord. (Présentation de l’éditeur)

 

Ce que j’ai aimé :

« Les ignorants » : des hommes vierges de savoir dans un certain domaine, des hommes humbles  prêts à s’ouvrir à un autre monde, des hommes beaux qui vont se lancer corps et âme dans une « initiation croisée ».  Le titre et le sous-titre ont déjà une aura magique et majestueuse en eux : ils portent l’humanité comme une toile de fond de cette histoire vécue si touchante.

ignorants 2

Richard va mener Etienne dans un monde aux mots inconnus : décavaillonnage, ébourgeonnage, palissage, et Etienne va inviter Richard à découvrir son univers artistique peuplé de mots et d’images. Cet enrichissement mutuel se fait dans une tolérance exemplaire, dans la simple volonté d’accéder à la compréhension d’un monde différent du leur. Leur année commune se centre sur l’ouverture, apprentissage de la différence.

Etienne ne comprend pas toujours les logiques de la biodynamie...

 « J’ai l’impression que c’est très subjectif, la biodynamie...

- Mais TOUT est subjectif dans le vin !" (p. 91)

... comme Richard reste hermétique à l’art de Moebius. Mais il fera la rencontre des pages de Gibrat, Guibert, Mathieu, Spiegelman, et bien d’autres auteurs qui le toucheront à des degrés divers. Quant à lui Etienne rencontrera des gars qui travaillent au naturel pas au chimique, parce que «  la proximité physique et donc mentale, du vigneron avec son travail… pense à ça quand tu bois du vin. » (p. 102)

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Les ignorants est truffés de réflexions philosophiques :

« Mais bon, y’a pas de recettes… Il faut de l’attention. Ouvrir les yeux sur les choses élémentaires. » (p.229)

économiques, 

« Rester petit, c’est garder le contrôle sur la qualité de notre travail ! Refusons de croître ! » (p.158)  

réflexions artistiques comme dans ce passage magnifique dans lequel  Marc-Antoine Mathieu évoque sa relation au lecteur :

« Ce qui m’importe par-dessus-tout, c’est qu’ils [ses livres]soient cohérents avec la vision de monde que j’y développe… Ensuite y entre qui veut… »

A la fin de l'album, l’auteur nous livre la liste des vins bus et des BD lues, comme une invitation à nous initier, nous aussi, à ces autres mondes... 

Un joyau d’humanité !

 

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Les deux "ignorants" au milieu des coteaux

© Photo F.Roy - Editions Futuropolis

 

Ce que j’ai moins aimé :

-Rien ! 

 

Vous aimerez aussi :

 De Gaulle à la plage de Jean-Yves FERRI 

 

D’autres avis :

Blogs : Sylire  Aifelle Joelle - Fransoaz

Presse : Télérama Lire  

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Les ignorants, récit d’une initiation croisée,  Etienne DAVODEAU, Futuropolis, octobre 2011, 272 p., 24,9euros

BD Mango bleuTop-bd-2012

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Tours et détours de la vilaine fille de Mario VARGAS LLOSA

Publié le par Hélène

                                                  tours et détours

 ♥ ♥

  L’auteur :

 Né en 1936 au Pérou, Mario Vargas passe une partie de son enfance en Bolivie. Dès l’âge de quatorze ans, il est placé à l’Académie militaire Leoncio Prado de Lima qui lui laisse un sinistre souvenir. Parallèlement à ses études universitaires, il collabore à plusieurs revues littéraires et, lors d’un bref passage au Parti communiste, découvre l’autre visage du Pérou. En 1959, il publie un recueil de nouvelles très remarqué, Les caïds, et s’installe à Paris. Il publie de nombreux romans, couronnés par des prix littéraires prestigieux. Devenu libéral après la révolution cubaine, il fonde un mouvement de droite démocratique et se présente aux élections présidentielles de 1990, mais il est battu au second tour. Romancier, critique, essayiste lucide et polémique (L’utopie archaïque) Mario Vargas Llosa est considéré comme l’un des chefs de file de la littérature latino-américaine. Source : Gallimard

 L’histoire :

Que de tours et de malices chez cette " vilaine fille ", toujours et tant aimée par son ami Ricardo, le " bon garçon ".

Ils se rencontrent pour la première fois au début des années cinquante en pleine adolescence, dans l'un des quartiers les plus huppés de Lima, Miraflores. Joyeux, inconscients, ils font partie d'une jeunesse dorée qui se passionne pour les rythmes du mambo et ne connaît d'autre souci que les chagrins d'amour. Rien ne laissait alors deviner que celle qu'on appelait à Miraflores " la petite Chilienne " allait devenir, quelques années plus tard, une farouche guérillera dans la Cuba de Cassa, puis l'épouse d'un diplomate dans le Paris des existentialistes, ou encore une richissime aristocrate dans le swinging London.
D'une époque, d'un pays à l'autre, Ricardo la suit et la poursuit, comme le plus obscur objet de son désir. Et, bien entendu, ne la perd que pour mieux la rechercher. Mario Vargas Llosa nous offre un cadeau inattendu : une superbe tragi-comédie où éros et thanatos finissent par dessiner une autre Carte de Tendre entre Lima, Paris, Londres et Madrid. Car Tours et détours de la vilaine fille est bien cela : la géographie moderne d'un amour fou. (Présentation de l’éditeur)

 Ce que j’ai aimé :

Les aventures de cette vilaine fille prête à tout pour trouver un mari riche qui puisse lui fournir protection et argent sont divertissantes. Amoureuse du pouvoir avant tout, elle recherche les portefeuilles fournis avant le bonheur :

 « L’argent te donne de la sécurité, te défend, te permet de jouir à fond de la vie sans te soucier du lendemain. Le seul bonheur qu’on puisse toucher. » (p. 87)

Elle se lasse vite de ses maris, et repart alors en chasse d’un nouveau pigeon prêt à succomber à ses charmes. Elle s’enfuit alors, laissant sur le carreau des hommes furieux et meurtris, poursuivie par la police, ce qui l’oblige à mettre à chaque fois le pied dans un nouveau pays ou continent. Ricardo la retrouve régulièrement sur son chemin, et se laissant prendre dans ses rets, il vit à chaque fois une passion tumultueuse avec elle, jusqu’à sa prochaine fuite… Leurs périples permettent de découvrir l’atmosphère de ce début de siècle dans différents pays, en France, à Londres, à Madrid, Tokyo… Ricardo connaît ainsi des amitiés très fortes avec des personnages marquants dont l’histoire étoffe la lecture.

 Ce roman peint avec facilité la « géographie moderne d’un amour fou ».

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                     Lima, Miraflorès

 Ce que j’ai moins aimé :

Au milieu du roman, j’ai trouvé les épisodes quelque peu répétitifs, mais un rebondissement a par la suite –miraculeusement- relancé l’action.

 Les « cucuteries » du narrateur ont eu tendance à m’agacer, ce n’est pas un personnage que j’ai trouvé sympathique, sa faiblesse et son amour inconditionnel pour une femme qui s’obstine à le faire souffrir ont fini par m’exaspérer. Peut-on être à ce point être hanté par une personne, perdre sa dignité, tout lui sacrifier, sans avoir un sursaut de dignité pour s’abstraire de ce sentiment néfaste ?

 « Je ne suis ni ne serai jamais ton ami. Tu ne t'en es pas encore aperçue? Je suis ton amant, ton amoureux, quelqu'un qui depuis tout gosse est fou de sa petite Chilienne (...). Ton pitchounet qui ne vit que pour te désirer et penser à toi. À Tokyo je ne veux pas vivre de nos souvenirs. Je veux te tenir dans mes bras, t'embrasser, respirer ton odeur, te mordre, te faire l'amour ». (p. 182)

 Premières phrases :

« Ce fut un fabuleux été. Pérez Prado vint à Lima avec son orchestre de douze musiciens pour animer les bals de carnaval au Club Terrazas de Miraflores et au Lawn tenis, et un championnat national de mambo fut organisé aux arènes d’Acho, avec grand succès malgré le cardinal Juan Gualberto Guevara, archevêque de la ville, qui menaça d’excommunier tous les couples de danseurs ; et puis mes copains du quartier Alegre à Miraflores, des rues Diego Ferré, Juan Fanning et Colon, disputèrent les olympiades de football, cyclisme, athlétisme et natation contre la bande de la rue San Martin : on remporta toutes les médailles, bien sûr. »

 Vous aimerez aussi :

Du même auteur : La tante Julia et le scribouillard

 

D’autres avis :

Gangoueus  

 

Tours et détours de la vilaine fille, Mario Vargas Llosa, Gallimard, 404 p., 21 euros

POCHE : Tours et détours de la vilaine fille, Mario Vargas Llosa, Folio, 2008, 4.79 euros

  12 d'Ys

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Lambeaux de Charles JULIET

Publié le par Hélène

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♥ ♥ ♥

 « Et tu sais qu’en dépit des souffrances, des déceptions et des drames qu’elle charrie, tu sais maintenant de toutes les fibres de ton corps combien passionnante est la vie. » (p. 155)

 

L’auteur :

 Charles Juliet est né en 1934 à Jujurieux (Ain). À trois mois, il est placé dans une famille de paysans suisses qu’il ne quittera plus. À douze ans, il entre dans une école militaire dont il ressortira à vingt, pour être admis à l’École de Santé Militaire de Lyon. Trois ans plus tard, il abandonne ses études pour se consacrer à l’écriture. Il travaille quinze ans dans la solitude avant de voir paraître son premier livre (Fragments préfacé par Georges Haldas). Il vit à Lyon.
Une nouvelle édition en format poche de L'Autre faim aux éditions POL est prévue pour décembre 2011.
En janvier 2012 paraîtra Hadewijch d'Anvers, une femme ardente, dans la collection " Sagesses " de Points.
Charles Juliet prépare pour les éditions P.O.L une anthologie de ses poèmes et le prochain tome de son Journal.

 L’histoire :

Lambeaux est un récit autobiographique dans lequel Charles Juliet évoque sa mère qu’il n’a pas connue – morte de faim après huit ans d’enfermement abusif en hôpital psychiatrique – et le rôle que, malgré cette absence, ou à cause de cette absence, elle a joué dans sa vie d’homme et dans sa formation d’écrivain.
Dans un second temps, il nous relate son parcours : la famille adoptive, l’enfance paysanne, l’école d’enfants de troupe, puis les premières tentatives d’écriture, lesquelles vont progressivement déboucher sur une toute autre aventure : celle de la quête de soi. Une descente aux enfers sera le prix à payer pour qu’un jour puisse éclore la joie grave et libératrice de la seconde naissance.
Dans cette démarche obstinée il trouve la force de se mesurer à sa mémoire pour en arracher les moments les plus enfouis, les plus secrets, et les plus vifs. L’auteur devient son propre historien et nous livre un texte « pour finir encore ». (Présentation de l’éditeur)

 Ce que j’ai aimé :

Charles Juliet nous offre le portrait émouvant d’une mère idéaliste exceptionnelle aux aspirations quasi philosophiques et qui ne peut pas se contenter d’une vie commune banale. Elle se trouve dans l’incapacité d’exprimer son mal-être et sombrera peu à peu, enfermée en elle-même.

 « Toujours en toi cette nostalgie de tu ne sais quoi, ce besoin incoercible d’une vie dégagée de toute entrave une vie libre et riche, vaste, intense, une vie où ne règneraient  que bonté, compréhension et lumière. » (p. 72)

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« T’enfuir… marcher sans fin sur les routes… aller là où tout pourrait recommencer…là où tu ne connaîtrais plus ni la peur ni l’angoisse ni la honte… là où les humains vivraient dans la concorde, n’auraient pour leurs semblables que respect, attention, bonté… là où peut-être le temps ni la mort n’existeraient plus… là où la vie ne serait que joie, bonheur, félicité… Mais  ces rêves et ces divagations sont de courte durée, car la réalité est là, que tu ne saurais oublier. Alors une lourde mélancolie s’empare de toi. Ce que tu ressens et penses est comme amorti, la vie ne te traverse plus, semble s’écouler ailleurs, et il n’est rien qui puisse te tirer de ta désespérance.» (p. 76)

 « Heures merveilleuses des voyages immobiles ! Tu lisais un poème, méditais en contemplant la reproduction d’une toile, dialoguais avec un philosophe de l’Antiquité, et le temps ainsi que tout ce qui t’enténébrait se trouvaient instantanément abolis. Tu rencontrais là ce qui en toi reposait encore dans des limbes, et tu vivais des heures exaltées à sentir que tu t’approchais de la source. Ces hommes et ces femmes dont les œuvres t’ont aidé à te mettre en ordre, dénuder ton centre, glisser parfois à la rencontre de l’impérissable, de quel profond amour tu les as aimés. » ( p. 148)

 

Il ne s’agit pas ici d’établir une véritable biographie, mais plus d’évoquer des états de conscience, de peindre la vie intérieure dense de ces femmes. Les lambeaux de pensée s’ajoutent les uns aux autres pour faire revivre ces mères essentielles. L’écriture permet d’approcher au plus près la magie de l’enfantement.

« En écrivant, se délivrer de ses entraves, et par là même, aider autrui à s’en délivrer. Parler à l’âme de certains. Consoler cet orphelin que les non-aimés, les mal-aimés, les trop-aimés portent en eux. Et en cherchant à apaiser sa détresse, peut-être adoucir d’autres détresses, d’autres solitudes. » (p. 124)

Un très bel hommage rendu à ces mères dévouées et au pouvoir rédempteur de l'écriture...

 Ce que j’ai moins aimé :

 -          Rien

 Premières phrases :

 « Tes yeux. Immenses. Ton regard doux et patient où brûle ce feu qui te consume. Où sans relâche la nuit meurtrit la lumière. Dans l’âtre, le feu qui ronfle, et toi, appuyée de l’épaule contre le manteau de la cheminée. »

 Vous aimerez aussi :

 Le livre de ma mère de Albert COHEN

 

POCHE : Lambeaux, Charles Juliet, Folio, avril 1997, 5.95 euros

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Rue Darwin de Boualem SANSAL

Publié le par Hélène

                  

  ♥ ♥

« Le seul véritable inconnu, c’est soi-même. » (p. 46)

L’auteur :

 Boualem Sansal est un écrivain algérien. Boualem Sansal a une formation d'ingénieur et un doctorat d'économie.Il a été enseignant, consultant, chef d'entreprise et haut fonctionnaire au ministère de l'Industrie algérien. Il est limogé en 2003 pour ses prises de positions critiques contre le pouvoir en place particulièrement contre l'arabisation de l'enseignement.

Son ami Rachid Mimouni (1945-1995), l'encourage à écrire. Boualem Sansal publie son premier roman Le Serment des barbares en 1999 qui reçoit le prix du premier roman et le prix des Tropiques. Son livre Poste restante, une lettre ouverte à ses compatriotes, est resté censuré dans son pays. Après la sortie de ce pamphlet, il est menacé et insulté1 mais décide de rester en Algérie. Un autre de ses ouvrages, Petit éloge de la mémoire est un récit épique de l'épopée berbère. Boualem Sansal est lauréat du Grand Prix RTL-Lire 2008 pour son roman Le Village de l'Allemand sorti en janvier 2008, roman qui est censuré en Algérie. Le 9 juin 2011, il remporte le Prix de la paix des libraires allemands.

Il habite près d'Alger.

L’histoire :

 Après la mort de sa mère, Yazid, le narrateur, décide de retourner rue Darwin dans le quartier Belcourt à Alger, où il a vécu son adolescence. « Le temps de déterrer les morts et de les regarder en face » est venu.

Son passé est dominé par la figure de Lalla Sadia, dite Djéda, sa toute-puissante grand-mère adoptive, qui a fait fortune installée dans son fief villageois – fortune dont le point de départ fut le florissant bordel jouxtant la maison familiale.

Né en 1949, Yazid a été aussitôt enlevé à sa mère prostituée, elle-même expédiée à Alger. Il passe une enfance radieuse au village, dans ce phalanstère grouillant d’enfants. Mais quand il atteint ses huit ans, sa mère parvient à l’arracher à l’emprise de la grand-mère maquerelle. C’est ainsi qu’il débarque rue Darwin, dans une famille inconnue. Il fait la connaissance de sa petite sœur Souad. D’autres frères et sœurs vont arriver par la suite, qui connaîtront des destins très divers.
La guerre d’indépendance arrive, et à Alger le jeune Yazid y participe comme tant d’autres gosses, notamment en portant des messages. C’est une période tourmentée et indéchiffrable, qui va conduire ses frères et sœurs à émigrer. Ils ne pourront plus rentrer en Algérie (les garçons parce qu’ils n’ont pas fait leur service militaire, les filles parce qu’elles ont fait leurs études aux frais de l’État algérien). Le roman raconte la diaspora familiale, mais aussi l’histoire bouleversante de Daoud, un enfant de la grande maison, le préféré de Djéda, dont Yazid retrouve un jour la trace à Paris.

 

Ce que j’ai aimé :

-          Rue Darwin est le récit nostalgique d’un homme qui cherche des réponses à ses questions et décident de les résoudre maintenant qu’il n’a plus à se sacrifier pour les autres. Dans un style millimétré Boualem Sansal nous offre un texte puissant sur les origines et la vérité :

« C’est peut-être une loi essentielle de la vie qui veut que l’homme efface son histoire première et la reconstitue de mémoire comme un puzzle impossible, dans le secret, à l’aune de son expérience et après bien des questionnements et des luttes, ainsi et seulement ainsi il peut faire le procès du bien et du mal, ces forces qui le portent dans la vie sur le chemin de son origine. Vire serait donc cela, retrouver le sens premier dans l’errance et la quête… et l’espoir qu’au bout est le fameux paradis perdu, la paix simplement. » (p. 225)

-          Boualem Sansal est un écrivain censuré dans son pays pour ses opinions radicales sur l’islam et ses imams :

« La religion me paraît très dangereuse par son côté brutal, totalitaire. L'islam est devenu une loi terrifiante, qui n'édicte que des interdits, bannit le doute, et dont les zélateurs sont de plus en plus violents. Il faudrait qu'il retrouve sa spiritualité, sa force première. Il faut libérer, décoloniser, socialiser l'islam. »

« Finalement, aujourd'hui, je pense que c'est aux hommes du pouvoir de partir. On a trop cédé, il ne faut plus céder. » (Entretien avec Marianne PAYOT, l’Express, 24 août 2011)

Il évoque dans son roman ses prises de position ainsi que son rapport à la guerre :

« La guerre qui n’apporte pas une paix meilleure n’est pas une guerre, c’est une violence faite à l’humanité et à Dieu, appelée à recommencer encore et encore avec des buts plus sombres et des moyens plus lâches, ce ci pour punir ceux qui l’ont déclenchée de n’avoir pas su la conduire et la terminer comme doit s’achever une guerre : sur une paix meilleure. Aucune réconciliation, aucune repentance, aucun traité, n’y changerait rien, la finalité des guerres n’est pas de chialer en se frappant la poitrine et de se répandre en procès au pied du totem, mais de construire une paix meilleure pour tous et de la vivre ensemble. » (p. 108)

Il décrit notamment cette scène surréaliste durant laquelle Boumediene, en 1973 annonce dans un discours « plus il y a de morts, plus la victoire est belle. »  Et en déduit : « Je découvrais que les grands criminels ne se contentent pas de tuer, comme ils s’y emploient tout le long de leur règne, ils aiment aussi se donner des raisons pressantes de tuer : elles font de leurs victimes des coupables qui méritaient leur châtiment. » (p. 117)

Plus qu'un simple roman familial, Rue Darwin est un roman sur l'identité d'un être dans un monde difficilement habitable.

Ce que j’ai moins aimé :

Je ne saurais dire exactement  pourquoi je n'ai pas été emportée par ce roman, mais il m'a manqué quelque chose, peut-être tout simplement un intérêt pour le sujet évoqué, je ne sais pas, un rien sans doute, qui fait que j'ai avancé péniblement dans cette lecture et que au final je ne m'y retrouve pas.

Ce qui ne m'empêche pas d'insister sur ses qualités indéniables...

Premières phrases :

« Tout est certain dans la vie, le bien, le mal, Dieu, la mort, le temps, et tout le reste, sauf la Vérité. Maiq qu’est ce que la Vérité ? La chose au monde dont on ne doute pas, dont on ne douterait pas un instant si on la savait. Hum… Ce serait donc une chose qui s’accomplit en nous et nous accomplit en même temps ? Elle serait alors plus forte que Dieu, la mort, le bien, le mal, le temps et le reste ?... mais devenant certitude, est-elle toujours la Vérité ? N’est-elle pas alors qu’un mythe, un message indéchiffré indéchiffrable, le souvenir de quelque monde d’une vie antérieure, une voix de l’au-delà ?

C’est de cela que nous allons parler, c’est notre histoire, nous la savons sans la savoir. »

Vous aimerez aussi :

Du même auteur : Le village de l’allemand

D’autres avis :

L’express

Marianne Desroziers ; Nina

 

Rue Darwin, Boualem SANSAL, Gallimard, août 2011, 17.50 euros

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Publié dans Littérature Afrique

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L'élevage des enfants de Emmanuel PRELLE et Emmanuel VINCENOT

Publié le par Hélène

♥ ♥

Tout a commencé avec un post trouvé sur Facebook sur la méthode Montessori 

1-  Les enfants apprennent de ce qui les entoure. Les parents sont donc leur meilleur modèle. 2- Si les parents critiquent leur enfant, la première chose qu’il apprendra à faire, c’est juger. 3- Si au contraire les parents complimentent régulièrement leur bambin,il apprendra à valoriser. 4- Si les parents manifestent de l’hostilité à leur enfant, il apprendra à se battre et à se disputer. 5- Si les parents ridiculisent leur enfant de façon habituelle, il sera une personne timide. 6- Si votre enfant grandit en se sentant sûr de lui, il pourra apprendre à faire confiance aux autres. 7- Si vous méprisez fréquemment votre enfant, il développera un sentiment négatif de culpabilité. 8- Si vous montrez à votre enfant que ses idées et opinions sont toujours acceptées, il se sentira bien. 9- Si votre enfant évolue dans une atmosphère où il se sent protégé, intégré et aimé, il apprendra à trouver l’amour dans le monde. 10- Ne parlez pas mal de votre enfant. Ni en sa présence, ni même en son absence. 11- En tant que parent, valorisez ses bons côtés de telle façon qu’il n’y ait plus jamais de place pour les mauvais. 12- Ecoutez toujours votre enfant et répondez-lui à chaque fois qu’il vous posera une question ou qu’il fera un commentaire. 13- Respectez toujours votre enfant, même dans les moments où il commet des erreurs. Soutenez-le. Il réparera ses erreurs un jour ou l’autre. 14- Si votre enfant cherche quelque chose, vous devez être disposé à l’aider, tout comme vous pouvez lui permettre de trouver par lui-même ce qu’il cherche. 15- Lorsque vous vous adressez à votre enfant, offrez-lui le meilleur de vous. Source : Info Bébés 

Voilà.

J'ai échoué.

Mes enfants seront des monstres.

Ils jugeront parce que j'ai dit que la maîtresse était une vieille C... incompétente,

Ils se sentiront dévalorisés parce que j'ai crié un peu fort quand j'ai appris que 3 fois 6 égal 21 (et que j'en ai rajouté sur la maîtresse c... et incompétente), 

Ils seront timides parce que j'ai dit que Chica Vampira franchement c'était pour les pouffes sans cervelle jeunes filles de 16 ans pas de 7 ans, 

Ils se sentiront mal parce que j'ai dit que non décidemment l'idée de manger des hamburgers à tous les repas était débile, non recevable,  

Ils ne seront jamais aimés parce que je n'ai pas écouté le sempiternel pourquoi du comment de pourquoi Déborah n'a pas voulu se ranger avec moi dans le rang, 

Je n'ai pas répondu au classique "comment on fait des bébés", préférant esquiver par un "bon et sinon tu comptes vraiment devenir une pouffe sans cervelle en continuant à regarder Chica Vampira ?" 

Je n'ai pas offert le meilleur de moi, ou rarement, parce que, franchement, je le cherche encore.

Voilà. Mes enfants sont des futurs Hitler.

Heureusement pour moi, alors que j'allais m'auto-dénoncer au 119-enfance maltraitée, Emmanuel est arrivé ! Avec un mail très gentil il m'a proposé de lire son livre, il avait dû sentir mon désarroi à distance... C'est beau la solidarité des parents qui trouvent que franchement Montessori sa méthode il peut se la carrer bip bip loosers ! 

J'ai donc dévoré son petit livre "guide professionnel pour parents amateurs" hier soir, et quel plaisir de se sentir moins seuls ! 

Déjà ça commence comme ça "Vous élevez déjà un ou plusieurs enfants, et vous avez le sentiment d'être un mauvais parent ? Soyons honnêtes : c'est sans doute le cas. (...) Elever un enfant est d'ailleurs une tâche tellement compliquée que Dieu lui-même n'en a eu qu'un seul." Mais oui mais c'est bien sûr je ne suis ni Dieu ni croyante -malgré les efforts de ma belle-mère qui m'a parlé en long large travers des miracles de Fatimah (vous savez l'hallucination collective)- d'où mon échec !

Les auteurs divisent leur guide en 5 parties "L'âge adorable (0-3 ans), l'äge pénible (3-6 ans) l'âge idiot (6-10 ans) l'âge bête (11-15 ans) et l'âge insupportable (16-18 ans) et répondent ainsi à des questions passionnantes et existentielles comme "Doit-on abandonner son enfant après la naissance ?" "Vaut-il mieux faire un deuxième enfant ou adopter un chien ?" Ils vous apprennent comment faire des économies : "Faire croire à vos enfants que leur anniversaire tombe le 29 février." ou comment décrypter les bulletins scolaires de son enfant :

L'élevage des enfants de Emmanuel PRELLE et Emmanuel VINCENOT

Ils vous aident à embaucher une baby-sitter  avec des questions pertinentes comme "Avez-vous déjà été condamné pour kidnapping ?", vous indiquent comment savoir qu'on s'est fait repérer à lire le journal intime de notre fille (le jour où vous lisez cette phrase "J'ai beaucoup de respect pour mes parents qui sont de vrais modèles pour moi" passez alors au plan B : soudoyer le petit frère pour qu'il balance), comment repérer le discours hypocrite de votre fils qui demande un smartphone parce que :

L'élevage des enfants de Emmanuel PRELLE et Emmanuel VINCENOT

Ils vous aiguillent pour comment savoir si votre fils se drogue (si il rit à vos histoires drôles ou range sa chambre ce qui dénoterait d'un comportement inhabituel) (et sinon "créez un faux profil facebook. Inventez-vous un nom de rappeur (au hasard, "MC Daddy"), puis proposez de la drogue à votre enfant.")

Ils nous offrent des comparaisons intelligentes : "Le petit garçon est comme un chien : toujours obéissant, joyeux dès qu'il vous aperçoit, désespéré quand vous le laissez. L'adolescent, pour sa part, ressemble à un chat : il est ingat, hypocrite et méprisant, on ne sait jamais ce qu'il pense, il vient manger quand bon lui semble et repart on ne sait où. En revanche, le chat, lui, fait sa toilette tous les jours." 

Ils proposent même des bilans de compétence pour vous auto-évaluer et si je ne donnerai pas ici mon résultat, je suis fière quand même de vous dire que j'ai eu plus de 2 points ! 

L'élevage des enfants de Emmanuel PRELLE et Emmanuel VINCENOT

Voilà, après cette lecture, j'ai repris espoir.

Peut-être que mes enfants seront quand même des gens bien...

Merci Emmanuel. 

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Profondeurs glacées de Wilkie COLLINS

Publié le par Hélène

                                                                   

     ♥ ♥ ♥ ♥

Une plongée glaciale dans les profondeurs de l'âme humaine...

 

L’auteur :

  « Il a introduit dans l’espace romanesque les plus mystérieux des mystères : ceux qui se cachent derrière nos propres portes. » Cet éloge du grand Henry James s’adresse à William Wilkie Collins, considéré comme le précurseur du roman policier anglais et, plus largement, comme l’inventeur du thriller.

William Wilkie Collins est né à Londres en 1824. Soumis dès son enfance aux délires d’un père tyrannique (le peintre paysagiste William Collins), il se réfugie très tôt dans l’écriture, ce qui a le don d’irriter son géniteur, lequel met tout en œuvre pour tuer dans l’œuf cette « vocation absurde »¿ : on envoie le rebelle se former à la dure comme apprenti dans une fabrique de thé, puis on l’oblige à faire son droit. Même après sa mort, la figure du père continuera à tourmenter l’écrivain en exigeant par testament, et comme clause nécessaire pour hériter, qu’il lui consacre une « biographie officielle ». Ce devoir accompli en 1848, William Wilkie Collins intègre en 1852 la revue Household Words dont s’occupe Charles Dickens avec lequel il partage une passion commune pour le théâtre. Ces premières tentatives littéraires ne connaissent qu’un succès d’estime. Une nuit d’été 1855 pourtant, alors que Wilkie Collins, son frère Charles et le peintre Millais passent devant la grille d’une grande maison de Londres, une jeune femme en blanc, très belle, les supplie de lui venir en aide avant de disparaître. Fasciné, Collins mène l’enquête pour découvrir que cette femme, Caroline Graves, est séquestrée avec son bébé par un mari à demi-fou. Il la délivre et sera son amant jusqu’à sa mort. Ce qui aurait pu rester un fait divers romanesque inspire à Wilkie Collins l’intrigue de son premier chef-d’œuvre, La Dame en blanc, publié en feuilleton dans All the Year Round de novembre 1859 à octobre 1860. Le public ne s’y trompe pas : le succès est énorme et la foule s’arrache chaque livraison. Les romans qui suivront confirmeront le talent de conteur de William Wilkie Collins qui touche à la consécration avec Pierre de lune publié en 1868 et dont il se dit qu’il inspira fortement Charles Dickens pour son roman inachevé The Mystery of Edwin Drood. En proie à d’intenses souffrances nerveuses, de plus en plus dépendant de l’opium, Wilkie Collins se retire pourtant peu à peu de la scène publique et termine sa vie en reclus. Il meurt en 1889. (Source : Editeur)

 

L’histoire :

 « Deux années se sont écoulées depuis que les explorateurs partis d’Angleterre à la recherche d’un passage au nord-ouest ont dit au revoir à leur pays natal et au monde civilisé. L’entreprise a échoué. L’expédition arctique s’est perdue au milieu des glaces des mers polaires. Les excellents navires Wanderer et Sea-Mew, ensevelis dans ces vastes solitudes, ne sillonneront jamais plus les flots. »

Après un terrible hivernage au milieu de l’océan gelé, un équipage parti en 1845 et mené par Sir John Franklin est décimé par la faim et le froid. Dans cette longue nouvelle, à l’origine une pièce de théâtre écrite avec Charles Dickens, William Wilkie Collins livre le récit de ces gentlemen anglais soumis aux impératifs de la survie et révèle les profondeurs glacées de l’âme humaine. (Source : éditeur)

 

Ce que j’ai aimé :

 En quelques mots, quelques phrases, le talentueux Wilkie Collins nous emmène dans son univers : nous sommes au XIXème siècle, au bal aux côtés de la frêle Clara attirée par le beau Frank mais torturée par un malentendu passé qui risque de bouleverser son univers.

Puis quelques pages plus tard, l’auteur nous plonge dans l’univers glacial des explorations polaires avec le départ de deux navires vers le pôle Arctique, lancés à la recherche d’un passage. Le beau Franck est du voyage, aux côtés du trouble Richard. Nous tremblons de froid et de peur à l'idée de rester enserrés dans ces régions inhospitalières, à la recherche de ce passage improbable qui s'éloigne inexorablement. L'auteur s'inspire ici de l'expédition Franklin débutée en 1845 et ayant pour but de découvrir un passage est-ouest au nord du continent américain, afin de rejoindre l'océan Pacifique par de nouvelles voies, celle de l'océan Arctique (pour en savoir plus : ici)

 

                           franklin-expedition-site-4787.jpg

L’aventure est au rendez-vous, mais aussi une analyse très fine de l’âme humaine capable du meilleur comme du pire. Quel sort est réservé aux courageux explorateurs fuyant pour certains des déceptions amoureuses, ayant laissé pour d’autres leur jeune future femme à terre…

Ses personnages troubles oscillent entre aspiration au bien et tentation plus sombre, ils sont tous habités par des forces qui quelquefois les surplombent. Réussiront-ils à lutter contre leurs démons intérieurs ou sombreront-ils dans la folie et dans la mort ?

Une très belle introduction pour ceux qui ne connaissent pas encore  l'oeuvre passionnante de Wilkie Collins.

 

Ce que j’ai moins aimé :

 -          Trop court (160 pages)

 

Premières phrases :

 « Le maire de la ville et le conseil municipal donne un grand bal pour célébrer le départ de deux navires, le Wanderer et le Sea-Mew, qui vont vers le pôle Arctique chercher un passage au nord-ouest, et doivent prendre le large le lendemain, à la marée du matin. »

 

Vous aimerez aussi :

Du même auteur : Pierre de Lune

Autre : Persuasion de Jane Austen 

 

D’autres avis :

 

Cryssilda 

 

Profondeurs glacées, W. Wilkie Collins, Traduit par Camille Cendrey, Phébus libretto, avril 2008, 160 p., 8.10 euros

Publié dans Littérature Europe

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Fifty shades tome 1 Cinquante nuances de Grey de EL JAMES

Publié le par Hélène

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Le porno pour maman de l'année.

 

L’auteur :

 EL James, ancienne productrice de télévision, mariée et mère de deux enfants, vit à Londres. Depuis sa plus tendre enfance, elle rêvait d’écrire des récits dont les lecteurs tomberaient amoureux, mais avait mis ces rêves entre parenthèses pour se consacrer à sa famille et à sa carrière. Elle a enfin trouvé le courage de prendre sa plume pour rédiger son premier roman, Cinquante nuances de Grey. Elle est également l’auteur de Cinquante nuances plus sombres et de Cinquante nuances plus claires.

 

 L’histoire :

Romantique, libérateur et totalement addictif, ce roman vous obsédera, vous possédera et vous marquera à jamais.

 Lorsqu’Anastasia Steele, étudiante en littérature, interviewe le richissime jeune chef d’entreprise Christian Grey, elle le trouve très séduisant mais profondément intimidant. Convaincue que leur rencontre a été désastreuse, elle tente de l’oublier – jusqu’à ce qu’il débarque dans le magasin où elle travaille et l’invite à un rendez-vous en tête-à-tête. 
Naïve et innocente, Ana ne se reconnait pas dans son désir pour cet homme. Quand il la prévient de garder ses distances, cela ne fait que raviver son trouble. 
Mais Grey est tourmenté par des démons intérieurs, et consumé par le besoin de tout contrôler. Lorsqu’ils entament une liaison passionnée, Ana découvre ses propres désirs, ainsi que les secrets obscurs que Grey tient à dissimuler aux regards indiscrets… 

 

 Mon avis :

 Il paraît qu’il s’agit là du livre le plus vendu en 2012, ce qui souligne tout de même le désert affectif, érotique et intellectuel de certaines lectrices…

 Anastasia est une cruche jeune femme qui  n’a jamais connu l’amour le vrai celui qui fait palpiter le cœur et rend tout électrique. Oui Anastasia a 22 ans, oui Anastasia est belle et a priori intelligente parce qu’elle parle de Thomas Hardy, mais Anastasia ne connaît pas encore le grand frisson… Non Anastasia n’est pas crédible un seul instant… Mais voilà qu’un beau jour Anastasia va rencontrer son prince, beau comme un apollon avec ses chemises blanches en lin, riche, connu, influent, tout à fait aussi insipide qu’elle à la hauteur. Mais comme Anastasia est une jeune vierge effarouchée qui rougit toutes les secondes et passe son temps à chercher un élastique dans son sac en se mordillant la lèvre inférieure, elle va douter de son charme – et pourtant les autres passent leur temps à lui répéter combien elle est belle intelligente et désirable…-

 Bref l’un et l’autre vont succomber au coup de foudre après de multiples conversations passionnantes :

 « Vous êtes à Portland pour affaires ?

Je couine comme si j’avais le doigt coincé dans une porte. Merde ! Du calme Ana !

-          Je suis venu visiter le département agroalimentaire de la Washington State University, qui est situé à Vancouver. Je subventionne des recherches sur la rotation des cultures et la science des sols. 

Tu vois ? Il n’est pas du tout venu te voir, ricane ma conscience. Je rougis de la stupidité » (p. 35)

 Oui parce qu’Anastasia entend des voix, venues soit de sa conscience (qu’elle a fort faible), soit de sa « déesse intérieure », oui Anastasia est un brin schizo…

 Jusqu’ici donc, rien de révolutionnaire dans ce roman digne d’un mauvais Harlequin avec ses formules convenues : « Un courant électrique me parcourt. » (p. 51) « Je me disais que j’aimerais passe les doigts dans vos cheveux, ils doivent être tellement doux. » (p. 53) « Je voudrais détourner le regard mais je suis prise au piège, ensorcelée. » (p. 53)

 Quand le beau Grey finit par l’embrasser, la scène est tout aussi ridicule attendue :

 « Je n’ai jamais été embrassée comme ça. Ma langue caresse timidement la sienne et s’y joint pour une danse lente, érotique, un frotté-collé-serré de sensations. (…) Oh mon Dieu… Il a envie de moi. Christian Grey. Le dieu grec. Il a envie de moi, et j’ai envie de lui, ici, maintenant, dans cet ascenseur. » (p. 93)

 Mais me direz-vous : et les  scènes sado-maso ? Et je vous reconnais bien là ô lecteur avide de découvertes inédites… Mais patience...

 Après le premier baiser, tout se complique car Grey avoue à sa belle qu’il est adepte des pratiques sado-masos et il lui demande donc de signer un contrat si elle accepte de se livrer à lui, d’être sa « soumise » ouh ouh…

 Anastasia –pourvue, rappelons-le, d’un cerveau de souris- met beaucoup de temps à accepter si bien que pendant d’interminables pages elle nous abreuve de « qu’est-ce qu’il est beau- je ne peux pas faire ça- mais qu’est-ce qu’il est beau- je ne veux pas avoir mal- il est beau- je ne suis pas comme ça »

 Vous vous en doutez Madame La cruche après mouts tergiversations accepte les termes du contrat, en négociant tout de même certains points -essentiels-  comme les repas parce que quand même elle n'est pas soumise au point de se faire dicter ce qu’elle doit manger. Faut pas abuser. Et trois heures de sport au lieu de quatre par semaine quand même ! Mais comme elle explose en mille morceaux – comprenez elle jouit - à chaque fois avec son homme d’expérience, l’appel du sexe est plus fort que sa conscience et sa réflexion inexistantes… Et puis il faut dire que leur relation est tellement torride :

 « Tu veux du dessert ? pouffe-t-il.

-          Oui.

-          C’est toi que je veux comme dessert, murmure-t-il d’une voix suggestive.

-          Je ne suis pas sûre d’être assez sucrée.

-          Anastasia, tu es délicieuse, j’en sais quelque chose. » (p. 243)

 « Mais nous restons en ligne comme des adolescents : ni l’un ni l’autre ne veut raccrocher.

-          Raccroche, toi, lui dis-je.

Je le sens enfin sourire.

-          Non, toi, raccroche.

Je suis sûre qu’il sourit, maintenant.

-          Je n’ai pas envie.

-          Moi non plus. » (p. 330)

 Oui mais bon, c'est pas tout ça mais on nous a promis du sado-maso... Et là, cruelle déception, les scènes en question sont tout aussi édulcorées que le reste. Alors que la chambre des tortures semblait prometteuse  regorger de possibilité, Grey se contente de lui attacher les poignets et de lui bander les yeux en la fouettant gentiment. Et la pauvre sainte nitouche Ana se met à pleure sitôt que le petit fouet tout riquiqui l'effleure. 

 Pour résumé : un style plat, une héroïne féminine cruche au possible, un héros ridicule (il appelle Ana « Bébé », quelle sexytude…), une intrigue harlequinesque, des scènes érotiques tout aussi banales, et un soupçon de sado-masochisme trèèèèès fade. En un mot : nul.

 

Premières phrases :

« Je grimace dans le miroir, exaspérée. Ma saleté de tignasse refuse de coopérer. Merci, Katherine Kavanagh, d’être tombée malade et de m’imposer ce supplice ! Il faut que je révise, j’ai mes examens de fin d’année la semaine prochaine, et, au lieu de ça, me voilà en train d’essayer de soumettre ma crinière à coups de brosse. Je ne dois pas me coucher avec les cheveux mouillés. Je ne dois pas me coucher avec les cheveux mouillés. Tout en me répétant cette lintanie, je tente une nouvelle fois de mater la rébellion capillaire. »

 Vous aimerez aussi :

Littérature érotique 

 

D’autres avis :

L’express

 

 Cinquante nuances de Grey, EL JAMES, traduit de l’anglais par Denyse Beaulieu,  JC Lattès, octobre 2012, 551 p., 17 euros

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Rencontres régionales du Prix Goncourt des Lycéens 2016 (2)

Publié le par Hélène

Rencontres régionales du Prix Goncourt des Lycéens 2016 (2)

Pour ces premières rencontres régionales du Goncourt des Lycéens à Lille étaient présents : 

- Une classe de seconde du lycée Paul Langevin de Beauvais,

- Une classe de 1ère Bac Pro commerce du lycée polyvalent Eugène Woillez de Montreuil sur Mer

- Une classe de 1ère Bac Pro électronique du lycée polyvalent Ernest Couteaux de Saint Amand les Eaux

- Une classe de 1ère L du lycée Henri Wallon à Valenciennes

- et une 1ère S du lycée Pablo Neruda de Dieppe

La rencontre était animée d'une main de maître par le journaliste Frédéric Launay.

 

Côté auteurs le premier plateau de 14h à 15h comprenait : Metin Arditi ; Karine Tuil ; Nathacha Appanah et Régis Jauffret

Rencontres régionales du Prix Goncourt des Lycéens 2016 (2)

Voici quelques unes de questions qui leur ont été posées :

 

Régis Jauffret  parlait de son roman Cannibales paru au Seuil :

Présentation de l'éditeur : Noémie est une artiste-peintre de vingt-quatre ans. Elle vient de rompre avec un architecte de près de trente ans son aîné avec lequel elle a eu une liaison de quelques mois. Le roman débute par une lettre adressée par Noémie à la mère de cet homme : elle s’y excuse d’avoir rompu. Une correspondance s’amorce alors et s’affermit entre les deux femmes, qui finissent par nouer des liens diaboliques et projeter de se débarrasser du fils et ex-amant. Elles imaginent même de le dévorer cuit à la broche au cours d’un infernal banquet. En réalité, ce roman parle d’amour. Les deux femmes sont des amoureuses passionnées. La vieille dame a appelé son fils du nom du seul homme qu’elle ait jamais aimé, et qui est mort accidentellement avant leur mariage. Noémie, elle, est une « collectionneuse d’histoires d’amour », toujours à la recherche de l’idéal. Au fil des lettres que, de son côté, il échange avec les deux protagonistes, le fils et ex-fiancé exprime toute la passion qu’il éprouve toujours pour Noémie. Un roman d’amour épistolaire, donc, dans la plus belle tradition du genre.

Rencontres régionales du Prix Goncourt des Lycéens 2016 (2)

Pourquoi choisir deux personnages de deux générations différentes ?

Je voulais montrer que l'amour est toujours resté le même. L'amour est comme une poupée qu'on retourne. Le temps n'existe pas quand on parle de l'amour et la mort.

Avez-vous déjà envisagé de manger un être humain ?

Non ! C'est intéressant sur le plan symbolique. Dans le roman, cela fait partie des choses qui unissent les deux femmes, il s'agit d'un fantasme commun qui les réunit.

Pourquoi choisir une forme épistolaire ?

L'une des portes vers l'écriture est cette forme épistolaire. Tout le monde écrit, qu'il s'agisse de lettres ou de mails. Il s'agit de la forme première des choses, la lettre est comme un monologue dans lequel on laisse entrer les gens. 

D'où vous est venue l'inspiraion ?

La rupture est une expérience que tout le monde connait ou a connu. On ne réfléchit à l'amour que quand il est déjà parti.

 

Nathacha Appanah pour Tropique de la violence chez Gallimard 

Présenation de l'éditeur : «Ne t’endors pas, ne te repose pas, ne ferme pas les yeux, ce n’est pas terminé. Ils te cherchent. Tu entends ce bruit, on dirait le roulement des barriques vides, on dirait le tonnerre en janvier mais tu te trompes si tu crois que c’est ça. Écoute mon pays qui gronde, écoute la colère qui rampe et qui rappe jusqu’à nous. Tu entends cette musique, tu sens la braise contre ton visage balafré? Ils viennent pour toi.» Tropique de la violence est une plongée dans l’enfer d’une jeunesse livrée à elle-même sur l’île française de Mayotte, dans l’océan Indien. Dans ce pays magnifique, sauvage et au bord du chaos, cinq destins vont se croiser et nous révéler la violence de leur quotidien.

Quel était le but du roman ?

Je voulais sans doute montrer comment sur une île perdue et abandonnée il peut se dérouler une humanité et une inhumanité terrible.

Croyez-vous en la vie après la mort ?

Non. Mais à Mayotte la mort fait partie de la vie. La mort n'est pas une fin. Les morts ont plus de vérité que les vivants, ils ne peuvent pas mentir.

Rencontres régionales du Prix Goncourt des Lycéens 2016 (2)

Metin Arditi pour L'enfant qui mesurait le monde chez Grasset 

Présentation de l'éditeur : À Kalamaki, île grecque dévastée par la crise, trois personnages vivent l’un près de l’autre, chacun perdu au fond de sa solitude. Le petit Yannis, muré dans son silence, mesure mille choses, compare les chiffres à ceux de la veille et calcule l’ordre du monde. Maraki, sa mère, se lève aux aurores et gagne sa vie en pêchant à la palangre. Eliot, architecte retraité qui a perdu sa fille, poursuit l’étude qu’elle avait entreprise, parcourt la Grèce à la recherche du Nombre d’Or, raconte à Yannis les grands mythes de l’Antiquité, la vie des dieux, leurs passions et leurs forfaits... Un projet d’hôtel va mettre la population en émoi. Ne vaudrait-il pas mieux construire une école, sorte de phalanstère qui réunirait de brillants sujets et les préparerait à diriger le monde ?
Lequel des deux projets l’emportera ? Alors que l’île s’interroge sur le choix à faire, d’autres rapports se dessinent entre ces trois personnages, grâce à l’amitié bouleversante qui s’installe entre l’enfant autiste et l’homme vieillissant.

Pourquoi ce titre ?

C'est un titre qui s'est imposé. Pourtant au début Yannis n'appartenait pas au roman, je voulais juste un combat Périclès / Palace puis l'enfant a pris toute la place. L'angoisse de cet enfant est que le monde change, il a donc besoin de trouver des choses immuables, des mesures qui le rassurent sur la stabilité du monde.

Où avez-vous eu les informations sur l'autisme ?

J'ai consulté les dirigeants d'un centre de recherche d'une fondation à Genève qui a pignon sur rue sur l'autisme. Puis j'ai assisté à des réunions de thérapeutes. J'ai alors eu la sensibilité à ce qu'est le trouble autistique alors qu'avant, je n'avais pas de connaissances sur cette maladie. Il est d'ailleurs précisé sur la quatrième de couverture que je suis président de la fondation Pôle Autisme mais cela ne s'est fait qu'après le roman, c'est un des miracles de l'écriture !

 

Karine Tuil pour L'insouciance chez Gallimard :

Présentation de l'éditeur : De retour d’Afghanistan où il a perdu plusieurs de ses hommes, le lieutenant Romain Roller est dévasté. Au cours du séjour de décompression organisé par l’armée à Chypre, il a une liaison avec la jeune journaliste et écrivain Marion Decker. Dès le lendemain, il apprend qu’elle est mariée à François Vély, un charismatique entrepreneur franco-américain, fils d’un ancien ministre et résistant juif. En France, Marion et Romain se revoient et vivent en secret une grande passion amoureuse. Mais François est accusé de racisme après avoir posé pour un magazine, assis sur une œuvre d’art représentant une femme noire. À la veille d’une importante fusion avec une société américaine, son empire est menacé. Un ami d’enfance de Romain, Osman Diboula, fils d’immigrés ivoiriens devenu au lendemain des émeutes de 2005 une personnalité politique montante, prend alors publiquement la défense de l’homme d’affaires, entraînant malgré lui tous les protagonistes dans une épopée puissante qui révèle la violence du monde.

Pourquoi choisir des personnages de banlieue ?

Tout d'abord pour des raisons personnelles, je viens moi-même de la banlieue, et j'ai toujours été fascinée par les contrastes des mondes et la cohabitation de ces mondes là. Je trouvais intéressant aussi la question de la violence sociale notamment de la question de la place sociale, de l'espace géographique avec ces enclaves ces banlieue. Enfin je voulais m'interroger sur la question du déterminisme et de la difficulté à trouver sa place dans la société.

Le World Trade Center est mentionné dans l'incipit mais il n'en est plus question par la suite. Pourquoi ?

La chute des tours est le point de départ de tout ce qui est décrit dans le livre : la guerre en Afghanistan et en Irak. Ce petit chapitre parle aussi de la question des choix que l'on fait dans la vie et des répercussions que ces choix ont. La question de la date de l'évènement politique a une incidence dont on subit encore aujourd'hui les effets.

 

Rencontres régionales du Prix Goncourt des Lycéens 2016 (2)

Questions posées à tous : 

Y a-t-il eu des personnages plus difficiles que d'autres à imaginer ? 

Pour Metin Arditi : si l'on considère que le critère est l'écoute nécessaire pour que le personnage se dévoile, je dirais Yannis.

Pour Karine Tuil : les soldats. Pour une question de probité intellectuelle

Pour Régis Jauffret : Geoffrey car les hommes sont moins romanesques que les femmes. Les femmes portent plus à l'imaginaire, alors que l'image des hommes n'est pas flatteuse. 

Pour Nathacha la difficulté a été non pas un personnage humain mais le pays lui-même, Mayotte. C'est pourtant un personnage à part entière, qui est là tout le temps. 

 

Quelle vision de la jeunesse avez-vous ?

Pour Régis Jauffret la jeunesse est une notion de consommation, un slogan publicitaire. On loue la jeunesse quand ce sont les vieux qui tiennent les commandes. On flatte les jeunes mais on le leur donne rien de particulier.

Pour Karine Tuil c'est une notion qui reste vague. La jeunesse inclut des gens très différents : on peut être âgé et très jeune aussi dans son esprit.

Metin Arditi associe à la jeunesse l'inconscience du risque, un élément essentiel de la vie. Il n'y a pas d'acte artistique sans risque, pas de vie sans risque, et pas de vie réussie sans risques. Ce qui me désole c'est la perte du goût du risque que j'observe autour de moi. Une des choses dont je suis le plus heureux est mon goût du risque qui a été une fonction croissante de l'âge. 

Nathacha : la vision de la jeunesse est différente en fonction des pays, de la situation sociale, de l'éducation. Le point commun serait peut-être cette envie de donner des coups de pied dans la fourmilière.

 

A lire également :

- Rencontres régionales du Goncourt des lycéens 1er épisode

- Mon avis sur Tropique de la violence

- Mon avis sur  L'enfant qui mesurait le monde

Prochainement :

- Le compte rendu du deuxième plateau avec Jean-Baptiste Del Amo, Gaël Faye, Leïla Slimani et Romain Slocombe

- Les impressions post-rencontre des lycéens, des enseignants et des auteurs.

- Mon avis sur Cannibales de Régis Jauffret

- Mon avis sur Chanson Douce de Leïla Slimani

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L’élimination de Rithy PANH avec Christophe BATAILLE

Publié le par Hélène

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♥ ♥ ♥ ♥

"Si vous voulez mon silence, il faudra me tuer" (p 94)


Les auteurs :

Toute la vie et l'œuvre de Rithy Panh sont profondément marquées par le génocide perpétué au Cambodge par les Khmers rouges entre 1975 et 1979. Lorsque le mouvement communiste arrive au pouvoir, le jeune Rithy n'a que treize ans. Expulsé de Phnom Penh, sa ville natale, il s'enfuit en Thaïlande en 1979 avant de rejoindre la France l'année suivante. Il s'inscrit alors à l'Institut des hautes études cinématographiques et en sort diplômé en 1985. Le jeune réalisateur se spécialise dès lors dans le documentaire. Dans 'Les Gens de la rizière', Panh décrit les horreurs observées dans son pays. Le film est présenté en compétition officielle à Cannes en 1994. Suivra quatre ans plus tard 'Un soir après la guerre', retenu pour la section Un Certain Regard. Mais c'est surtout le documentaire 'S21, La Machine khmere rouge' qui le révèle à l'international. Dans ce nouveau long-métrage, Rithy Panh confronte les trois rescapés de la base S21 - où 17.000 Cambodgiens ont été torturés et exécutés - à leurs anciens bourreaux. Présenté dans de nombreux festivals, 'S21' est notamment primé à Cannes en 2003. En 2005, le cinéaste franco-cambodgien est de retour sur la Croisette. Il y présente hors compétition 'Les Artistes du théâtre brûlé'. Même sort pour 'Le Maître des forges de l'enfer' en 2011. Toujours centré sur le travail de mémoire, Panh transpose cette fois-ci sur écran son regard sur le procès de Duch, directeur de la prison de Tuol Sleng sous la dictature des Khmers rouges. Quatre ans plus tôt, il se concentrait sur le sort des femmes prostituées au Cambodge dans 'Le Papier ne peut pas envelopper la braise'. Également acteur, on le retrouve en 2004 dans 'Holy Lola' de Bertrand Tavernier dans le rôle de Monsieur Khieu aux côtés d'Isabelle Carré et de Jacques Gamblin. En 2012 il écrit avec Christophe Bataille L' Elimination qui reçoit le prix France Television et le prix Aujourd' hui. (source : Evene)

 Christophe Bataille  Déçu par les études, c'est un peu par ennui que Christophe Bataille commence à écrire à 17 ans, et se distingue comme le plus jeune écrivain au Goncourt des lycéens. Editeur chez Grasset depuis 1995, il est l'auteur de plusieurs romans à succès : 'Annam' (1993) - qui lui vaut le Prix du Premier Roman et le Prix des Deux Magots - 'Absinthe' - Prix de la Vocation - 'Le Maître des heures' (1997) ou encore 'Vive l'enfer' (1999). 'Quartier général du bruit', roman paru en 2006, raconte, dans l'éclatement chronologique et l'explosion des mots, l'histoire de Bernard Grasset, rival de Gaston Gallimard dans les années 1930. Les fictions de Christophe Bataille sont d'une écriture ciselée mais sans artifices. Christophe Bataille imprime à la langue sa touche très personnelle et construit des réalités originales, écrites avec une passion qui se transmet à la lecture. Il écrit en 2012 avec Rithy Pan L' Elimination qui reçoit le prix France Télévision et le prix Aujourd' hui. (Source Evene)

L’histoire :

  "A douze ans, je perds toute ma famille en quelques semaines. Mon grand frère, parti seul à pied vers notre maison de Phnom Penh. Mon beau-frère médecin, exécuté au bord de la route. Mon père, qui décide de ne plus s'alimenter. Ma mère, qui s'allonge à l'hôpital de Mong, dans le lit où vient de mourir une de ses filles. Mes nièces et mes neveux. Tous emportés par la cruauté et la folie khmère rouge. J'étais sans famille. J'étais sans nom. J'étais sans visage. Ainsi je suis resté vivant, car je n'étais plus rien."

Trente ans après la fin du régime de Pol Pot, qui fit 1.7 millions de morts, l'enfant est devenu un cinéaste réputé. Il décide de questionner un des grands responsables de ce génocide : Duch, qui n'est ni un homme banal ni un démon, mais un organisateur éduqué, un bourreau qui parle, oublie, ment, explique, travaille sa légende.

L'élimination est le récit de cette confrontation hors du commun. Un grand livre sur notre histoire, sur la question du mal, dans la lignée de Si c'est un homme de Primo Levi, et de La nuit d'Elie Wiesel. (Quatrième de couverture)

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Victimes du S 21

Mon avis :

L'élimination est un récit qui prend à la gorge son lecteur. Les mots serrent son cou et son esprit pour ne plus le lâcher, pour que lui aussi manque de souffle devant tant d’ignominies, pour que lui aussi s’interroge sur ce que signifie « être humain », pour que lui aussi vive les horreurs perpétrées par les régimes totalitaires et étouffe, pour qu’il connaisse les ravages inhérents, pour qu’enfin lui aussi souhaite crier sa révolte…

L'auteur n'aborde pas le sujet de front, il suit les circonvolutions de son esprit qui semble vouloir fuir les scènes de son passé trop insoutenables. Et pourtant, il faut en parler, il faut les évoquer, les partager, pour surtout, surtout, ne pas oublier, surtout se souvenir que l'inhumain existe et que ce n'est pas et ne sera jamais "un détail de l'histoire". La souffrance est nécessaire, Rithy Panh veut se souvenir de son adolescence sous le régime de Pol Pot, de son père qui a refusé les compromissions en refusant de s’alimenter, de sa mère morte dans un hôpital sordide, de son neveu, mort de faim « Je ne souhaite à personne de voir ce que j’ai vu : un enfant qu’on ne peut plus retenir dans la vie. » (p. 195),  de sa sœur malade, de tous ceux qu’il a aimés, chéris, tués par et pour un système inhumain, errant dans le royaume des morts sans sépulture. Ce livre est comme une stèle sur laquelle se recueillir :

« Mais il y a une autre stèle : le travail de recherche de compréhension, d’explication, qui n’est pas une passion triste : il lutte contre l’élimination. Bien sûr, ce travail n’exhume pas les cadavres. Il ne cherche pas la mauvaise terre ou la cendre. Bien sûr, ce travail ne nous repose pas. Ne nous adoucit pas. Mais il nous rend l’humanité, l’intelligence, l’histoire. Parfois la noblesse. Il nous faits vivants. » (p. 205)

Lors de leurs entretiens Duch minimise l’horreur, il est un homme qui a baissé les yeux pour ne pas voir, un homme capable d’oublier, un bourreau sanguinaire incompréhensible.

« Bien sûr, on peut détourner le regard. Perdre son objet. Le laisser s’écarter, flotter, disparaître – un simple mouvement des yeux suffit. Bien sûr, on peut ne pas regarder un pays ; ne pas savoir où il se trouve ; soupirer à l’évocation répétitive d’un nom malheureux. On peut même décider que ce qui a eu lieu est incompréhensible et inhumain. (…) Eh bien c’est fait (…) Je ne vois plus cet Occidental qu’on enserre dans cinq pneus, et qu’on enflamme vivant au milieu de la rue, à côté de S21. (…) Je ne vois plus ce nourrisson lancé contre un arbre. Je ne vois plus. Je ne vois plus. » (p. 99)

Rithy Panh ne peut pas occulter ces années, il ne veut pas oublier ces 1.7 millions de morts…

« Etre un héros me semble facile : sauter sur une mine ; mourir pour sa cause ; c’est un état de guerre. Mais être un homme ; chercher la liberté et la justice ; ne jamais abdiquer sa conscience : c’est un combat. » (p. 95)

Une claque pour se souvenir, un texte nécessaire.

      Premières phrases :

« Kaing Guek Eav, dit Duch, fut le responsable du centre de torture et d’exécution S21, dans Phnom Penh, de 1975 à 1979. Il explique avoir choisi ce nom de guérilla en souvenir d’un livre de son enfance, où le petit Duch était un enfant sage. »

 

 Vous aimerez aussi :

Si c’est un homme de Primo LEVI

 

  D’autres avis :

Presse : L’express Télérama 

Blogs : Caro CanelJostein, Mimi, Clara, Constance ;

grand prix lectrices de elle

ChallengeDragonFeu 

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La promesse de l’aube de Romain GARY

Publié le par Hélène

promesse de l'aube

♥ ♥ ♥

 « Je prenais encore la vie pour un genre littéraire ; » (p. 352)

 

L’auteur :

Romain Gary, de son vrai nom Roman Kacew est un romancier français originaire de Pologne septentrionale, unique double lauréat du Prix Goncourt.

Roman Kacew est le fils de Arieh Leib Kacew et de Mina Owczynska. Kacew est le deuxième époux de la mère de Gary. Gary est élevé par sa mère après le départ de son père du foyer conjugal lorsqu'il était enfant. Gary était juif par ses deux parents.

Après la séparation des parents, Gary arrive avec sa mère en France, à Nice, à l'âge de 14 ans. Il étudie le droit à Paris. Naturalisé français en 1935, il est appelé au service militaire pour servir dans l'aviation où il est incorporé en 1938.

Engagé dans les Forces Aériennes Françaises Libres, durant la Seconde Guerre mondiale, Roman prend le pseudonyme de Gary comme nom de résistant. Décoré commandeur de la Légion d'honneur à la fin de la guerre, il embrasse la carrière diplomatique en 1945. Cette même année, paraît son premier roman L'Education européenne. Pendant sa carrière diplomatique, il écrit de nombreuses œuvres, dont le roman Les racines du ciel, pour lequel il reçoit le Prix Goncourt en 1956. Il quitte le Quai d'Orsay en 1961, après avoir représenté la France en Bulgarie, en Suisse, en Bolivie, aux Etats-Unis.

Désireux de surprendre et se renouveler, Romain Gary utilise, tôt dans sa carrière littéraire, des pseudonymes. Ainsi, publie-t-il L'Homme à la colombe, sous le nom de Fosco Sinibaldi, en 1958. Dans les années 1970, il utilise à la fois les noms de Romain Gary, de Shatan Bogat et d'Emile Ajar.

Las d'être la cible de critiques le considérant réactionnaire, du fait de son passé de diplomate gaulliste, il invente une écriture vive et drôle, à rattacher au courant post-moderniste, sous le nom de plume d'Emile Ajar. Son cousin Paul Pawlovic prête corps à cette allégorie et, en 1975, reçoit le Prix Goncourt pour La Vie devant soi. La supercherie est révélée par Romain Gary dans son œuvre posthume Vie et mort d'Emile Ajar.

Époux de l'actrice Jean Seberg de 1963 à 1970, Romain Gary est aussi lié au cinéma pour la réalisation de deux films Les Oiseaux vont mourir au Pérou (1968) et Kill (1971) ainsi que par des adaptations de ses œuvres, telles que Clair de femme (Costa-Gavras) ou La Vie devant soi (Moshé Mizrahi).

Un peu plus d'un an après le suicide de Jean Seberg (30/08/1979), il se donne la mort 108 rue du Bac. (Source : Babélio)

 

romain-gary.jpg

 

L’histoire :

 Ce récit coïncide sur bien des points avec ce que l'on sait de l'auteur des Racines du ciel, et Romain Gary s'est expliqué là-dessus : " Ce livre est d'inspiration autobiographique, mais ce n'est pas une autobiographie. Mon métier d'orfèvre, mon souci de l'an s'est à chaque instant glissé entre l'événement et son expression littéraire, entre la réalité et l'oeuvre qui s'en réclamait. Sous la plume, sous le pinceau, sous le burin, toute vérité se réduit seulement à une vérité artistique. "

Le narrateur raconte son enfance en Russie, en Pologne puis à Nice, le luxe et la pauvreté qu'il a connus tour à tour, son dur apprentissage d'aviateur, ses aventures de guerre en France, en Angleterre, en Ethiopie, en Syrie, en Afrique Equatoriale, il nous raconte surtout le grand amour que fut sa vie. Cette " promesse de l'aube " que l'auteur a choisie pour titre est une promesse dans les deux sens du mot : promesse que fait la vie au narrateur à travers une mère passionnée ; promesse qu'il fait tacitement à cette mère d'accomplir tout ce qu'elle attend de lui dans l'ordre de l'héroïsme et de la réalisation de soi-même.
Le caractère de cette Russe chimérique, idéaliste, éprise de la France, mélange pittoresque de courage et d'étourderie, d'énergie indomptable et de légèreté, de sens des affaires et de crédulité, prend un relief extraordinaire. La suprême preuve d'amour qu'elle donne à son fils est à la hauteur de son coeur démesuré.

Mais les enfants élevés par ces mères trop ferventes restent toujours, dit l'auteur, " frileux " de coeur et d'âme, et chargés d'une dette écrasante qu'ils se sentent incapables d'acquitter. Rarement la piété filiale s'est exprimée avec plus de tendresse, de sensibilité, et cependant avec plus de clairvoyance et d'humour. Et rarement un homme a lutté avec plus d'acharnement pour démontrer " l'honorabilité du monde ", pour " tendre la main vers le voile qui obscurcissait l'univers et découvrir soudain un visage de sagesse et de pitié ". (Quatrième de couverture)

 

Ce que j’ai aimé :

 Dans ce roman magnifique, Romain Gary rend un hommage troublant à sa mère  qui nourrissait de hauts espoirs pour lui et qu’il n’a jamais voulu décevoir. Elle l’a porté vers ce qu’il est devenu avec un dévouement et un amour inconditionnel, unique.

 « [...] Il n'est pas bon d'être tellement aimé, si jeune, si tôt. Ca vous donne de mauvaises habitudes

.romain-gary-promesse-aube.jpg On croit que c'est arrivé. On croit que ça existe ailleurs, que ça peut se retrouver. On compte là-dessus. On regarde, on espère, on attend. Avec l’amour maternel, la vie vous fait à l’aube une promesse qu’elle ne tient jamais. On est obligé ensuite de manger froid jusqu’à la fin de ses jours. Après cela, chaque fois qu’une femme vous prend dans ses bras et vous serre sur son cœur, ce ne sont plus que des condoléances. On revient toujours gueuler sur la tombe de sa mère comme un chien abandonné. Jamais plus, jamais plus, jamais plus. Des bras adorables se referment autour de votre cou et des lèvres très douces vous parlent d’amour mais vous êtes au courant. Vous êtes passé à la source très tôt et vous avez tout bu. Lorsque la soif vous reprend vous avez beau vous jeter de tous côtés, il n’y a plus de puits, il n’y a que des mirages. Vous avez fait, dès la première lueur de l’aube, une étude très serrée de l’amour et vous avez sur vous de la documentation. Partout où vous allez, vous portez en vous le poison des comparaisons et vous passez votre temps à attendre ce que vous avez déjà reçu. Je ne dis pas qu’il faille empêcher les mères d’aimer leurs petits. Je dis simplement qu’il vaut mieux que les mères aient encore quelqu’un d’autre à aimer. » (p. 38)

 Cette mère entière et passionnée lui a aussi communiqué une vision du monde idéalisée, difficile ensuite à  mettre en adéquation avec une réalité bien moins parfaite…

 « (…) elle continua d’évoquer, avec le même sourire confiant, ce pays merveilleux qu’elle avait apporté avec elle dans son baluchon ; quant à moi, élevé dans ce musée imaginaire de toutes les noblesses et de toutes les vertus, mais n’ayant pas le don extraordinaire de ma mère de ne voir partout que les couleurs de son propre cœur, je passai d’abord mon temps à regarder autour de moi avec stupeur et à me frotter les yeux, et ensuite, l’âge d’homme venu, à livrer à la réalité un combat homérique et désespéré, pour redresser le monde et le faire coïncider avec le rêve naïf qui habitait celle que j’aimais si tendrement. 

Oui, ma mère avait du talent – et je ne m’en suis jamais remis. » (p. 45)

 Pour panser ces blessures encore bien prégnantes dans le cœur de l’auteur, il utilise un humour dévastateur pour désarmer la réalité. Ainsi, il raconte ses exploits amoureux avec décalage et bonhomie, comme cette fois où il est allé jusqu’à manger un soulier en caoutchouc pour sa bien-aimée, puis « un éventail japonais, dix mètres de fil de coton, un kilo de noyaux de cerises – Valentine me mâchait, pour ainsi dire, la besogne, en mangeant la chair et en me tendant les noyaux – et trois poissons rouges, que nous étions allés pêcher dans l’aquarium de son professeur De musique. » (p. 85)

 Il explique combien l’humour est salvateur pour lui :

  « Attaqué par le réel sur tous les fronts, refoulé de toutes parts, me heurtant partout à mes limites, je pris l’habitude de me réfugier dans un monde imaginaire et à y vivre, à travers les personnages que j’inventais, une vie pleine de sens, de justice et de compassion. Instinctivement, sans influence littéraire particulière, je découvris l’humour, cette façon habile et entièrement satisfaisante de désamorcer le réel au moment même où il va vous tomber dessus. (…) L’humour est une déclaration de dignité, une affirmation de la supériorité de l’homme sur ce qui lui arrive. » (p.160)

 Ce roman magnifique est un chant d’amour touchant et profond en souvenir de cette mère entière, passionnée par son fils, dévouée entièrement à son bonheur, cette femme unique qui a permis à Romain Gary de devenir celui qu’il est encore aujourd’hui, au-delà du temps et de la mort, un auteur classique incontournable…

 « La création littéraire  devînt pour moi ce qu’elle est toujours, à ses grand moments d’authenticité, une feinte pour tenter d’échapper à l’intolérable, une façon de rendre l’âme pour demeurer vivant. » (p.175)

 

Ce que j’ai moins aimé :

 Les années de guerre se font plus longues : le récit se fait plus dense, plus long, plus ennuyeux, moins humoristique.

 

Premières phrases :

 « C’est fini. La plage de Big Sur est vide, et je demeure couché sur le sable, à l’endroit même où je suis tombé. La brume marine adoucit les choses ; à l’horizon, pas un mât ; sur un rocher, devant moi, des milliers d’oiseaux ; sur un autre, une famille de phoques : le père émerge inlassablement des flots, un poisson dans le gueule, luisant et dévoué. »

 

Vous aimerez aussi :

 Du même auteur : Une éducation européenne

Autre : Le livre de ma mère de Albert COHEN

 

 

 D’autres avis :

 Blogs : Théoma  Zarline, A girl from earth, Alex, Maggie, Sylvie, Luocine... 

 

La promesse de l’aube, Romain GARY, folio, avril 1973, 7.50 euros

 

12 d'Ys 

  catégorie : Classiques français

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