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litterature asie

Hiver à Sokcho de Elisa SHUA DUSAPIN

Publié le par Hélène

 ♥ ♥

Prix Robert Walser 2017

A Sokcho, petite ville de Corée du sud, une jeune franco-coréenne, s'occupe du ménage, de la cuisine, de la lessive et de l'accueil dans la pension du vieux Park. Sa mère est une coréenne qui travaille au marché aux poissons et elle n'a jamais connu son père, un français de passage. La jeune fille regarde défiler les locataires et accueille ainsi un nouvel arrivant, un jeune dessinateur de bandes dessinées venu tout droit de France. En demandant à la jeune femme de lui faire découvrir le pays, il vient rompre la routine des jours qui s'étirent sans fin dans la petite ville portuaire.

Par touches subtiles, l'auteure donne à voir un paysage hivernal qui gagne peu à peu les corps et les âmes. La ville portuaire désertée à cette période de l'année est comme le reflet de leurs âmes.

"Suintant l'hiver et le poisson, Sokcho attendait.

Sokcho ne faisait qu'attendre. Les touristes, les bateaux, les hommes, le retour du printemps."

La jeune fille et le dessinateur arpentent la ville, visitent mais laissent planer un malaise entre eux, dans cette atmosphère comme suspendue, un malaise qui ne trouve pas à s'exprimer. De plus, dans cette Corée du Sud toute proche de sa consoeur, le conflit entre les deux pays couve insidueusement sous le patin des jours.

"Les plages ici attendent la fin d'une guerre qui dure depuis tellement longtemps qu'on finit par croire qu'elle n'est plus là, alors on construit des hôtels, on met des guirlandes mais tout est faux, c'est comme une corde qui s'effile entre deux falaises, on y marche en funambules sans jamais savoir quand elle se brisera, on vit dans un entre-deux, et cet hiver qui n'en finit pas !"

Leur personnalité, leur histoire, leur passé, s'exprime alors autrement, par les dessins pour lui, par la cuisine pour elle. Cette rencontre ressemble à une bulle de douceur, les êtres s'observent, se comprennent, se découvrent, se frôlent ...

Puis la vie reprend son cours, titubant vers l'infini...

 

Présentation de l'éditeur : Editions Zoé

Vous aimerez aussi : Les années douces de Hiromi Kawakami

D'autres avis : Jérôme ; Kathel ; Aifelle ; Eimelle ; Clara ; Moka ; Noukette

 

Hiver à Sokcho, Elisa Shua Dusapin, Zoé éditions, août 2016, 144 p., 15.50 euros

 

Ma première participation pour Un mois un Editeur

 

Publié dans Littérature Asie

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La vie du bon côté de HADA Keisuke

Publié le par Hélène

♥ ♥

A vingt-huit ans, Kento vit chez sa mère avec son grand-père. Il a démissionné de son dernier emploi et erre dans la maison, désoeuvré, tout comme son grand -père. Ce dernier se plaint sans cesse, son leitmotiv se résumant à "Je ferai mieux de mourir". Lassé, et par esprit de bienveillance, Kento décide de l'aider à mourir en limitant ses efforts pour l'affaiblir. C'est en s'intéressant à cet être sur la pente descendante que Kento trouvera lui-même le courage de remonter la pente et de se prendre en mains.

"Malgré tout, ce moment quotidien de la journée qu'il consacrait à son grand-père était davantage une source de sérénité que de stress. Il avait beau échouer à ses entretiens d'embauche et ne pas avoir un sou, il se sentait valorisé. Il dormait sur ses deux oreilles, était capable de marcher, de courir même, et de porter des charges lourdes ; quand il tombait malade il guérissait vite. il avait une belle peau aussi. Côtoyer son grand-père lui avait permis de prendre conscience de tout cela."

Si le vieillissement de la population est une tendance mondiale, le Japon est détenteur de la plus longue longévité des pays membres de l'OMS. A travers cette relation particulière qui s'établit entre ce grand-père et son petit-fils, l'auteur s'interroge sur ces questions inhérentes à sa société.  Comment gérer cette longévité, aussi bien personnellement qu'économiquement parlant ? Les systèmes mis en place ne sont pas nécessairement appropriés, certains établissement bafouant allègrement la dignité des personnes âgées.

Mais en faisant le choix de suivre la trajectoire d'un jeune homme et d'un vieillard, l'auteur rappelle aussi que la dignité humaine n'a pas d'âge et que, quelque soit sa situation, l'être humain est responsable de ce qu'il est.

Ce que j'ai moins aimé : un peu répétitif, l'ensemble manque de peps.

 

Présentation de l'éditeur : Picquier

D'autres avis : Jérôme ; Virginie

 

La vie du bon côté, Hada Keisuke, roman traduit du japonais par Myriam Dartois-Ako, 2017, 148 p., 16.50 euros

 

Merci à l'éditeur.

Publié dans Littérature Asie

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Le monde des hommes - Buru Quartet 1 de Pramoedya Ananta Toer

Publié le par Hélène

"Mourir sans avoir donné un sens à sa vie, c'était avoir vécu en vain. Mon esprit et mon corps étaient le seul fondement que je possédais où ancrer ma vie." p. 264

Minke est un jeune journaliste brillant, javanais, il est idéaliste et ambitieux. Il croise la route de la jeune Annelies, la fille d'un riche colon hollandais et de sa "nyai", sa concubine. Minke tombe tout d'abord sous le charme de la jeune fille et petit à petit il intègre le monde de ces femmes fascinantes... En tant qu'indigènes, Nyai et Minke se reconnaissent et ils vont conjuguer leurs expériences et leur vécu. Tous deux rêvent d’une liberté enfin conquise contre un régime de haine et de discrimination, celui des Indes néerlandaises. La lutte sera longue mais l'important reste de ne "pas déroger aux principes de l'honneur" ...

Premier tome traduit de la tétralogie Buru Quartet, Le monde des hommes présente un monde impitoyable régi par l'injustice et le racisme. Selon l'auteur, javanais également, la culture traditionnelle javanaise est à l'origine de la dictature imposée ensuite par Soeharto, javanais également. A force de respecter les hiérarchies, les hommes favorisent l'émergence de régimes autoritaires. A travers le personnage de Minke, il peint un homme inflexible face à ses engagements jusqu'au sacrifice de sa vie. Il s'est inspiré de la personnalité d'un précurseur de la presse en malais, Raden Mas Tirto Adhi Soerjo, pour créer Minke.

L'histoire même du roman est significative : son auteur l'a écrit lors de son incarcération sous le régime de Suharto sur l'île de Buru à l'est de l'Indonésie de 1965 à 1979. Malheureusement, jusqu'en 1975, Toer en prison n'avait pas de quoi écrire, si bien qu'il apprenait ses romans par cœur et les récitait à ses codétenus, se reposant en partie sur leur mémoire. Il a pu les retranscrire ensuite mais a été censuré de nombreuses fois par le gouvernement. Ce roman a été interdit en Indonésie jusqu'en septembre 2005.

 Ce que j'ai moins aimé : Malgré quelques longueurs la force romanesque de ce roman est incontestable. 

 

Présentation de l'éditeur : Zulma

D'autres avis : Télérama

 

Le monde des hommes - Buru Quartet 1 de Pramoedva Ananta Toer, Traduction de l’indonésien par Dominique Vitalyos d’après la traduction initiale de Michèle Albaret-Maatsch, Zulma, janvier 2017, 512 p., 24.50 euros

 

Merci à l'éditeur

http://yspaddaden.com/lire-le-monde/

Publié dans Littérature Asie

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Dojnaa de Galsan TSCHINAG

Publié le par Hélène

Dojnaa est la fille d'un lutteur de légende, jeune femme fière, solide et bien campée dans ce monde âpre des terres du Haut-Altaï en Mongolie.

"Elle était encore un jeune tremble verdoyant, portant une pousse, son enfant. Ses racines tenaient encore bon, résistant aux tempêtes sur le sol de la vie ; pleine de sève, elle s'élevait bien droite au milieu de la forêt des hommes. Quand viendrait la vieillesse, il se pourrait bien qu'elle devienne un temir terek, un tremble d'acier, comme dans les légendes ; elle en était sûre."

Mariée un peu par hasard à un homme qu'elle ne connait pas, sa vie de couple lui semble dans un premier temps "convenable et finalement même supportable." Mais peu à peu l'alcool et la violence s'invitent dans sa yourte et son mari finit par quitter le domicile conjugal.  Dojnaa doit alors puiser dans ses racines pour lutter seule pour élever ses enfants et leur fournir l'essentiel.

Dojnaa incarne un peuple puissant, instinctif, un peuple libre qui arpente les steppes mongoliennes en chantant la beauté du monde, un peuple voué à disparaitre happé par la civilisation tentaculaire.

"Pas le moindre souffle de vent, l'air était clair comme le gel. Le monde semblait en éveil. Les lointains se rapprochaient à mesure que le soleil s'élevait vers la voûte céleste et flamboyait de tous ses feux. On aurait dit que les confins de la terre étaient tout retournés, on en distinguait chaque détail. Il en allait de même dans le coeur de Dojnaa. Paix et lumière y régnaient."

A travers ce magnifique portrait de femme, Galsan Tschinag nous donne à voir un monde teinté de spiritualité et de chamanisme, un monde bien plus ancré dans la réalité qu'il n'y parait. Un monde qui ploie sous les appels de la modernisation mais ne rompt pas...

 

Du même auteur : Ciel bleu  ; Chaman 

Présentation de l'éditeur : Editions Philippe Picquier

 

Dojnaa, Galsan Tschinag, roman traduit de l'allemand par Dominique Petit et Françoise Toraille, Picquier poche, 2006, 187 p., 6.50 euros

 

Un mois, un éditeur est consacré aux Editions Philippe Picquier ce mois-ci

http://yspaddaden.com/lire-le-monde/

 

Publié dans Littérature Asie

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Un mois- Un éditeur : Les éditions Philippe Picquier

Publié le par Hélène

Un mois un éditeur présente ce mois-ci les éditions Philippe Picquier

Leur présentation :

"Depuis 1986, les Editions Philippe Picquier se sont attachées à publier en France des livres de l’Extrême-Orient, avec la certitude que « l’Asie est suffisamment vaste pour qu’on ne s’occupe que d’elle ». Le catalogue - comprenant une collection de livres de poche - est consacré à la Chine, au Japon et à l'Inde et s'ouvre progressivement à l'Asie du Sud-Est. Une maison d’édition singulière qui a trouvé sa place dans le paysage éditorial français en publiant aussi bien des traductions des oeuvres des principaux écrivains de ces pays - classiques, modernes ou contemporains - que des essais, des livres d’art, des reportages et maintenant des livres pour enfants, destinés à faire connaître les cultures orientales aux lecteurs français dans leur richesse et leur diversité.

D’un texte à l’autre, d’un livre à l’autre, de nouvelles collections ont été crées avec la complicité de directeurs de collection. Ce sont encore des livres de contes, de cuisine. Ce sont surtout des écrivains nouveaux du Japon, de la Chine, de l’Inde, du Vietnam que nous publions et dont les préoccupations, les modes de pensée ou l’écriture permettent d’affirmer aujourd’hui qu’ils n’ont rien d’exotique et qu’ils peuvent se mesurer avec de grands écrivains d’envergure internationale.
Derrière ce catalogue, il y a beaucoup de voyages, de rencontres et de découvertes. Des conseillers, des amis aussi, et surtout la complicité de traducteurs remarquables qui prodiguent leurs conseils, lisent, commentent, partagent leurs goûts et leurs choix avec nous."

 

Voici quelques uns de mes titres préférés de cet éditeur

(cliquez sur les titres pour accéder aux billets) 

Deux odes à la douceur de vivre :

Les années douces de Hiromi Kawakami

Park Life de Shuichi YOSHIDA

Une plongée dans la cuisine indienne :

La colère des aubergines de Bulbul SHARMA
De magnifiques albums jeunesse :

Nuages de Kim JAE-HONG

Akiko la courageuse de Antoine GUILLOPPE

 

Mô et le maître du temps de Marie SELLIER et Catherine LOUIS

Et pour finir une BD foisonnante :

Manabé Shima de Florent CHAVOUET

 

Pour en savoir plus sur cet éditeur : sur Babélio

A suivre ce mois-ci sur nos blogs...

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Neh Manzer ou les Neuf-loges

Publié le par Hélène

♥ ♥

Ce recueil de neuf contes est issu du Kharezm, région d'Asie centrale qui se situe aujourd'hui dans les frontières de l'Ouzbékistan. Composé entre le XVème et XVIème siècle et porté à la connaissance des lecteurs français en 1808 grâce à la traduction du baron Daniel Lescallier, haut fonctionnaire au service de l'Empire et "orientalise", il présente neuf histoires orientales merveilleuses. Le prétexte au conte est le même que celui des Mille et une nuits : une condamnation à mort différée de jour en jour grâce à une série de contes. Chirzade est en effet marié à Goulchade mais il se doit de tuer le père de sa femme qui a tué sa propre mère. Chaque fois qu'il se rappelle la vengeance nécessaire qu'il doit accomplir, sa femme Goulchade commence une histoire qui éloigne Chirzade de son objectif.

Des génies, des musiciens des êtres maléfiques qui abusent des liqueurs soporifiques, des déguisements, des coups de foudre, des princesses plus belles que la lune, des serviteurs dévoués, des hommes qui se transforment en perroquet pour abuser des belles princesses, des fées, tout l'imaginaire des contes surgit des brumes de la nuit pour enchanter nos sens et notre imagination. S'ils n'ont pas la force des contes des Mille et Une nuits, ces neuf contes flattent néanmoins nos penchants orientalistes.

 

Présentation de l'éditeur : Libretto

 

Neh Manzer ou les Neuf Loges, contes traduit du persan par Le baron Daniel Lescallier Libretto, janvier 2017, 144 p., 7.70 euros

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Balzac et la petite tailleuse chinoise de Dai SIJIE

Publié le par Hélène

♥ ♥ ♥

Durant la révolution culturelle chinoise, Luo et le narrateur sont envoyés dans un village rural en rééducation. Leur travail n'est guère attrayant, mais leurs jours sont rapidement éclairés par leur rencontre avec la fille du tailleur d'un village voisin. Luo tombe amoureux de la jeune fille et décide de lancer lui aussi son programme de rééducation mais évidemment inverse à celui du gouvernement : il veut cultiver la petite tailleuse. Ils empruntent des romans censurés au binoclard qui cache des livres rares sous son lit, des livres brulés par Mao sur la place publique.

"Souvent, après minuit, on éteignait la lampe à pétrole dans notre maison sur pilotis, et on s'allongeait chacun sur son lit pour fumer dans le noir. Des titres de livres fusaient de nos bouches, il y avait dans ces noms des mondes inconnus, quelque chose de mystérieux et d'exquis dans la résonance des mots, dans l'ordre des caractères, à la manière de l'encens tibétain, dont il suffisait de prononcer le nom, "Zang Xiang", pour sentir le parfum doux et raffiné, pour voir les bâtons aromatiques se mettre à transpirer, à se couvrir de véritables gouttes de sueur qui, sous le reflet des lampes, ressemblaient à des gouttes d'or liquide."

La lecture leur permet de s'évader loin d'une réalité aliénante à l'avenir avorté.

«Nous nous approchâmes de la valise. Elle était ficelée par une grosse corde de paille tressée, nouée en croix. Nous la débarrassâmes de ses liens, et l'ouvrîmes silencieusement. À l'intérieur, des piles de livres s'illuminèrent sous notre torche électrique ; les grands écrivains occidentaux nous accueillirent à bras ouverts : à leur tête, se tenait notre vieil ami Balzac, avec cinq ou six romans, suivi de Victor Hugo, Stendhal, Dumas, Flaubert, Baudelaire, Romain Rolland, Rousseau, Tolstoï, Gogol, Dostoïevski, et quelques Anglais : Dickens, Kipling, Emily Brontë... Quel éblouissement !
Il referma la valise et, posant une main dessus, comme un chrétien prêtant serment, il me déclara :
- Avec ces livres, je vais transformer la Petite Tailleuse. Elle ne sera plus jamais une simple montagnarde.»

La Petite tailleuse ne sera effectivement plus la même après cette ouverture sur le monde...

Pour la petite anecdote, en 2000, alors que l'auteur Dai Sijie était reçu dans l’émission de télévision littéraire Bouillon de culture7 sur France 2, le présentateur Bernard Pivot ne tarissait pas d'éloges pour ce roman, s'exclamant à la fin de l'émission : « Si vous ne lisez pas Balzac et la Petite Tailleuse chinoise, alors je ne sers à rien ! »

 

Présentation de l'éditeur : Folio

Prix littéraires

  • Prix Edmée-de-La Rochefoucauld 2000
  • Prix Relay du roman d'évasion 2000
  • Prix Roland-de-Jouvenel de l'Académie française 2000

 

Balzac et la petite tailleuse chinoise, Dai Sijie, 240 p., Folio, 2001, 7.70 euros

 

Le Nouvel An chinois commence aujourd'hui, pour se terminer le 15/02/2018. Voilà une année du Coq de Feu, car elle est placée sous le signe de l'animal symbolique Coq et de l'élément cosmogonique Feu.

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Jardin de printemps de Tomoka SHIBASAKI

Publié le par Hélène

♥ ♥

Tarô loge dans un immeuble voué à la destruction. Un à un ses voisins quittent le lieu. Tarô fait alors la connaissance d'une de ses voisines qui résiste et passe ses heures à observer une maison située dans leur rue, fascinée et aimantée par ce lieu. Elle possède un livre de photographies ayant été prises dans cette maison, et rêve d'entrer dans les lieux pour admirer la décor. 

Dans un style léger, comme aérien, Tomoka Shibasaki évoque une atmosphère douce et frôlant l'inutilité du quotidien. Les êtres s'attachent à des chimères, à des images glacées d'un livre photo dans lequel un couple d'acteur se met en scène. Ils sont comme déconnectés de la réalité, dans une période transitoire, un âge indécis. Des êtres solitaires qui se frôlent.

Ce que j'ai moins aiméJardin de printemps possède le charme discret des romans japonais qui suggèrent plus qu'ils n'assènent... Cette discrétion diffuse peut laisser le lecteur indécis, interloqué par la légèreté de l'histoire et des propos. Un roman qui risque de s'évaporer rapidement de ma mémoire...

 

Présentation de l'éditeur : Picquier 

 

Jardin de printemps, Tomoka Shibasaki, traduit du japonais par Patrick Honnoré, Picquier, 2016, 141 p., 16.50 euros

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7 années de bonheur de Etgar KERET

Publié le par Hélène

♥ ♥ ♥

"Ce que ça peut être flippant, les attentats terroristes,

dit l'infirmière fluette à sa collègue plus âgée.

Tu veux un chewing?" 

Etgar Keret raconte ici 7 années de sa vie à Tel Aviv entre la naissance de son fils, sa soeur ultra-orthodoxe et ses onze enfants, les chauffeurs de taxi irascibles, ses parents rescapée de l'Holocauste, les tournées littéraires mouvementées, avec toujours en toile de fond, cette peur des bombardements... 

Ainsi avec sa femme ils pratiquent un moment la philosophie du si-je-dois-partir-en-fumée-je-ne-veux-pas-mourir-en-gogo devant l'imminence de l'explosion probable d'une bombe nucléaire sur leur quartier. Ils décident ainsi de ne pas réparer leur plafond délabré puisque la ville va être rayée de la carte prochainement, puis reportent également les travaux de jardinage, "Pourquoi sacrifier inutilement, en les plantant, des violettes, des jeunes citronniers et de jeunes orangers -ce serait du gâchis. Si j'en crois Wiipédia, ils sont particulièrement sensibles aux radiations.",  puis renoncent à faire la vaisselle car ils ne veulent pas mourir en faisant la vaisselle, suppriment le ménage, la sortie des poubelles, font un prêt astronomique à la banque jusqu'à ce que le doute s'installe... Et si les iraniens ne bombardaient pas la ville ???

Vous l'aurez compris, le ton est décalé, l'humour permettant à l'auteur d'affronter cette situation instable quotidienne et d'instiller du bonheur là où le chaos règne. 

"Quelques semaines avant la naissance de notre fils Lev, voilà bientôt quatre ans, deux questions de la plus haute importance philosophique se sont présentées à nous.

La première, va-t-il ressembler à sa maman ou à son papa, a reçu une réponse rapide et sans équivoque à sa naissance : il était beau. Ou, ainsi que le dit ma chère épouse avec beaucoup d'à propos, "La seule chose qu'il ait hérité de toi, ce sont ces longs poils dans le dos."

Quant à la seconde, que-fera-t-il-quand-il-sera-grand, elle nous a tarabustés pendant les trois premières années de sa vie. Son mauvais caractère semblait le destiner à une carrière de chauffeur de taxi ; sa capacité phénoménale à se trouver des excuses le prédisposait plutôt au métier d'avocat ; et l'impérieuse domination qu'il a  constamment exercée sur les autres montrait qu'il pouvait aspirer à occuper un poste élevé au sein d'un quelconque gouvernement totalitaire. Mais depuis quelques mois, le brouillard qui estompait l'avenir rose et replet de notre fils a commencé à se dissiper. Il sera probablement livreur de lait, sans quoi son étonnante aptitude à se réveiller chaque matin à cinq heures trente puis, immanquablement à venir nous réveiller aussi, ne servirait strictement à rien." p. 85

Avec autodérision et un humour incisif revigorant Edgar Keret évoque en filigrane tout au long de ces 7 années de bonheur des questions essentielles et universelles.

"D'ailleurs, on le dit bien : "Ce n'est pas parce qu'on est paranoïaque qu'on n'est pas persécuté." Au cours des vingt ans où j'ai voyagé un peu partout dans le monde, j'ai connu ma part d'actes, de gestes et de paroles antisémites authentiques qu'on ne peut expliquer par aucune erreur de prononciation." p. 41

 

Présentation de l'éditeur : Editions de l'Olivier ; Points

D'autres avis : Babélio

 

 

7 années de bonheur, Etgar Keret, traduit de l'anglais (Israël) par Jacqueline Huet et Jean-Pierre Carasso, Points, 2015, 185 p., 6.50 euros

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Kabuliwallah de Rabindranath TAGORE

Publié le par Hélène

♥ 

"Petites vies, petits chagrins,

Petites histoires de malheur,

D'une linéarité, d'une banalité radicales ;

Des milliers de larmes versées chaque jour,

Si peu sauvées de l'oubli ;

Pas de description élaborée,

Mais un pauvre récit monotone,

Ni théorie ni philosophie,

Aucune histoire vraiment résolue,

Une fin toujours avortée, 

Laissant le coeur insatisfait.

A jamais inachevées,

Les innombrables histoires du monde :

Boutons arrachés avant maturité, 

Gloire en poussière avant d'avoir été chantée,

L'amour, l'effroi, l'injustice

De milliers de vies obscures."

Rabindranath Tagore

Tagore est surtout connu en France pour ses poèmes et son magnifique Offrande lyrique. Et pourtant ce sont des nouvelles que nous présentent ici l'excellente maison d'édition Zulma, 22 nouvelles qui sont l'occasion de mettre en valeur le talent du prix Nobel de littérature pour capter des instants de vie qui en disent long sur les conditions sociales des Indiens en ce début de siècle. Ces nouvelles se déroulent en Inde, à Calcutta, la ville natale de Tagore, et mettent souvent en scène des femmes, victimes du système et de l'oppression masculine.

Qu'il s'agisse du mariage des petites filles (L'histoire du ghât, l'enfant muette), de l'éducation atrophiée des jeunes filles (Le cahier d'écolier), des difficultés dues à la dot (La dette) ou encore des mariages malheureux, la conclusion des nouvelles est souvent désespérée, mettant en valeur une injustice flagrante. L'innocence des enfants se perd, aliénés par la société et ses codes, la domination devenant exaltante pour certains.  A l'origine de tant de noirceur, l'argent qui vérole bien souvent les rapports humains (L'arbre du chagrin,  Le cerf d'or) mais aussi les errances du coeur humain (Insensé), facilement aveuglé, la raison peinant bien souvent à pénétrer l'esprit, et l'être humain se complaisant dans les "pièges de l'illusion". 

Une série de portraits de "petites vies, petits chagrins" sans consessions dans cette Inde de la fin du XIXème siècle. 

Ce que j'ai moins aimé : un peu répétitif, les nouvelles sont courtes et s'enchaînent, laissant peu de temps au lecteur pour s'imprégner de l'atmosphère et des personnages. 

 

Présentation de l'éditeur : Zulma 

D'autres avis : Yves 

Kabuliwallah, Rabindranath Tagore, Nouvelles traduites du bengali (Inde) et présentées par Bee Formentelli, Zulma, février 2016, 400 p., 22 euros

Merci à l'éditeur.

Publié dans Littérature Asie

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