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312 résultats pour “itinéraire d'enfance

Julien Letrouvé colporteur de Pierre SILVAIN

Publié le par Hélène

♥ ♥ ♥ ♥

Ce que j'ai aimé :

Julien parcoure les ruelles sombres, la campagne, les sentiers, il marche parce que "C'était, ce n'était que le colporteur." 

Enfant trouvé, au passé vague, il aime raconter que, petit, il se réfugiait dans l'écreigne - une "maison creusée dans le sol tendre", habitation fabuleuse de la région, à la réalité incertaine. C'est là, lové au creux de la terre, que les mots offerts par les femmes qui filent, envoûtent son âme.

"Toutes écoutaient la liseuse tenant  son petit livre ouvert à la lueur d'un falot posé sur une hotte renversée, les esprits vagabondaient vers des horizons toujours bleus, des lointains tout de douceur et de promesses d'elles ne savaient quoi mais qui les combleraient au-delà de leur naïve attente, tandis que la main demeurait docile et ferme à la tâche." 

A l'adolescence il doit quitter cet univers rassurant de l'enfance souterraine pour affronter le monde. Tout naturellement, il devient colporteur, promenant ses petits livres de la bibliothèque bleue, ces "morceaux de ciel", et les distillant au fil de ses rencontres. Il refuse de vendre bibelots et mercerie comme les autres colporteurs de l'époque, il ne propose que des livres, en souvenir de cette fascination pour la lecture, pour lui qui ne sait pas lire. Car non, il ne sait pas déchiffrer les signes dansants qui peuplent ses nuits. Ce secret, il le garde enfoui au fond de lui. 

Nous sommes en 1792 et la bataille de Valmy n'est pas loin. La guerre va bousculer le monde  de Julien tout en lui offrant une rencontre marquante : celle d'un soldat déserteur prussien. 

Le naïf Julien, pareil au juif errant, ressent au fond de lui l'importance du mythe de la croyance, et de la littérature qui propage des récits millénaires.  Il recherche la terre promise, peut-être celle de cette écreigne de la première heure, condamné en attendant à errer pour combler son "insuffisance d'être". Mais peut-être cette terre promise est-elle simplement lovée dans l'instant fulgurant, dans la prise de conscience soudaine d'un bonheur inégalé dû à la vie...

"Un vaste pré en lisière de la forêt en était séparé par la largeur d'un fossé dont le remblai herbu couronné de grandes marguerites permtait qu'on pût s'y tenir à plat ventre, en observateur, sans crainte d'être vu.

Julien Letrouvé s'y était installé ce jour-là, l'après-midi, non qu'il y eût été à l'affût, mais parce qu'un rayon de soleil chauffait le versant exposé au sud et qu'il pouvait aussi quand un souffle passait, plein de l'odeur des feuillages, se laisser bercer par le mouvement de vague des marguerites blanches. Il était tranquille. La chaleur peu à peu l'engourdit." p. 58

Un bijou de littérature !

Ce que j'ai moins aimé :

-Rien

Présentation de l'éditeur :

Editions Verdier 

Vous aimerez aussi :

Camille de Toledo L'inquiétude d'être au monde

 D'autres avis :

Revue de presse sur le site de Verdier

 

Ironie de l'histoire ce roman est venu à moi par le biais d'un "colporteur" rencontré sur le stand de Verdier au salon du livre. Son enthousiasme m'a convaincue d'adopter Julien. Je l'en remercie !

 

Julien Letrouvé colporteur, Pierre Silvain, Verdier, 2007, 128 p, 11.16 euros

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Chasses furtives de Léon MAZZELLA

Publié le par Hélène

♥ ♥ ♥ 

"Et l'on se retrouve nu sur le chemin qui mène à soi, cerné par l'existence et serré dans son passé, cherchant la clarté à tâtons comme un aveugle dans la foule tourne sa main vers un corps et usant de son épuisement pour s'excuser auprès de la vie." 

Ce que j'ai aimé :

Jean se remémore les moments suspendus passés aux côtés de son grand-père, quand ils vivaient ensemble dans la maison du marais. A l'âge où ses camarades couraient les filles, lui préférait courir la campagne "Il était chasseur de toutes ses fibres. C'était un séducteur d'oiseaux." Il vivait heureux, "entre le presque rien et l'indicible"  habité par des rêves à sa mesure : 

"Voir, seulement, la bécassine double. Prendre un grand tétras au chant, un seul pour la vie, quelque part dans un pays d'Europe de l'Est. Et parvenir à toucher, de la main, un gros animal -sanglier, cerf, phacochère, antilope - peu m'importait..." 

 Avec ces Chasses furtives, Jean -alias Léon- souhaite rendre hommage à son grand-père qui s'en est allé trois ans plus tôt rejoindre les cieux aux côtés des oiseaux. Accompagné de son fidèle chien, compagnon de toujours, Jean arpente les marais de son enfance, à l'affût, plongé dans ses souvenirs mélancoliques, "Seul avec son esprit traqué par la disparition des êtres et par la transparence des choses."

Apparaissent quelques personnages derrière le grand-père : la "femme-renarde", le braconnier taiseux, mais les personnages qui survolent poétiquement ces pages et leur donnent tout leur sens restent les oiseaux. Ceux qui relient le passé et le présent, ceux qui planent avec son grand-père, ceux qui témoignent d'une vie harmonieuse avec le monde et la nature, et donnent soudain l'impression d'être à sa place. Ancré dans un monde qui a soudain du sens. 

L'émotion à fleur de peau caresse les pages de ces "Chasses furtives" et leur offre toute leur beauté. 

"Trente ans après, je me souviens bien de mon urgence à dire, à chacun de mes retours, les impressions intenses volées à l'aurore, les départs pressés pour la chasse, le givre qui habille l'herbe et les branches, le ciel bleu de novembre que le miroir brisé de joncs des marais reflète, la disparition de la dernière étoile, l'orangé timide de l'horizon, l'air qui glace les spoumons. L'insolente beauté de la nature qui me faisait parfois pleurer de bonheur, seul dans les barthes d'Orist, Siest, Pey et Saubusse. La joie gigantesque que cela me procurait. La seule vue d'un vol de vanneaux suffisait alors à me faire chavirer d'un plaisir que je savais étrange et que je renonçais à définir."

Ce que j'ai moins aimé :

-Rien

Premières phrases :

"Jean s'étira et planta son regard au plafond. Il mit ses mains derrière la tête et pensa fort à son grand-père qui faisait toujours la sieste dans cette position, en respirant fort avec le nez à cause de son rhume des foins et qu'il surprenait souvent étendu ainsi sur son lit." 

Présentation de l'éditeur :

Editions Passiflore 

Sur l'auteur :

http://leonmazzella.hautetfort.com/

Vous aimerez aussi :

Du même auteur : Les bonheurs de l'aube

Autre : Les romans de Mario RIGONI STERN dont Hommes, bois, abeilles

D'autres avis :

Mango 

 

Chasses furtives, Léon Mazzella, Editions Passiflore, 2012, 13 euros

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Eaux lentes sur Venise de Françoise CRUZ

Publié le par Hélène

♥ ♥

"Tant de choses importantes ne se disent qu'au moyen du silence."

Ce que j'ai aimé :

Leona Dal Contralto et Clemenzia Dal Violino sont deux orphelines recueillies par La Piéta, institution religieuse vénitienne au XVIIIème siècle Les deux jeunes femmes reçoivent les cours de musique de Vivaldi et deviennent deux musiciennes au talent exceptionnel. Mais quand l'une se perd dans les nuits vénitiennes, l'autre veille, sentinelle droite et intègre. L'alternance des points de vue, nous offrant les deux journaux intimes des jeunes femmes permettent de découvrir deux univers, l'un passionné, l'autre bien plus modéré. 

La Venise du XVIIIème siècle resplendit portée par une écriture poétique qui l'embellit : 

"Venise nous offre invariablement les plus beaux, les plus époustouflants spectacles : lumières d'or se déversant sur les toits, incendiant toutes les façades, les faisant glisser de l'oranger au pourpre, lumières blanches, mystérieuses, si complices de l'obscurité qu'elle nous enferme dans son énigme... Mais Venise, grisée de fêtes et de débauches, tire sur ses vêtements brodés d'or afin de cacher les guenilles qui la recouvrent. Ma Cité est envahie de vagabonds, garçons brutaux et sales, rôdant pieds nus, furetant et prêts à un mauvais coup en échange de vin aigre."

Leona se perd dans ses nuits d'or, dans ses orgies inoubliables et licencieuses. Carnaval de désirs et de plaisirs, ce sont aussi des nuits desquelles on se réveille désenchantée quand les masques tombent.

"A Venise on meurt tous les jours dans une immense fièvre de plaisir;"

La musique tient les jeunes femmes debout et leur offre un exutoire dans un monde tourmenté :

"La musique est un parfum tenace. Acre, suave, fort comme un alcool, long comme l'enfance. Un parfum qui s'insinue inexorablement par chacun des pores de notre peau. Avant que l'on ait pu dire un mot, le parfum de la musique nous a déjà submergés, épousés comme une seconde peau. Comme une marée, il nous étourdit et nous étreint avec ses effluves de sous-bois humides, de rivières transparentes, avec ses brassées printanières, ses souvenirs de la mer, ses chuchotemetns verts provenant des canaux. La musique est volutes, désirs. "

Un court roman qui nous plonge dans une Venise du XVIIIème morale et licencieuse à la fois...

Ce que j'ai moins aimé :

J'ai regretté le manque de consistance dans l'intrigue.

Premières phrases :

"Comment fait-on pour commencer à vivre ? Un cri, à ce que l'on nous dit, douleur, plaisir, nosu baptise, des ténèbres aux lumières.

La lagune m'a déposée au bord du monde."

Infos sur le livre :

Chez l'éditeur

Vous aimerez aussi :

 

 

Eaux lentes sur Venise, Françoise Cruz, Naïve, 2011, 250 p., 

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Passage de l'amour de Pascale ROZE

Publié le par Hélène

♥ ♥

"On croit qu'on va dans le vide, et il y a encore quelqu'un qui est là, ou quelque chose."

 

L'auteur :

Pascale Roze a obtenu le Prix Goncourt en 1996 pour son premier roman,Le Chasseur Zéro. Elle a publié chez Stock Un homme sans larmes (2005),L’eau rouge (2006) et Itsik (2008).  

http://www.pascaleroze.fr/

 

L'histoire :

« J’ai voulu que les éléments de ma vie trouvent place dans ce recueil sous forme d’histoires : l’enfance marine, le théâtre, l’Indochine, le couple, la maladie et la mort, mais aussi ma joie et ma confiance. Que les mélodies se répondent en mode majeur ou mineur, comme dans un album de chansons. » P. R.
 

Pascale Roze propose de subtiles variations sur l’amour à travers dix-huit nouvelles rythmées par la lutte d’un couple contre la maladie. Le corps y danse autant qu’il s’épuise, s’éprend, vibre, se désespère, se souvient. On y découvre un homme en attente d’une greffe du coeur ; une femme nageant en plein océan pour gagner sa liberté ; un poète et un séducteur délicat ; un sphinx des peupliers ; le petit-fils d’un empereur d’Annam. Nouvelle après nouvelle, se déploie un monde chatoyant dont l’écriture s’attache à trouver l’harmonie. (présentation éditeur)

 

Ce que j'ai aimé :

Pascale Roze nous parle à l'oreille de la vie comme elle va, bon an mal an, avec ses coups de blues, ses coups de folie, ses coups de coeur. Elle évoque la difficulté à prendre les décisions, puis la difficulté d'assumer ses choix sans regrets ni remords. Souvent le passé vient hanter les personnages, à l'improviste il s'invite dans leur vie pendant un cours de danse, au détour d'une phrase, ou bien un soir de solitude, incarné par un fantôme.

Si les personnages marchent sur un fil, la vie finit toujours par reprendre le dessus, comme dans "En mer" ou "Kuta", nouvelles dans lesquelles les personnages frôlent la noyade, mais retrouvent la force de remonter, de continuer à nager à contre courant, pour, finalement, être sauvés. La vie apparaît comme un miracle qu'il faut choyer :

 " Vous avez ce temps, ce temps compté, pour glaner quelques renseignements personnels sur l'amour, pour augmenter le prix de la vie. Ne trainez pas." "Passage de l'amour"

AInsi, cette vie bigarrée peut offrir des surprises, comme cette rencontre inouïe avec un papillon nommé le sphinx des peupliers.

18 nouvelles qui nous parlent de rédemption et d'espoir...

 

Ce que j'ai moins aimé :

Pas sûre que ce soit un recueil qui me marque durablement...
 

Premières phrases :

"Mer plate. Nuit sans lune.Voie lactée, étoiles. Pas un souffle d'air. Si le vent ne se lève pas, ils n'atteindront Ajaccio que demain soir. Ils ont coupé le moteur pour dîner."

 

Vous aimerez aussi :

Du même auteur : Le chasseur zéro

Autre : La patience des buffles sous la pluie

 

D'autres avis :

France Inter ; Bibliobs

 

Passage de l'amour, Pascale Roze, Stock, janvier 2014, 176 p., 18 euros

 

(présentation éditeur)

 
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The girls d'Emma CLINE

Publié le par Hélène

♥ ♥ ♥ ♥

"On a tous envie d'être vus"

A la fin des années 60 en Californie un été brûlant cloue au sol la jeune Evie Boyd, adolescente de 14 ans. La jeune femme qui vit seule avec sa mère traîne sa solitude dans la ville, errant ici et là sans parvenir à trouver un point d'ancrage. Il y a bine Connie, son amie d'enfance, mais cet été-là, même elle semble terne et sans intérêt. L'ennui et la solitude s'invitent aux côtés de l'adolescente mal dans peau. Jusqu'à ce qu'elle croise le chemin de Suzanne, une jeune femme marginale qui attire irrésistiblement la jeune Evie en mal de reconnaissance. Suzanne l'a regardée, Suzanne l'a vue, lui a parlé, Evie est conquise et suit Suzanne juqu'au ranch où elle habite avec d'autres filles. S'ouvre alors devant elle un autre monde mené par le charismatique Russell, leader du groupe de jeunes filles, personnage étrange qui veut bâtir une nouvelle société , "Sans racisme, sans exclusion, sans hiérarchie." loin des modèles bourgeois en place. Comme un papillon désarçonné par la lumière, Evie fuit sa réalité insipide pour se fondre dans cette communauté.

"Je commençais à remplir tous les vides qui étaient en moi avec les certitudes du ranch. Le chouette bagou de Russell : plus d'ego, débrancher l'esprit. Capter le vent cosmique à la place. Nos croyances aussi légères et digestes que les petits pains et les gâteaux fauchés dans ne boulangerie de Sausalito, pour nous empiffrer de fécule." p. 190 

Elle voit la liberté et le faste derrière la crasse et le délabrement du ranch, prête à tout pour intégrer le groupe et être reconnue, regardée, et ne plus être cet être fade, cette adolescente qui traîne sa jeunesse sans but et sans motivation. Et pourtant, elle risque de se brûler les ailes à vouloir trop s'approcher ...

Emma Cline s'inspire ici de la secte de Charles Manson et du meurtre de Sharon Tate, épouse du réalisateur Roman Polanski et de quatre de ses amis tués sauvagement par les émissaires de Manson dans leur villa de Los Angelès en 1969. Mais au-delà du fait divers, la jeune auteure parvient à capter avec une acuïté de vue époustouflante les dérives de l'adolescence, offrant des personnages avec une vraie profondeur psychologique. Tout est juste, au bon endroit, chaque mot est pesé, maîtrisé, chaque phrase porte presque en elle les contradictions de la secte.

Du grand art, une perfection rare pour un premier roman !

 

Présentation de l'éditeur : Quai Voltaire 

D'autres avis : Sandra ; Noukette ; Keisha ; Léa ; Valérie 

 

Merci à Sandra et à Arnaud qui ont su être convaincants et m'ont permis de découvrir cette pépite ! 

 

The girls, Emma Cline, traduit de l'anglais (US) par Jean Esch, Quai Voltaire, août 2016, 300 p., 21 euros

 

Une adaptation est prévue : 

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La face nord du coeur de Dolores REDONDO

Publié le par Hélène

♥ ♥

"La loyauté ce n'est pas tout se dire, c'est se dire l'essentiel."

Amaia Salazar, détachée de la Police forale de Navarre, suit une formation de profileuse au siège du FBI dans le cadre d'un échange avec Europol. Enquêtrice hors paire à l'intuition singulière, elle est repérée par l'agent Dupree qui se lance sur les traces d'un tueur en série qui profite des catastrophes naturelles pour camoufler ses assassinats. Mais Amaia comprend rapidement que les meurtres en question suivent une logique qui ne doit rien au hasard des cyclones. Alors que l'ouragan Katrina menace le sud des Etats-Unis et que tous les habitants fuient la région, l'équipe se rend sur place, persuadée qu'un nouveau meurtre s'apprête à être commis.

Le personnage d'Amaia porte l'essentiel du roman, sa profondeur, son intelligence, sa sensibilité liée à son passé et son enfance marquante, tout concourt à la rendre terriblement humaine. "Une perle rare, un être capable de raisonner avec toute la logique scientifique du monde, et aussi sensible à l'invisible que le Petit Prince." La face nord du cœur symbolise l'ombre tapie en chacun de nous, ce que l'être humain porte en lui de sombre ou de secret loin de l'image formée pour les autres. Tout le talent de l'autrice et d'avoir su incarner cette ambivalence de l'être humain en ce personnage lumineux.

L'autre atout majeur du roman tient dans l'intrigue mélangeant subtilement rationnel et surnaturel issue des croyances vaudous. La frontière est ténue entre les deux mondes et ce cyclone apocalyptique permet les résurgences des croyances ancrées dans le folklore de la région.

En effet, le décor est lui aussi inquiétant et fascinant : Katrina fait rage, et un paysage de désolation voit peu à peu le jour. Les habitants attendent les secours perchés sur des toits, ayant tout perdu, d'autres se réfugient dans des stades, les lois n'ont plus cours, le pillage s'organise, les dégâts matériels et humains liés à la puissance de l'ouragan sont considérables.

Dans ce paysage dévasté, ce qui sauve encore l'être humain tient justement en son humanité.

"C'était un fait indiscutable, vérifié dans tous les lieux où l'homme avait survécu, des champs de bataille aux camps de réfugiés, des hôpitaux militaires aux couveuses de nouveau-nés. Quand les consignes n'avaient plus de sens, quand l'épuisement s'emparait des corps et des âmes, quand continuer ou non faisait débat : il n'existait aucune force aussi rédemptrice que le contact humain."

Un roman envoutant et captivant !

Présentation de l'éditeur : Folio

Pour ceux qui connaissaient sa trilogie de la vallée du Baztan (constituée des romans suivants : Le gardien invisible, De chair et d'os, Une offrande à la tempête), il s'agit ici d'un préquel de la série (que je vais m'empresser d'aller découvrir...)

Publié dans Roman policier Europe

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Champagne de Monique PROULX

Publié le par Hélène

♥ ♥ ♥ ♥

"Champagne et campagne, même combat. Mêmes bulles d'allégresse. Même mot, fondamentalement. Qui sait encore qu'au Moyen-Age tout ce qui n'était pas la ville, tout ce qui était territoire sauvage s'appelait la champagne ?" p. 207

Au bord du lac de l'Oie dans les Laurentides se côtoient des amoureux de la nature venus se réfugier loin des contingences bruyantes et aliénantes de la ville. Lila Szach est la propriétaire de ce domaine qu'elle défend jalousement. D'autres écorchés de la vie sont venus se réfugier sur ces terres préservées : Claire qui écrit des scénarios, Simon et son kayak, Jérémie le neveu de Simon, Violette qui fuit l'horreur de sa vie. Autour d'eux rôdent les Clémont, prédateurs inquiétants.

En pleine nature, l'être humain a tendance à revenir à l'essentiel, à retrouver l'accord perdu avec ce qui l'entoure. Si Lila aime se rouler dans la mousse, Simon préfère se laisser porter par l'eau sur son kayak pour que ses soucis coulent dans les tréfonds du lac. Dans l'innocence de l'enfance, Jérémie quant à lui communique avec les esprits de la nature. La forêt devient à la fois lieu de guérison et d'émerveillement pour ces êtres déracinés, perdus dans un monde trop grand pour eux. 

"C'était l'été, comment avait-elle osé douter de l'été ? c'était l'été dans son infinie luxuriance, trente degrés à l'ombre et le soleil au zénith, c'était l'aboutissement grandiose de toutes les explosions commandées par le jeune roi été, et elle Lila Szach, mortelle si incomplète, on lui permettait de se rouler dans la jeunesse parfaite de l'été aux côtés des grives solitaires, des frédérics mélodieux, des rudbeckias, des marguerites foisonnantes, de la sève ruisselant aux doigts des épinettes, des petits chevreuils sur leurs pattes de deux mois, des vanesses amiral aux robes de satin noir et blanc, des maringouins à la musique aigrelette et des chanterelles recommencées, des sublimes chanterelles..." p. 180

Wikipédia http://fr.wikipedia.org/wiki/Portail:Laurentides/Panorama

La nature qui entoure les êtres est aussi source d'apprentissage, ils retrouvent leur statut animal, avec ses pulsions, ses heurts, la paix intérieure ne s'offrant pas si facilement.  Mais ils prennent aussi conscience de la beauté du monde à préserver, à observer dans un amour inconditionnel pour l'infiniment petit.

"Elle se voyait affalée sur elle-même à dorloter sa noirceur et à en redemander et ça lui faisait soudain horreur. Quitte ça, quitte ça. Elle sortait de sa tête à grands coups de respiration et elle recommençait à voir et à entendre, les fougères, les monotropes et les pyroles, et tout ce temps la cigale qui n'avait pas cessé de l'interpeller ni les frédérics et les troglodytes de s'épuiser en récital, et elle se redressait vite au risque de s'occasionner des étourdissements - quel sacrilège d'ignorer les vrais spectacles réjouissants pour s'en inventer des douloureux, quel sacrilège et quelle sottise." p. 173

Cette nature millénaire leur apprend la vie qui passe et ne revient pas, comme les saisons, la mort qui les guette au détour d'un chemin, les épreuves de la vie, faites de hasards et d'aléas... 

Lila est comme la grande prêtresse des lieux, sauvage et humaine à la fois. Elle enseigne au petit Jérémie la sagesse , en transformant par exemple son "Faites que le mois d'août n'arrive jamais." en "Faites que je traverse le mois d'août sans encombre." "Tout était dit dans cette formule en apparence anodine. Ne crois jamais que les obstacles - en l’occurrence le mois d'août- vont se dissiper par miracle. Ne crois jamais que tu ne pourras pas les affronter." p. 175

Un récit magnifique aux confins du monde qui nous enjoint à ne pas perdre notre capacité d'émerveillement !

Présentation de l'éditeur :Editions Boréal 

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La trilogie de Corfou de Gérald DURRELL

Publié le par Hélène

♥ ♥ ♥ ♥

« Vivre à Corfou équivaut à vivre une opérette haute en couleur et pleine de rebondissements. »

 

Gerald Malcolm Durrell était un naturaliste, écrivain et présentateur de télévision britannique, connu pour avoir fondé le Durrell Wildlife Conservation Trust et le Zoo de Jersey, sur l'île de Jersey, dans la Manche, en 1958. Il a passé une partie de son enfance en Inde et à Corfou ce qui lui a inspiré "La trilogie de Corfou" constituée de Ma famille et autres animaux, Oiseaux, bêtes et grandes personnes, et Le jardin des dieux, réunis ici pour la première fois en un seul volume.

Avec beaucoup d'humour, il raconte sa jeunesse sur l'île de Corfou aux côtés de sa mère, de sa soeur et de ses deux frères, et de la ménagerie qu'il se crée, en parfait naturaliste débutant. Ainsi, il n'hésite pas à adopter des hiboux, des hérissons, des hippocampes, et tente même d'acquérir un ours qui danse. Son observation attentive de la nature lui permet de contempler avec délices le spectacle fascinant de ce qui l'entoure. Il accompagne les pêcheurs, s'aménage une mare sur la plage pour y placer ses trouvailles, observe les bousiers, traque les argyronètes (araignées d'eau) et n'hésite pas à ramener chez lui une tortue morte pour la dépecer sur la terrasse, ce qui ne ravira pas sa famille, pourtant habitué à ses frasques naturalistes et fera dire à son frère :  

«  Cette maison est un enfer, je vous assure. Il n’est pas un coin qui ne fourmille de bêtes malintentionnées prêtes à se jeter sur vous. (…) D’abord, j’ai été attaqué par un scorpion, une bête hideuse qui a répandu du venin et des petits partout. Puis ma chambre a été saccagée par des pies.  Maintenant, il y a des serpents dans la baignoire et des bandes d’albatros volent autour de la maison avec des bruits pareils à ceux d’une tuyauterie défectueuse. » (p. 249)

Sa famille est tout aussi haute en couleurs, elle a tout a tout « d’un cirque ambulant et son personnel » prenant la vie avec désinvolture:  la maison est trop petite pour recevoir des invités, qu’à cela ne tienne, ils déménagent. Puis la grand-tante Hermione menace de débarquer, nouveau déménagement dans une maison plus petite qui ne permet pas de l’accueillir...

Larry quant à lui a la fâcheuse tendance de ramener dans la maison familiale des amis improbables comme ce Sven capable de jouer - faux- des airs d'accordéon jusque plus soif, ou ce capitaine très séducteur, et très peu capitaine. Sa mère est toute dévouée à ses enfants, offrant un âne à Gerry pour l'accompagner dans ses pérégrinations, et n'hésitant pas à affronter une spirite pour sortir Margo et son acné de ses griffes.

En passionné invétéré, Gérald Durrell est entièrement dédié au présent et savoure chaque seconde passée aux côtés de ceux qu'il aime au cœur de son île paradisiaque, nous faisant découvrir tout un monde insoupçonnable, comme s'il souhaitait retenir ces moments hors du temps, avant que la famille ne s'éparpille et que la guerre ne s'annonce.

"L'air chaud, le vin et la mélancolique beauté de la nuit m'emplissaient d'une délicieuse tristesse. Ce serait toujours ainsi, pensais-je. L'île lumineuse, accueillante, pleine de secrets, ma famille et mes animaux autour de moi et , par-dessus le marché, nos amis."

A savoir : Ces romans autobiographiques ont été adaptés pour la télévision sous le titre "The Durrells" (titre français La Folle Aventure des Durrell) en 2016.

Et pour le clin d’œil : il s'agit d'un de mes livres préférés !

 

Présentation de l'éditeur : Editions de la table ronde

Du même auteur : Le aye-aye et moi

Thème du jour : Nature

Publié dans Littérature Europe

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Le comte de Monte Cristo de Alexandre DUMAS

Publié le par Hélène

♥ ♥ ♥

1815. Edmond Dantès, jeune officier de marine, rentre à Marseille à bord du Pharaon, navire dont il a pris le commandement. Il semble voué à un avenir radieux : amoureux de la belle Mercédès, ils vont se fiancer et se marier prochainement, et il est promu capitaine par l'armateur du Pharaon, Morrel. Mais sa position enviable suscite des jalousies : Fernand, ami d'enfance de Mercédès aimerait l'évincer auprès de la belle, et Danglars, employé de Morrel, voit d'un mauvais oeil sa promulgation au rang de capitaine. Les deux hommes se liguent pour lancer de graves accusations contre Edmond, accusations qui vont lui valoir le cachot. Morrel intervient alors auprès du procureur du roi Villefort mais quand il découvre que son propre père risque d'être impliqué, il fait en sorte que Edmond soit emprisonné et oublié au château d'If.

Edmond y restera quatorze ans. Il y rencontrera l'abbé Faria, vieux savant que tout le monde croit fou mais qui lui inculquera tout son savoir et sa philosophie :

"Il faut le malheur pour creuser certaines mines mystérieuses cachées dans l'intelligence humaine, il faut la pression pour faire éclater la poudre. La captivité a réuni sur un seul point toutes mes facultés flottantes ça et là, elles se sont heurtées dans un espace étroit, et, vous le savez, du choc des nuages résulte l'électricité, de l'électricité l'éclair, de l'éclair, la lumière."

Quand Edmond finira par s'évader de ses geôles, il n'aura de cesse de poursuivre ceux qui l'ont emprisonné...

Au-delà du roman d'aventures, ce classique constitue un magnifique portrait d'homme. Le comte est un être complexe, être innocent et heureux au début du roman, il se densifie au fur et à mesure, désabusé par les trahisons qui le poursuivent. Il en vient même à douter de l'amour du prochain que devrait porter en lui chaque homme. Un instant, il ne croit plus en l'humanité, pour lui l'homme n'est qu'un animal ingrat et égoïste. Son parcours le forgera, c'est un homme qui trouvera de la force dans sa dignité, et qui finira par comprendre combien il est bon de vivre après avoir voulu mourir. Attendre et espérer, tels sont pour lui les clés de la sagesse ... 

Ce que j'ai moins aimé : Quand la première partie se révèle passionnante avec ses aventures multiples, ses retournements de situation, ces êtres qui ne sont jamais ceux que l'on croit, la deuxième partie s'essouffle un peu. Centrée sur les actes philanthropiques du comte qui se fait appeler Simbad le marin, les personnages se cachent derrière des identités multiples et finissent par se confondre. Néanmoins, cette partie est enrichie par le croquis péjoratif de la société parisienne qui traitent les invités "non pas d'après ce qu'ils sont mais d'après ce qu'ils veulent être".

BilanLe comte de Monte Cristo reste un magnifique roman d'aventures aux ramifications profondes.

 

Présentation de l'éditeur : Le livre de poche 

D'autres avis : Babelio

 

tome 1 passionnant aventures multiples
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Mary Anne de Daphné DU MAURIER

Publié le par Hélène

 ♥ ♥

"La malchance était un méchant lutin, il fallait lui cracher à la figure, la combattre, l'écraser ; la fortune était une proie à saisir et à ne plus lâcher ; la vie, une aventure, une alliée et non une ennemie."

Ce que j'ai aimé :

Mary Anne Clarke est la trisaïeule de l'auteure : sa fille, Ellen, épousa Louis-Mathurin Busson du Maurier et fut la mère du caricaturiste George du Maurier (1834-1896) et donc la grand-mère de la romancière Daphné du Maurier. Cette dernière nous conte la destinée hors du commun de cette courtisane renommée du fin XVIIIème, éprise de liberté et prête à tout pour mettre ses enfants à l'abri du besoin. 

Filles des rues, elle passe son enfance dans l'impasse de Bowling Inn à Londres, dans une famille modeste rapidement à court d'argent à cause des errances de son beau-père. Gamine intelligente et débrouillarde, la jeune Mary Anne espère des jours meilleurs et pense qu'en se mariant avec John, jeune héritier prometteur, elle pourra enfin sortir de la misère. Mais elle comprend  rapidement que son mari n'est pas le riche héritier talentueux qui lui promettait un avenir à l'abri du besoin, et malgré son attachement pour lui, elle cherche alors une autre voie vers son destin. C'est alors que l'opportunité de devenir une courtisane vendant ses charmes aux grands de ce monde se présente à elle. Et c'est ainsi qu'elle deviendra la maîtresse du duc d'York fils du roi et chef des armées britanniques en lutte contre Napoléon. Mais Mary Anne en veut toujours davantage, refusant de retourner au ruisseau en fonction des désirs aléatoires d'un homme...

Daphné Du Maurier nous offre un portrait vibrant et pathétique de cette femme victime de la condition féminine de son époque, une jeune femme prête à payer n'importe quel prix pour acquérir une certaine forme de liberté.

"Les matins avaient toujours le même parfum frais et excitant, et la mer de Boulogne étincelait comme jadis à Brighton. Elle quittait ses souliers, sentit le sable sous ses pieds nus, l'eau entre ses orteils. "Mère !" s'écriaient les vierges et vestales accourues en agitant leurs ombrelles... mais c'était cela, la vie, cette exultation soudaine, cette joie sans cause qui vous animait le sang, à huit ans comme à cinquante-deux. Cela s'emparait d'elle à présent comme toujours, flot ardent, griserie. Ce moment compte. Ce moment et pas un autre." p. 403

Ce que j'ai moins aimé :

Le premier chapitre présente la fin de la vie de Mary Anne et des êtres qui l'ont aimée, ce qui dévoile déjà certains aspects de son histoire... Je n'apprécie pas tellement ce prodécé qui fait commencer par la fin.

De nombreux détails financiers alourdissent le récit et l'épisode du procés est très long !

Présentation de l'éditeur :

 

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Du même auteur : Rebecca

Autre : Les forestiers de Thomas Hardy

D'autres avis :

Lu dans le cadre du mois anglais, ce jour était consacré à la romancière Daphné du Maurier

 

Publié dans Littérature Europe

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