La jeune Cristabel Seagrave grandit dans le domaine de Seagrave. Orpheline qui peine à trouver sa place, elle est souvent livrée à elle-même et court la campagne aux côtés de sa sœur Flossie et de son frère Digby, se créant des mondes imaginaires riches. Elle découvre ainsi le monde fascinant du théâtre et se plait à créer des pièces, s'émancipant peu à peu des modèles qu'on cherche à lui imposer. Mais dans les années 40, la guerre viendra tout bouleverser.
Ce que j'ai aimé :
Au début du roman, certaines scènes sont vibrantes de poésie, se plaisant à décrire un rayon de soleil miroitant sur la peau.
Ce que j'ai moins aimé :
Mais globalement, le roman est trop long (plus de 800 pages) certains passages auraient pu être écourtés. L'ensemble reste inégal.
Bilan :
Saga familiale qui s'étend sur plusieurs décennies, centrée autour de cette famille qui connait les bouleversements historiques, le roman est souvent comparé à la saga des Cazalet.
Alors qu'un violent orage sévit sur la petite ville de Summersdown sur le canal de Bristol, le microcosme intellectuel est convié chez Conrad Swann, artiste bohème pour découvrir sa dernière création, un Apollon destiné à un prix prestigieux. Mais Swann a disparu, et personne ne sait où se trouve la mystérieuse statue. Trouvant dans son appentis ce qui pourrait s'apparenter à cette œuvre, Martha, représentante autoproclamée de l’œuvre de Conrad, s'en empare et tente de convaincre la municipalité d'en faire l'acquisition. Malheureusement, il ne s'agit là que d'une chaise foudroyée lors de l'orage, disloquée, au point de ressembler à un monstre.
Ce que j'ai aimé :
Satire du monde intellectuel, réflexion sur l'art contemporain, ce roman caustique fustige ces milieux prétentieux, bouffis de certitudes et pourtant capables des pires choix...
Ce que j'ai moins aimé :
Le nombre de personnages a eu tendance à me perdre, j'ai préféré les romans précédents de cette autrice.
Dans les régions isolées de l'Arctique, Ninioq, une vieille femme inuite, et son petit-fils, Manik passent leur été à récolter et à stocker des provisions pour l'hiver. Mais à l'issue de cette saison, ils se retrouvent isolés sur une île alors que le reste de leur communauté semble les avoir oubliés.Ils doivent alors apprendre à survivre dans ces conditions extrêmes, affronter les ours, la faim, le froid, tout en s'interrogeant sur les raisons pour lesquelles personne ne vient les chercher. Ninioq s'efforce alors de transmettre sa sagesse et leurs traditions ancestrales à Manik pour que perdure leur lien ténu avec la culture inuit. La vieille femme lui enseigne les compétences et les histoires nécessaires pour survivre et comprendre leur monde. La solitude des personnages sur l'île met en relief l'importance de la communauté et des liens sociaux dans les cultures traditionnelles inuit.
Ce que j'ai moins aimé :
J'ai trouvé cette histoire très sombre sans l'humour et l'absurdité qui font le charme des racontars celtiques que j'apprécie tant...
Le livre a également été adapté en film en 2004, réalisé par Sturla Gunnarsson. L'adaptation cinématographique a contribué à faire connaître l'œuvre de Riel à un public plus large, mettant en avant la beauté et les défis de la vie dans les régions polaires.
Publié pour la première fois en 1908, ce roman est un classique de la littérature jeunesse mais tout aussi riche pour un lecteur adulte !
L'histoire se déroule dans la campagne anglaise et suit les aventures de quatre personnages principaux, tous des animaux anthropomorphes : la taupe, animal timide et tranquille qui, au début du livre, quitte son terrier pour explorer le monde extérieur, le rat amical et sociable, qui devient rapidement l'ami de Taupe. Il adore la rivière et passe beaucoup de temps à naviguer. Le crapaud quant à lui est riche et excentrique, connu pour ses comportements impulsifs et son amour des nouvelles modes, en particulier les voitures. Et pour finir le blaireau apparait comme un personnage sage et respecté, qui vit reclus dans la forêt. Il est souvent la voix de la raison parmi ses amis. Ces personnages se côtoient, s'entraident malgré leurs différences au fil d'aventures qui les mènent à découvrir de nouveaux aspects du monde et d'eux-mêmes.
Ce que j'ai aimé :
La description détaillée de la nature et des paysages ruraux anglais joue un rôle crucial dans l'ambiance du roman. L’atmosphère est calme, le lecteur est invité à simplement écouter le vent dans les saules, à admirer la lumière qui change, ou encore à se recueillir au cœur de l'hiver devant un bon feu de cheminée dans un terrier confortable aux côtés d'amis. Cette lecture est comme un cocon dans lequel j'avais plaisir à me lover après des journées sous tension.
Mais l'auteur propose aussi une satire des classes sociales et des comportements de la haute société notamment à travers les actions de Crapaud. Il écrit ainsi "une fable onirique, joyeuse et douce-amère qui réaffirme le pouvoir de la nature face aux ravages de l'industrialisation croissante de l'Angleterre édouardienne." (introduction de Sophie Chiari)
Le Vent dans les saules a été adapté de nombreuses fois en films, séries télévisées, pièces de théâtre et même en comédies musicales. J'aime particulièrement l'adaptation BD de Michel Plessix
Il s'agit de ma première participation pour le mois anglais orchestré par Martine et Lou
"L'existence humaine se résume à une course contre la noirceur du monde, les traîtrises, la cruauté, la lâcheté, une course qui paraît si souvent tellement désespérée, mais que nous livrons tout de même tant que l'espoir subsiste."
Le village se prépare pour une sortie en mer des pêcheurs. Parmi eux, Bárður, pêcheur à la morue, fasciné par les mots et captivé par sa lecture du Paradis perdu, du grand poète anglais Milton. Il est accompagné du "gamin", un jeune homme de vingt ans, son meilleur ami. Mais malheureusement, trop occupé à retenir les vers de Milton, le pêcheur néglige les préparatifs et oublie sa vareuse seule capable de le protéger des intempéries meurtrières en mer. Après ce voyage, le jeune garçon restera suspendu entre ciel et terre, incertain, en route pour rendre le Paradis perdu à son propriétaire, avançant pas à pas, perclus de douleur.
"L'enfer, c'est d'être mort et de prendre conscience que vous n'avez pas accordé assez d'attention à la vie à l'époque où vous en aviez la possibilité. "
Dans un texte profondément humain et porteur d'espoir, l'auteur prouve sa capacité à capturer l'essence de la condition humaine. Il propose une réflexion poignante sur la vie dans un environnement rude et impitoyable, tout en mettant en lumière la force et la résilience de l'esprit humain. De ce monde âpre, les deux pêcheurs islandais pouvaient s'échapper par le pouvoir des mots, enrichissant ainsi leur univers :
"Certains mots sont probablement aptes à changer le monde, ils ont le pouvoir de nous consoler et de sécher nos larmes. Certains mots sont des balles de fusil, d’autres des notes de violon. Certains sont capables de faire fondre la glace qui nous enserre le cœur et il est même possible de les dépêcher comme des cohortes de sauveteurs quand les jours sont contraires et que nous ne sommes peut-être ni vivants ni morts. "
Leur errance s'apparente finalement à une métaphore de cette quête infinie et éternelle qui consiste à donner un sens à son existence "tout ce que nous pouvons faire, c'est espérer au plus profond de nous-mêmes, à l'endroit où bat le cœur et où s'ancrent les rêves, qu'aucune vie ne soit en vain, ne soit sans but."
Pour eux, le sens serait peut être dans la solidarité, cette fraternité qui relie les humains et nous sauve de la solitude : "Nous devons prendre soin de ceux qui nous sont chers et à qui nous le sommes. Ce doit être là l'une des lois de l'existence et le diable botte le cul de ceux qui ne s'y plient pas."
Le roman est porté par une prose poétique magnifique, qui nous emporte aux confins de l'Islande auprès de ces hommes perdus dans ces matins sans aube.
"L'homme est une créature étonnante. Il lutte contre les puissances naturelles, triomphe de difficultés apparemment insurmontables, il est le seigneur de la terre et pourtant, il maîtrise aussi peu sa pensée que les gouffres qu'elle recouvre, qu'abritent ces abîmes, comment se forment-ils, et d'où nous viennent-ils, ces profondeurs obéissent-elles à des lois ou bien l'homme traverse-t-il la vie avec, au fond de l'âme, un périlleux chaos ? "
Il s'agit du premier volet d'une quête initiatique : suivront La Tristesse Des Anges et Le Cœur de l'homme.
"Il se sentait comme le gardien des biens que tout le monde avait laissés et sa présence était comme un signe, un symbole de vie pacifique opposé à la violence de la guerre."
Sur le plateau d'Asagio, dans les Alpes italiennes, Tönle tente de subvenir aux besoins de sa famille. Il s'adonne ainsi à la contrebande, jusqu'au jour où il blesse malencontreusement un douanier et qu'il doit fuir, poursuivi par la justice. Il devient alors mineur en Styrie, colporteur d'estampes dans les carpates, jardinier à Prague. Chaque hiver, il retourne chez lui, n'ayant de cesse de vouloir retrouver les siens, sa maison, son cerisier sur le toit, le potager sur le devant. Même si la première guerre mondiale bouleverse alors les destins, Tönle restera fidèle à cette image simple du paradis perdu et du bonheur. Dés que l'occasion se marchera, il marchera vers sa maison, vieillard têtu dont le bonheur a été sacrifié par les luttes de pouvoir inhérentes à l'Histoire.
Etre solaire, parlant plusieurs langues, il se fond dans le paysage et prouve l'inanité des frontières et des guerres qui tuent l'humain. En opposition avec l'autorité étatique et militaire, qu'elle soit nationale ou étrangère, il fait valoir le pragmatisme terre-à-terre, l'orgueil communautaire et le désir de préserver une existence paisible sur la terre héritée de ses ancêtres, accompagné de son fidèle chien et de son troupeau de moutons, sans avoir besoin de solliciter l'aide du reste du monde. Sur sa route le vieil homme rencontre des hommes bons qui se moquent des nationalités et savent voir en lui un humain lumineux attaché à sa terre et aux siens.
Lui-même ici des hauts plateaux, Mario Rigoni Stern rend hommage à ses racines avec simplicité et humilité au travers de récits, qui avec une économie de mots reviennent à l'essentiel : un foyer, une famille, une vie simple en accord avec la nature.
Un très beau chant mélancolique qui place l'humain au cœur de ses préoccupations !
"L'idée qu'on se faisait à l'avance de quelque chose était un poids plume voué à affronter l'inévitable masse du réel, tellement plus convaincante."
Londres, 1950. Antonia et Conrad Fleming préparent les fiançailles de leur fils Julian dans le quartier chic de Campden Hill Square. Antonia fait alors le point sur son propre mariage et force lui est de constater son échec... Sa fille ne semble pas mieux partie et quant à Julian, il a choisi une jeune fille fade très effacée qui lui promet un ennui profond ! La narration remonte alors le cours du temps pour retrouver Antonia en 1942 à Londres, puis en 1937 à Saint Tropez, à Paris en 1927 durant sa lune de miel, et enfin en 1926 dans le Sussex alors qu'à dix-neuf ans, elle rêve au mariage et à ses perspectives...
Elizabeth Jane HOWARD fait preuve là encore d'un talent indéniable pour explorer les intrications et les tensions des relations humaines au sein d'une famille bourgeoise. En proposant cette structure à rebours, elle déploie une vie entière qui permet de mettre en lumière les illusions perdues d'Antonia. Cette perspective multigénérationnelle de la famille permet d'examiner les évolutions et les dysfonctionnements qui surviennent au fil du temps. L'autrice puise dans ses expériences personnelles et dans son observation de la société pour former un portrait caustique de cette famille Fleming. "J‘ai été extraordinairement amoureux de toi, autrefois. » Cette phrase cruelle prononcée par Conrad, le mari d'Antonia, l’écrivaine l’a entendue de Kingsley Amis, son troisième mari : elle le raconte à sa biographe, la critique littéraire Artemis Cooper (A Dangerous Innocence, éd. John Murray, 2016, non traduit).
Deux adolescents parisiens, Phil, 16 ans et Vinca, 15 ans passent leur été dans la même maison familiale au bord de la mer en Bretagne. Ils découvrent l'évolution de leurs sentiments et désir, prenant conscience que cet été marquera la frontière entre enfance et adolescence. Phil rencontre une dame plus âgée et noue avec elle une relation charnelle, tandis que, dans l'ombre Vinca prend peu à peu conscience de son pouvoir d'attraction.
Rappelons que dans le contexte de l'époque - ce roman ayant été publié en 1923 - l'initiation sexuelle de deux adolescents était un sujet tabou. Tout est suggéré avec subtilité, en filigrane apparait peu à peu la perte du monde doré et innocent de l'enfance au profit d'une certaine forme de gravité liée à l'âge adulte, empli de compromis complexes.
"Je crève, entends-tu, je crève à l'idée que je n'ai que seize ans ! Ces années qui viennent, ces années de bachot, d'examens, d'institut professionnel, ces années de tâtonnements, de bégaiements, où il faut recommencer ce qu'on rate, où on remâche deux fois ce qu'on n'a pas digéré, si on échoue... Ces années où il faut avoir l'air, devant papa et maman, d'aimer une carrière pour ne pas les désoler, et sentir qu'eux-mêmes se battent les flancs pour paraître infaillibles, quand ils n'en savent pas plus que moi sur moi... "
En toile de fond, la Bretagne et ses paysages changeants eux aussi, la mer comme refuge annuel synonyme d'habitude et de sécurité, mais aussi la mer violente et surprenante...
"Une éclaircie retint l'averse dans la nue, entrouvrit au-dessus de l'horizon une plaie lumineuse, d'où s'épanouit un éventail renversé de rayons, d'un blanc triste. "
Au début du 20ème siècle, à Garonlea en Irlande, Lady Charlotte règne d'une main de fer sur sa famille, son mari, ses quatre filles et son fils Desmond. Tous vivent dans son ombre, et leur destin tient entre ses mains. Mais quand Desmond épouse la jeune et belle Cynthia, Lady Charlotte rencontre une rivale prête à tout pour faire de sa demeure la plus accueillante de la région, à grand renfort de parties de chasse et de garden-parties. La plus jeune fille de Lady Charlotte Diana se place sous la coupe de Cynthia, trop heureuse d'échapper à l'emprise de sa mère.
Le roman s'étire sur plusieurs années et brosse le portrait sans concession de l'aristocratie anglo-irlandaise dans les années 20. Les portraits sont acides, clairvoyants, portés par des détails signifiants. Chacun reste perclus dans sa solitude, guetté par la déconvenue et la vieillesse qui s'installe insidieusement. Restent les moments d'insouciance, les parties de chasse pour Cynthia, sa passion pour les jardins pour Diana, le lien fort qui les unit pour les deux enfants de Cynthia. Les lieux ont aussi leur importance, Garonlea semble marquée par la morosité, la noirceur de l'âme de Lady Charlotte et il faudra que Cynthia use de toutes ses ressources pour chasser cette mélancolie prégnante pour moderniser ce lieu lourd de tradition.
"Il fallait ... porter en soi un chaos... pour pouvoir mettre au monde une étoile qui danse..."
En Islande en 1963 Hekla, 21 ans part pour la capitale, et s'installe chez son ami Jon John. Les deux amis se protègent mutuellement, conscients d'être des êtres à part qui trouvent difficilement leur place dans la société islandaise de l'époque : elle, parce qu'elle est une femme qui écrit, lui parce qu'il préfère les hommes aux femmes. Ils se trouvent, se rassemblent, se complètent, s'épaulent dans l'adversité. Chacun tente de poursuivre ses rêves malgré un climat peu propice : Jon rêve de travailler dans un théâtre pour fabriquer des costumes quand Hekla aimerait éditer son roman. Mais Jon est malmené, battu, et tout ce qu'on propose à la narratrice est de devenir Miss Islande, de vendre sa beauté et non pas ses écrits.
Hekla est soutenue aussi par son amie Isey, une jeune femme qui prend peu à peu conscience aussi des ses limites en tant que femme : si elle ressent des besoins d'écrire également, ce qu'elle réalise dans son journal intime, elle est obligée de le ranger dans un seau, de le cacher à son mari. Avec l'arrivée d'un enfant, elle est rattrapée par des envies de maison, de confort, de couleur de papier peint, laissant son journal au fond du seau.
Ces personnages sont prisonniers d'un monde conservateur, alors qu'ils sont prêts à éclater, et leur seul échappatoire est l'art qui transcende et leur permet de survivre. Une luminosité s'échappe de ces vies, de ces femmes qui tentent d'être libres et de s'accomplir en suivant leurs choix. Hekla, fidèle au nom du volcan qu'elle porte est tempétueuse, bien décidée à faire entendre sa voix et à envoyer au tapis ceux qui ne la louent que pour sa beauté...
Ce magnifique roman de Audur Ava Olafsdottir rappelle combien il est important de s'accrocher à ses rêves, envers et contre tout. Peu à peu, tous les personnages font un bout de chemin vers la liberté et même s'ils n'arrivent pas encore au bout, ils avancent grâce à ce lien particulier qu'ils tissent et consolident. L'amitié scintille au cœur du roman, éclairant les êtres et les empêchant de renoncer, malgré un climat clairement réfractaire à leurs idées.