Je l'avoue en préambule, si cette rencontre n'avait pas été programmée, je n'aurais pas terminé ma lecture laborieuse de Condor. Cette rencontre organisée par Babélio m'a permis cependant d'éclairer certaines de mes interrogations.
Voici certaines des questions-réponses
Est-ce un deuxième Mapuche ?
S'il n'est pas intéressé par les suites, il n'en reste pas moins que la matière qu'il avait collecté pour Mapuche était tellement dense qu'il lui fallait en faire un autre roman.
Est-il un écrivain des causes perdues ?
Dans l'Histoire ce sont souvent les bons qui perdent et il avait envie de redonner la parole à ceux qui perdent. Son coeur va aux opprimés. Esteban -l'avocat des causes perdues- a été inspiré par des personnage réels rencontrés là-bas, des avocats qui défendaient les opprimés. Sous la plume de l'auteur, il est devenu un personnage "joyeux" car comme le pays est plombé, il fallait une touche plus légère.
Pourquoi une histoire d'amour ? (une de mes questions évidemment...)
Il est peu intéressé par les gens qui se contentent de se tirer dessus. N'aimant pas les armes il n'imagine pas un roman fait simplement de gens qui se tirent dessus. Une fois son fonds politique et social trouvé, aussitôt il se demande "quelle histoire d'amour ?". Ce qui l'intéresse quand il lit un roman n'est pas de savoir qui a tué mais est-ce que les protagonistes vont finir ensemble... C'est son côté fleur bleue... Parce que l'histoire d'amour interroge l'altérité.
Quelle est l'origine des personnages ?
Tous existent ou ont été influencés par ses rencontres. Victor Jara, artiste, abattu en 1973. André Jarlan prêtre de l'action catholique ouvrière qui aidait les démunis et meurt en 1984 tué par balles. Camilla Vallejo, député. Bien sûr les personnages sont passés sous le spectre romanesque. L'opération Condor existe également.
Pourquoi certains personnages sont-ils bisexuels ?
Pour montrer que la bisexualité entre dans les moeurs et c'est une façon de dire que les jeunes d'aujourd'hui sont moins coincés que nous. Le seul espoir du Chili est cette jeunesse libérée. La seule génération qui n'a pas connu la dictature est celle de Camilla, des 20-30 ans qui manifestent en revendiquant l'héritage d'Allende.
Et puis il est féministe, donc veut taper sur les mecs - cherchez le rapport...-
Pourquoi choisir le genre policier ? (ma question)
Parce qu'on peut tout mettre dans un roman noir et que le fait d'avoir envie de tourner les pages est quelque chose qui lui plaît.
A-t-il été influencé par les westerns ?
Il a surtout été influencé par le cinéma américain des années 70, qu'il préfère au cinéma d'aujourd'hui qui ressemble à un clip dans lequel tout va vite, tout se zappe rapidement. Ce n'est pas réaliste. Dans la première scène de Bullit, 4 minutes sont consacrées au réveil du personnage joué par Steve McQueen, 4 minutes qui résument déjà le personnage. Il s'étoffe dans ces 4 minutes.
Que pense-t-il de l'adaptation de Zulu ?
Les scénaristes ont fait le choix de ne retenir que la partie thriller, choix assumé. Pour lui le résultat est assumé mais en France il faut toujours que les critiques ... critiquent !
Pour Mapuche les droits sont achetés, mais cela peut être long avant que l'adaptation ne voit le jour.
Quel sera le sujet de son prochain roman ?
Il est déjà commencé, il est lié à un ami commun qui a perdu un ami en mer. Le roman sera lié au monde des marins, un monde de chiens dans lequel personne n'est responsable quand un bateau coule. Depuis le problème des migrants a pris d'autres proportions dont il voudrait parler. Son personnage est McCash déjà rencontré dans de précédents romans. Et oui dans ce roman il y aura une histoire d'amour McCash retrouvera son ex femme. (ça c'était ma question...)
Est-ce que Condor est un livre militant ?
Pour lui ce n'est pas le rôle de l'écrivain de défendre une idéologie. Mais il veut donner la parole aux gens du pays qui représentent une classe sociale dans leur pays. Il s'intéresse ici aux revendications des étudiantes par exemple.
Il n'y eut pas d'autres questions parce que Caryl était attendu juste après la rencontre qui n'a duré que 40 minutes de fait au lieu des 1h ou 1h30 annoncés initialement.
Mes réactions :
Je me suis évidemment hérissée à la réponse sur les histoires d'amour : je trouve terriblement réducteur de dire que un roman policier sans amour se résume à des passes d'armes.
De même je me suis demandée pourquoi offrir des psychologies si lapidaires à ses propres personnages eux aussi soumis sux rebondissements multiples de l'intrigue.
Quant au rôle de l'écrivain quant à ses idéologies, là encore, cela se discute...
Il n'en reste pas moins que j'ai trouvé Caryl Ferey sympathique, drôle et ouvert.
Par contre j'ai un réel problème avec le principe de ces rencontres. Je m'explique : nous avons été une trentaine de lecteurs de Babélio à être invités à cette rencontre, Quand je suis allée voir les avis sur le site avant la rencontre, j'ai été assez surprise de trouver tant d'avis dithyrambiques ! Sur 15 notes le roman obtient la moyenne de 3.92. Sur 22 critiques, j'ai lu 2 critiques négatives. Et les 8 critiques qui mentionnent le fait d'avoir reçu le livre par Babélio et avoir été invité à la rencontre sont toutes positives. Suis-je mauvaise langue ?
J'ai fait le test, j'ai rencontré sur place une des lectrices qui m'a dit ne pas avoir vraiment aimé le roman. Quand je lui ai demandé si elle avait fait une critique négative elle m'a répondu "Non, j'ai joué le jeu". Quel jeu demandai-je innocemment ? "Eh bien une fois j'ai fait une critique négative après avoir rencontré un auteur en disant que cet homme était désagréable, j'ai été mise au purgatoire pendant un certain temps, privée de rencontres et de livres en service de presse. Maintenant, j'évite, car Babélio me permet de faire de superbes rencontres, comme par exemple celle de Chimamanda Ngozi Adichie."
Ceci se passe de commentaires !
J'ai rencontré aussi une lectrice qui semblait sincèrement enthousiaste après sa lecture de Condor, je ne fais pas une généralité, je constate seulement que l'honnêteté n'est pas forcément de mise...
A bon entendeur...