Jorn RIEL est un auteur danois qui a vécu de nombreuses années au Groenland. Il en a ramené « Les Racontars celtiques », suite de fictions brèves mettant en scène des trappeurs du Nord-Est groenlandais. Une vie de racontars est une plongée au cœur de son univers, retraçant quelques moments clefs de sa vie, son amour du voyage, ses nombreux périples, ses premières grandes expériences… Célèbre pour son talent à mêler humour, poésie et une certaine mélancolie dans ses récits de vie en Arctique, il partage ici ses jeunes années au Groenland, où il a travaillé comme assistant scientifique après la Seconde Guerre mondiale, les rencontres qui ont façonné son imaginaire et nourri ses célèbres personnages de fiction et ses réflexions sur la solitude et la camaraderie dans cet environnement extrême. Ce petit livre est une plongée dans ses souvenirs les plus marquants, parfois émouvants, parfois cocasses, toujours empreints d'une tendresse pour ce monde qu'il a si bien décrit.
Contrairement à ses racontars, où l'humour et l'exagération priment, cet opus est plus introspectif et personnel. C'est l’occasion pour les lecteurs de découvrir l'homme derrière l'écrivain et de mieux comprendre d'où vient son univers si singulier. Cela permet aussi de saisir comment le Groenland, ses paysages et ses habitants, a profondément marqué sa vie et son écriture.
Ariel et John, récemment mariés profitent d'un week-end à Lisbonne. Mais le premier matin, Ariel se retrouve seule, son mari ayant mystérieusement disparu. Elle le cherche alors sans relâche, à l'hôtel, à l'hôpital, puis fait appel au commissariat, à son ambassade, mais elle se heurte à des réticences et suspicion. Les zones d'ombre planant sur les deux époux semblent trop nombreuses pour être totalement innocentes. Puis arrive la demande de rançon qui s'élève à trois millions de dollars... Ariel doit alors plonger dans son passé pour trouver celui qui possède une telle somme.
Ce que j'ai aimé :
Les sujets abordés sont brûlants d'actualité : les fake news, le harcèlement, la difficulté de protéger sa vie privée, la corruption et l’impunité des élites...
Ce que j'ai moins aimé :
Des longueurs alourdissent le récit.
Des incohérences apparaissent en souhaitant suivre le point de vue des personnages.
Bilan :
Un roman qui sait malgré tout manipuler son lecteur et être efficace !
Après la vague du mouvement « Body positive », la pression qui pèse sur le corps des femmes a-t-elle réellement disparu ?
Sur les réseaux sociaux comme dans les magazines ou les publicités, on observe la glorification de deux types de féminités « accomplies », deux modèles de corps qui paraissent s’opposer.
Le premier est une femme blanche, CSP+, qui se doit d’être naturelle et dynamique. Elle prend soin d’elle à coups de détox, de « jeûne intermittent » et pratique le sport comme une religion.
Le second est celui d’une femme « racialisée », invitée à la fois à assumer un physique hypersexualisé mais aussi à se rapprocher de la blanchité par des subterfuges dangereux pour sa santé.
À qui profite donc toute cette positivité toxique ? À l’industrie de la beauté bien sûr, et les marques de cosmétiques ou de chirurgie esthétique rivalisent d’ingéniosité pour nous pousser vers ces nouveaux idéaux.
Jennifer Padjemi mène une enquête engagée pour montrer comment le capitalisme moderne a récupéré tous les mouvements qui œuvrent pour la libération des corps et nous enjoint à lutter contre ces nouvelles injonctions.
Ce que j'ai moins aimé :
L'impression que l'autrice enfonçait des portes ouvertes, et finalement je suis sortie de la lecture avec l'impression de ne rien avoir appris, ce qui est tout de même le comble pour un essai !
Aube est une jeune Algérienne qui doit se souvenir de la guerre d’indépendance, qu’elle n’a pas vécue, et oublier la guerre civile des années 1990, qu’elle a elle-même traversée. Sa tragédie est marquée sur son corps : une cicatrice au cou et des cordes vocales détruites. Muette, elle rêve de retrouver sa voix.
Son histoire, elle ne peut la raconter qu’à la fille qu’elle porte dans son ventre. Mais a-t-elle le droit de garder cette enfant ? Peut-on donner la vie quand on vous l’a presque arrachée ? Dans un pays qui a voté des lois pour punir quiconque évoque la guerre civile, Aube décide de se rendre dans son village natal, où tout a débuté, et où les morts lui répondront peut-être.
Ce que j'ai aimé :
Le personnage principal, témoignage vivant des monstruosités commises gagne en intensité au fil du récit. L'intrigue avance pas à pas vers la révélation et sa décision finale de donner ou non le jour à sa fille. Le suspens est gardé jusqu'aux dernières pages.
"Il y a des choses que tu ne pourras jamais faire si tu viens dans ce monde. Par exemple, déambuler seule sous l'averse, t'asseoir seule sur un banc face à une montagne qui refuse de te parler, dans un jardin public. Ou bien t'habiller selon tes envies, rire dans la rue, ou encore remercier un inconnu qui t e collera dans le dos en croyant que tu es une prostituée, car tu as été gentille comme une plante d'intérieur. Tu te promèneras en groupe (dans les villes seulement, car dans les villages c'est impossible), durant les heures creuses des hommes à la mosquée, pour visiter un cimetière ou marier une proche. Il y a des choses que Dieu nous interdit : enterrer les morts, gémir sur une tombe, égorger une bête de sacrifice, hériter d'une part égale à celle de l'homme, s'épiler pendant le mois du jeûne, montrer ses bras nus ou encore élever la voix, chanter dans la rue, fumer des cigarettes, boire du vin, répondre aux coups de pied. La route est longue, la liste aussi."
Après l'amnistie totale des islamistes du FIS par la loi de Réconciliation nationale de 2005, la décennie noire est devenue tabou. Celui qui en parle risque un emprisonnement jusqu'à cinq ans s'il « utilise les blessures de la tragédie nationale, pour porter atteinte aux institutions de la République algérienne démocratique et populaire, fragiliser l'État, nuire à l'honorabilité de ses agents qui l'ont dignement servie, ou ternir l'image de l'Algérie sur le plan international ».
Ce roman est donc plus que courageux dans ce contexte !
Ce que j'ai moins aimé :
Le roman aurait gagné à être moins long, plus dense et concentré sur la première partie.
Certaines scènes sont difficilement soutenables, j'ai passé quelques pages...
Un assassin utilise une méthode très sadique pour tuer ses victimes : il convoque une famille et demande à l'un d'eux de choisir qui mourra ou vivra. La police stagne dans son enquête, et fait alors appel à Marzio Montecristo, le patron d’une petite librairie de Cagliari spécialisée dans le polar. Il dirige en effet un club de lecture "les enquêteurs du mardi". Parmi ses membres, il y a Marzio lui-même, mais aussi un prêtre, une femme à la retraite, un vieux dandy et une jeune gothique. Un an plus tôt, cette poignée de super-experts a aidé la police à résoudre une affaire particulièrement complexe. Parviendront-ils à élucider ce nouveau mystère ?
La Librairie des chat noirs est la première enquête d’une nouvelle série dans laquelle l’auteur best-seller, Piergiorigio Pulixi, rend hommage à la littérature policière.
Ce que j'ai moins aimé :
- Des scènes très glauques, comme souvent avec cet auteur,
- Des personnages caricaturaux parmi lesquels Marzio, archétype du vendeur désabusé et bougon,
- Des sentiments dignes des émois adolescents
- Une structure expéditive bancale, comme si l'auteur avait voulu s'obliger à écrire une histoire plus courte, un peu plus légère que ses romans précédents, mais sans grande conviction...
- Les vagues essais humoristiques tombent à plat !
« Il y avait un traître à Bletchley Park, qui vendait des informations pendant la guerre. Vous me haïssez peut-être, mais vous avez toutes les deux prêté le même serment que moi : protéger la Grande-Bretagne. Faites-moi sortir de cet asile et aidez-moi à attraper le traître. Vous avez une dette envers moi. »
Tel est le message que reçoit Osla alors que elle se prépare à se rendre au mariage royal de Margaret et Philip. Ce message la replonge dans les années 40 : alors que l’Angleterre se préparait à combattre les nazis, Osla avait été embauchée à Bletchley Park, là où les cerveaux les plus brillants de Grande-Bretagne étaient formés à casser les codes de l’armée allemande. Là-bas, Osla avait rencontré Mab et Beth, devenues des amies au fil du temps, jusqu'à ce qu'une sombre trahison ne les sépare.
Mais un traître émerge des ombres de leur passé, forçant les trois jeunes femmes à renouer leur vieille alliance pour casser un dernier code.
Ce que j'ai aimé :
L'autrice attire notre attention sur des pans moins connus de l'histoire, en se concentrant ici sur Bletchley Park, principal site de décryptage du Royaume Uni pendant la Seconde guerre mondiale, où les chiffres et les codes de plusieurs pays de l'Axe étaient déchiffrés, dont ceux de la machine allemande Enigma, et de la machine de Lorenz. Très documenté, le roman met ainsi en lumière le rôle des femmes qui ont œuvré dans l'ombre pour contribuer à l'effort de guerre.
Ce que j'ai moins aimé :
- Les trois personnages féminins sont quelque peu caricaturaux : la riche demoiselle qui entretient une relation avec un prince, la demoiselle plus modeste qui veut se marier, la demoiselle effacée vivant dans l'ombre de sa mère abusive.
- Les passages sur les relations amoureuses, tombent trop facilement dans la bluette sentimentale.
Le narrateur Milan, douze ans, est le fils d’un Français et d’une Rwandaise. Mais il connait peu l'histoire du pays de sa mère, ne découvrant qu'à travers la télévision les terribles images du génocide des Tutsis en cours. Sa mère a fui le Rwanda en 1973 mais garde un silence assourdissant sur les évènements qui ont marqué sa vie. Milan l'accompagne pour un premier voyage là-bas, il y rencontre sa famille maternelle, mais les informations sur le passé restent parcimonieuses. D'années en années, il n'aura de cesse de percer le mystère de ses racines. Il sera aidé par son cousin Claude et par Sartre, rwandais qui recueille les orphelins du génocide, mais aussi par sa famille proche, Eusébie, Stella, et Rosalie.
Ce que j'ai aimé :
L'histoire du Rwanda apparait par touches, portée par les personnages aux destins et aux réactions différents face au génocide. Les survivants doivent panser leurs blessures tout en cherchant leur identité à travers les myriades du passé, pour, peut-être, espérer une réconciliation.
Ce que j'ai moins aimé :
Le style m'a déçue, trop simple, scolaire, avec des dialogues qui sonnent quelquefois faux.
J'ai eu le sentiment que les sauts temporels hachaient le récit, les personnages finissent par manquer de consistance, perdant de leur élan ou personnalité à chaque changement d'époque.
Dans les Vosges, une usine en difficulté menace de fermer, laissant ses ouvriers face à une crise économique et sociale. Martel, travaille dans cette usine, syndicaliste à bout, il est prêt à tout pour trouver de l'argent. Il se rapproche de Bruce, un homme de main qui travaille pour un mafieux local. Leur mission est de kidnapper une fille sur les trottoirs de Strasbourg pour la revendre à deux caïds. Mais tout ne se passe pas toujours comme prévu... Rita, une enquêtrice sociale en charge des dossiers de travailleurs en détresse aura un rôle déterminant à jouer.
Ce que j'ai aimé :
L'auteur sait créer des personnages profonds, de ces êtres qui errent désœuvrés dans un monde qui les dépasse, des personnes qui s'ennuient, souffrent à cause de leurs propres démons, des relations familiales tendues et de cette pression économique qui les laissent souvent sur le carreau. Ces hommes et ces femmes sont alors amenés à faire des choix moralement ambigus, dans ces situations désespérées liées aux injustices sociales.
Bilan :
Je préfère résolument les romans sociaux de l'auteur à ceux centrés sur des histoires d'amour ou d'infidélité comme Connemara (dont j'avais abandonné la lecture en cours de route) ou Le ciel ouvert. Dans Les animaux la guerre, sont déjà présents tous les thèmes brûlants contenus dans Leurs enfants après eux qui lui vaudra le Goncourt quelques années plus tard. Ce roman a été adapté en mini-série en 2018.
Mardi 12 novembre la médiathèque d'Enghien les Bains organisait une rencontre avec Nicolas Mathieu. Rencontre inspirante qui a permis de mieux connaître l'écrivain.
Le ciel ouvert est le premier récit autobiographique de l'auteur, qui se présente sous la forme d'un recueil de micro-fictions publiées sur Instagram et adressées à son amour clandestin.
"Il s'agissait d'une déclaration d'amour à quelqu'une. Rappelons que cette relation était illicite puisque la jeune femme était mariée, ainsi les posts sur Instagram permettaient de lui déclarer "vois comme je t'aime même si tu es loin". Les mots pouvaient suppléer au silence imposé par l'infidélité. Chaque like était comme une preuve que cette relation avait de la valeur. Puis cela devient une chronique. Les réseaux sociaux me permettent de mettre en mots des idées qui restent vagues tant qu'elles ne sont pas incarnées dans des mots. C'est un moyen de fixer des d'émotion et de pensées.
Pour moi, parler de l'intime n'est pas impudique car si cela est bien conçu, toute plongée dans l'intime se hausse vers quelque chose de collectif.
Dans ce recueil, j'évoque aussi mon fils de 11 ans. Pour moi, la vie est toujours un peu au-dessus de nos forces. Être père est aussi difficile, mais intense. Je suis marqué en effet par le passage du temps, je vis les choses au futur antérieur en me disant "ça aura été". Je tente de retenir le sable qui coule inexorablement entre nos doigts.
Mon père était un taiseux, j'ai constaté l'inefficacité du langage entre mes parents, comme si la langue ne pouvait pas aller chercher ce qui est fondamental. L'écriture est là pour tenter de combler ces silences. Je mets des mots sur ce qui n'était pas dit quand j'étais enfant. C'est une forme de thérapie, même si je vois aussi un psy, et d'ailleurs mes livres me permettent de régler mon psy...
Ce thème du temps qui passe est un motif qui me hante et que l'on retrouve dans tous mes livres, le vrai personnage de mes romans jusqu'à un certain point est là, dans le passage du temps, la mélancolie. Le texte est un climat, un agencement de sensations dans lequel on entre, et je voulais montrer combien le temps qui passe peut affecter. Je vis avec l'idée constante de ce "c'est déjà fini".
La littérature doit faire prendre conscience, elle doit nous désespérer pour nous faire agir en connaissance de cause, pour qu'on comprenne que notre temps n'est pas infini et qu'il ne faut rien lâcher, il faut se cabrer. Elle n'est pas là pour nous remonter le moral, on est là pour en découdre, pour se battre !"
Connemara raconte la relation entre deux personnages aux trajectoires très différentes : Hélène est un modèle de réussite, de succès quand Christophe se laisse vivre.
"Ce roman est une réflexion sur la réussite, sur la question de savoir ce que signifie l'accomplissement. J'ai créé deux personnages aux trajectoires différentes pour réfléchir sur cette réussite. Au lieu de faire un essai, je crée un personnage et je vois ce qui arrive. Hélène incarne une certaine idéologie managériale que j'ai pu subir par le passé. Mes personnages sont aussi une façon de me venger de ce qui m'accable au quotidien."
L'écrivain au travail :
"Pour moi l'écriture n'est pas un don initial, elle demande des efforts, un apprentissage, un entrainement. Elle demande disponibilité et discipline. Elle est comme un muscle. Pour me relancer entre deux romans, cela me coûte à chaque fois. Il s'agit d'un métier dans le sens où on a acquis des compétences, mais à chaque fois, on est face à sa nullité car en écriture il existe beaucoup de mauvais gestes. Je réécris beaucoup. "
La solitude des personnages :
"On a tous des moments, surtout le dimanche, où on regarde sa vie et on se sent seul face à elle. Mais la solitude et l'ennui ont des fonctions d'élucidation de la réalité qui nous aide à faire les bons choix. Si nous sommes toujours dans le divertissement, on ne voit pas ce qui se passe dans notre vie, pour choisir ce qu'on doit faire, cela exige de l'ennui."
"Il est adapté au cinéma en ce moment. Je n'ai pas contribué au scénario des frères Boukherma. Je voulais juste que ce soit une fresque, pas seulement un petit film social, je voulais un souffle, une ivresse, beaucoup de musique."
Le prix Goncourt :
"Le recevoir c'était cap Canavéral, vous décollez pendant deux ans, toute votre vie change en une journée vous vendez beaucoup plus, le regard des gens change sur vous. On devient un objet, comme Miss France, on vous fait tourner, il faut faire le job dans les salons mais après il faut se remettre à bosser, et là c'est dur. On sait qu'on ne fera plus jamais autant de ventes, et c'est difficile à digérer. On vous attend au tournant, on sait qu'on fera un truc moins bon. Il faut avoir une bonne santé mentale, et avouons-le, ce n'est pas tout à fait mon cas..."
Émile et Louise Lecouvreur font l’acquisition de l’Hôtel du Nord, quai de Jemmapes dans les années 20. Parmi les locataires : Renée, qui est aussi la bonne de l’hôtel, et son amant, l’ouvrier Pierre Trimault, qui prend la poudre d’escampette en apprenant qu’il va être père. Des habitués, déjà : les joueurs de cartes, le père Louis et Marius Pluche ; Julot, l’éclusier du canal Saint-Martin.
L'auteur réussit à capturer l'âme de ce lieu de passage et du Paris populaire des années 20 :
"Il fait bon prendre un verre sur le trottoir après une longue journée de chaleur et de travail, quand le soleil s'est couché derrière les vieilles maisons du quai de Valmy et que, peu à peu, le roulement des voitures a fait place au bruit frais des écluses. Les réverbères s'allument, des amoureux s'étreignent dans le square, de vieilles femmes promènent leur chien. Les étoiles reflètent dans l'eau sombre du canal ; l'air fraîchit, un coup de vent qui vient des boulevards extérieurs apporte le murmure de la ville."
Les personnages défilent : ouvriers, chômeurs, jeunes amoureux, prostituées, et petits bourgeois, le canal et le quartier deviennent des symboles d'un monde ouvrier et populaire, plein de vie et de complexité.