Mississipi 1976. Alors qu'elle était sous la surveillance de son frère Willet et de sa soeur Roberta, la petite Pansy disparait. Les trois enfants jouaient dans une ancienne carrière alors que leur père leur avait interdit d'y errer en raison des esprits malveillants qui planaient sur le lieu. Les soupçons se portent vers leur père, lui aussi introuvable, mais les pistes restent sans issues. Willet et Roberta toutefois ne renoncent pas à retrouver à la fois leur petite soeur et leur père. Leur quête les mènera bien des années plus tard au cœur des Everglades.
Ce que j'ai aimé :
L'atmosphère des bayous est fascinante, hantés par des croyances multiples, des mythes, des histoires dangereuses, source de mille fantasmes :
"La superstition et les légendes populaires renferment plus de pouvoir que la science et la logique. L'inconnu se pare de mythe et de légende. Les fissures de l'univers physique se voient saupoudrées d'imaginaire : fantômes et diables, esprit et dieux. Les gens veulent des explications. Les gens veulent des réponses. Personne ne peut supporter l'incertitude de l'inconnu."
En arrière plan se profilent les luttes incessantes pour que les noirs, mais aussi les femmes puissent vivre de façon décente. Que le roman évoque la traque des noirs ou la condition féminine avec les avortements ou accouchements clandestins, il le fait avec intelligence en procédant par touches successives, qui peu à peu dévoilent les secrets qui enveniment le présent des personnages...
Trois femmes croisent la route d'un assassin qui les séduit, jouant sur leurs failles pour les prendre dans ses rets. La première est enseignante à Tel-Aviv, divorcée, elle s'occupe de son fils Erann fortement marqué par le divorce de ses parents. Très seule, la jeune femme s'inscrit sur un site de rencontres et commence à fréquenter Giul. La deuxième, Emilia vient de Lettonie, et s'occupe des personnes âgées, un métier difficile, d'autant plus qu'elle n'appartient pas au même pays. Elle demande des conseils au fils avocat d'un de ses patients. La troisième rédige laborieusement sa thèse dans un café et croise Giul dans ce même lieu.
Loin d'être un roman policier haletant, Une deux trois tend plus vers l'analyse sociale, s'attachant à ces femmes esseulées qui constituent des proies tellement faciles pour les prédateurs... La mécanique de Giul est rôdée, et cet être froid et calculateur agit méticuleusement !
La structure du roman est originale, s'attachant en trois parties aux pas des jeunes femmes, la tension montant crescendo.
« C’est quoi, “être émerveillé” ? Est-ce être heureux quand on est embrassé par celui que l’on aime ? Quand il me dit un gentil mot ? Quand on sait que le soir, il y aura un repas entre amis ?
— Non, cela arrive tout d’un coup. C’est imprévisible. C’est un jour comme les autres, peut-être même plus monotone. Et tout d’un coup, en regardant une chose, en permanence sous nos yeux (voir, ce n’est pas regarder), on découvre enfin son originalité, sa beauté méconnue, son mystère. Et cela balaie en nous tout ce qui pèse. »
Ce que j'ai aimé :
Le principe avait tout pour m'attirer : mettre en avant la beauté du monde, apprendre à regarder ce qui nous entoure avec des yeux poètes, embellir le monde, autant de pistes qui me fascinent...
Comme vous l'aurez remarqué, en plus la couverture est magnifique !
Ce que j'ai moins aimé :
Je n'ai pas été émerveillée, j'ai été déçue par les textes proposés, je suis passée à côté.
Non seulement les émerveillements choisis ne m'ont pas touchée (un coupe papier, une araignée, un chat...) mais de plus, je n'ai pas aimé la façon dont ils étaient mis en avant, je n'ai pas été sensible à la poésie du texte.
Marguerite, mère au foyer, passe l'été dans la ferme familiale qui accueille aussi des ouvriers saisonniers maghrébins. Or son mari de retour de la guerre d'Algérie ne supporte pas de les côtoyer. Marguerite de son côté se rapproche de l'un d'eux, fascinée par leur univers. Des années plus tard, alors que son mari est décédé, elle rencontrera un colporteur qui lui rappellera l'ouvrier marocain.
Tout en délicatesse, ces quelques pages touchent au cœur, douces, emplies d'humanité, elles suivent le destin touchant de Marguerite, portée par sa foi en l'autre. A noter que cette petite collection Elyzad Poche offre des livres aux couvertures magnifiques.
"De nouveau , il se sentait angoissé et avide, homme vivant parce qu'il nourrissait en lui un perpétuel désir."
Fauteuils réservés et autres contes qui vient de paraître, est un recueil de cinq nouvelles extraites de le Mal de vivre et autres textes, précédemment paru dans la collection L'Imaginaire. Cinq courtes nouvelles, cinq portraits ou tranches de vie d'hommes et de femmes du Paris populaire des années 1930.
Dans ces cinq textes brefs, l'auteur de L'Hôtel du Nord, plume phare de l'Ecole prolétarienne, dépeint avec un lyrisme pudique quelques trajectoires d'hommes et de femmes du peuple de Paris. "Il n'osa pas se dire que la vie l'avait volé une fois encore. Il se retrouvait dans la rue. C'était assez d'avoir à lutter contre la solitude, contre la nuit qui n'en finirait plus".
Il insiste sur la profonde solitude des êtres qui errent dans Paris et cherchent du réconfort auprès d'une femme, lestés par un quotidien que l'amour pourrait alléger. Ces personnages ressentent une envie de vivre malgré tout, conscients que le bonheur éphémère reste précieux.
Ces nouvelles courtes et percutantes nous tendrement de l'humain...
Fernand de Bois d'Enghien doit se marier avec une riche héritière, fille d'une baronne, et il est tellement engagé qu'il doit signer son contrat de mariage le jour même. Il s'agit donc pour lui de rompre avec sa jeune maitresse Lucette Gautier, chanteuse de café-concert, elle-même engagée pour chanter ce même jour chez la baronne... Cette situation rocambolesque promet de nombreux quiproquos...
S'ajoutent quelques personnages comme Bouzin, minable clerc de notaire et compositeur raté, Irrigua, général plein de fougue amoureux de Lucette, Viviane la future mariée rêvant d'un séducteur plutôt que un futur mari terne comme celui qu'on lui destine...
Cette comédie enlevée, dans le genre du vaudeville pur est une satire de la société bourgeoise frivole et légère de la fin du 19ème ainsi qu'une critique du mariage bourgeois et de la conception de l’amour à l’époque. Plus largement, la critique des défauts humains offre une vision absurde de l’existence humaine.
Ce que j'ai moins aimé :
Les répliques fusent tellement vite, ainsi que les quiproquos, situations cocasses, qu'il vaut mieux voir la pièce plutôt que la lire.
"Au-delà du mur de la ville irréelle, au-delà des enceintes de sécurité coiffées de fil de fer barbelé et de tessons de bouteille, au-delà des périphériques d'asphalte à huit voies, au-delà des berges bétonnées de nos rivières temporairement barrées et mutilées, au-delà de la peste des mensonges qui empoisonnent l'atmosphère, il est un autre monde qui vous attend. C'est l'antique et authentique monde des déserts, des montagnes, des forêts, des îles, des rivages et des plaines. Allez-y. Vivez-y. Marchez doucement et sans bruit jusqu'en son cœur."
Edward Abbey livre en ces pages une véritable célébration de la nature, qu'il s'agisse du désert, des régions plus froides, des rivières, des cascades...
"Mais j'ai pu voir la frange sud du pays des canyons. Je ne l'oublierai pas. Au cours des deux années suivantes, malgré la misère et l'ennui, l'humiliation, la brutalité et la laideur de mon lot de guerre et d'armée, je garde ce souvenir brillant en moi comme l'image même des choses qui sont libres, dignes, saines, propres et vraies : tout ce que j'ai vu et éprouvé - oui, et même senti - cet après-midi-là, dans la chaleur torride d'un train traversant le Sud-Ouest." p. 59
Ce que j'ai moins aimé :
Il est très similaire à En descendant la rivière et comme j'ai lu les deux à la suite, je me suis malheureusement lassée. Les thèmes sont très similaires.
Nathaniel Ian Miller est l'auteur d'un premier roman remarqué intitulé L'odyssée de Svenqui raconte l'histoire de Sven, fuyant une vie contemporaine abrutissante pour se retirer dans une cabane au coeur du Spitzberg, une île appartenant à l'archipel norvégien de Svalbard. Cet archipel est situé à l'intérieur du cercle polaire. Si sa première année est décevante, il s'adapte peu à peu à cette vie hors du commun.
Il est indiqué que vous avez découvert la cabane de Sven lors d'une résidence d'auteur. Que faisiez-vous là-bas ? Dans l'archipel ?
Je voulais aller en arctique car je suis aussi fasciné par les explorateurs polaires, mais en tant que touriste cela coûtait cher et ce n'était pas ce que je cherchais. J'ai donc trouvé cette résidence d'artiste à bord d'une trois mâts avec des escales. Il faut savoir tout de même que c'est une expérience payante, chère aussi, j'ai dû lever des fonds pour partir. Lors d'une de ces escales j'ai découvert la cabane du vrai Sven, je suis rentré et j'ai vu les reliques de son passé, des allumettes, divers petits objets. J'ai eu envie de raconter cette vie d'isolement. On connait très peu de la vie de Sven, j'ai donc inventé à partir de ces reliques.
Que connait on du vrai Sven ? Vous êtes vous beaucoup documenté sur son histoire et sur l'arctique en général ?
Je savais peu de choses avant d'écrire, j'en ai appris davantage par la suite mais je suis heureux de ne pas avoir su avant : j'ai appris notamment que Sven n'était pas toujours très élégant avec les femmes, ou encore qu'à sa mort il a eu des funérailles magnifiques dans la ville voisine de sa hutte. Ce n'était pas mon Sven...
En ce qui concerne l'arctique j'ai beaucoup lu à propos des explorations des pôles mais je ne connais rien sur la chasse et le trappage, j'ai donc beaucoup inventé. En France, quand j'ai travaillé avec ma traductrice Mona de Pracontal, elle me posait de nombreuses questions sur les termes précis employés et elle-même faisait des recherches sur Internet pour mieux comprendre. Elle m'a d'une certaine manière sorti de mon ignorance...
Y a t il de vous en Sven ? Avez-vous été tenté par cet isolement dans une cabane ?
J'ai mis de moi en Sven, beaucoup plus que je ne le voudrais et pas forcément les meilleurs parts. J'ai vécu dans un grand isolement étant plus jeune jusqu'à effectivement ressentir cette sensation de devenir un bout de bois... J'étais dans une tour de guet, j'en avais rêvé mais cela devenait horrible. Honnêtement, je ne pourrais pas vivre ce qu'il vit, je pense qu'il a eu de la chance, parce qu'il ignorait les techniques de survie.
Le titre original est the Memoirs of Stockholm Sven. Pourquoi ce titre ? Pourquoi un titre différent en France ?
La première personne m'est venue naturellement, cela faisait sens pour lui quand il décrit cette sensation de vivre comme une pierre, et j'ai commencé à écrire ce passage d'ailleurs qui devait être un prologue. La première personne est un bon choix car Sven est honnête et le lecteur suit ainsi son chemin de pensée. Je voulais de plus le rendre observateur de ce qui l'entourait.
Le titre a été changé en France, car comme l'explique sa directrice éditoriale Maÿlis de Lajugie le terme "mémoires" en français est marqué : il s'agit plus des souvenirs d'une personne qui a réellement existé, un personnage réel qui raconte sa vie et rencontre. Ici l'histoire de Sven tient plus de l'épopée. De plus ce roman lui avait fait penser à l'Odyssée de l'Endurance, donc cela faisait sens.
Sven est un personnage toujours poussé par les autres, est ce que ce ne serait pas ces autres qui finalement l'amènent à être lui-même ?
Oui, il accepte les décisions que les autres prennent pour lui, il n'est pas vraiment moteur de sa propre vie, il se considère souvent comme la personne la moins intéressante de la pièce. Il se construit peu à peu et développe une confiance en lui et devient quelqu'un de moteur, il commence à prendre des décisions par la suite, peut-être trop tard...
Avez vous écrit d'autres livres ?
Il s'agit de mon second livre mais le premier publié. Peut-être un jour lirez-vous le premier, mais il est beaucoup plus sombre. Il est assez similaire avec ces thématiques de l'isolement, de l'aliénation, mais l'Odyssée de Sven est plus humaine, les personnages sont plus drôles, plus humains.
J'aimerais voir publié ce premier livre, mais mon agent et mon éditeur me disent que cela risque de décontenancer les lecteurs qui ont apprécié l'Odyssée de Sven car l'amitié, la chaleur et l'espoir qui portent Sven sont absents du premier roman. Il est très différent, il évoque une réalité plus dure et nue.
Vous laissez ouverte la fin concernant la nièce de Sven. Pourquoi ce choix ?
J'ai ma propre idée de ce qui lui arrive, mais je voulais que le lecteur puisse imaginer sa propre suite, je voulais qu'elle continue à vivre dans son coeur. Peut-être un jour reprendra-t-elle le flambeau et vous pourrez lire la suite de ses aventures...
Quelle est la place de la nature dans votre roman ?
Au départ je voulais écrire du nature writing et non pas une fiction. J'ai besoin de voir pour écrire donc je suis allé à l'endroit en question. Rien ne m'attire a priori dans ces paysages froids et hostiles et pourtant mon prochain roman se situe en Islande, dans des espaces désolés aussi, donc j'ai au fond de moi une fascination pour ces espaces sublimes dans lesquels on se perd et devant lesquels nos problèmes deviennent si minimes... Néanmoins j'ai eu mon comptant de ces paysages, je vis au fin fond du Vernon dans une ferme, et sept mois de l'année la neige recouvre tout, cela ressemble à l'arctique. J'habite à côté d'une ville qui s'appelle Montpelier et j'envisage de m'y installer car le temps y est meilleur.
Quelle est la place de la musique dans votre roman ?
J'aime beaucoup la musique en général et il fallait qu'elle soit présente dans le roman. J'ai choisi de mentionner Dvorak car c'est un compositeur que j'apprécie, il est sombre, il remue quelque chose en moi de réflexif, qui me parle plus que d'autres compositeurs.
"La vie dans le vide est sans blessures, car rien ne peut vous toucher. Mais le vide est froid. Et le froid mord alors même qu'il engourdit."
Ne parvenant pas à s'intéresser à sa vie à Stockholm, le jeune Sven décide de suivre les traces des explorations polaires et rejoint le Spitzberg. Là-bas, de nombreuses épreuves l'attendent, mais la force de Sven lui permet de s'adapter peu à peu.
L'auteur s'est inspiré d'un véritable chasseur spitzberguien dont on ne sait presque rien, pour imaginer cet ermite atypique.
Ce que j'ai aimé :
L'âme de Sven semble obscurcie par une chape de plomb pesant insidieusement sur son âme, une pesanteur qu'il ne parvient pas vraiment à définir mais le pousse à quitter les régions peuplées pour évoluer dans un paysage qui lui ressemble. Cette sourde mélancolie traverse le livre, même si les amitiés tissées en chemin ou l'amour de la famille apportent une once de lumière. Certains personnages croisés sont tout aussi atteints par cette sourde tristesse, comme Tapio, le chasseur finlandais, ou encore la nièce de Sven. Les êtres ne se laissent pas saisir facilement, hantés par leurs histoires mais aussi par ce fond gris inexplicable de leur âme. Ils se soutiennent, s'entraident pour rompre cette solitude inhérente à l'homme, et parviennent malgré tout à créer un semblant de bonheur...
Ce que j'ai moins aimé :
Je pense qu'il peut y avoir une confusion dans les attentes du lecteur : la présentation laisse penser qu'un grand roman d'aventures à la Jack London nous attend, quand finalement, il s'agit plus d'un roman psychologique, une réflexion sur la place de chaque être humain dans une société. L'aventure arrive un peu en arrière plan...
Dans ces nouvelles aux accents fantastiques, nous retrouvons l'univers onirique de Carlos Ruiz Zafon, nimbé d'une atmosphère mystérieuse, entre ombre et brouillard, avec des labyrinthes, des fantômes, des secrets, un monde à la fois envoûtant et fascinant. Tel un conteur ancestral, l'auteur, maître dans l'art de conter, nous rappelle les pouvoirs de l'écriture et de la création.
"Il raconta, parce que dans ses veines coulait le vin de la narration, et le ciel avait voulu que son expérience eût été de se raconter d'abord à lui-même les choses du monde afin de pouvoir les comprendre et ensuite les conter aux autres, parées de la musique et de la lumière littéraire, car il pressentait que si la vie n'était pas un songe, elle était tout du moins une pantomine où la cruelle absurdité du récit coulait toujours en privé, et qu'il n'existait entre ciel et terre une meilleure ni plus efficace vengeance que de modeler la beauté et l'esprit à coups de mots pour trouver du sens dans la folie des choses." (Le prince du parnasse)
Dans ces pages embrumées, nous croisons de grands noms comme Cervantès, Gaudi, errant dans une Barcelone fantasmée.
A découvrir pour aborder l'univers de cet écrivain notoire, en attendant de lire son roman L'ombre du vent si ce n'est pas déjà fait !