A 39 ans, Frances prend enfin son envol, après avoir vécu dans l'ombre de sa mère, une femme tyrannique. Elle se sent à part, laide, peu habituée à la vie sociale et n'a jamais connu de relations avec un homme. Elle accepte une mission pour faire état du jardin du domaine de Lyntons, vaste demeure à l'abandon dans la campagne anglaise. Là bas, elle rencontre Pete et Cara, Pete étant lui aussi chargé d'inspecter le manoir. Le couple semble s'intéresser à Frances qui est rapidement fascinée par eux, par leurs attentions, par la fougue de Cara, et ses emportements, elle prend plaisir à les espionner. Peu à peu ses émotions prennent le dessus.
Dans ce huis clos se déroulant durant l'été 69, mensonges et vérités se côtoient jusqu'à la folie. Si dans un premier temps la libération de Frances semble bénéfique, peu à peu, une atmosphère malsaine voit le jour, nourrie par les passions réprouvées des uns et des autres.
Ce que j'ai moins aimé :
Malgré son atmosphère particulière, le fond est noir, entre frustrations et folies.
"Ça raconte l'histoire d'une fille qui n'est pas vraiment une fille, qui n'est ni algérienne ni française, ni clichoise ni parisienne, une musulmane je crois, mais pas une bonne musulmane, une lesbienne avec une homophobie intégrée. Quoi d'autre ?"
Dans cette autofiction, Fatima Daas se raconte. Chaque chapitre s'ouvre sur cette litanie "Je suis Fatima Daas.", puis l'auteur tente à chaque fois une définition, multiple, insaisissable. parce que l'être humain ne peut pas se définir, il reste un mystère, fait de strates superposées. La recherche d'identité de la jeune femme s'avère complexe, elle se pose des questions, se cherche, se perd dans des paradoxes : "J'ai l'impression de laisser une partie de moi en Algérie, mais je me dis à chaque fois que je n'y retournerai pas.", revient sur ses pas. Elle tente de concilier l'inconciliable, sa religion et ses préférences sexuelles qui se portent vers les femmes, le fait de se confier, de parler à la page blanche en contradiction avec son éducation qui lui apprend à ne jamais dire, juste "montrer par petites touches". Mais peu à peu, au fil des pages, au fil du temps et des réflexions, un portrait s'ébauche : celui d'une femme qui se trouve dans et par l'écriture, et qui finit par accepter ses contradictions.
Un beau parcours évoqué par touches discrètes et sincères.
Mireille, Astrid et Hakima ont gagné le titre le plus redouté de l'année : elles ont remporté le "concours de boudins" de leur collège à Bourg-en-Bresse. Si Mireille est habituée à recevoir ce titre tant redouté, les deux autres sont novices, et choquées que leur physique soit ainsi mis en avant. Mais elles ne se laissent pas démonter et un projet va les pousser en avant : pour des raisons différentes, elles décident de se rendre à al garden-party de l'Elysée du 14 juillet, en traversant la France à vélo et en vendant, ironiquement, des boudins pour financer leur voyage. Elles seront accompagnées par Kader, le frère de Hakima, en fauteuil roulant
La question du harcèlement et le rôle des réseaux sociaux sont ici tournés en dérision grâce à l'humour de Mireille et à l'entraide. Les jeunes filles prennent du recul par le biais du rire et ressortent gagnantes de cette aventure humaine. Une belle leçon pour tous !
Caroff est au bord du gouffre : à cause d'un accident qui a coûté la vie d'un jeune matelot, ce pêcheur est cloué au port, malmené par la ville de Brest qui ne lui pardonne pas cette mort. Les dettes s'accumulent, et si Caroff se recentre sur sa femme Marie et leur fille, la situation est préoccupante. Caroff accepte alors un marché tangent, et bascule alors définitivement dans un engrenage infernal. Jos Brieuc quant à lui a décidé de se lancer dans une nouvelle aventure : il devient taxi de mer. A la croisée des chemins, les destins des deux hommes vont se croiser.
La plongée dans cet univers maritime est immédiate tant le style de l'auteur s'adapte aux embruns et aux temps et personnages tourmentés de l'histoire.
Ce que j'ai moins aimé :
La fin. Les pluies bretonnes cinglantes semblent avoir profondément atteint le moral de l'auteur...
Alors que Lily apprend qu'elle est enceinte, son compagnon lui annonce qu'il part en tournée et qu'il lui laisse en garde son neveu Balthazar dont il avait promis de s'occuper avant l'annonce de la tournée. Balthazar vient du Canada et voudrait voir les montagnes et la neige, si bien que Lily décide de quitter Paris pour prendre la direction des montagnes. En chemin, elle prend en stop Jimmy, un jeune homme désoeuvré qui s'attache à leurs pas. Les trois compagnons trouvent refuge chez un berger qui élève seul ses brebis avec son chien.
A la croisée des chemins, se retrouvent des âmes esseulés, qui se sentent abandonnés, Balthazar et Jimmy par leurs parents, Lily par son compagnon, et le berger par sa femme, partie trop tôt. ces compagnons d'infortune s'épaulent, se comprenant à demi-mots, ils s'ouvrent à l'autre, à cet inconnu que le hasard a placé sur leur route, et en sortent grandis.
Une bd touchante, emplie d'humanité et de bienveillance.
"Ce n'est pas facile d'être une femme P'tite Cherokee"
Betty Carpenter, est la sixième de huit enfants. Avec son père cherokee et sa mère blanche, il s'installent dans le petite ville de Breathed, bien décidés à se fixer après quelques années d'errance. Mais l'intégration reste difficile, le monde ne les épargne guère. Heureusement, Betty est bercée par les histoires racontées par son père, conteur hors pair.
"Non seulement Papa avait besoin que l'on croie à ses histoires, mais nous avions tout autant besoin d'y croire aussi. Croire aux étoiles pas encore mûres. Croire que les aigles sont capables de faire des choses extraordinaires. En fait, nous nous raccrochions comme des forcenées à l'espoir que la vie ne se limitait pas à la simple réalité autour de nous. Alors seulement pouvons-nous prétendre à une destinée autre que celle à laquelle nous nous sentions condamnées."
Portée par la force de son père, elle-même se met à écrire des histoires, et quand ses écrits sont trop insoutenables, témoins de ce qu'elle vit, elle les enterre sous la terre dans des bocaux en verre. Mais son père lui a appris "la foi", l'espoir que tout va s'arranger. Quelques soient les brimades, l'injustice, Betty avance, aux côtés de Lint, un frère à part, Leland son frère aîné, violent et cruel, Fraya la soeur aînée, Flossie et ses rêves d'actrice, et Trustin qui dessine. Si la famille peut être une force parce qu'elle la porte et lui permet de passer outre l'adversité, grâce à des parents qui fabriquent un refuge, grâce aux histoires que l'on se raconte le soir sous les couvertures pour se créer un abri, grâce aux précieux "bonne nuit" de ses soeurs que Betty emporte dans son sommeil comme un talisman, cette même famille peut aussi être le foyer de démons. En effet, être femme dans un monde gouverné par les hommes peut s'avérer aliénant, ce que lui suggère sa mère "Parfois, je pense que l'univers est juste une lueur. La lueur d'une cigarette dans le noir. Toutes les étoiles, les planètes, les galaxies, les marges infinies. Tout cela est contenu dans le petit bout rouge d'une cigarette dans la main d'un homme qui, appuyé contre un mur pour suivre des yeux une fille qui rentre chez elle, sait déjà qu'elle n'arrivera jamais jusque-là."
La jeune Betty que nous suivons de sa petite enfance à ses 19 ans, en prend conscience peu à peu, mais elle a aussi hérité de la foi en l'humanité de son père. Elle puise dans ses racines cherokee, et apprend, comme le dit une légende indienne, qu'en chacun de nous cohabitent deux loups : l'un mauvais, l'autre bon, et que celui qui survit est celui que l'on choisit de nourrir et d'aimer.
Ainsi, elle se place du côté de la lumière et choisit de ne retenir que des scènes magnifiques comme sa danse aux côtés de sa sœur avec un drap pour conjurer le sort : "C'est pour ça que le monde ne s'est jamais arrêté, parce que quels que soient les changements ou les souffrances qu'elles subissaient, les femmes dansaient. Elles savaient que le monde devait continuer si elles voulaient voir toutes les bonnes choses découler de ce changement et de cette souffrance."
Et la lumière jaillit, au-delà des ténèbres...
Ce que j'ai moins aimé :
Les saisons passent et les malheurs s’enchaînent durant 720 pages, je ne vais pas vous mentir, certaines scènes fortes peuvent choquer la sensibilité de certains. Plus d'une fois, j'ai voulu abandonner, mais je me suis laissée portée par la lumière de Betty, pour ne finalement retenir de ma lecture que cet espoir, coûte que coûte, en un monde meilleur.
Alors qu'une jeune femme se fait voler son sac à main un soir à Paris, Laurent, libraire, le découvre le lendemain, abandonné dans le rue. Il le récupère, ignorant l'identité de sa propriétaire, et, par curiosité, l'explore. Il trouve alors une foule d'objets hétéroclites dont un carnet rouge qui renferme des notes. Poussé par il ne sait quelle élan, Laurent garde le sac, lit les pages du carnet, contemple des objets du sac, apprenant peu à peu à connaitre virtuellement la mystérieuse Laure. Son incursion dans sa vie ne va pas s'arrêter là...
Dans cette comédie romantique légère et fluide, les solitudes se croisent et le hasard les réunit comme par magie...
Ce que j'ai moins aimé :
SI la lecture est fluide, facile, elle n'est pas marquante.
Dans cette saga familiale épousant le destin des Lonsonier, arrivés du Jura et exilés au Chili, Miguel Bonnefoy nous livre un peu de sa propre histoire familiale, à travers le destin de son arrière grand-père et de son père, révolutionnaire d'extrême gauche. Tout commence quand le patriarche s'installe à Santiago du Chili à la fin du XIXème siècle : il replante les pieds de vignes malmenés en France par une maladie, se marie, a trois enfants. Eclate alors la première guerre mondiale, et dans les tranchées de 14-18, se croisent différents destins, quelquefois similaires, alors qu'ils sont quelquefois face à face.
Ainsi, qu'il s'agisse de Lazare, de Margot, sa fille férue d'aviation ou encore de Ilario Da son fils, chacun se trouvera face à un dilemme, une interrogation qui déterminera la courbe des autres générations.
Miguel Bonnefoy a souhaité exhumer l'histoire des français au Chili ballotés entre deux cultures pour aussi mettre l'accent sur notre statut d'exilés : certains français ont eux aussi été "transplantés", migrants, ils ont connu les souffrances du déracinement. Il balaie le siècle et ses évènements marquants, oscillant entre l'histoire française et chilienne par le biais de personnages attachants.
Ce que j'ai moins aimé :
Ce qui est particulier dans les romans de Bonnefoy est qu'il choisit de nous raconter ce qui s'apparente à des "sagas familiales" mais ramassées en quelques pages, rapidement, quand nous, lecteurs sommes habitués aux pavés, voire même à une histoire courant sur plusieurs tomes. Ici 100 ans tiennent en 250 pages.
Cela peut créer une frustration, j'aurais personnellement aimé vivre plus longtemps aux côtés de ces personnages, et je me demande s'ils vont autant me hanter que si je les avais suivi plus longtemps...
"Plutôt que de rechercher ce qu'on a perdu, mieux vaut prendre soin de ce qui nous reste."
Hatoko, la jeune femme déjà rencontrée dans La papeterie Tsubaki continue son activité d'écrivain-calligraphe au sein de sa petite papeterie. Elle vient de se marier avec Mitsurô et endosse avec joie le rôle de maman auprès de sa fillette QP. L'éducation de l'enfant lui permet de revenir sur ses propres souvenirs d'enfance, sur sa grand-mère apparemment si dure, sur cette mère disparue qui fera pourtant une apparition surprise ici. Elle se fait peu à peu une place dans sa nouvelle famille, et apprend à cohabiter avec le souvenir de l'épouse défunte de Mitsurô.
Avec délicatesse et sensibilité, Hatoko nous apprend à ouvrir grand les yeux pour profiter de chaque moment de l'existence, qu'il s'agisse d'un repas, source de joie et de partage, d'une promenade en famille, ou encore d'une rencontre avec un client de la papeterie. A travers ce personnage, l'auteur partage la douceur d'une vie centrée sur les petits plaisirs du quotidien, et nous encourage à profiter du bonheur quand il se présente, si ténu soit-il, tant il peut être volatile.
A noter qu'il est préférable de commencer sa lecture par La papeterie Tsubaki pour mieux comprendre les personnages cités.
Le destin de plusieurs personnages se croisent pour le meilleur et pour le pire : une jeune femme prête à tout pour sortir son frère de prison, un fonctionnaire pris en étau entre son travail et sa famille, un pédophile, un assassin, un ancien légionnaire serbe, une équipe de kidnappeurs aux méthodes particulières... Au milieu de cette galerie hétéroclite de personnages, Victor Coste et son équipe enquêtent, tentant de relier les destins disparates entre eux.
Ce que j'ai aimé :
La peinture sociale est acérée, pointue, très travaillée qu'il s'agisse de la description de la vie carcérale ou des milieux interlopes.
Olivier Norek évite tout manichéisme : il ne place pas d'un côté les bons, de l'autre les méchants, chacun a ses failles, ses élans, ses motivations, (excepté peut-être pour un ou deux personnages qu'on ne peut excuser, dont le pédophile, définitivement monstrueux) (à ce sujet, attention à certaines scènes décrites, âmes sensibles, s'abstenir !)
Ce que j'ai moins aimé :
Il s'agit de la troisième enquête de Victor Coste, et afin de mieux comprendre les liens qui l'unissent à ses coéquipiers, je pense qu'il aurait été préférable de lire la série dans l'ordre, c'est à dire de commencer par Code 93 et Territoires
Olivier Norek est lieutenant à la police judiciaire de Seint Saint Denis, il connait bien ses sujets et propose ainsi une description très réaliste de son milieu. De fait, ce roman est très noir, violent et infiniment triste, vous voilà prévenus...