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La promenade au phare de Virginia WOOLF

Publié le par Hélène

♥ ♥

"La vie, à force d'être faite de ces petits incidents distincts que l'on vit un à un, finit par faire un tout qui s'incurve comme une vague, vous emporte, et, retombant, vous jette violemment sur la grève."

En ce soir d'été sur une île au large de l'Ecosse, Mrs Ramsay promet à son fils James que le lendemain ils tenteront une excursion jusqu'au phare qui illumine leurs soirées de sa lumière intermittente. Mais selon son mari, l'excursion sera compromise en raison du mauvais temps. cette simple scène met en lumière les rapports humains qui régissent cette famille : entre la mère aimante et dévouée Mrs Ramsay, cette femme souple qui essaie toujours de faire le bonheur de son entourage et son mari, beaucoup plus dur et rigide, le contraste est saisissant.

Dans ce roman, Virginia Woolf évoque son père, avec qui elle a toujours rencontré un problème relationnel, ce dernier la brimant dans son acte de création. Grâce à son roman et à sa fonction cathartique, elle se débarrasse du fantôme de ce père aux allures tyranniques. Son roman est construit autour d'une image-contraste, entre le lyrisme de l'écriture, de la création et un quotidien beaucoup plus banal englué dans des considérations triviales. 

Après sa mort, Lily, une peintre qui a elle aussi séjourné sur l'île comprendra que Mrs Ramsay insufflait du sens dans l'existence naturellement dépourvue d'un quelconque sens : en créant  un environnement propice, en se souciant de l'atmosphère, de l'harmonie des choses, de façon à ce que chacun se sente hors du commun, Mrs Ramsay est l'artiste par excellence dans cet art d'arranger des choses, et de procurer le bonheur, de faire de l'instant présent quelque chose de permanent en parvenant à stopper l'instant.

"La grande révélation n'était jamais venue. La grande révélation ne vient peut-être jamais. Elle est remplacée par de petits miracles quotidiens, des révélations, des allumettes inopinément frottées dans le noir."

@PhilipPlisson

Par le grossissement des détails, l'auteur nous montre que chaque détail vaut pour le tout, dans une esthétique dite du fragment assez particulière. Chaque évènement ne vaut que comme le reflet d'une conscience, le rendu de la conscience étant au centre de l’œuvre de Virginia Woolf. Les autres sont difficilement compréhensibles, les relations humaines ne souffrant pas l'examen de cette conscience singulière :

"Comme jugeait-on les autres, comment pensait-on à eux ? Comment ajoutait-on un tel trait à tel autre et concluait-on que c'était en définitive de la sympathie ou de l'antipathie que l'on éprouvait ? "

Les mots n'atteignent jamais leur but, trop rapides, ils tombent souvent à plat et "La moitié des notions que nous nous formons que les gens sont en somme grotesques. Elles servent nos propres buts."

Seule la conscience prévaut et cette capacité à se lover en soi-même :

"Ils devaient sentir que ce qui de nous apparait aux autres, ce par quoi ils nous connaissent, ne représente qu'une puérile réalité. Sous cette apparence tout est sombre, tout s'étend, tout a d'insondables profondeurs. Mais de temps en temps nous montons à la surface et c'est cela qu'on aperçoit de nous."

Par l'acte de création, l'être se sauve et sauve la réalité vide qui se laisse difficilement saisir...

"Chose étrange, pensait-elle, que, lorsqu'on est seul, on se sente ainsi attiré vers les choses, les objets inanimés, les arbres, les ruisseaux, les fleurs ; il semble qu'ils vous expriment ; qu'ils deviennent vous-même ; qu'ils vous connaissent, et, en un certain sens, sont vous-même ; on éprouve ainsi pour eux (elle regardait cette longue lumière calme) une irrationnelle tendresse semblable à celle que l'on éprouverait envers soi-même. Du sol de l'esprit (elle regardait, regardait toujours ses aiguilles levées), de ce lac qu'est l'être montent en volutes une vapeur, une fiancée allant à la rencontre de l'aimé."
 

Présentation de l'éditeur : Folio

Du même auteur :Les vagues ♥ ♥ ♥ ; La chambre de Jacob ♥ ♥

Publié dans Littérature Europe

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L'été meurtrier de Sébastien JAPRISOT

Publié le par Hélène

♥ ♥ ♥ 

Dans un petit village de Haute Provence, se noue un drame autour de plusieurs protagonistes. Pin-Pon Florimond est un pompier volontaire qui répare sa Delahaye à ses heures perdues, il est entouré de son frère Mickey "con comme un verre à dents", qui passe son temps à parler d'Eddy Merckx, de Bou-Bou le jeune frère tellement droit "qu'il a l'air d'un cintre", de sa mère et de la tante surnommée Cognata, sourde.

Dans le village, une jeune femme fait tourner les têtes : Elle fille d'une mère allemande et d'un père paralysé des jambes qui ne sort jamais de sa chambre, Elle et ses jupes collantes trop courtes, avec ou sans culotte ; Elle qui ne sait pas bien dire les choses, mais qui dit ce qui lui passe par la tête...

Pin-Pon va se rapprocher dangereusement d'elle, sans se douter des risques encourus.

L'alternance des points de vue permet de s'immiscer dans l'âme humaine, les personnages prenant ainsi réellement vie sous nos yeux, s'incarnant pour gagner en profondeur au fil et à mesure de l'intrigue. Le style ciselé encadre une tension qui monte crescendo jusqu'à une fin époustouflante !

Du grand art !

Présentation de l'éditeur : Folio

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Les beaux étés de ZIDROU et Jordi LAFEBRE

Publié le par Hélène

♥ ♥ ♥ 

"Te raconter ? Te raconter quoi, papa ? Le bonheur ça ne se raconte pas !"

Le tome 1 se déroule en août 1973. La  famille Faldérault part en vacances,  "Cap au Sud" une fois que le père aura rendu ses planches de Bd. Et c'est parti pour un voyage enchanté avec les chansons traditionnelles, le pique nique en chemin et son lieu attitré, les taquineries des frères et des sœurs, et surtout, l'insouciance de ces jours suspendus ... 

Car oui, c'est le bonheur que chante ces albums, un bonheur fragile, souvent caché dans les détails et dans les liens ténus qui relient les êtres mais un bonheur qui éclate, pur, pendant ce mois de vacances loin des aléas du quotidien. Alors peut-être que le couple bat de l'aile, que la tante est gravement malade, que le travail est difficile, mais ce qui importe avant tout, c'est de vibrer, et de retrouver l'insouciance de l'enfance et des vacances...

Le tome 2 remonte le temps, il se déroule en 1969 et relate cette fois-ci un séjour dans les calanques, avec toujours beaucoup de tendresse, de joie de vivre et de justesse dans ces planches qui fleurent bon les vacances.

Le Tome 3 est consacré à Mam'zelle Estérel, la 4L qui a accompagné les vacances de la famille Faldérault pendant des années. A l'heure de la vendre, ils se souviennent de ses premières vacances en compagnie de MamYvette et Gros Papy, les parents de Mado. Quand tous espèrent pique-niquer et aller camper au bord de la Méditerranée, Yvette-la parfaite comme la surnomme sa fille a prévu des vacances à St Etienne et a réservé dans un hôtel tenu par des belges pour ne pas "être dépaysés".

Tome 4 Le repos du guerrier : Cet été sera celui du grand changement : Pierre est devenu copropriétaire d'une villa toute neuve, clé sur porte, dans la campagne provençale ! En route ! La clé, ils l'ont - mais où diable se trouvent la porte et la villa ?...

Tome 5 la fugue : Pour se changer les idées, les Faldérault décident de fêter Noël au soleil !

Tome 6 Les Genêts : Dans le tome 6, suite à un dégât sur le pare brise, la famille se trouve bloquée, la voiture étant chez le garagiste. Ils sont hébergés par Esther et Estelle, deux femmes charmantes qui tiennent la ferme « Les Genêts ». Tandis que Pierre se prend pour Cézanne et que Mado regarde le bébé pousser, les enfants aident à sortir les chèvres et découvrent les charmes de la campagne. Mais ils apprennent aussi les secrets de la vie...

Cette série chante avec tendresse la joie de la vie en famille, parce que "C'est ça, une famille. Tu es content de voyager, de visiter d'autres pays, de rencontrer de nouveaux visages... mais en fin de compte, y a que dans ta famille que tu te sens vraiment chez toi ! " Ces liens particuliers ont raison de toute adversité et tout se termine toujours dans la concorde et l'harmonie.

Un bol d'air frais pour ce début d'été brûlant...

Présentation de l'éditeur : Dargaud

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Un jour ce sera vide de Hugo LINDENBERG

Publié le par Hélène

♥ ♥ 

Lors d'été en Normandie, le narrateur, un enfant de sept ans, rencontre sur la plage un camarade qui l'accepte dans son monde : Baptiste. Baptiste a la chance d'avoir des parents parfaits quand le narrateur est flanqué d'une grand-mère à l'accent prononcé et d'une tante "monstrueuse". Il traque chez les autres les motifs familiaux de perfection, se délectant du spectacle des familles unies.

Dans ce roman très subtil, c'est dans les interstices que tout se passe, dans tout ce que ne dit pas le jeune narrateur, être profondément sensible qui réagit instantanément aux déceptions du monde qui l'entoure. Il nous plonge dans les émois de l'enfance, durant ce temps suspendu de l'été qui révèle la famille plus que les autres saisons, avec la promiscuité qui s'installe. L'enfant observe le monde qui l'entoure, uniquement préoccupé du présent, pour lui tout a de l'importance, il place au même niveau ce qu'il vit et ce qu'il ressent, ce qui teinte son univers d'une tristesse sourde liée au passé, et d'une honte diffuse liée à l'image décalée de sa propre famille, loin des stéréotypes qu'il observe que la plage. Il regarde le monde à hauteur d'enfant, tentant de comprendre ce qu'on refuse de lui expliquer.

Ce texte très émouvant montre avec une infinie délicatesse ces moments fragiles de l'enfance qui forgent peu à peu une identité encore fluctuante à cet âge sensible. Un très beau premier roman !

Prix Le Temps retrouvé 2020
Prix littéraire de la ville de Caen
Prix Livre Inter 2021
Prix Françoise Sagan 2021

Présentation de l'éditeur : Le livre de poche

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Le livre d'un été de Tove JANSSON

Publié le par Hélène

  ♥ ♥ ♥ 

Le temps d'un été, la jeune Sophie partage quelques mois avec son père et sa grand mère fantasque sur une petite île, loin de tout, en suspens entre deux mondes, deux périodes floues qui l'ont laissée orpheline. Complices, la grand-mère et sa petite fille arpentent l'île, écoutent les hareldes, les oiseaux peuplant le lieu, sculptent des animaux avec des branches et des morceaux de bois, fabriquent des palais en allumettes, et discutent de Dieu, de respect d'autrui, de la vie qui palpite à leurs côtés.

Elles se fondent dans le paysage de cet été, en harmonie avec le lieu et ses habitants.

"Elle ressemblait à un énorme bécasseau quand elle se promenait, elle avançait lentement sur ses jambes raides, s'arrêtait souvent, tournait la tête à droite et à gauche, et examinait tout avant de continuer." 

La grand-mère est à l'orée entre la vie et la mort, et peu à peu elle rend hommage à cette vie qui palpite encore en elle, elle prend soin du monde et des personnes qui l'entourent, allant même jusqu'à faire le tour de l'île pour arroser ses plantes préférées quand le temps est à la sécheresse.  S'il lui arrive de perdre son dentier dans les pivoines, et de se disputer avec Sophie, elle est néanmoins celle qui éclaire l'île de sa présence révélatrice. 

"La grand-mère gravit le rocher tout en réfléchissant sur les oiseaux en général. Il lui semblait qu'aucun autre animal ne possédait leur pouvoir de dramatiser et de parfaire un évènement -les changements de temps et de saison, les multiples états d'âme que traversent les individus."

Ce court roman est une véritable hymne à "la beauté du paysage final de notre vieillesse dans un été qui s'achève ! Le silence se fait autour de nous, chacun part de son côté, et cependant nous nous retrouvons tous devant la mer, dans la paix du soir au coucher du soleil." 

Il évoque magnifiquement le bonheur qui s'immisce dans les interstices du temps et de la vie.

 

Présentation de l'éditeur : Le livre de poche

Du même auteur : L'honnête tricheuse ♥ 

Publié dans Littérature Europe

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Une enquête des soeurs Brontë tome 3 Le monarque rouge de Bella ELLIS

Publié le par Hélène

♥ ♥ ♥

Alors que les sœurs Brontë se morfondent et sont sur le point de renoncer à leur carrière de détectives, la jeune Lydia fait appel à eux pour retrouver son mari, Harry. Celui ci a en effet été enlevé par des criminels qui l'accusent d'avoir en sa possession un bijou au prix inestimable. Lydia ne reverra son mari que si elle restitue le bijou dont elle ignore tout. Accompagnée de leur frère, les sœurs Brontë se lancent alors dans une enquête londonienne, fréquentant les bas-fonds sordides et arpentant les coulisses du théâtre dans lequel travaille Harry. Elles chassent le monarque rouge, le chef du gang de criminels qui tient la ville sous son joug.
Ce que j'ai aimé :

Cette fois-ci les sœurs Brontë ne s'attaquent pas seulement à un individu unique isolé et capable de faire le mal, mais à une organisation bien plus complexe qui touche vraiment aux rouages de la société et prouve la perversion du système. Les plus pauvres sont réellement démunis face à ces puissants pervers au point de s'en prendre aux enfants les plus faibles.

Ce que j'ai moins aimé :

Le changement de lieu dessert le charme de ce tome : dans les épisodes précédents, la lande et son atmosphère mystérieuse apportait une touche presque fantastique aux intrigues. Ici l'autrice a choisi le décor de Londres et de ses bas fonds, beaucoup moins romantique et surtout beaucoup plus sombres !

Bilan :

Une série originale, mais je vous conseille plutôt les tomes précédents pour commencer.

Présentation de l'éditeur : Editions Hauteville

Du même auteur : Une enquête des soeurs Brontë tome 1 ♥ ♥ ♥ ♥ ; Une enquête des soeurs Brontë tome 2 ♥ ♥ ♥ ♥

 

Publié dans Roman policier Europe

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Sourires de loup de Zadie SMITH

Publié le par Hélène

♥ ♥

Dans les quartiers nord de Londres en 1975, l'anglais Archie Jones et le Bangladais Samad Iqbal entretiennent une amitié datant de la seconde guerre mondiale.

Le roman s'ouvre au moment où Archie décide de se suicider en s'asphyxiant dans sa voiture , mais est sauvé in extremis par Mo Ismael qui tient la boucherie hallal devant laquelle était garé Archie :

« Vous entendez, m’sieur ? On n’a pas la licence pour les suicides, ici. Nous, on est halal, kasher, vous comprenez ? Si vous voulez mourir dans cet établissement, va d’abord falloir qu’on vous saigne. »

Le ton est donné, tout le roman entremêlant humour et portait acide de cette Angleterre multiculturelle en pleine mutation dans les années 1970-2000.

« Ce siècle aura été celui des étrangers, bruns, jaunes et blancs. Celui de la grande expérience de l'immigration. [...] L'immigrant ne peut que rire des peurs du nationaliste (l'envahissement, la contamination, les croisements de races) car ce ne sont là que broutilles, clopinettes, en comparaison des terreurs de l'immigrant : division, résorption, décomposition, disparition pure et simple » (p. 449).

Suite à cette aventure, Archie rencontre Clara, Jamaïcaine, avec qui il aura une fille, Irie. Samad rêvait de suivre les traces de son aïeul, héros supposé de la révolte des Cipayes au 19e siècle. Il est doté de deux jumeaux, Magid et Millat mais éprouve des difficultés à leur inculquer quelques notions d'héroïsme... En sus de ces deux familles, une autre famille aura son rôle à jouer  les Chalfen, desquels vont se rapprocher Irie et Millat. La cohabitation de ces personnalités bigarrées permet de mettre l'accent sur les conflits de culture et de génération.

Ce que j'ai moins aimé :

Le roman m'a semblé très long, souvent j'étais tentée de stopper ma lecture, mais la profondeur du roman finissait par avoir raison de mes hésitations.

Beaucoup de thèmes sont abordés ce qui peut désarçonner le lecteur.

Bilan :

Un roman ambitieux !

Présentation de l'éditeur : Folio

Thème du jour : Londres

Publié dans Littérature Europe

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Rencontre avec Pete FROMM

Publié le par Hélène

Samedi dernier, dans le cadre du challenge Gallmeister, nous avons eu la chance de rencontrer Pete Fromm, un auteur profondément humain et bienveillant.

Voici les questions qui lui ont été posées :

Vous semblez très proche de la nature dans vos romans, que pensez-vous du réchauffement climatique ? (oui ça commençait fort...)

Cela me terrifie, surtout que les politiciens aux EU et particulièrement dans le Montana où je vis sont mauvais sur ce chapitre. Pour preuve, une loi récente a été votée : il est impossible d'abroger des lois au nom de la défense de l'environnement ! Nous avons deux enfants, et franchement je ne sais pas quoi faire...

Avez-vous prévu un livre sur le sujet ?
Non, pas sur ce thème spécifiquement. Mais je viens de finir un roman dans lequel l'héroïne est touchée par ce sujet. Indian Creek permet aussi de sensibiliser les lecteurs au sujet...

Quelle importance a pour vous la rivière, que l'on retrouve dans nombre de vos romans ?

L'un des plus vieux conseils donnés aux écrivains est "écris sur ce que tu connais", donc j'ai suivi ce conseil. Et je trouve aussi que la rivière est une belle métaphore de la vie : elle coule toujours dans un sens, il n'est pas possible d'aller en arrière, quelquefois le flot est tumultueux, quelquefois calme, on est obligé de prendre les choses comme elles se présentent. J'aborde ce sujet dans mon roman Mon désir le plus ardent.

Repartiriez-vous pour refaire le voyage vers Indian Creek ?

Oui, sans hésiter, l'année suivante, j'ai voulu y retourner, mais le programme avait changé. J'y suis retourné dans une cabane, ce que je raconte dans Le nom des étoiles.

Comment parvenez vous à donner autant d'intensité à vos personnages ?

Je pars d'une idée simple au début, un couple par exemple, et s'il ne se passe rien ensuite, le lecteur va s'ennuyer. Les personnages prennent vie d'eux-mêmes ensuite, j'écris juste ce qu'ils se disent, ma femme dit même que quand je vais travailler, je vais retrouver "mes amis imaginaires".

Comment faites-vous pour vous glisser aussi bien dans la peau de personnages féminins ?
Quand je dis que je vois mes personnages, c'est vrai ! Je ne veux pas les décrire, je préfère que le lecteur se fasse sa propre idée. Le personnalités sont un bouquet d'émotions complexes, pour moi il n' y pas de différences entre les hommes et les femmes, les émotions sont universelles, on connait tous des moments durs ou joyeux, homme ou femme. Ce qui est important pour moi est de rendre ces moments avec exactitude, c'est ce qui constitue le coeur de mes histoires.

Y a t il des sujets que vous vous interdisez d'aborder ?

Non, encore une fois je ne choisis pas d'écrire une histoire précise, elle se présente à moi.

Quelles sont vos habitudes d'écriture ?
Etre écrivain n'est pas super cool, c'est assez répétitif : je me lève, écrit 4 ou 5 heures et c'est tout. Même le jour de Noël, je suis allé écrire, je ne sais pas me réveiller autrement. J'écris dans un bureau sans internet, sans journaux, sans radio.

Avez vous un roman que vous avez préféré écrire, et quel était le plus difficile à écrire ?
Difficile de répondre, c'est comme si on vous demandait quel est votre enfant préféré. Ils ont été tous été difficiles à écrire, et ils ont tous quelque chose que j'aime. Mon désir le plus ardent raconte une vie complète, donc avec une mort inéluctable à la fin. Je savais que le jour arriverait où je devrais donc faire mourir mon personnage mais quand c'est arrivé, j'ai été touché, sonné !

Avez-vous des auteurs préférés ou qui vous inspirent ?

je lis beaucoup et c'est donc difficile de répondre. J'ai pris il y a longtemps des leçons d'écriture et on m'a conseillé de lire Hemingway, Steinbeck et Mark Twain, que des écrivains mâles décédés ... Hemingway sait dire les choses simplement et Twain m'a appris à ajouter de l'humour pour désamorcer quelquefois une situation plus dramatique. J'aime Roddy Doyle qui est capable d'entremêler ainsi le tragique et l'humour. J'apprécie aussi les nouvelles de Keith Kennedy. Il n'y a pas tant d'écrivains américains que j'apprécie je trouve qu'ils poussent trop dans l'émotion plutôt que nous laisser ressentir ce qu'on veut. En France, j'ai lu Maylis de Kerangal, ou encore Franck Bouysse.

Que pensez vous de la censure de certains termes dans les romans ?

Je trouve cela ridicule : par exemple Mark Twain s'attaque à la notion de racisme il prend un jeune homme éduqué dans le racisme le plus pur, qui est sur cette rivière aux côtés d'un esclave et doit revoir ses préjugés, il devient ami avec lui. Dans le livre le mot "nègre " a été banni alors qu'à l'époque c'était le seul mot utilisé pour parler des gens de couleurs. C'est ridicule.

Quel sera le titre de votre prochain roman ?

"L'impératrice de l'air" pour la traduction française mais généralement Oliver trouve à redire à mes titres et les modifient... Pour Une vie en chantier, j'avais choisi "un métier que tu ne sauras pas faire" et Oliver a dit non, donc ce titre n'est pas forcément le bon..

Avez vous déjà songé à écrire pour la jeunesse ?

Les histoires que je raconte à mes enfants sont  destinées à les endormir et à dire vrai je n'ai pas envie d'écrire des histoires soporifiques ...

Lisez vous d'autres auteurs du Montana, comme Rick Bass par exemple ?
Oui bien sûr, sinon il me sera difficile de les croiser ensuite dans la ville et de faire semblant d'avoir lu leurs livres... J'ai rencontré David Vann, j'ai tourné avec lui d'ailleurs, c'est un des hommes les plus drôles que j'ai rencontrés, ce qui est surprenant vu ce qu'il écrit (cf Sukkwan island)

Rencontrez-vous un succès particulier en France ? avez vous aussi du succès au Japon ou en Allemagne ?
Je ne suis pas publié au Japon. Je tourne en Italie, Espagne. Mais j'apprécie les tournées en France, ces tournées sont extraordinaires. Aux EU quand on fait une tournée, souvent il n'y a que 3 ou 4 personnes lors de la rencontre dans la librairie, dont l'un qui demande où trouver le prochain Stephen King et l'autre qui est rentré parce qu'il faisait froid dehors... Aux EU on nous balance face au lecteur sans présentation, le jour même de la sortie du livre si bien que personne ne l'a lu encore.

Comment vous sentez-vous en ville ?

Tout dépend de la taille de la ville. Missoula est une ville de 70000 personnes, je vis dans une rue tranquille, j'aime bien. J'aime être dans la nature, tout ce à quoi on doit faire attention on y fait attention, c'est un endroit où on peut se concentrer sur tout, alors qu'en ville, souvent, le but est d'ignorer tout ce qui se passe, tout ce qui nous entoure.

Merci encore à Nathalie et Anthony pour l'invitation !

Pour en savoir plus sur le challenge, c'est ici : https://www.instagram.com/challengegallmeister/

Ses romans ici : Indian creek ♥ ♥ ♥. Avant la nuit ♥ ♥ ♥; Le nom des étoiles ♥ ♥ ♥

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Il était un fleuve de Diane SETTERFIELD

Publié le par Hélène

♥ ♥ ♥ ♥

"La vie était fondamentalement inexplicable, et il était inutile d'essayer d'y comprendre quelque chose."

Par une nuit de solstice d'hiver au milieu du XIXème siècle un homme surgit dans l'auberge de Joe, portant dans ses bras une fillette noyée dans la Tamise. La fillette n'a pas survécu, et l'homme, Henry Daunt, photographe, est gravement blessé. Mais à la surprise générale, quelques heures plus tard, la petite fille respire de nouveau et revient miraculeusement à la vie, ce qui intrigue et fascine les habitués de l'auberge, férus de contes et histoires extraordinaires.

La fillette a perdu la parole si bien qu'il est impossible de savoir ce qui lui est arrivé. Se présentent alors trois familles qui la réclament : Les Vaughan sont persuadés qu'il s'agit de leur fille Amelia, disparue deux ans plus tôt, les Armstrong pensent qu'elle est en réalité la fille de Robin, le fils de la famille, et Lily reconnait sa sœur Ann, disparue depuis quarante ans. À moins qu’il ne s’agisse de la fille du batelier, Quietly, mort il y a quelques siècles, qui fait maintenant passer les âmes d'un coté à l'autre de la rivière...

Rita Sunday, infirmière du village suit de près le destin de la fillette, avec l'aide de Henry, elle observe les rebondissements, s'assurant du bien-être de l'enfant.

Il était un fleuve nous entraine dans une atmosphère mystérieuse autour du fleuve de la Tamise, atmosphère teintée de surnaturel, d'une aura fantastique entretenue par les multiples récits qui résonnent dans l'auberge. L'autrice détient également ce talent indéniable pour plonger le lecteur dans un récit prenant aux multiples ramifications, tout en nous interrogeant sur les liens familiaux, sur l'amour filial et en nous en apprenant aussi davantage sur les débuts de la photographie et du darwinisme.

Un roman que je suis ravie d'avoir découvert grâce au mois anglais !

Publié dans Littérature Europe

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La trilogie de Corfou de Gérald DURRELL

Publié le par Hélène

♥ ♥ ♥ ♥

« Vivre à Corfou équivaut à vivre une opérette haute en couleur et pleine de rebondissements. »

 

Gerald Malcolm Durrell était un naturaliste, écrivain et présentateur de télévision britannique, connu pour avoir fondé le Durrell Wildlife Conservation Trust et le Zoo de Jersey, sur l'île de Jersey, dans la Manche, en 1958. Il a passé une partie de son enfance en Inde et à Corfou ce qui lui a inspiré "La trilogie de Corfou" constituée de Ma famille et autres animaux, Oiseaux, bêtes et grandes personnes, et Le jardin des dieux, réunis ici pour la première fois en un seul volume.

Avec beaucoup d'humour, il raconte sa jeunesse sur l'île de Corfou aux côtés de sa mère, de sa soeur et de ses deux frères, et de la ménagerie qu'il se crée, en parfait naturaliste débutant. Ainsi, il n'hésite pas à adopter des hiboux, des hérissons, des hippocampes, et tente même d'acquérir un ours qui danse. Son observation attentive de la nature lui permet de contempler avec délices le spectacle fascinant de ce qui l'entoure. Il accompagne les pêcheurs, s'aménage une mare sur la plage pour y placer ses trouvailles, observe les bousiers, traque les argyronètes (araignées d'eau) et n'hésite pas à ramener chez lui une tortue morte pour la dépecer sur la terrasse, ce qui ne ravira pas sa famille, pourtant habitué à ses frasques naturalistes et fera dire à son frère :  

«  Cette maison est un enfer, je vous assure. Il n’est pas un coin qui ne fourmille de bêtes malintentionnées prêtes à se jeter sur vous. (…) D’abord, j’ai été attaqué par un scorpion, une bête hideuse qui a répandu du venin et des petits partout. Puis ma chambre a été saccagée par des pies.  Maintenant, il y a des serpents dans la baignoire et des bandes d’albatros volent autour de la maison avec des bruits pareils à ceux d’une tuyauterie défectueuse. » (p. 249)

Sa famille est tout aussi haute en couleurs, elle a tout a tout « d’un cirque ambulant et son personnel » prenant la vie avec désinvolture:  la maison est trop petite pour recevoir des invités, qu’à cela ne tienne, ils déménagent. Puis la grand-tante Hermione menace de débarquer, nouveau déménagement dans une maison plus petite qui ne permet pas de l’accueillir...

Larry quant à lui a la fâcheuse tendance de ramener dans la maison familiale des amis improbables comme ce Sven capable de jouer - faux- des airs d'accordéon jusque plus soif, ou ce capitaine très séducteur, et très peu capitaine. Sa mère est toute dévouée à ses enfants, offrant un âne à Gerry pour l'accompagner dans ses pérégrinations, et n'hésitant pas à affronter une spirite pour sortir Margo et son acné de ses griffes.

En passionné invétéré, Gérald Durrell est entièrement dédié au présent et savoure chaque seconde passée aux côtés de ceux qu'il aime au cœur de son île paradisiaque, nous faisant découvrir tout un monde insoupçonnable, comme s'il souhaitait retenir ces moments hors du temps, avant que la famille ne s'éparpille et que la guerre ne s'annonce.

"L'air chaud, le vin et la mélancolique beauté de la nuit m'emplissaient d'une délicieuse tristesse. Ce serait toujours ainsi, pensais-je. L'île lumineuse, accueillante, pleine de secrets, ma famille et mes animaux autour de moi et , par-dessus le marché, nos amis."

A savoir : Ces romans autobiographiques ont été adaptés pour la télévision sous le titre "The Durrells" (titre français La Folle Aventure des Durrell) en 2016.

Et pour le clin d’œil : il s'agit d'un de mes livres préférés !

 

Présentation de l'éditeur : Editions de la table ronde

Du même auteur : Le aye-aye et moi

Thème du jour : Nature

Publié dans Littérature Europe

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