Boccanera, c'est Ghjulia Boccanera, dite Diou, enquêtrice privée corse qui officie à Nice. Un homme lui demande d'enquêter sur la mort de son compagnon, car la police fait peu cas de sa mort. Diou s'embarque alors dans une enquête trépidante !
Virgil vit dans la réserve indienne de Rosebud dans le Dakota du Sud. Il propose ses services pour rétablir la justice quand celle-ci est défaillante, les principaux abus ayant lieu sur la réserve n'étant pas punis. Il s'occupe aussi de son jeune neveu après la mort de sa soeur. Mais cette fois-ci, Virgil se lance dans une nouvelle mission différente de ses habitudes : on lui demande de traquer des hommes qui introduisent sur la réserve une nouvelle drogue. Son neveu se trouvera directement impliqué.
Ce que j'ai aimé :
Le roman est centré sur les problèmes auxquels est confrontée la nation lakota sicangu et sur cette "justice à l'indienne" : "La police tribale devait rapporter tous les crimes aux enquêteurs fédéraux, qui allaient rarement jusqu'aux poursuites. Seules les affaires médiatisées ou les crimes violents méritaient qu'ils engagent une action en justice. Mais les agressions sexuelles classiques, les vols, les voies de fait étaient le plus souvent ignorés. Et les ordures le savaient. Les violeurs pouvaient s'en prendre aux Indiennes tant qu'il le voulaient, du moment qu'ils opéraient en terre indienne."
Virgil contribue donc à la justice en se substituant au système judiciaire défaillant. Cet homme ambivalent hésite entre les traditions amérindiennes et la modernité qui s'offre à lui et devra trouver le juste accord pour sauver ceux qu'il aime.
Ce que j'ai moins aimé :
Une tension glaçante et des scènes assez violentes.
"Il y a les mères qui bouffent, boivent, prennent des médicaments.
Il y a les mères qui travaillent trop.
Celles qui pleurent le matin au réveil en se demandant pourquoi.
Il y a les mères qui cuisinent, cousent, rejoignent des associations, vont à la messe.
Celles qui courent frénétiquement dès l'aube.
Il y a celles qui postent six mille photos de leurs gamins.
Il y a celles qui ne font rien de tout ça et qui tombent malades.
Et puis il y a les mères qui trompent leur mari.
Les mères qui font ce qu'elles peuvent.
Les pères aussi."
Ariane est une femme comblée, mère de trois adorables filles, aimée d'un mari beau et spirituel, femme accomplie intellectuellement, son parcours est doré. Mais ce sera sans compter sur ce grain de sable, cette phrase ou ce regard qui appelle tout à coup autre chose, et qui, consciemment ou non mène à tout remettre en question et à tout balancer par dessus bord. Pour Ariane, il s'agit de Sandro, un barman qu'elle croise un beau jour, un homme qui n'est pas fait pour elle -lui-même le dit- mais qui deviendra une obsession dont la jeune femme ne saura se défaire.
Avec une sincérité touchante, en totale transparence, Ariane, double de l'auteur, livre cette période tourmentée de sa vie. Elle s'interroge sur les modèles masculins qui ont jalonné sa vie et l'ont peut-être poussé inconsciemment à aimer cet homme interdit. Cette plongée dans les arcanes de la passion lui permet aussi d'observer la femme trop souvent cachée derrière la mère de famille débordée par un quotidien aliénant. Cette passion n'est-elle pas aussi la façon de retrouver la femme, l'adolescente tapie derrière la vie de famille trop sage et pourtant longtemps rêvée ? Une façon de retrouver sa jeunesse et de faire un pied de nez au temps qui passe et ternit l'élan initial ?
Ses paradoxes sont nombreux, mais le choix assumé de retirer tous les fards qui auraient pu maquiller cette passion et la justifier permet de les présenter dans toute leur logique déconstruite, dans leur pureté scintillante.
Quand l'expérience personnelle touche à l'universel et est relatée avec tant de pureté et d'honnêteté, de pages en pages, de mots en mots, peu à peu, cette expérience devient artistique et trouve seule sa justification.
En 2015, Gwenaêlle Abolivier décide de résider trois mois dans le sémaphore de l'île de Ouessant, au bout de la Bretagne. Là, sous l'égide du phare du Créac'h, elle se prépare à un beau voyage immobile. elle explore l'île, rencontre ses habitants.
Ce que j'ai aimé :
- Le style :
"Ouessant est devenue une urgence à vivre. cet appel d'air contient tous les parfums et les humeurs du monde qui éloignent de la servitude de l'ordinaire des jours et des attentes déçues. sanglots longs qui jaillissent comme des accords de Ry Cooder. J'entendais, il y a des vies plus vraies que d'autres. Je répondais qu'est ce que le sens de la vie ? "Respire, marche, pars, va-t'en", me soufflait Cendrars. Si j'avais été pilote, je serais partie dans le ciel, si j'avais été apnéiste, j'aurais plongé vers les abysses. Ma consolation sera une île." p 13
Ce que j'ai moins aimé :
Il s'agit plus d'un journal au jour le jour, sans trame romanesque, une série de remarques sur les habitants, l'histoire de l'île.
Bilan :
Je n'ai pas été sensible à ce petit livre trop statique et linéaire.
"On cueille la vie, ensuite on la recueille. Alors, on peut se recueillir. Ce livre est le recueil de mes recueillements." p 77
Jacques Brosse livre ici son journal sur un an de mars à mars, l'auteur notant ses émerveillements au sein de son Périgord. Il partage juste la contemplation de ce qui l'entoure, des oiseaux qui viennent picorer à sa fenêtre, se contentant d'admirer le monde, en se tournant résolument vers la nature et vers ce qu'elle a de beau et inattendu à nous offrir.
Une pépite à savourer en suivant le vol des hirondelles....
"Il faut, disent-ils, "se tenir au courant". L'actualité, la mode, les médias, la publicité, l'internet, voilà le courant qui les hypnotise et les entraine dans une vie qui ne leur appartient plus. Savent-ils seulement que les hirondelles sont de retour ? Et ils se prétendent "dans le vent". Autant en emporte-t-il !" p 15
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"L'herbe brillante, parsemée de pâquerettes, de fleurs de pissenlit, de véroniques bleu vif que broute un petit lapin, on dirait le sol du paradis dans une tapisserie flamande encore sur le métier d'angéliques lissiers." p 15
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"A chaque promenade solitaire sa trouvaille. Il suffit d'ouvrir l'oeil et de ne penser à rien, alors, au sein du connu, se révèle l'imprévisible. "
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"Ecouter en silence le bruissement des feuilles dans la brise du soir." p96
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"Le sacré, c'est l'invisible, quand parfois il daigne se manifester, quand enfin nous consentons à le voir. " p 156
L'auteur raconte trois de ses expéditions en montagne : l'une au Huascaran dans la Cordillère blanche avec 8 autres acolytes dont un chef d'expédition surnommé la Pintade, une ascension de El capitan dans le Yosemite et enfin une traversée dans le massif du Mont Blanc avec sa fille.
Il propose ainsi trois nouvelles très différentes : la première, pourtant tragique est teintée d'humour, la deuxième est rédigée en vers, et la troisième apparait bien plus technique. l'auteur étant membre de l'oulipo, cela explique sans doute les choix d'écriture très différents.
Si j'ai un faible pour la première, toutes les trois nous plongent dans cet univers sauvage dans lequel tout peut basculer à tout moment, où chaque pas est un suspens attaché au-dessus du vide, mais aussi un univers où la beauté surgit inopinément, brusquement et souvent.
"Ce mélange fort subtil d'effort et de somptuosité des paysages, de bataille contre les éléments (qui sortent parfois vainqueurs), de matériel à bien doser, le rapport avec les compagnons de cordée, le partage de cette joie essentielle avec ses amis, avec ses enfants, les nuits glacées dans la neige ou dans l'altitude que vient contrebalancer la chaleur des liens que tisse la montagne avec les compagnons, c'est ce que m'ont offert et continuent de m'offrir la montagne et l'escalade. C'est ce qui me pousse à toujours y retourner.
Si j'ajoute à cela les imprévus : orages, cordes coincées, erreurs d'itinéraire, corde trop courte, cheveux coincés dans le descendeur, tombée brusque du brouillard le jour où la boussole est absente du sac... j'aurai dit que l'aventure en montagne est avant tout humaine, et qu'aucun topo ne saurait la décrire. " (préface)
« L’ouvrier ne pouvait pas tenir le coup, la révolution n’avait fait qu’aggraver ses misères, c’étaient les bourgeois qui s’engraissaient depuis 89, si goulûment, qu’ils ne lui laissaient même pas le fond des plats à torcher. » p 128
Germinal suit la trajectoire de Etienne Lantier qui arrive dans la petite ville de Montsou et se fait embaucher dans les mines. Il découvre un monde âpre qui permet à peine aux familles de survivre, un monde de misère, des hommes et des femmes hantés par la faim, soumis aux familles plus riches, peu enclines à écouter "les classes inférieures". Peu à peu, la révolte gronde et s'organise.
Le roman s'inspire de la grève en 1884 des mineurs d'Anzin où se tient une grève de 12 000 miniers. Zola se documente également dans le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais : il interroge les mineurs et ingénieurs sur leur vie quotidienne et rencontre en particulier Émile Basly, meneur de la grève. Il dépeint alors la vie harassante des « gueules noires », l'émergence de la classe ouvrière, la nécessité d'une lutte sociale pour plus de justice sociale. les mineurs étant juste libres de crever de faim.
« Non, sûrement, la vie n’était pas drôle. On travaillait en vraies brutes à un travail qui était la punition des galériens autrefois, on y laissait la peau plus souvent qu’à son tour, tout ça pour ne pas même avoir de la viande sur sa table, le soir. Sans doute on avait sa pâtée quand même, on mangeait, mais si peu, juste de quoi souffrir sans crever, écrasé de dettes, poursuivi comme si l’on volait son pain. Quand arrivait le dimanche, on dormait de fatigue. Les seuls plaisirs, c’était de se soûler ou de faire un enfant à sa femme ; encore la bière vous engraissait trop le ventre, et l’enfant, plus tard, se foutait de vous. Non, non, ça n’avait rien de drôle. »
Les rêves des uns et des autres forment une émulation qui permettra malgré tout, d'avancer, peu à peu, malgré des embûches et tragédies.
« Et il songeait à présent que la violence peut-être ne hâtait pas les choses. Des câbles coupés, des rails arrachés, des lampes cassées, quelle inutile besogne ! Cela valait bien la peine de galoper à trois mille, en une bande dévastatrice ! Vaguement, il devinait que la légalité, un jour, pouvait être plus terrible. Sa raison mûrissait, il avait jeté la gourme de ses rancunes. Oui, la Maheude le disait bien avec son bon sens, ce serait le grand coup : s’enrégimenter tranquillement, se connaître, se réunir en syndicats, lorsque les lois le permettraient ; puis, le matin où l’on se sentirait les coudes, où l’on se trouverait des millions de travailleurs en face de quelques milliers de fainéants, prendre le pouvoir, être les maîtres. Ah ! quel réveil de vérité et de justice ! Le dieu repu et accroupi en crèverait sur l’heure, l’idole monstrueuse, cachée au fond de son tabernacle, dans cet inconnu lointain où les misérables la nourrissaient de leur chair, sans l’avoir jamais vue. »
Et pour finir l'espoir de la renaissance, l'espoir d'un monde nouveau, chanté dans des pages magnifiques et lumineuses.
Zola lui-même dira : « Ce que j'ai voulu, c'est crier aux heureux de ce monde, à ceux qui sont les maîtres : "Prenez garde, regardez sous terre, voyez ces misérables qui travaillent et qui souffrent. Il est peut-être temps encore d'éviter les catastrophes finales. Mais hâtez-vous d'être justes, autrement, voilà le péril : la terre s'ouvrira et les nations s'engloutiront dans un des plus effroyables bouleversements de l'Histoire. »
Clarisse vit dans le quartier préservé d'Abadan et c'est une mère de famille et une épouse modèle, à l'écoute de ses jumelles, de son fils Armen et de son mari. Sa soeur Alice qui recherche désespérément un mari, et sa mère lui rendent aussi régulièrement visite. L'arrivée de nouveaux voisins bouleverse un temps cet équilibre chèrement acquis.
La tempête intérieure arrive subtilement, au fil du quotidien rythmé par ce dévouement sans bornes à la famille, aux enfants, aux choix du mari, les repas à concocter, les goûters, les invités surprise à satisfaire, la répétition sans fin de tâches qui noient peu à peu l'identité de Clarisse, entièrement absorbée par les autres, ces autres qui peuvent être tellement ingrats quand ils ne voient pas ou ne comprennent pas ce dévouement quotidien. Le réveil se fait par petites touches, discrètement, peu à peu l'univers vacille et Clarisse reprend consistance.
Avec un talent indéniable, Zoya Pirzad décrypte le réveil tout en pudeur d'une femme...
"La littérature fut, au fond, le seul moyen qui se présenta à moi pour combler ce vide. Est-ce qu'une passion peut exister si elle n'est pas précédée par un vide ?"
Dans ces années 2000, Elisa est une adolescente de quatorze ans délaissée par sa mère et contrainte de vivre dans une ville qu'elle n'apprécie pas aux côtés d'un père effacé. Elle rencontre alors Béatrice, une jeune fille qui ne passe pas inaperçue. Contre toute attente une amitié voit le jour entre les deux jeunes femmes que tout oppose. Elisa ne tarde pas à jalouser cette Béatrice appelée à briller de mille feux. En effet, avec l'aide du père d'Elisa, elles créent un blog, puis les années passant, Béa devient influenceuse.
Face à cette montée des réseaux sociaux, Elisa reste attachée aux livres, mais se demande si la littérature n'a pas fait son temps "Quel intérêt, un livre, quand la vie des autres est devenue visible, à portée de main ? Des autres qui sont réels, pas imaginaires, que nous connaissons et que nous avons l'impression d'épier comme par le trou de la serrure. Nous pouvons leur envier la collection de moments heureux qu'ils donnent à voir, nous en fabriquer une tout aussi enviable, nous enfermer dans notre chambre et nous prendre en photo." p 463
Ce que j'ai moins aimé :
L'héroïne est larmoyante de bout en bout, ne trouvant pas sa place dans la relation avec Béa, ni avec sa famille, ni dans son couple.
L'ensemble est un peu caricatural et cliché avec l'amie qui attire les regards et le vilain petit canard de l'autre côté.
Je n'ai pas pu m'empêcher de comparer avec L'amie prodigieuse, plus profond à mes yeux.
Bilan :
Une lecture plaisante qui nous embarque mais finit par tourner en boucle.
James Mc Bride se penche sur ses origines complexes : il est noir, mais né d'une mère aussi blanche que ses enfants sont noirs. Il raconte la difficulté de trouver son identité dans ce pays assez manichéen sur le sujet. Comment allier les deux couleurs ? Mais il met surtout en avant cette mère atypique à qui il rend hommage, et sa volonté de passer outre couleur ou religion pour élever ses enfants dans la joie.
Parallèlement à l'histoire de James, se dévoile celle de sa mère, fille d'un rabbin polonais qui a bravé tous les interdits pour épouser en 1942 un noir protestant, puis reniée par sa famille, en charge de James et de ses onze frères et sœurs.
Ce que j'ai moins aimé :
Je n'ai pas été touchée par leur histoire, l'émotion m'a manqué.
Bilan :
Un bel hommage rendu à une femme forte capable de braver tous les aprioris !