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litterature europe

Trois chambres à Manhattan de Georges SIMENON

Publié le par Hélène

♥ ♥ ♥ ♥ 

Deux êtres esseulés se rencontrent un soir de désoeuvrement. Ils passent la nuit à marcher dans New York, fuyant leur quotidien, comme deux inconnus qui se raccrochent l'un à l'autre par peur de retrouver leur solitude.

Combe est un acteur cinquantenaire sur le retour après avoir connu le succés en France. Sa femme, elle aussi actrice, vient de le quitter pour un homme bien plus jeune. Il  vit depuis six mois à New York tentant d'apprivoiser sa solitude. Kay est une trentenaire entre deux vies, entre deux portes, logeant chez une amie et se retrouvant sans toit temporairement. Elle décide de jeter son dévolu sur le premier venu. Ce sera Combe. 

Au fil de leurs pérégrinations nocturnes, les deux êtres comprennent "la valeur inestimable d'un contact humain"

"Il était seul, avec sa chair triste. Et il avait rencontré Kay. Et ils avaient plongé tout de suite aussi loin dans l'intimité de leurs êtres que la nature humaine le permet.

Parce qu'ils avaient faim d'humain." 

Peu à peu des liens se tissent, une relation s'esquisse la chambre d'hôtel ils passent à la chambre de Combe puis à la chambre dans laquelle logeait Kay avec son amie. Mais peut on s'abstraire du passé et recommencer à faire confiance ? Recommencer sa vie ? Avec au fond du coeur la peur de perdre l'autre ? Avec cette jalousie rivée au corps ? 

Dans cette ville fantôme, Simenon offre un roman rès cinématographique marqué par la finesse de l'analyse psychologique. Il s'inspire de sa propre expérience puisque à  42 ans Simenon rencontre à New-York une jeune canadienne de 25 ans avec qui il aura trois enfants et vivra une liaison tumultueuse pendant 15 ans.

Pas d intrigue policière à la Maigret dans cet opus, juste la solitude de deux êtres qui se frôlent... 

 

Présentation de l'éditeur : Le livre de poche 

Vous aimerez aussi

 

Lu dans le cadre d'une lecture commune autour de Simenon organisée par Sandrine l'initiatrice du voyage littéraire Lire le monde 

Publié dans Littérature Europe

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Ma cousine Rachel de Daphné DU MAURIER

Publié le par Hélène

♥ ♥ ♥ ♥

Le jeune Philip est un  jeune homme impétueux qui ne trouve de l'apaisement qu'auprès de ses proches, notamment de son cousin Ambroise Aschley qui l'a pris sous sa coupe. De voyage en Italie, Ambroise tombe amoureux d'une comtesse italienne avec qui il se marie rapidement. Il tarde à revenir en Angleterre et s'il adresse au début de son mariage des lettre élogieuses sur son récent bonheur, peu à peu le ton desdites  lettres change imperceptiblement, laissant entendre que la belle comtesse chercherait à empoisonner son mari. Philip n'hésite pas alors à parcourir les kilomètres qui le séparent de son parrain pour apprécier la situation de visu. A peine arrivé il apprend la mort d'Amboise, sans savoir si sa jeune épouse est responsable ou non de cette mort si soudaine. Impulsif, il se persuade rapidement que la jeune femme a bel et bien provoqué le malheur et la mort de Ambroise. Il ne peut rencontrer la jeune veuve à ce moment-là, cette dernière ayant quitté la ville précipitamment. 

Plus tard, Rachel se présente toutefois en Angleterre, et le doute va assaillir Philip qui ne sait que penser des desseins de cette si attirante cousine...

Daphné Du Maurier sait jouer avec brio du suspens psychologique, tenant son lecteur en haleine d'un bout à l'autre du roman. Entre le jeune et innocent Philip naïf à l'excés et la mystérieuse Rachel, qui semble être une manipulatrice de génie, le lecteur se perd avec délices dans les évolutions de l'intrigue, cherchant à démêler le vrai du faux sans succés.  

Daphné du Maurier use de surcroît d'un lyrisme confondant pour décrire l'environnement de ses personnages perdus dans les affres de la passion :

"En décembre, les premières gelées arrivèrent avec la pleine lune, et mes heures de veille devinrent plus dures à supporter. Elles avaient une espèce de beauté froide et claire qui saisisait le coeur et me laissait émerveillé. De ma fenêtre, les longues pelouses se perdaient dans les prairies et les prairies dans la mer, et toute l'étendue était blanche de gel et blanche de lune. les arbres qui bordaient la pelouse s'élevaient, noirs et immobiles. Des lapins surgissaient, sautaient dans l'herbe puis couraient à leurs terriers, et , soudain, au milieu de ce calme et de ce silence, j'entendais l'aboiement aigu d'une renarde et le petit sanglot qui suit, reconnaissable entre tous les appels nocturnes, et je voyais la longue échine basse se glisser hors du bois sur la pelouse et se cacher sous les arbres. Plus tard, j'entendais de nouveau son cri au loin dans le parc. La pleine lune dominait les arbres et possédait le ciel, et plus rien ne bougeait sur les pelouses sous ma fenêtre." p. 244

Un roman passionnant qui témoigne de l'immense talent de cette auteure britannique majeure !

 

Présentation de l'éditeur : Livre de poche 

D'autres avis : Lu dans le cadre du Blogoclub ; Jérôme  ; Sylire 

 

 

Publié dans Littérature Europe

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Le mois italien - Bilan et coups de coeur

Publié le par Hélène

Bilan des lectures de ce mois italien :

Seule Venise de Claudie Gallay

La parole contraire de Erri DE LUCA

Trois fois dés l'aube de Alessandro BARICCO

La petite lumière de Antonio MORESCO

Aurora Guerrera de Anna Maria ORTESE

 

Coups de coeur italiens :

Mes auteurs italiens préférés : 

Silvia Avallone D'acier de Silvia AVALLONE  ; Le lynx  ; Marina Bellezza 

Erri DE LUCA Le jour avant le bonheur de Erri DE LUCA ; Montedidio de Erri DE LUCA ; Trois chevaux de Erri DE LUCA ; Le contraire de un d’Erri DE LUCA ; Le poids du papillon de Erri DE LUCA ; En haut à gauche de Erri DE LUCA ; 

Alessandro BARICCO : Novecento : pianiste d’Alessandro BARICCO

 

Mario RIGONI STERNLes saisons de Giacomo de Mario RIGONI STERN ; Hommes, bois, abeilles de Mario RIGONI STERN

 

Milena AGUSBattements d’ailes de Milena AGUS ; Quand le requin dort de Milena AGUS

 

D'autres : 

Le soleil des Scorta de Laurent GAUDE ;

Pietra viva de Leonor de Recondo

Dans les veines ce fleuve d’argent de Dario FRANCESCHINI 

L'Italie si j'y suis de Philippe FUSARO

 

Côté policiers :

Le matériel du tueur de Gianni BIONDILLO

Gilda PIERSANTI Rouge abattoir de Gilda PIERSANTI  ; Vert Palatino de Gilda PIERSANTI  Bleu catacombes de Gilda PIERSANTI 

Andréa CAMILLERI : La concession du téléphone d’Andréa CAMILLERI ;  La voix du violon  

Donna LEONLa petite fille de ses rêves de Donna LEON

 

Côté BD

Come prima d'ALFRED ; Venise de Taniguchi

 

Divers : Eaux lentes sur Venise de Françoise CRUZ ; 

 

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Aurora Guerrera et autres nouvelles de Anna Maria ORTESE

Publié le par Hélène

♥ ♥

Aurora Guerrera est la première publication de Anna Maria Ortese, un recueil de nouvelles par en 1937, grâce au prestigieux patronage de Massimo Bontempelli, l'un des écrivains les plus en vogue de son temps. Ses textes résonnent d'aspects psychanalytiques, avec cette necessité de tuer l'enfant en nous, de tourner le dos à l'enfance qui ne reviendra jamais avec son insouciance et son innocence. Beaucoup d'êtres désoeuvrés peuplent ses nouvelles, des êtres comme en apesanteur dans un monde trop grand pour eux, des femmes qui semblent pouvoir se briser à la première tempête. L'univers de Anna Maria Ortese oscille entre rêveries et errance dans un monde hésitant entre réalité et rêve. 

Cette oeuvre hétérogène à la fois fiction, fable, reportage, fragments autopbiographiques, brille surtout par un style lyrique s'exprimant dans des passages sur la nature :

" Mais souvent le retour dans la via del Mare, vers le soir, était encore plus beau : sous un ciel vitreux et vert, les yeux fixés sur la mâture des bateaux qui se profilaient à l'horizon de manière fantastique, pendant que des groupes de matelots et de touristes peuplaient la rue, mon esprit se réjouissait mystérieusement : il tombait, de tout ce vert fleuri de lumières lointaines, il pleuvait, de tous ces dômes, de toutes ces formes irréelles possédées par la merveille du temps, un agréable oubli du passé, une espérance absrde et tendre, de liberté et de futur." p. 53

"La matinée était chaude et magnifique, l'air immobile, et cependant ces fleurs, ouvertes comme des bouches à la lumière, palpitaient imperceptiblement, exprimant la joie infinie d'exister. Pour couronner cette sensation d'extase, deux papillons blancs, enivrés de lumière et de chaleur, allaient de l'une à l'autre de ses fleurs, s'éloignant un moment dans le ciel bleu, comme hésitant sur leur choix, mourant de bonheur." p. 143

Ses textes nous enjoignent à nous arrêter au bord de la route pour observer la beauté du monde qui palpite à la surface des choses.  

 

Présentation de l'éditeur : Actes Sud 

D'autres avis : Télérama  ;  Le monde 

 

Aurora Guerrera et atres nouvelles, Anna Maria Ortese, traduit de l'italien par Marguerite Pozzoli et Claude Schmitt, Actes sud, 2008, 25.40 euros

 

Publié dans Littérature Europe

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Le mystère des livres disparus de Ian SANSOM

Publié le par Hélène

♥ 

Israël Amstrong, trentenaire londonien, est envoyé à Temdrum en Irlande du Nord, persuadé qu'une belle carrière de bibliothécaire s'ouvre à lui. Mais quand il arrive dans le village, il apprend non seulement que la bibliothèque a fermé et est désormais remplacée par un bibliobus brinquebalant, mais il constate aussi à son grand effarement que tous les livres de la bibliothèque ont mystérieusement disparu. Qui a bien pu escamoter ainsi plus de 15000 livres ? Qu'à cela ne tienne, Israël va mener son enquête dans son vieux bibliobus.

Le mystère des livres disparus est le premier titre des "enquêtes en bibliobus d'Israël Amstrong". Personnage pittoresque, il est au centre de l'intrigue, logeant dans un poulailler, conduisant comme un pied et emboutissant son bibliobus à tous les coins de rues. Il est d'une crédulité finalement peu crédible. Pataud, "polichinelle" naïf sans personnalité, il est malheureusement peu attachant, voire même tellement ridicule que l'on se lasse de ses aventures rocambolesques. 

L'intrigue pourrait sauver de la noyade Israël, sauf qu'elle traîne en longueur et que tout est fait pour que les projecteurs s'allument sur les aventures loufoques du personnage principal. 

Ma lecture fut looonnngue ! 

 

Présentation de l'éditeur : Hoekeke 

D'autres avis : France Info ; Babelio

 

Le mystère des livres disparus, Ian Sansom, traduit de l'anglais pas Dominique Chevallier, Hoëbeke, mars 2015, 336 p., 19.8 euros

 

Merci à l'éditeur.

Publié dans Littérature Europe

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La petite lumière de Antonio MORESCO

Publié le par Hélène

♥ ♥ 

"La petite lumière sera comme une luciole pour les lecteurs qui croient encore que la littérature est une entreprise dont la portée se mesure dans ses effets sur l'existence."

(Présentation de l'éditeur)

Un homme s'est retiré du monde dans un hameau abandonné. Il est le seul habitant du lieu entouré de montagnes et de forêts, loin du tumulte tonitruant du monde.

"Je suis venu ici pour disparaître, dans ce hameau abandonné et désert dont je suis le seul habitant." 

Il a choisi sa solitude, et s'il retourne quelquefois vers la civilisation pour garnir son garde-manger, il revient rapidement vers son havre isolé. On ne connait pas ses raisons, ses motivations profondes, on imagine seulement... La nature gronde autour de lui et loin d'être un idéal de pureté et de beauté, elle renferme des dangers insoupçonnés, des tremblements de terre ébranlent sa maison, et chaque jour, tout autour de lui une vie inconnue grouille et l'effraie : "Pourquoi il y a tout ce sous-bois mauvais ?, je me demande. Qui essaie d'envelopper et d'effacer les arbres plus grands. Pourquoi toute cette férocité misérable et désespérée qui défigure toute chose ? Pourquoi tout ce grouillement de corps qui tentent d'épuiser les autres corps en aspirant leur sève de leurs mille et mille racines déchaînées et de leurs petites ventouses forcenées pour détourner vers eux la puissance chimique, pour créer de nouveaux fronts végétaux capables de tout anéantir, de tout massacrer ? Où je peux aller pour ne plus voir ce carnage, cette irréparable et aveugle torsion qu'on a appelée vie ?" p. 16

Comme un espoir, comme un havre de paix, l'homme observe tous les soirs une petite lumière qui s'allume sur le versant opposé de la colline. Nul hameau ne peuple cette colline, personne ne sait qui pourrait allumer cette petite lueur le soir, le mystère tremble autour d'elle. L'homme décide finalement d'aller explorer cet endroit. Il y rencontre un enfant. Seul. Etrange. Les deux êtres solitaires vont s'approcher, se frôler, échanger, partager un peu de leur vie pour mieux cheminer vers ailleurs...

Dans cette fable aux accents métaphysiques, rien n'est stable, à l'image des tremblements de terre qui secouent la colline du vieil homme. Les apparences sont trompeuses, il devient rapidement nécessaire de ne pas rester à la surface des choses pour espérer s'approcher de l'absolu. Dans une interview de la librairie Mollat, Antonio Moresco explique ce besoin de solitude  : 

"Parfois il faut faire le noir autour de soi et en soi et il faut faire silence pour entendre ce qu'on ne pourrait pas entendre dans le vacarme et la lumière éblouissante de notre époque."

La fin surprenante du récit encourage chaque lecteur à choisir sa propre interprétation, de la même façon que chacun perçoit le monde et son étrangeté différemment... La petite lumière rayonne en nous longtemps après les dernières pages tournées, cette petite fable "intime et secrète" crée un halo d'une lumineuse beauté...

 

Présentation de l'éditeur : Verdier 

D'autres avis : Télérama ;

Dominique ; Aifelle 

 

La petite lumière, Antonio Moresco, traduit de l'italien par Laurent Lombard, Verdier, 2014, 123 p., 14 euros

 

Publié dans Littérature Europe

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Sucré, salé, poivré de Mary WESLEY

Publié le par Hélène

♥ ♥ 

A 16 ans Hébé se retrouve enceinte, refusant de révéler le nom du père. Ses grands parents qui l'ont élevée décident que seul un avortement sauvera la face des conventions de leur milieu. La jeune femme refuse de se plier à ce plan hypocrite et s'enfuit. 

Nous la retrouvons dix ans plus tard, son fils Elias est pensionnaire dans un établissement chic et pour financer ses études Hébé est cuisinière chez de vieilles dames fortunées et également "courtisane".

Cette satire sociale de la société anglaise des années 70 est menée tambour battant, dans un rythme endiablé, tromperies diverses et variées, hypocrisie se cotoient joyeusement. Mais le fond du propos est plus grave qu'il ne semble, l'auteur nous enjoint à dépasser les apparences, car derrière le vernis social , les femmes crient et baffent les enfants, et vont même jusqu'à mordre les hommes. Portrait d'une femme libre qui s'assume, Sucré salé poivré propose un propos décalé sur le mariage : Hébé revendique une liberté sexuelle assumée, c'est elle qui mène la danse et décide de qui fera partie de son "syndicat", ainsi que du lieu et du moment des rencontres. Elle refuse le mariage et ses conventions, échaudée par son propre passé. Elle élève seule son fils, même si cela prendra du temps pour qu'elle se rende compte de ses erreurs, comme celle d'avoir choisi un pensionnat chic pour lui, peuplé d'élèves qui hantent les milieux hypocrites que Hébé a voulu fuir, adolescents qui vont à l'encontre des valeurs que cette mère libre veut inculquer à son fils.

La deuxième partie du roman se rapproche de la farce vaudevillesque avec des personnages qui ont des choses à se dire, des secrets à avouer, mais qui, par un malencontreux hasard, se manquent sans cesse. 

L'ensemble ne manque ni de charme ni de profondeur et c'est avec plaisir que nous suivons les aventures de cette Hébé émancipée, à l'image de son auteure à la vie mouvementée...

 

Présentation de l'éditeur : Editions Héloïse d'ormesson

D'autres avis : Cathulu ; Karine:); Mango

 

Sucré, salé, poivré de Mary Wesley, traduit de l'anglais par Michèle Albaret, Editions Héloïse d'Ormesson, juin 2015, 306 p., 22 euros

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Trois fois dès l'aube de Alessandro BARICCO

Publié le par Hélène

♥ ♥ ♥

"Elle pensait à la mystérieuse permanence de l'amour, dans le tourbillon incessant de la vie." 

Dans son roman précédent Mr Gwyn, Alessandro Baricco mettait en scène un personnage anglo indien Akash Narayan qui écrivait un petit livre intitulé Trois fois dès l'aube. Alessandro Baricco a ainsi eu envie de donner vie à ce livre imaginaire, comme il l'explique dans une note liminaire. Les deux récits peuvent se lire indépendamment, ayant chacun leur autonomie.

Deux personnages se rencontrent à trois reprises à l'aube "mais chaque rencontre est à la fois l'unique, la première, et la dernière.", le temps est  distendu, les âges se confondent. La première rencontre a lieu dans le hall d'un hôtel entre un homme désoeuvré et une femme intrigante. De fil en aiguille, ils passent leur nuit à discuter, et l'homme se confie de plus en plus, dangereusement. La deuxième rencontre met en scène une jeune fille et son petit ami, toujours dans cet hôtel. Le réceptionniste discute avec la jeune fille revenue chercher des serviettes et l'enjoint rapidement à fuir cette vie qui ne semble pas lui convenir. Dans la troisième, une policière prend en charge un jeune garçon. 

L'aube est ce moment suspendu durant lequel tout est encore possible avant que la lumière cru ne voit le jour. Il est question de tout laisser tomber, de recommencer, ailleurs, mieux, de reconquérir sa liberté, de laisser le jour s'installer après la nuit. 

"Mais la femme dit que beaucoup de gens rêvent de recommencer à zéro, et elle ajouta qu'il y a avait là-dedans quelque chose d'émouvant, non de fou. Elle dit que presque personne, en réalité, ne recommence vraiment à zéro, mais qu'on n'a pas idée du temps que les gens consacrent à ce fantasme, souvent alors même qu'ils sont noyés dans leurs problèmes, et dans la vie qu'ils voudraient laisser tomber."

"On recommence à zéro pour changer de partie, dit-elle. On a toujours cette idée qu'on est tombé à la mauvaise table. (...) Comme je vous l'ai dit, ajouta-t-elle, changer de cartes est impossible on ne peut que changer de table de jeu."

Les rencontres se concentrent autour des choix que l'on fait ou que l'on ne fait pas, des actes passés et à venir... L'hôtel est un lieu de passage, un lieu de transit dans lequel on ne reste pas non plus, déjà tourné vers un ailleurs qui sera peut-être différent.

Dans une forme très dialoguée, théâtrale, Alessandro Baricco et son Demain dés l'aube s'interrogent sur la permanence des choses et nous installent dans la magie du maintenant. 

 

Présentation chez Gallimard 

Du même auteur : Novecento

D'autres avis : Télérama ; Les Echos 

LaureCryssilda 

 

Trois fois dès l'aube, Alessandro Baricco, traduit de l'italien par Lise Caillat, Gallimard du monde entier, février 2015, 128 p., 13.50 euros

 

Publié dans Littérature Europe

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La parole contraire de Erri DE LUCA

Publié le par Hélène

♥ ♥ ♥

"Ouvre ta bouche pour le muet" (proverbes/Mishlé 31.8)

Erri De Luca a été mis en examen en septembre 2013 en raison d'une plainte portée par le LTF (Lyon Turin ferroviaire) société de construction de la ligne TAV (Train à grand evitesse) Turin Lyon en raison de phrases dites et publiées par le Huffington Post Italie. Il s'est en effet engagé auprès des militantsdu Val de Suse  "NO TAV" qui luttent contre le chantier de la TAV qui doit percer un tunnel permettant le passage du train. Elle implique, pour «gommer» les Alpes, le percement du plus long tunnel d’Europe : 57 km entre Haute-Savoie et Piémont. Les opposants contestent l’utilité publique de ce projet fondé sur des prévisions de trafic surévaluées, alors que la ligne existante est sous-exploitée. Ils dénoncent le coût exorbitant - passé de 12 milliards d’euros en 2002 à plus de 26 aujourd’hui - et soulignent que l’infiltration mafieuse parmi les entreprises sous-traitantes en Italie a été établie. Cette communauté montagnarde se bat contre le désastre environnemental annoncé : artificialisation des terres, tarissement des sources et multiples pollutions. «Le projet impose de creuser un tunnel dans une montagne truffée d’amiante et de pechblende, un matériau radioactif, expliquait Erri de Luca à Libération, en juin. La perforation va mettre à l’air libre ces matériaux»exposant ouvriers et habitants aux risques de cancers. (Source : Libération )

Danc cet article du Huffington Post il encourageait le sabotage de la TAV. 

Il s'explique dans ce pamphlet sur ses motivations, en revendiquant liberté d'expression et responsabilité de l'écrivain : "Telle est la raison sociale d'un écrivain, en dehors de celle de communiquer : être le porte-parole de celui qui est sans écoute." Inspiration ou incitation ? "Si la parole publique d'un écrivain est suivie d'actions, c'est un résultat involontaire et qui échappe à son contrôle." 

Il revendique la parole contraire, le droit de ne pas suivre la parole dominante : 

"Ce n’est pas seulement la liberté d’expression qui est attaquée en l’occurrence, c’est l’idée même d’une solidarité populaire contre l’oppression et l’invisibilisation qui est en ligne de mire." (Emmanuel Barot Il faut "condamner, par-delà les frontières et sans la moindre espèce ambiguïté, toute opération de répression des voix discordantes, véritable terrorisme de la réaction, et avoir le réflexe vital de se mobiliser et de mobiliser largement à cette fin."

Erri De Luca encourt 5 ans de prison et ne fera pas appel. Le lundi 21 septembre, le parquet italien a requis 8 mois de prison ferme en lieu et place des 5 ans annoncé. Le verdict définitif tombera le 19 octobre. 

"Notre liberté ne se mesure pas à des horizons dégagés, mais à la cohérence entre mots et actions." 

 

Du même auteur :  Trois chevaux  ;  Le jour avant le bonheur ; Le contraire de un Le poids du papillon En haut à gauche  ;  Montedidio 

Présentation de l'éditeur : Gallimard 

D'autres avis : Jérôme 

 

La parole contraire, Erri De Luca, Gallimard Hors série connaissance, traduit de l'italien par Danièle Valin, janvier 2015, 48 pages, 8 euros

 

Première participation pour le mois italien consacré aujourd'hui à Erri De Luca 

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L'ange de l'oubli de Maja HADERLAP

Publié le par Hélène

♥ ♥

"Je suis fichée dans l'enfance comme un pieu dans une cour où on le secoue tous les jours pour vérifier qu'il supporte bien les secousses." p. 80

Maja Haderlap raconte l'histoire d'une fillette et de sa famille slovène dans les montagnes de Carinthie au lendemain de la seconde guerre mondiale. Chacun porte les stigmates de cette guerre qui a laissé des traces inaltérables : la grand mère a connu les camps de concentration et le père était partisan et est désormais dépressif. Comment se construire dans cet univers construit sur des fondations branlantes? 

"La guerre est un sournois pêcheur d'hommes. Elle a jeté son filet vers les adultes et le retient captifs avec ses débris de mort, son bric-à-brac de mémoire. Une seule petite imprudence, une brève baisse d'attention et elle resserre son filet.  (...) Elle surgit inopinément dans les phrases dites à la va-vite, tapie dans l'obscurité elle attaque." p. 75

L'histoire de ces slolvènes et de leurs rapports difficiles avec l'Autriche durant la seconde guerre mondiale est peu connue, et pour cause, le silence a été fait sur leur histoire. La Carinthie est pourtant un des neuf Lander de l'Autriche actuelle à la frontière de l'Italie et de la Slovénie. C'est une région biculturelle marquée par une double culture allemande et slovène, et un des seuls bastions autrichiens qui a organisé une résistance anti-hitlérienne. Cela s'explique par un conflit de nationalités hérité du XIX ème siècle. Pourtant, l'histoire amenuise et distord l'image des partisans slovènes alors que cette résistance est un élément constitutif de l'identité de ce peuple.  Il existe un "no man's land" entre l'histoire de l'Autriche telle qu'elle est proclamée et l'histoire effective. C'est ce gouffre dont souhaite témoigner l'auteur dans ce roman, à la recherche de sa propre identité :

"L'ange de l'oubli a dû oublier d'effacer de ma mémoire les traces du passé. Il m'a fait traverser une mer où flottaient vestiges et fragments. Il a fait s'entrechoquer mes phrases avec des ruines et des débris charriés par les eaux pour qu'elles se blessent, pour qu'elles s'affûtent. Il a définitivement chassé l'image de l'angelot accrochée au-dessus de mon lit. Je ne le verrai pas, cet ange. Il restera sans forme. Il disparaîtra dans les livres. Il sera un récit." p. 227

L'importance de la mémoire est primordiale pour cette écrivaine qui nous offre ici un témoignage poignant. 

Pourquoi seulement deux coeurs : Si l'enfance de la narratrice est romancée et emporte son lecteur dans cet univers peu connu, par la suite, le récit s'émousse pour devenir témoignage, et l'intensité, l'émotion s'en ressentent.

 

Présentation de l'éditeur : Métailié 

D'autres avis : Page  ; Micmag  ; Initiales  ; Electra ; Cathulu

 

L'ange de l'oubli, Maja Haderlap, traduit de l'allemand par Bernard Banoun, Métailié, août 2015, 240 p., 20 euros

 

Merci à l'éditeur.

Publié dans Littérature Europe

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