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1353 résultats pour “vie parfaite

La princesse de Clèves de Madame de LA FAYETTE

Publié le par Hélène

princesse de clèves

♥ ♥

 

"J'avoue que les passions peuvent me conduire ; mais elles ne sauraient m'aveugler." (p. 174)

 

L'auteur :

 

Marie-Madeleine Pioche de La Vergne, comtesse de La Fayette, plus connue sous le nom de Madame de La Fayette, est une femme de lettres française. Elle est née le 18 mars 1634 à Paris, morte le 25 mai 1693. Elle a écrit le premier roman historique français, La Princesse de Clèves, souvent considéré comme le premier roman moderne. (Source : Babélio)

 

L'histoire :

 

À la cour du roi Henri II, une jeune femme ignorante du monde et élevée selon une morale stricte, fait un mariage de convention avec le prince de Clèves avant d’éprouver auprès de M. de Nemours les ravages de la passion amoureuse.

Tenant à la fois des mémoires, du roman baroque et du roman héroïque, La Princesse de Clèves est au confluent de plusieurs genres. Cette œuvre inclassable, à la fois roman et nouvelle, fonde le roman psychologique moderne. (Présentation Hatier)

 

Ce que j'ai aimé :

 

La princesse de Clèves est le récit d’un amour tragique : tragique pour la princesse elle-même parce que cet amour lui est interdit puisqu’elle ne peut s'y livrer sans trahir son mari. Mais tragique aussi pour le prince de Clèves, homme dévoré par la jalousie que sa femme a provoquée malgré elle en lui avouant sincèrement ses sentiments envers le duc de Nemours.

 

"Adieu, Madame, vous regretterez quelque jour un homme qui vous aimait d'une passion véritable et légitime. Vous sentirez le chagrin que trouvent les personnes raisonnables dans ces engagements, et vous connaîtrez la différence d'être aimée, comme je vous aimais, à l'être par des gens qui, en vous témoignant de l'amour, ne cherchent que l'honneur de vous séduire." (Tome IV)

 

Le conflit entre désir et raison imposée par la morale est au cœur du roman, et en transcendant ses aspirations passionnées, la princesse devient un modèle de vertu, un modèle de liberté, et bien plus encore :

 

« Elle sait quels désastres apportent dans la vie d'une femme une passion illégitime, de quel prix il faut payer certaines joies interdites. Elle sait aussi à quelles humiliations elle s'exposerait, dans quels enchaînements de mensonges elle serait entraînée. Son honneur pas plus que sa raison ne lui permettent de faiblir. (...) Il est beau de n'attendre rien de la vertu, ni les récompenses de l'au-delà, ni les satisfactions de la conscience, ni la considération mondaine : rien que la vertu même, si ce mot signifie la dignité habituelle des pensées et de la conduite, la maîtrise de soi, l'intégrité du caractère." (Préface d’Antoine Adam)

 

La tragédie s’étend bien au-delà des seules barrières maritales : quand la princesse sera libre d’avouer ses sentiments au duc de Nemours, elle s’y refusera.  Elle ne veut pas pervertir l'amour qu'elle ressent pour le duc. En y cédant, elle se heurterait à son affaiblissement progressif, à son usure inéluctable, à sa déchéance. Elle vit une passion absolue avec ce qu'elle induit : renoncement et mort, comme dans les tragédies antiques. Choisir la raison c'est construire une vie sans imprévu, monotone, mais choisir la passion est synonyme de douleur et d'aliénation. Pour Madame de La Fayette, tout bonheur est impossible.

 

Le roman peint avec minutie la force des apparences à la cour, la dissimulation constante nécessaire à sa survie dans un monde factice, univers de l’artifice par excellence. Chaque parole, chaque action se doit d’être mesurée, soupesée…  La sincérité de la princesse, somme toute très morale, perdra le prince qui aurait préféré rester dans l’ignorance des sentiments de sa femme adorée.

 

La princesse de Clèves est un roman classique dont l'objectif est de "viser l'essence de l'être humain, la connaissance des valeurs universelles et non conjoncturelles." En cela il  est atemporel, et permet au lecteur de tous les siècles de s'interroger sur des sujets divers afin d'esquisser un semblant de réponse. Les multiples ramifications offertes par la lecture des oeuvres classiques forment l'esprit et le coeur du lecteur moderne bien plus sûrement que la frivolité d'une existence sans art...

 

La beauté de ce roman, la nouveauté du sujet à l'époque et sa façon de manier la morale en feront l’ancêtre du roman moderne.

 

Ce que j'ai moins aimé :

 

Quelques passages plus rebutants concernant les intrigues annexes, sentimentales et politiques.

 

Premières phrases :

 

"La magnificence et la galanterie n'ont jamais paru en France avec tant d'éclat que dans les dernières années du règne de Henri second. Ce prince était galant, bien fait et amoureux ; quoique sa passion pour Diane de Poitiers, duchesse de Valentinois, eût commencé il y avait plus de vingt ans, elle n'en était pas moins violente, et il n'en donnait pas des témoignages moins éclatants."

 

La polémique liée à Nicolas Sarkozy:

 

L’express :

 

La princesse de Clèves défie le président

Par Debril Laurence et Mandonnet Eric et , publié le 26/02/2009 à 18:40

A force de se moquer d'elle, Nicolas Sarkozy en a fait un signe de ralliement contre lui. La princesse de Clèves, première opposante de France?

C'est une liaison ancienne, entamée sur les bancs du lycée, et qu'il ne parvient pas à oublier. L'aurait-elle fait trop souffrir? La princesse de Clèves n'appartient plus seulement à Mme de La Fayette; elle forme désormais avec Nicolas Sarkozy un couple aussi inattendu qu'emblématique. Le président y est pour beaucoup, qui n'a que son nom à la bouche. Pendant la campagne, il la moquait presque autant que son adversaire socialiste. Comme ce 23 février 2006, à Lyon, devant des militants UMP: "L'autre jour, je m'amusais [...] à regarder le programme du concours d'attaché d'administration. Un sadique ou un imbécile, choisissez, avait mis dans le programme d'interroger les concurrents sur La Princesse de Clèves. Je ne sais pas si cela vous est souvent arrivé de demander à la guichetière ce qu'elle pensait de La Princesse de Clèves... Imaginez un peu le spectacle!" 

Son obsession ne le quittera pas après son arrivée à l'Elysée. Le chef de l'Etat l'évoque à nouveau, le 4 avril 2008, lors d'un discours sur la modernisation des politiques publiques et la réforme de l'Etat, en défendant "la possibilité pour quelqu'un d'assumer sa promotion professionnelle sans [...] réciter par coeur La Princesse de Clèves". Lors d'une rencontre organisée par la Ligue de l'enseignement, en juillet 2008, il trouve encore le moyen d'y faire référence. Il lui arrive même d'en parler sans prononcer son nom, dans une allusion limpide, comme dans cette interview à 20 Minutes, en 2007: "Le contribuable n'a pas forcément à payer vos études de littérature ancienne si, au bout, il y a 1 000 étudiants pour deux postes [...]. Le plaisir de la connaissance est formidable, mais l'Etat doit se préoccuper d'abord de la réussite professionnelle des jeunes." 

La princesse de Clèves est devenue le symbole de la résistance à la rentabilité.

A la longue, La Princesse revisitée par le président blesse le coeur des lettrés. Ils organisent la riposte, du réalisateur Christophe Honoré, qui affirme avoir tourné son dernier long-métrage, La Belle Personne, afin "d'apporter un démenti en forme de film", aux enseignants, prompts dorénavant à organiser des lectures publiques de l'oeuvre dans les rues de Paris, d'Avignon et de Montpellier. "Nous croyons que sans la complexité, la réflexion et la culture la démocratie est morte", explique Sophie Rabau, maître de conférences à Paris III, organisatrice de la représentation parisienne. "On veut nous obliger à ne nous intéresser qu'à des choses rentables, qui amélioreront la compétitivité française, s'agace Christine, chercheuse à l'Institut national d'études démographiques. Mais ce n'est pas comme cela qu'on fait évoluer une société! L'université, c'est aussi le lieu de la beauté et pas forcément de la performance, de la pensée et pas toujours de la rentabilité..." 

La Princesse de Clèves n'est plus aujourd'hui le premier roman moderne de la littérature française. C'est devenu à la fois un symbole -l'inutile a-t-il encore le droit à l'existence?- et une attaque contre la personne même du président, caricaturé en être inculte. "Nicolas Sarkozy a seulement voulu souligner le fossé entre les programmes des concours et la réalité quotidienne des gens, explique l'un de ses conseillers. Ceux qui le critiquent manquent-ils à ce point d'humour pour prendre cette histoire au premier degré?" L'Elysée n'a toutefois pas pris l'affaire complètement à la légère. Quelques touches de culture, d'une visite d'exposition à une soirée à la Comédie-Française, sont venues distraire l'agenda présidentiel. Plus que jamais, la princesse de Clèves aura montré à quel point elle pouvait être précieuse... 

A lire aussi : Le Monde, 24 heures philo

 Vous aimerez aussi :

   Le scandale de la saison de Sophie GEE

 

La princesse de Clèves, Madame de la Fayette, plusieurs éditions disponibles.

 A découvrir aussi ici : http://lettres.ac-rouen.fr/francais/tendre/cleve1.html

 

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Eros émerveillé - Anthologie de la poésie érotique française

Publié le par Hélène

♥ ♥

"La volupté est une syncope de l'âme dans un corps anesthésié, où le corps charcute l'âme, et l'âme embaume le corps pour un temps. La volupté, c'est l'état cataleptique double, où corps et âme, dans un cercueil unique de sensation, se parlent face à face." Malcolm de Chazal

Présentation de l'éditeur :

Du vertige libertin qui envahit la poésie française au XVIe siècle jusqu'aux blasons amoureux des surréalistes, de l'érotisme le plus feutré à la pornographie la plus exacerbée, on trouvera ici, en trois cent cinquante poèmes, une anthologie de la volupté sous toutes ses facettes. Un florilège du chavirement, explorant le territoire amoureux dans sa dimension toujours renouvelée.
De Ronsard à Rimbaud, de Verlaine à Genet, de Louise Labé à Joyce Mansour, de Sade à Bataille, de Jouve à Calaferte, de Pierre Louÿs à Franck Venaille, de Michel Leiris à Bernard Noël, quelque deux cents poètes, dont un grand nombre de modernes et de contemporains, disent ici l'incroyable besoin d'impudeur qui parfois les saisit. Ils disent les jeux de la langue et du sexe, avec toutes leurs saveurs, du sucré au salé, de l'implicite à l'explicite.
Cette anthologie, qui rassemble ce que la poésie a produit de plus érotique en cinq siècles, entraîne le lecteur à célébrer Éros en tous ses fastes, lumineux, sombres ou hilarants – Éros émerveillé.

Passages choisis :

"Au vrai, la vie créatrice est si proche de la vie sexuelle, de ses souffrances, de ses voluptés, qu'il n'y faut voir que deux formes d'un seul et même besoin, d'une seule et même jouissance." Rainer Maria Rilke

"Tu m’as parlé de vice en ta lettre d’hier
Le vice n’entre pas dans les amours sublimes
Il n’est pas plus qu’un grain de sable dans la mer
Un seul grain descendant dans les glauques abîmes

Nous pouvons faire agir l’imagination
Faire danser nos sens sur les débris du monde
Nous énerver jusqu’à l’exaspération
Ou vautrer nos deux corps dans une fange immonde

Et liés l’un à l’autre en une étreinte unique
Nous pouvons défier la mort et son destin
Quand nos dents claqueront en claquement panique
Nous pouvons appeler soir ce qu’on dit matin

Tu peux déifier ma volonté sauvage
Je peux me prosterner comme vers un autel
Devant ta croupe qu’ensanglantera ma rage
Nos amours resteront pures comme un beau ciel

Qu’importe qu’essoufflés muets bouches ouvertes
Ainsi que deux canons tombés de leur affût
Brisés de trop s’aimer nos corps restent inertes
Notre amour restera bien toujours ce qu’il fut

Ennoblissons mon cœur l’imagination
La pauvre humanité bien souvent n’en a guère
Le vice en tout cela n’est qu’une illusion
Qui ne trompe jamais que les âmes vulgaires"

3 fév. 1915. Apollinaire Lettres à Lou

@Sieff

"En célébrant les noces du feu charnel et du silence, l'acte d'amour rend à l'opacité de l'ombre sa lumineuse transparence.

En délivrant l'homme de sa langue

l'amour délivre l'homme de soi

L'amour qui n'humilie jamais le sexe, s'éclaire à son feu secret." Michel Camus

 

"… Etroits sont les vaisseaux, étroite notre couche.

Immense l’étendue des eaux, plus vaste notre empire

Aux chambres closes du désir.


Entre l’Eté, qui vient de mer. A la mer seule, nous dirons

Quels étrangers nous fûmes aux fêtes de la Ville, et quel astre montant des fêtes sous-marines

S’en vint un soir, sur notre couche, flairer la couche du divin.


En vain la terre proche nous trace sa frontière. Une même vague par le monde, une même vague depuis Troie

Roule sa hanche jusqu’à nous. Au très grand large loin de nous fut imprimé jadis ce souffle…

Et la rumeur un soir fut grande dans les chambres : la mort elle-même, à son de conques, ne s’y ferait point entendre !

Aimez, ô couples, les vaisseaux ; et la mer haute dans les chambres !

La terre un soir pleure ses dieux, et l’homme chasse aux bêtes rousses ; les villes s’usent, les femmes songent…

Qu’il y ait toujours à notre porte

Cette aube immense appelée mer – élite d’ailes et levée d’armes, amour et mer de même lit, amour et mer au même lit –

et ce dialogue encore dans les chambres :


II

1 –

« … Amour, amour, qui tiens si haut le cri de ma naissance, qu’il est de mer en marche vers l’Amante ! Vigne foulée sur toutes grèves, bienfait d’écume en toute chair, et chant de bulles sur les sables… Hommage, hommage à la Vivacité divine !

« Toi, l’homme avide, me dévêts : maître plus calme qu’à son bord le maître du navire. Et tant de toile se défait, il n’est plus femme qu’agréée. S’ouvre l’Eté, qui vit de mer. Et mon cœur t’ouvre femme plus fraîche que l’eau verte : semence et sève de douceur, l’acide avec le lait mêlé, le sel avec le sang très vif, et l’or et l’iode, et la saveur aussi du cuivre et son principe d’amertume – toute la mer en moi portée comme dans l’urne maternelle…

« Et sur la grève de mon corps l’homme né de mer s’est allongé. Qu’il rafraîchisse son visage à même la source sous les sables ; et se réjouisse sur mon aire, comme le dieu tatoué de fougère mâle… Mon amour, as-tu soif ? Je suis femme à tes lèvres plus neuve que la soif. Et mon visage entre tes mains comme aux mains fraîches du naufrage, ah ! qu’il te soit dans la nuit chaude fraîcheur d’amande et saveur d’aube, et connaissance première du fruit sur la rive étrangère.

« J’ai rêvé, l’autre soir, d’îles plus vertes que le songe… Et les navigateurs descendent au rivage en quête d’une eau bleue ; ils voient – c’est le reflux – le lit refait des sables ruisselants : la mer arborescente y laisse, s’enlisant, ces pures empreintes capillaires, comme de grandes palmes suppliciées, de grandes filles extasiées qu’elle couche en larmes dans leurs pagnes et dans leurs tresses dénouées.

« Et ce sont là figuration du songe. Mais toi l’homme au front droit, couché dans la réalité du songe, tu bois à même la bouche ronde, et sais son revêtement punique : chair de grenade, et cœur d’oponce, figue d’Afrique et fruit d’Asie… Fruits de la femme, ô mon amour, sont plus que fruits de mer : de moi non peinte ni parée, reçois les arrhes de l’Eté de mer… »

2 –

« … Au cœur de l’homme, solitude. Etrange l’homme, sans rivage, près de la femme, riveraine. Et mer moi-même à ton orient, comme à ton sable d’or mêlé, que j’aille encore et tarde, sur ta rive, dans le déroulement très lent de tes anneaux d’argile – femme qui se fait et se défait avec la vague qui l’engendre…

« Et toi plus chaste d’être plus nue, de tes seules mains vêtue, tu n’es point Vierge des grands fonds, Victoire de bronze ou de pierre blanche que l’on ramène, avec l’amphore, dans les grands mailles chargées d’algues des tâcherons de mer ; mais chair de femme à mon visage, chaleur de femme sous mon flair, et femme qu’éclaire son arôme comme la flamme de feu rose entre les doigts mi-joints.

« Et comme le sel est dans le blé, la mer en toi dans son principe, la chose en toi qui fut de mer, t’a fait ce goût de femme heureuse et qu’on approche… Et ton visage est renversé, ta bouche est fruit à consommer, à fond de barque, dans la nuit. Libre mon souffle sur ta gorge, et la montée, de toutes parts, des nappes du désir, comme aux marées de lune proche, lorsque la terre femelle s’ouvre à la mer salace et souple, ornée de bulles, jusqu’en ses mares, ses maremmes, et la mer haute dans l’herbage fait son bruit de noria, la nuit est pleine d’éclosions…

« Ô mon amour au goût de mer, que d’autres paissent loin de mer l’églogue au fond des vallons clos – menthes, mélisse et mélilot, tiédeurs d’alysse et d’origan – et l’un y parle d’abeillage et l’autre y traite d’agnelage, et la brebis feutrée baise la terre au bas des murs de pollen noir. Dans le temps où les pêches se nouent, et les liens sont triés pour la vigne, moi j’ai tranché le nœud de chanvre qui tient la coque sur son ber, à son berceau de bois. Et mon amour est sur les mers ! et ma brûlure est sur les mers !…

« Etroits sont les vaisseaux, étroite l’alliance ; et plus étroite ta mesure, ô corps fidèle de l’Amante… Et qu’est ce corps lui-même, qu’image et forme du navire ? nacelle et nave, et nef votive, jusqu’en son ouverture médiane ; instruit en forme de carène, et sur ses courbes façonné, ployant le double arceau d’ivoire au vœu des courbes nées de mer… Les assembleurs de coques, en tout temps, ont eut cette façon de lier la quille au jeu des couples et varangues.

« Vaisseau, mon beau vaisseau, qui cède sur ses couples et porte la charge d’une nuit d’homme, tu m’es vaisseau qui porte roses. Tu romps sur l’eau chaîne d’offrandes. Et nous voici, contre la mort, sur les chemins d’acanthes noires de la mer écarlate… Immense l’aube appelée mer, immense l’étendue des eaux, et sur la terre faite songe à nos confins violets, toute la houle au loin qui lève et se couronne d’hyacinthes comme un peuple d’amants !

« Il n’est d’usurpation plus haute qu’au vaisseau de l’amour. »

Saint John Perse Amers

 

Présentation de l'éditeur : Chez Gallimard

D'autres avis : Télérama

 

Publié dans Poésie française

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Rencontres régionales du Goncourt des lycéens 2016 (3)

Publié le par Hélène

Rencontres régionales du Goncourt des lycéens 2016 (3)

Deuxième plateau avec Romain Slocombe, Jean-Baptiste Del Amo, Gael Faye et Leïla Slimani

 

Leïla Slimani présentait son roman Chanson Douce paru chez Gallimard :

Présentation de l'éditeur : 

Lorsque Myriam, mère de deux jeunes enfants, décide malgré les réticences de son mari de reprendre son activité au sein d'un cabinet d'avocats, le couple se met à la recherche d'une nounou. Après un casting sévère, ils engagent Louise, qui conquiert très vite l'affection des enfants et occupe progressivement une place centrale dans le foyer. Peu à peu le piège de la dépendance mutuelle va se refermer, jusqu'au drame. 

À travers la description précise du jeune couple et celle du personnage fascinant et mystérieux de la nounou, c'est notre époque qui se révèle, avec sa conception de l'amour et de l'éducation, des rapports de domination et d'argent, des préjugés de classe ou de culture. Le style sec et tranchant de Leïla Slimani, où percent des éclats de poésie ténébreuse, instaure dès les premières pages un suspense envoûtant.

Pourquoi ce titre ?

La chanson douce est destinée à endormir les enfants et je voulais montrer qu'il ne fallait pas se faire endormir par les gens trop gentils ou trop doux. Je me suis inspirée d'un fait divers pour ce roman : en 2012, à New York une nounou massacre les enfants qu'elle gardait avant de tenter de se donner la mort. Elle gardait les enfants depuis plusieurs années. On ne connait pas ceux avec qui l'on vit, l'intimité nous aveugle d'autant plus. Il faut rester vigilant, garder un regard aigü sur l'autre pour se protéger et aussi pour faire attention à lui.

Pourquoi commencer par la fin ? 

Si j'avais raconté seulement l'histoire d'une nounou dans une famille, mon histoire aurait étéinintéressante banale et répétitive. Je n'aurais pas obtenu l'attention du lecteur. La scène violente initiale est là pour harponner le lecteur. Par la suite le lecteur sera attentif à toute l'histoire, il deviendra enquêteur, actif dans sa lecture, il en saura plus que les parents aveuglés par la gentillesse de Louise la nounou. Le monde des nounous est un monde dur, elles sont souvent exploitées, elles s'introduisent dans l'intimité des famille et entretiennent une relation particulière avec les parents. Ce sont des personnages romanesques. 

Dans quel personnage vous reconnaissez-vous le plus ?

J'ai mis une partie de moi dans tous les personnages mais objectivement j'ai plus d'accointances avec Myriam car c'est avec elle que j'ai le plus de point commun , elle appartient au même milieu social que moi, elle est mère de famille comme moi, est maghrébine... 

Est-ce que la mère est responsable du drame ?

Pendant l'écriture je voulais pas juger les personnages, je ne voulais pas faire leur procés. Pour moi la mère n'est pas responsable. Cette femme est face à plein de contraintes et ce sont là les limites du féminisme : les femmes se sont battues pour s'émanciper sauf que le monde d'aujourd'hui n'est pas adapté au résultat de cette émancipation. 70 % des tâches ménagères sont assurées par les femmes et ce sont souvent elles qui sont les plus déchirées entre travail et enfants. Dans mon roman la mère est dépassée, débordée et quand quelqu'un lui propose de l'aider et prend tout en charge c'est une chance pour elle. Lors du procés de la nounou dont je me suis inspirée pour le personnage de Louise, son avocat avait accusé la mère. J'avais été choquée. Mais c'est toute l'ambiguité de cetet société ce sont toujours les femmes qui sont dans une position difficile aujourd'hui. D'ailleurs la preuve vous m'avez posé la question de la responsabilité de la mère pas celle du père...

 

Gaël Faye présentait son Petit pays édité chez Grasset :

Présentation de l'éditeur :

En 1992, Gabriel, dix ans, vit au Burundi avec son père français, entrepreneur, sa mère rwandaise et sa petite sœur, Ana, dans un confortable quartier d’expatriés. Gabriel passe le plus clair de son temps avec ses copains, une joyeuse bande occupée à faire les quatre cents coups. Un quotidien paisible, une enfance douce qui vont se disloquer en même temps que ce « petit pays » d’Afrique brutalement malmené par l’Histoire. Gabriel  voit avec inquiétude ses parents se séparer, puis la guerre civile se profiler, suivie du drame rwandais. Le quartier est bouleversé. Par vagues successives, la violence l’envahit, l’imprègne, et tout bascule. Gabriel se croyait un enfant, il va se découvrir métis, Tutsi, Français…

« J’ai écrit ce roman pour faire surgir un monde oublié, pour dire nos instants joyeux, discrets comme des filles de bonnes familles: le parfum de citronnelle dans les rues, les promenades le soir le long des bougainvilliers, les siestes l’après-midi derrière les moustiquaires trouées, les conversations futiles, assis sur un casier de bières, les termites les jours d’orages... J’ai écrit ce roman pour crier à l’univers que nous avons existé, avec nos vies simples, notre train-train, notre ennui, que nous avions des bonheurs qui ne cherchaient qu’à le rester avant d'être expédiés aux quatre coins du monde et de devenir une bande d’exilés, de réfugiés, d’immigrés, de migrants. »
Avec un rare sens du romanesque, Gaël Faye évoque les tourments et les interrogations d’un enfant pris dans une Histoire qui le fait grandir plus vite que prévu. Nourri d’un drame que l’auteur connaît bien, un premier roman d’une ampleur exceptionnelle, parcouru d’ombres et de lumière, de tragique et d’humour, de personnages qui tentent de survivre à la tragédie.

Pourquoi ne pas plus évoquer la soeur ?

Je le regrette. Avant j'avais deux chapitres sur elle qui ont été coupés.

Le cercle vicieux de la haine peut-il s'arrêter au Burundi ?

C'est difficile, depuis l'indépendance ce sont des massacres à répétition. La reconstruction est difficile et cela restera compliqué tant qu'il n'y aura pas des dirigeants qui mettent en place des comités de réconciliation par exemple ou si les gens étaient condamnés comme au Rwanda. Au Rwanda les peines de prison ont eu un coté positif, le pays est reparti d'un bon pied. Au Burundi, nous sommes loin de cela, d'ailleurs la question ethnique revient sur le devant de la scène en ce moment avec le président actuel. 

Quelle a été la réception au Burundi ?

Il y a eu 5 ou 6 livres seulement là-bas, il n'y a pas de librairies, beaucoup de gens ne savent pas lire et le livre est cher. Le Burundi est le pays le plus pauvre au monde, les habitants gagnet environ 30 euros par an. Donc peu de gens l'ont lu là-bas. Au Rwanda 40 livres ont été vendus. Par contre, le Burundi de la diaspora le remercie. 

D'où vient le personnage de Laure, la correspondante de Gabriel ?

Je me souvenais qu'il y avait des correspondants quand nous étions en primaire. Je voulais que Gabriel sorte de son Burundi par intermittences, ces lettres sont comme une ouverture vers l'extérieur.

Quelle est la relation entre le titre du roman et le titre de la chanson "Petit pays" tirée de votre album?

Ce n'est pas la chanson la plus représentative du roman. Pour moi, ce serait plutôt "L'ennui des après-midi sans fin" qui contient les prémisses du roman. Cette chanson décrit une vie où il ne se passe rien, et met l'accent sur le sentiment d'ennui de l'enfance. J'ai voulu décrire ces moments qui ont précédé la guerre ensuite le roman est habité par les conditions d'exil et la guerre mais cette première partie liée à l'enfance indolente est celle que je voulais faire émerger.

Deuxième plateau avec Romain Slocombe, Jean-Baptiste Del Amo, Gael Faye et Leïla Slimani

Leïla :

pourquoi ce titre ?

ne pas se faire endormir par les gens trop gentils trop doux

chanson endort

inspiré par un fait divers à New York 

enseignement : on ne connais pas ceux ave qui l'on vit

l'intimité nous aveugle d'autant plus il faut rester vigialnt garder un regard aigû sur l'autre pour se protéger et pour faire attention à lui

 

Gaël :

pourquoi ne plus évoquer la soeur ?

le regrette avant deux chapitres sur elle qui ont éé coupés

 

Que regrettez-vous dans votre livre ?

Romain :

assez peu de déchets, relit tout le temps, donc très travaillé. laisse ensuite les éditeurs pointer les choses

Leïla : 

aurait aimé parler plus des femmes dans les squares, celles qui s'occupent des enfants

Jean-Baptiste :

réécrirait tout.

raison pour laquelle on écrit un autre roman, on continue

 

Leïla :

pourquoi commencer par la fin ? 

si je racontais seulement l'histoire d'une nounou dans une famille histoire inintéressante banale et répétitive

pas d'attention du lecteur

scène violente initiale pour harponner le lecteur donc le lecteur sera attentif à toute l'histoire lecteur enquêteur lecteur actif

monde nounous monde des exploitées mond edur personnages romanesques 

relation particulière squ'ils établissent avec les parents

 

Jean-Baptiste :

pourquoi évoquer plusieurs générations

car travail ainsi sur thématique du passage du temps et façon dont violance se transmet de génération en génération

 

Romain :

est-ce que cela était difficile de se mettre dans la peau de l'inspecteur comme les acteurs aiment jouer les rôles des méchants car plus excitant plus jouissif

écrivain endosse avec satisfaction rôle du méchant entre dans les personnages 

n'aime pas trop romans classiques aime déstabiliser lecteur et aller à rebours du schéma habituel

pourquoi individu médiocre en temps de guerre ddangereux

 

Jean-Baptiste :

Roman peut-il faire changer les hommes ? Végétalien ?

non n'a pas cette ambition 

littérature n'a pas pour vocation d'imposer une morale mais à mettre face à ses istuations et à nous faire poser des questions

s'est servi du lieu pour porter un message mais fiction lieu de questions 

ce qui l'intéresse est plus la condition humaine que la condition animale

 

Gaël :

ercle vicieux de la haine peut-il s'arrêter au Burundi ?

difficile depuis indépendance massacre à répétition reconstruction est difficile

compliqué tant qu'il n'y aura pas des dirigeants qui mettent en place des comité de réconciliation par exemple ou si les gens étaien tcondamnés comme au rwanda

peines de prison au Rwanda coté positif est reparti d'un bon pied
Burundi loin de cla d'ailleurs la question ethnique revient sur le devant de la scène en ce moment avec le président actuel

 

Réception au Burundi ?

5 ou 6 livres seulement là-bas, pas de librairies, beaucoup de gens ne savent pas lire, livre cher

Burundi est le pays le plus pauvre au monde (30 euros par an)

peu de gens l'ont lu

rwanda 40 livres vendus

Burundi de la diaspora le remercient

 

D'où vient personnage de Laure ?

se souvenait qu'il y avait des correspondants enfant souvenir de primaire marquant voulait ue sorte de son Burundi par intermittences

ouverture vers l'extéireur

 

Leïla :

Dans quel personnage vous reconnissez-vosu le plus ?

une partie de moi dans tous les personnages

objectirvvment accointances avec Miriam car c'est avec elle que j'ia le plus de point commun (milieu, mère de famille...)

 

Romain : pourquoi cetet couverture ?

important pour le livre.

voulait travailler avec un graphiste Jean Rémond

faux photomaton d'époque femme vulgaire et aguicheuse en même temps, aguicheuse attire l'attention fille assassinée Marguerite 

couverture qui attire les lecteurs

 

Jean-Baptiste : 

pourquoi autant de sexualité dans les romans ?

il y en a dans tous mes livres

car la sexualité est un des grands questionnements de l'existence qqch qui nous lie nous habite mais cnstruit notre identité nosu constitue

 

Gaël :

relation entre son titre et le titre de la chanson "Petit pays"

ce n'est pas la chanson la plus représentative du roman. ce serait plutôt "L'ennui des après-midi sanf in" vraiment prémisse du roman vie où il ne se passe rien , enfance setiment d'ennui moments qui ont précédé la guerre ensuite roman habité par les conditiosn d'exil et la guerre mais cetet première partie liée à l'enfance indolente est celle que je voulais faire émerger.

 

Leïla

Est-ce que la mère est responsable du drame ?

pendant écriture ne voulait pas juger les personnages ne voulait pas faire leur procés

pour elle pas la mère responsable. cette femme est face à plein de contraintes : limites du féminisme : sauf que le monde d'aujourd'hui n'est pas adapté au résultat de cette émancipation 70 % des tâches ménagères sont assurées par les femmes ce sont souvent elles qui sont les plus déchirées entre travail et enfants

ici la mère est dépassée, débordée et quand qqun lui propose de l'aider et prend tout en caharge c'ets une chance pour elle 

inspirée de Louise Woodworth

lors de son procés avocata avait accusé la mère  avait été choquée

mais c'est toute l'ambiguité de ce ett société toujours femmes sont dans une position difficile aujourd'hui d'aileurs la preuve vous m'avea posé la question sur la mère pas su rle père

 

Romain :

pourquoi finir sur le personnage de Julie alors qu'elle n'est pas le personnage principal du livre ?

ne sait pas comment le roman se termine. laisse la structure et les personnages me guider, se mettre en place et choix de compostiiosn

 
Romain Slocombe pour L'affaire Léon Sadorski chez Robert Laffont   :
Présentation de l'éditeur : 
Le pire des salauds, le meilleur des enquêteurs.

Avril 1942. Au sortir d'un hiver rigoureux, Paris prend des airs de fête malgré les tracas de l'Occupation. Pétainiste et antisémite, l'inspecteur Léon Sadorski est un flic modèle doublé d'un mari attentionné. Il fait très correctement son travail à la 3e section des Renseignements généraux, contrôle et arrête les Juifs pour les expédier à Drancy. De temps en temps, il lui arrive de donner un coup de main aux Brigades spéciales, d'intervenir contre les « terroristes ».
Mais Sadorski est brusquement arrêté par la Gestapo et transféré à Berlin, ou on le jette en prison. Le but des Allemands est d'en faire leur informateur au sein de la préfecture de police... De retour à Paris, il reçoit l'ordre de retrouver son ancienne maîtresse, Thérèse Gerst, mystérieuse agent double que la Gestapo soupçonne d'appartenir à un réseau antinazi.
Après le succès de Monsieur le commandant, Romain Slocombe nous entraîne dans les abîmes de la collaboration et de la mauvaise conscience française. 

Est-ce que cela était difficile de se mettre dans la peau d'un salaud ?

Comme les acteurs aiment jouer les rôles des méchants car c'est plus excitant, plus jouissif, l'écrivain endosse avec satisfaction le rôle du méchant.  Je n'aime pas trop les romans classiques, j'aime déstabiliser le lecteur et aller à rebours du schéma habituel. Cela me semblait intéressant de m'interroger sur pourquoi et comment un individu médiocre devient en temps de guerre dangereux.

Pourquoi cette couverture ?

La couverture est essentielle pour un livre. Je voulais travailler avec un graphiste Jean Raymond Hiebler et j'ai cherché longtemps parmi ses photographies une qui pourrait convenir. Jusqu'à ce que je tombe sur celle-ci, un faux photomaton d'époque représentant une femme vulgaire et aguicheuse en même temps. Elle attire le regard.  Elle représenterait dans le roman la fille assassinée, Marguerite. 

Pourquoi finir sur le personnage de Julie alors qu'elle n'est pas le personnage principal du livre ?

Quand je commence à écrire, je ne sais pas comment le roman se termine. Je laisse la structure et les personnages me guider, se mettre en place et faire le choix de composition. 

Rencontres régionales du Goncourt des lycéens 2016 (3)
Jean-Baptiste Del Amo auteur de  Règne animal chez Gallimard :
Présentation de l'éditeur :
Règne animal retrace, du début à la fin du vingtième siècle, l’histoire d’une exploitation familiale vouée à devenir un élevage porcin. Dans cet environnement dominé par l’omniprésence des animaux, cinq générations traversent le cataclysme d’une guerre, les désastres économiques et le surgissement de la violence industrielle, reflet d’une violence ancestrale. Seuls territoires d’enchantement, l'enfance – celle d’Éléonore, la matriarche, celle de Jérôme, le dernier de la lignée – et l’incorruptible liberté des bêtes parviendront-elles à former un rempart contre la folie des hommes? 

Règne animal est un grand roman sur la dérive d’une humanité acharnée à dominer la nature, et qui dans ce combat sans pitié révèle toute sa sauvagerie – et toute sa misère.

Pourquoi évoquer plusieurs générations ? 

J'ai voulu effectuer un travail ainsi sur la thématique du passage du temps et la façon dont la violence se transmet de génération en génération. 

Vous êtes végétalien et vous en parlez dans le roman. Selon vous le roman peut-il faire changer les hommes ? 

Non je n'ai pas cette ambition. La littérature n'a pas pour vocation d'imposer une morale mais plutôt de mettre face à ses situations pour que l'on se pose des questions. Je me suis servi du lieu pour porter un message mais la fiction est avant tout le lieu de questions. Ce qui m'intéresse est plus la condition humaine que la condition animale.

Pourquoi autant de sexualité dans ce roman ?

Il y en a dans tous mes livres car la sexualité est un des grands questionnements de l'existence, c'est quelque chose qui nous lie, nous habite et construit notre identité. Elle constitue l'être humain. 

Rencontres régionales du Goncourt des lycéens 2016 (3)
Questions posées à tous : 

Que regrettez-vous dans votre livre ?

Romain : J'ai assez peu de déchets, je relis tout le temps, le roman est donc très travaillé. Je laisse ensuite les éditeurs pointer les choses. 

Leïla : J'aurais aimé parler plus des femmes dans les squares, celles qui s'occupent des enfants.

Jean-Baptiste : Je réécrirais tout. C'est la raison pour laquelle on écrit un autre roman, on continue...

 

A lire également :

Rencontres régionales du Goncourt des lycéens 1er épisode

- Rencontres régionales du Goncourt des lycéens 1er plateau

- Mon avis sur Tropique de la violence

- Mon avis sur  L'enfant qui mesurait le monde

- Mon avis sur Cannibales 

Prochainement en ces pages :

- Les réactions des lycéens, enseignants et auteurs suite aux rencontres

- Mon avis sur Chanson douce de Leïla Slimani

 

Publié dans Prix littéraires

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Rencontre avec Tracy Chevalier

Publié le par Hélène

Grâce à l'agence de presse D'Anne et Arnaud nous sommes plusieurs blogueuses a avoir eu le plaisir de rencontrer Tracy Chevalier, une auteure très accessible et agréable. Voici le compte rendu de cette rencontre : 

 

Pourquoi cette chronologie ?

Pour entretienir le mystère. Je ne voulais pas une saga-western très longue, j'ai donc choisi d'entremêler deux époques : celle de l'Ohio et celle du Robert adulte. Les lettres sont un pont, un lien entre l'Ohio et la Californie.

 

Comment vous est venue l'idée de ce roman ?

Qunad j'ai effectué des recherches sur La dernière fugitive j'ai lu un livre sur les relations entre les humains et plantes pour me documenter sur des détails sur la vie dans l'Ohio au XIXème siècle.Dans ce livre il y avait un chapitre sur les pommes et sur Appleseed, un commerçant. J'ai été amusée par la différence entre ce que l'on apprend sur cet homme aux enfants, qu'il donnait des pommes pour promouvoir la santé, alors qu'en fait il les vendait pour faire de l'alcool. La différence entre la réalité et la fiction m' a amusée. Puis j'ai eu l'image de ce couple qui se déchirerait parce que l'un voudrait cultiver des pommes sucrées et l'autre des pommes acides pour faire de l'alcool.

C'est l'histoire de gens qui bougent, ceux qui émigrent mais aussi le mouvement des arbres. On pense que les arbres ne bougent pas mais en fait c'est faux, les gens les font voyager. Les pommiers sont originaires du Kazakstan par exemple. L'arbre est le miroir de la migration humaine. 

 

Sur quel projet travaillez vous actuellement ?

Un roman qui se passe aussi aux Etats-Unis en rapport avec le projet Shakespeare : une maison d'édition en Angleterre a demandé à plusieurs écrivains de choisir une pièce de Shaespeare et d'écrire un roman inspiré par cette pièce. Margaret Atwood a choisi la Tempête et pour ma part j'ai choisi Othello. Cela se passera dans une école américaine en 1974. Tous les écoliers seront américains sauf un jeune enfant noir qui arrive un jour dans l'école venant d'Afrique. 

 

Pourquoi avoir choisi d'offrir le point de vue de Sadie à la première personne quand les autres personnages sont présentés à la 3ème personne ?

AU début j'avais pensé que ce serait l'homme l'ivrogne puis je me suis dit que cela était trop stéréotypé et j'ai choisi la femme. Dans ma tête j'entendais sa voix et sa manière de parler. J'ai pensé qu'elle était si forte que j'ai su qu'elle devait s'exprimer à la première personne. Si l'histoire était à la troisième personne uniquement, le personnage serait devenu nul. Inversement tout le roman avec seulement son point de vue aurait été trop. Un petit peu c'était mieux. Sadie est un personnage que l'on déteste ou que l'on adore. Il ne faut pas que tous les personnages soient gentils dans un roman. Elle est forte mais elle a ses raisons : elle perd un enfant chaque hiver, elle est isolée, n'a pas d'amis, elle est un peu égoïste. 

 

Pourquoi était-ce la première réelle fois que le héros était masculin ?

Ce qui m'intéresse sont les effets qu'ont pu avoir la famille sur les enfants. Il fallait la réaction d'un des enfants qui partirait vers l'Ouest. Il fallait un homme car pour une fille cela aurait été trop difficile de partir seule à travers le pays.

 

Pourquoi des histoires d'amour tourmentées ?

Parce que l'amour est compliqué. Robert est influencé par la relation de ses parents. Il faut toujours des compromis.

 

Quelles sont vos relations avec Faulkner ?

Faulkner et ses structures narratives ont indubitablement influencé de nombreux auteurs. J'ai étudié Faulkner à l'université, j'ai lu tout ce qu'il a publié et j'ai adoré Le bruit et la fureur et Tandis que j'agonise. J'ai été impressionnée, c'est toujours là, je pense. J'ai aussi eu d'autres influences comme celle de Toni Morrison, par Beloved et le Chant de Salomon. Elle aussi utilise les différents points de vue des personnages. 

 

Quels sont vos rapports avec votre traductrice ?

Je ne lis jamais les traductions. Quand c'est fini, c'est fini, le livre est pour vous, lecteurs, pas pour moi. Pour la traduction, je regarde quelques pages par ci et par là, mais je ne peux pas juger la traduction. On m'a dit que c'était bon. Anouk - la traductrice- a rencontré quelques problèmes en raison de l'utilisation de beaucoup de vocabulaire spécifique à la culture des pommes, et quelquefois elle m'a posée des questions.

 

Avez-vous des romans en cours d'adaptation cinématographique ?

Un producteur a acheté les droits de Prodigieuses créatures il y a 5 ans mais a finalement refusé de tourner l'adaptation. On a décidé que peut-être quelqu'un d'autre aura cette chance. C'ets diffcile de faire un film, il y a tant de monnaie en jeu. Quand on publie un livre il n'y a que moi et le lecteur, c'est simple. Avec un film il y a les différentes compagnies, les différents pays, il faut plusieurs personnes les acteurs, producteurs, etc... Il est difficile que tout ce monde se mette d'accord. Sans doute que cette adaptation n'a pas vu le jour car le roman est très anglais et que le producteur intéressé était australien.

A l'orée du verger est difficile à adapter à cause des différentes époques, il faudrait des flashbacks, ce serait compliqué. 

Je n'imagine pas en écrivant que ce que j'écris pourra devenir un film. Il faut écrire pour le lecteur pas pour quelqu'un qui va voir un film. Néanmoins quelques scènes restent très visuelles comme celle durant laquelle Robert est avec Nancy et Marthe et descend la montagne et voit à distance Molly et son parapluie jaune et rouge. C'était un film dans ma tête. Cela ne signifie pas que cela ferait un bon film.

 

Avez-vous été influencée par Les soeurs Brontë ?

J'ai travaillé sur un projet pour célébrer le bicentenaire de Charlotte Brontë avec des expositions et des livres. J'ai beaucoup lu les soeurs Brontë et j'ai remarqué que Jane Eyre ressemblait un peu à ma jeune fille à la perle. 

 

Merci à Anaïs et Arnaud pour cette soirée très enrichissante et merci à Tracy Chevalier pour sa proximité et sa gentillesse !

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Déceptions du mois de mai

Publié le par Hélène

Le saut oblique de la truite de Jérôme Magnier-Moreno

Pitch : « La Corse. Boisée. Montagneuse. Désertique. Magnifique. Mer bleue. Minuscules coques blanches des bateaux jetées dans l’eau comme une poignée de graviers. Côtes brunes. Nouvelle palettes de couleurs. »

Le peintre Jérôme Magnier-Moreno a mis dix ans pour écrire une histoire qui ne parle de rien – ou presque ; un jeune homme parti pêcher le long du GR20… Un premier roman initiatique procurant une impression unique de liberté.

Mon avis : Le résumé dit que ça ne parle de rien. C'est bien ça le problème. Parce que le projet de voyage du jeune narrateur tombe plus ou moins à l'eau étant donné que son compagnon d'aventures ne vient pas au rendez-vous. En fait ce récit est inclassable : il n'est ni poétique, ni drôle à mon goût, ni philosophique, ni écologique ou que sais-je encore. Il raconte juste un voyage lambda, voyage que tout un chacun aurait pu vivre et raconter. En effet le style de l'auteur n'est pas non plus très littéraire, plus télégraphique que proustien... Mais ce qui finit par franchement être dérangeant est cette manie d'user et d'abuser des situations scato-sexo, le summum étant tout de même ponctué par la description détaillée de l'issue d'une tourista carabinée. Presque chaque soirée sous les étoiles est animée par une branlette poétique à souhait, bref tout est prétexte "Pour un homme, c'est typiquement le moment de choisir un arbre à sa convenance contre lequel se soulager, ce que je ne tarde pas à faire avec cette nonchalance animale qui caractérise les bipèdes de mon sexe." p. 48

Vous l'aurez compris, je n'ai pas adhéré à ce récit, mais les avis sur la blogo à qui l'auteur a envoyé son livre, sont plutôt positifs...

Présentation de l'éditeur : Editions Phébus 

D'autres avis Jostein ; Nicole ; Nathalie ; Cathulu ; Antigone ; Keisha ;

La loi des sames de Lars Petterson

Pitch : Kautokeino. Localité de Laponie norvégienne où des Sames – un peuple autochtone – continuent à vivre de l’élevage des rennes, et selon des traditions ancestrales.
Anna Magnusson, jeune substitut du procureur à Stockholm, mène une existence à mille lieues de ses origines sames, que sa mère a reniées en venant vivre en Suède… Jusqu’au jour où sa grand-mère l’appelle à l’aide : son cousin Nils Mattis est accusé de viol. Chargée de trouver un arrangement avec la plaignante, Anna accepte de retourner à Kautokeino, qui n’évoque pour elle que de lointains souvenirs d’enfance.
Une fois sur place, rien ne se passe comme prévu. Traitée comme une étrangère, Anna se trouve confrontée aux lois implicites qui règnent dans ces contrées reculées. Entre les menaces qu’elle subit et les vérités qu’on lui cache, la jeune femme se rend compte que cette affaire de viol n’est que la partie émergée d’une situation bien plus complexe. Commence pour elle une périlleuse enquête, qui lui fera redécouvrir ses racines et l’univers de ses ancêtres.
Originellement conçu comme un scénario, La loi des Sames est un thriller qui se vit, se voit, se ressent.
Le regard fin et perçant de Lars Pettersson nous plonge au cœur de la société same. En suivant son héroïne courageuse et sensible, incarnation de la tension entre le moderne et le traditionnel, le lecteur saisit en profondeur ce qui pourrait sembler indicible : le poids des attentes familiales, la place des origines dans le façonnement de notre identité, la majesté des paysages polaires…

Mon avis : Je suis surprise en lisant le pitch pour la préparation de ce billet d'apprendre que initialement ce roman était prévu pour être un film car le défaut principal pour moi est qu'il manque de rythme, qu'il n'avance pas suffisamment, et reste répétitif dans ses scènes. L'héroïne passe son temps à errer sans fin dans les paysages glacés. La réflexion de fond est intéressante, entre ceux qui choisissent de rester pour les terres et pour honorer les ancêtres et leur histoire et ceux qui font le choix de partir, mais ladite réflexion tourne en rond. L'ensemble est lonnnngggg...

D'autres avis : Babelio

Sur Babélio les avis se rejoignent effectivement, j'aurais mieux fait de consulter les avis avant de me lancer dans la lecture de ce roman !

Le bois du rossignol de Stella Gibbons

Pitch : Charmante écervelée, Viola Wither se retrouve veuve à vingt et un ans. Frivole et sans le sou, elle n’a qu’une porte de sortie : quitter Londres et emménager chez sa belle-famille. Entre ennui mortel et hystérie, la vie à la campagne est tristement cocasse. Jusqu’au jour où elle s’éprend du plus beau parti de la région, promis à une autre. Et qu’elle flirte avec lui…

Une comédie pétillante et poivrée, dans la lignée d’une Jane Austen qui aurait revisité Cendrillon.

Mon avis : En prévision du mois anglais je l'ai sorti de ma PAL je me souvenais que Keisha avait adoré. Mais... Je n'ai pas trouvé les personnages attachants, je n'ai pas trouvé le fond très profond, et je l'ai finalement abandonné en cours de route...

Présentation de l'éditeur : Points

 

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Rencontre Babélio avec Janis Otsiemi

Publié le par Hélène

Jeudi dernier, Babélio organisait une rencontre avec Janis Otsiemi à l'occasion de la sortie de son nouveau roman Tu ne perds rien pour attendre dans le tout récent label de Plon : Sang Neuf dirigé par Marc Fernandez qui souligne "Nous en sommes sûrs, pour comprendre la société actuelle, il faut lire noir."

Voici de quoi il a été question :

La superstition en Afrique :

En Afrique, la frontière entre le réel et l'irréel est tangente, il est tout à fait courant d'entendre des histoires comme celle du fantôme pris en stop par Jean-Marc. Ce sont des histoires qui existent, des faits divers, des fantasmes, des rumeurs.

Le personnage de Jean-Marc :

Je voulais un personnage nouveau qui soit dans la justice mais rebuté par les pratiques du pays. En Afrique la notion de mérite n'existe pas en tant que telle. Il faut avoir des fétiches, des marabouts pour réussir. Par exemple si votre fils va passer le bac et a des difficultés en cours, vous ne faites pas appel à un professeur particulier, vous prenez le bic et les cahiers et vous vous rendez chez le marabout. Ainsi, l'esprit de l'ancêtre viendra habiter l'élève et écrira à sa place le jour du bac.

Au début je voulais choisir un journaliste mais ce n'était pas possible le journalisme n'est pas objectif là-bas, soit il dépend du pouvoir, soit de l'opposition.

Les femmes :

Un bon gabonais a toujours un deuxième ou troisième bureau, plusieurs femmes.

L'intrigue :

Les corses : L'histoire banale est un prétexte pour dénoncer. Les corses sont très présents au Gabon, ils sont dans les jeux, les machines à sous. Moi-même je travaille dans l'aviation d'affaires et mon chef est un corse -qui n'a pas encore lu le roman, je ne sais pas s'il va me garder après l'avoir lu !- Le Gabon est la deuxième patrie des corses.

Les jeux : Les gabonais jouent beaucoup. Dans leur extrême misère, ils espèrent gagner des millions, surtout les retraités. C'est une machine à lessiver les gens.

La drogue : l'ancienne route de la drogue passait par le Sahel mais avec le terrorisme, ils ne peuvent plus passer par là, ils passent par chez nous car de plus le régime est facilement corruptible.

Mon rapport avec la langue :

L'africain a un rapport particulier avec la langue française  : c'est une langue que nous avons reçu en héritage, ce n'est pas une langue nationale nous avons plusieurs dialectes en fonction des ethnies. Le français est alors devenu langue nationale. Mais le problème étant que avec ses relents gaulois cette langue française ne peut pas traduire la réalité dans laquelle je vis. Je triture le français, c'est une espèce de vengeance contre les colonisateurs, nous nous approprions leur propre langue. Par exemple motamoter signifie apprendre par coeur ou encore la sans-confiance est une babouche chinoise en qui on ne peut pas avoir confiance car elle peut vous lâcher à tout moment.

Notre langue est pleine de richesses, elle traduit notre vécu, notre réalité. Ce n'est pas pour paraitre exotique mais c'est MA langue.

Dans cet opus, mon travail sur le style est plus classique. En effet, j'ai été touché par les critiques qui me reprochaient auparavant une intrigue un peu faible. J'ai voulu privilégier l'intrigue cette fois-ci.

Libreville :

A Libreville le front de mer est beau, mais c'est l'intérieur qui m'intéresse, quelques encablures plus loin on rencontre le peuple de l'intérieur, qui vit dans la précarité et la misère. Personnellement j'habite les Etats-Unis d'Akébé, un quartier populaire.

Comment tout a démarré :

Mes copains ont dit que j'écrivais comme un bourgeois, mes amis m'ont demandé d'écrire quelque chose dans lequel ils pourraient se reconnaitre.

Le polar africain :

Le polar africain est calqué souvent sur le mode occidental avec des médecins légistes qui pourtant n'existent pas chez nous. je voulais un roman réaliste. Ce n'est pas la réalité à 100 % mais MA réalité, nourrie de mon imaginaire, de ma manière de voir les choses.

La prise de pouvoir de Bongo :

C'était difficile on se planquait tous... A cause de la susceptibilité de certains politiques africains, je m'autocensure. Je n'ai pas peur mais je protège aussi ma famille.

Par exemple un article est sorti dans le Point intitulé "Gabon maudit" qui a eu des conséquences, on m'a accusé de véhiculer une mauvaise image du Gabon. J'ai répondu que je n'étais pas fonctionnaire du tourisme.

Je crains des réprésailles, pour l'instant je ne suis pas inquiété par contre j'ai des pressions extérieures des voisins des collègues j'essaie de garder mon indépendance, je dis tout de même les choses.

Le rapport avec les services de la police ?

Pour les observer, je débarque dans leur commissariat et j'invente un histoire, je dis que mon frère a disparu, on m'envoie au sous-sol voir un enquêteur qui me laisse dans un coin le temps de régler d'autres affaires. L'enquêteur a encore une machine à écrire du temps de De Gaulle, il est là, il fait son truc, et j'observe.

Les bars

En Afrique, le Gabon et le Cameroun sont les pays où l'on consomme le plus d'alcool. mais on boit pour se saouler, non par goût comme en France. Par exemple le whisky frelaté marche bien chez nous.

L'édition au Gabon ?

Il existe quelques maisons d'édition à compte d'auteurs, mais cela reste rare. De même, il y a peu de librairies, il n'y a pas de réseau de distribution. Les librairies sont souvent des librairies scolaires, si je voulais diffuser mon livre là-bas je devrais le commander à perte en France. De fait pour être connu là-bas, un auteur doit être "blanchi" passé par la France. En plus le livre est cher, il n'y a pas de culture du livre.

Quand j'étais petit, je lisais des romans à l'eau de rose car j'avais neuf soeurs. Puis j'ai découvert "Le lac" de Lamartine et j'ai eu une révélation, j'ai appris à écrire en recopiant des pages de Balzac. La littérature m'a sauvé. Sans elle je serais peut-être devenu délinquant, bandit, dans les quartiers où j'ai grandi tout est fait pour que tu ailles dans le mur.

Mon parcours dans l'édition tient à une question de rencontres : j'avais publié un petit livre à compte d'auteur  et j'avais un blog de littérature africaine. Jigal a lu mon livre, m'a contacté et m'a demandé un manuscrit.

Ma vie là-bas :

Pour le moment j'ai fait le choix de rester au pays. Et puis "l'Afrique est un polar à ciel ouvert" Des histoires dingues nous arrivent en Afrique, si ton voisin meurt on peut t'accuser de l'avoir assassiné ! Pour moi c'est de la matière, c'est un filon en or.
 

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L'odeur du café de Dany LAFERRIERE

Publié le par Hélène

"Da boit son café. J'observe les fourmis. Le temps n'existe pas." p. 16

Le narrateur, petit garçon, évoque ses vacances passées à Petit-Goâve aux côtés de sa grand-mère, Da. Ses souvenirs d'enfance oscillent entre jeux entre camarades, discussions enflammées avec les voisins, maladies qui le clouent au lit, mais surtout observation avide de tout ce qui l'entoure et crée un univers qui résonnera à jamais par la suite dans son âme d'adulte.

"La mer
Je n’ai qu’à me tourner pour voir un soleil rouge plonger doucement dans la mer turquoise. La mer des Caraïbes se trouve au bout de ma rue. Je la vois scintiller entre les cocotiers, derrière les casernes.

La bicyclette rouge
Cet été encore, je n’aurai pas la bicyclette tant rêvée. La bicyclette rouge promise. Bien sûr, je n’aurais pas pu la monter à cause de mes vertiges, mais il n’y a rien de plus vivant qu’une bicyclette contre un mur. Une bicyclette rouge. "

L'auteur dit avoir écrit ce livre pour :

"Ne jamais oublier cette libellule couverte de fourmis.

Ni l'odeur de la terre.

Ni les pluies de Jamel.

Ni la mer derrière les cocotiers.

Ni le vent du soir.

Ni Vava, ce brûlant premier amour.

(...)

Mais j'ai écrit ce livre surtout pour cette seule scène qui m'a poursuivi si longtemps : un petit garçon assis aux pieds de sa grand-mère sur la galerie ensoleillée d'une petite ville de province."

"Je fuyais l’hiver montréalais en remontant le cours de ma mémoire jusqu’à la source chaude de mon enfance. Je quittais aussi le bruit et la fureur que génèrent les métropoles nord-américaines pour me réfugier, au pied de ma grand-mère, sur cette petite galerie de Petit-Goâve. Comme il m’était difficile, à l’époque, de songer à vivre en Haïti avec ma famille, je me suis arrêté à Miami. On a trouvé la maison, dans un quartier tranquille de la ville, devant laquelle j’ai tout de suite planté un bougainvillier. Puis j’ai posé ma machine à écrire en face de la fenêtre qui donne sur la cour. Je n’avais qu’à allonger le bras pour caresser les feuilles de l’arbre qui se trouvait dans l’embrasure de ma fenêtre et dont le vent dans les feuilles faisait une musique qui me berçait à l’heure de la sieste. C’est dans un moment pareil que surgit le visage à la fois doux et ridé de ma grand-mère qui me souriait et, tout à coup, un grand soleil illumina la pièce. C’est pour la garder plus longtemps avec moi que je me mis à écrire L’Odeur du café. Cette odeur s’était infiltrée dans tous les recoins de mon enfance. Chaque matin, à Miami, je partais faire le tour du petit lac, pas loin de chez moi, en tentant de ramener au retour quelques images lumineuses d’une époque magique. Je revenais parfois bredouille, d’autres fois avec une pêche miraculeuse. J’avançais par petites touches. Un matin j’essayais de faire remonter à la surface tout le bruit de la rue Lamarre un samedi matin. Quelques jours plus tard, je décrivais la maison, le 88, où je vivais avec ma grand-mère, quelques tantes et mon chien. Puis ce fut la galerie où nous passions le plus clair de notre temps. Cette galerie, je la connaissais bien. Je pouvais me rappeler tout ce monde si grouillant mais invisible aux yeux des adultes qui s’y agitait. Ma grand-mère buvait constamment du café. Comment restituer de tels moments en apparence si naïfs, mais plutôt complexes quand on y plonge ? J’ai décidé de ne plus chercher une forme particulière, mais de permettre à cette montagne de détails et d’émotions de trouver sa forme définitive. La réalité impose son style. Je me mets dans l’ambiance de mon enfance et j’essaie d’écrire sans faire attention aux mots. En fait, je n’écris pas, je peins. Tout en rêvant de l’art de ces peintres naïfs dont les tableaux aux traits parfois grossiers et aux couleurs chatoyantes dégagent une énergie si primitive qu’on oublie tout esprit critique pour vivre le moment. Pour ma part, je souhaite que le lecteur cesse de lire pour traverser la page et venir flâner dans les rues de Petit-Goâve. Je suis sûr que si ses pas l’amènent à la rue Lamarre, Da lui offrira une tasse de café pour fêter les vingt-cinq ans de L’Odeur du café, le roman de son petit-fils. Il me trouvera sur la galerie, toujours fasciné par l’agitation des fourmis. Le temps n’existe pas. Et l’éternité guette Da."Dany Laferrière

 

Hommage touchant à une enfance simple entourée d'amour, ces scènes de vie nous rappellent combien les souvenirs d'enfant sont précieux...

 

Présentation de l'éditeur : Zulma

D'autres avis : Repéré chez Yves ; Télérama ; Nadael  nous parle de la version jeunesse ; Papillon ;

 

L'odeur du café, Dany Laferrière, Zulma, mai 2016, 240 p., 9.95 euros

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Editions Zulma

Publié le par Hélène

Samedi dernier, nous avons été plusieurs blogueurs à avoir été reçus par les Editions Zulma, rue du Dragon, l'occasion de revenir sur l'histoire de cette maison d'édition si particulière...

Une maison fondée en 1991

Laure Leroy était stagiaire dans l'édition et a décidé de fonder sa propre maison d'édition en 1991. Pendant quinze ans, elle a appris son métier de directrice, mais elle a surtout appris tous les métiers de l'édition.

En 2006 elle a décidé qu'il était temps de refonder la maison de fonds en combles.

2006, l'année des changements

Laure Leroy décide alors de publier moins, seulement 10 ou 12 livres par an, mais en prenant le temps de trouver, publier, et promouvoir ces livres choisis pour son catalogue. Elle ne publie que des livres qu'elle aime, parce que pour elle une maison d'édition ne peut toucher ses lecteurs que si il y a cette chaine d'authenticité, ces gens passionnés d'un bout à l'autre du projet.

La diversité du monde et l'universalité des sentiments

Ce qui manquait dans le paysage éditorial français était une maison ouverte sur la diversité du monde, une maison qui ne serait pas spécialisée dans la littérature française, japonaise ou russe, mais une maison qui s'attacherait à la diversité du monde. Si les cultures sont différentes, chacun reste un être humain qui partage avec les autres des valeurs universelles, d'humanisme, tous les êtres humains ont des craintes, des émotions, des aspirations. Zulma a souhaité aller voir des écrivains dans le monde entier qui construisent une oeuvre avec une culture différente dont on ne connait rien. 

Par exemple au Kerala, état du Sud de l'Inde,  on parle une langue qui s'appelle le malayalam. Or cet état est riche et éduqué, et pourtant on en ignore tout. Pourtant, il y a forcément là-bas des écrivains extraordinaires, et parmi eux, il en existe forcément un qui pourra plaire. Le travail de recherche est très important chez Zulma. Sur place, des traducteurs tout aussi passionnés traduisent quelques chapitres pour donner envie aux éditeurs français de publier leurs auteurs. C'est comme cela que Laure Leroy a découvert Basheer.

Si on prend un livre comme La somme de nos folies, c'est avant tout l'histoire d'une vieille dame excentrique, ce qui est plus important que de préciser que c'est un roman qui se passe en Malaisie.

Une identité singulière pour des voix fortes

David Pearsons était un graphiste anglais qui a beaucoup travaillé pour Penguin.

Laure lui a demandé pour leurs couvertures de respecter un cahier des charges, avec un design contemporain, reconnaissable, comme un écrin. De fait, la quatrième de couverture n'existe pas dans cet écrin.

 

Une équipe soudée

Au sein de cette équipe soudée, Béatrice Pô s'occupe du travail éditorial et de la fabrication, Héloïse Bailly est l'oeil de la maison, traquant les coquilles et aidant Béatrice, Catherine Henry s'occupe des relations libraires depuis 2006, Amélie Louat négocie les sessions de droits, l'acquisition des droits et Rym et maintenant Valentin se consacrent aux relations presse et blogueurs.

Le rôle d'agents

La spécificité de Zulma tient aussi au fait que la maison est l'agent de ses auteurs étrangers. Quand ils sont traduits dans un autre pays, c'est Zulma qui gère les contrats. Les échanges de droits se passent lors de la grande foire de Francfort. Zulma soit valider le choix de la maison d'édition, du traducteur, du titre et de la couverture.

 

Les étapes de la fabrication

L'impression se fait sur une feuille 52/80cm qui est ensuite pliée pour constituer des cahiers.

Les cahiers sont ensuite assemblés, cousus, puis placés dans la couverture.

Zulma travaille en partenariat avec les imprimeries Floch en Mayenne.

Rencontre avec Jean-Marie ROBLES

Le premier livre de l'auteur Là où les tigres sont chez eux, mélange de Umberto Eco et Indiana Jones, fut un véritable coup de coeur pour Laure Leroy. En 2014, elle publie de lui L'île du Point Némo, puis Dans l'épaisseur de la chair. En janvier 2019, il publiera Le rituel des dunes. Ce roman se passe à la fin ]des années quatre-vingt dans la Chine communiste. Roetgen vient de quitter Tientsin. Il laisse derrière lui le petit milieu des expatriés, joyeusement délétère et décalé, pourtant en prise avec le quotidien souvent absurde du régime. Plus que tout, c’est son histoire avec Beverly, une Américaine de vingt ans son aînée, que Roetgen cherche à comprendre. Beverly, qui a vécu (ou fantasmé) mille vies rocambolesques, des plus sordides aux plus éclatantes, est exubérante, excessive, jalouse, elle n’a aucune limite, elle ne vit que par passion. D’emblée Roetgen est fasciné, mais Beverly a aussi sa face obscure. Beverly réclame sans cesse à son amant des histoires à la hauteur de sa propre biographie. Il lui raconte les affres d’un empereur chinois au double visage, une folle nuit au cœur de la Cité Interdite, un vrai faux polar dont il ne livre qu’un chapitre sur deux – récits haletants, volontiers désopilants, qui vont à leur tour nourrir la folie de Beverly.
 

Sortira également La maîtresse de Carlos Gardel de Mayra Santos-Febres. La puissante Mano Santa est appelée au chevet de Carlos Gardel, l’icône du tango, à la veille de sa tournée dans les Caraïbes. La guérisseuse emmène avec elle sa petite-fille Micaela, étudiante infirmière silencieuse et appliquée, à qui elle confie Gardel.

Les plus grands succès

Rosa Candida de Audur Ava OLAFSDOTTIR : vendu à plus de 100 000 exemplaires en grand format, et traduit partout dans le monde à la suite de son succès en France.

Là où les tigres sont chez eux de Jean-Marie Blas de ROBLES : Prix Medicis et Prix du roman Fnac

Palestine de Hubert HADDAD : prix Renaudot poche

Le garçon de Marcus MALTE : Prix Fémina

Mes coups de coeur :

Les romans de Audur Ava OLAFSDOTTIR dont Le rouge vif de la rhubarbe

Rosa Candida et L'exception

Le complexe d'Eden Bellwether de benjamin WOOD

La boite aux lettres du cimetière de Serge PEY

Gouverneurs de la rosée de Jacques ROUMAIN

L'île du point Némo de Jean-Marie ROBLES

La lettre à Helga de Bergsveinn Birgisson

L'année des secrets de Anjana APPACHANA

Les nuits de laitue de Vanessa BARBARA

 

Merci à toute l'équipe pour ce bel après-midi !

Publié dans Divers

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Notre force est infinie de Leymah GBOWEE avec Carol MITHERS

Publié le par Hélène

                                                    notre-force-est-infinie_leymah_Gbowee.jpg

 ♥ ♥

« Nous sommes fatiguées ! Nous sommes fatiguées de voir tuer nos enfants ! Nous sommes fatiguées d’être violées ! Femmes, réveillez-vous – Vous avez une voix à faire entendre dans le processus de paix ! »

 L’auteur :

Née en 1972 à Monrovia (Libéria), Leymah Gbowee est la directrice exécutive du Women Peace and Security Network Africa, basé à Accra (Ghana). Elle a fondé le Women Peacebuilding Program/WestAFrican Network for Peacebuilding (WIPNET/WANET). Elle a aussi officié en tant que commissaire désigné pour la commission Truth et Reconciliation du Libéria. Son engagement a contribué à chasser le président Charles Taylor du pouvoir, après quatorze ans de guerre civile. Leymah Gbowee vit aujourd’hui au Ghana avec ses six enfants.

Carol Mithers http://carolmithers.com/Carol_Mithers/Biography.html

 Présentation de l’éditeur :

 Les images de ces femmes en blanc héroïques qui ont réussi à chasser Charles Taylor du Libéria ont fait le tour du monde. Parmi elles, Leymah Gbowee, le chef de file du mouvement. Un témoignage renversant, poignant et criant de sincérité sur son combat pour la paix et la démocratie au Libéria et en Afrique de l'Ouest, doublé d'un magnifique portrait de femme. Leymah Gbowee s'est vu remettre le Prix Nobel de la Paix en 2011.

Inspirant et bouleversant, le témoignage unique d'une femme dont le courage, la passion et l'exceptionnelle force de conviction ont fait renaître l'espoir dans un pays ravagé.

Leymah Gbowee n'a que dix-huit ans quand la guerre civile éclate au Liberia. Pendant quatorze ans, les troupes de Charles Taylor vont semer la terreur et la mort. Premières victimes, les enfants dont le dictateur fait des soldats, et les femmes harcelées, parfois violées par les miliciens.

Au prix d'une volonté inouïe, Leymah Gbowee va relever la tête. Avec dans le coeur une conviction inébranlable : qu'importe l'ethnie, qu'importe la religion, si elles se rassemblent, les femmes peuvent défier la violence des hommes.

D'innombrables sittings en terrifiantes confrontations avec les seigneurs de guerre, en passant par une grève du sexe aussi spectaculaire qu'efficace, Leymah Gbowee et son armée de femmes en blanc vont réussir l'impensable : pousser Charles Taylor à l'exil et ramener la paix au Liberia.

Leymah Gbowee a reçu le prix Nobel de la paix en 2011.

 

Mon avis :

 Leymah Gbowee est une femme exceptionnelle qui s’est battue pour les femmes de son pays et les femmes du monde entier, ces femmes en souffrance qui subissent la guerre au plus profond de leur être. Elle  se bat pour la paix a fondé et gère plusieurs associations de femmes

« Construire la paix ne signifie pas pour moi mettre fin aux combats en se dressant entre deux factions opposées mais soigner les blessures des victimes, leur rendre leur force, les faire redevenir ceux qu’ils ont été. C’est aider les bourreaux à redécouvrir leur humanité afin qu’ils soient à nouveau utiles à leur communauté. Construire la paix, c’est enseigner qu’on peut résoudre les conflits sans prendre les armes. C’est reconstruire les sociétés où on a utilisé des armes et les rendre meilleures. » (p. 129)

Les témoignages de ces femmes africaines sont durs, reflétant l’horreur quotidienne vécue par ces femmes victimes de viol, de violence, en raison de la guerre, mais aussi au sein de leur couple quelquefois. Pour Leymah Gbowee, aider ces femmes, les rassembler pour ne plus être seule fût une évidence,  et le bienfait répandu n’a pas de prix à ses yeux ni au nôtre. Ce choix lui a demandé des sacrifices, dont le plus coûteux fût celui de ses enfants qu’elle a dû laisser sur le carreau pour courir aux quatre coins du pays du continent puis du monde pour faire valoir le droit des femmes africaines.

 « Pourtant, si je devais tout recommencer, je ne suis pas certaine que je changerais quoi que ce soit. Je sais que mes enfants m’en veulent. (…) Si je me demande : « Aurais-je pu faire autrement ? » Ma réponse est : « Non. » Je ne vois toujours pas quel choix s’offrait à moi. » (p. 310)

 Malheureusement, Leymah Gbowee a fait appel à une collaboratrice pour retracer son destin et j’ai trouvé la forme et le style choisi par Carol Mithers bien faibles par rapport au propos.

« Quand on passe si vite de l’innocence à un monde de peur, de douleur et de perte, c’est comme si la chair de votre cœur et de votre esprit avait été arrachée, lambeau par lambeau, telles de tranches de jambon. » (p. 70)

Quelle comparaison !!

Là où le récit pouvait être bien plus fort, bien mieux construit, Carol Mithers a choisi la sobriété, la froideur d’un témoignage classique.

De même sa profondeur reste superficielle, sa vie est racontée, mais le fonds reste évoqué de façon sporadique

Il fallait ce témoignage, mais il aurait mérité plus de qualités d'écriture...

"Grâce à des femmes comme elle, grâce à des femmes comme nous, je crois qu'en fin de compte la tyrannie ne triomphera pas, la bonté vaincra toujours le mal. (...°

Le travail est ardu. QUand l'immensité de ce qu'il reste à accomplir me décourage, je me tourne vers ces femmes qui luttent au jour le jour : elles ne baissent pas les bras et, pour elle, nous sommes un symbole d'espoir. Vous aussi, vous devez aller de l'avant. Vous n'avez pas la liberté de renoncer.

N'arrête pas ! me répète l'écho de la viellie Libérienne.

N'arrête jamais. N'arrête jamais.

Je lui réponds : je n'arrêterai jamais." (p. 344)

 Premières phrases :

« Les histoires de guerre moderne se ressemblent souvent, non parce que les circonstances sont analogues, mais parce qu’elles sont racontées de la même manière. On cite les chefs qui prédisent en toute confiance la victoire. Les diplomates déclament des affirmations pompeuses. Les combattants, vantards, menaçants –toujours des hommes, qu’ils soient des soldats gouvernementaux ou des rebelles, qu’on les dépeigne comme des héros ou des bandits-, brandissent des trophées atroces et transforment leurs bouches en armes aussi dévastatrices que leurs kalachnikovs. »

 Vous aimerez aussi :

 Grand Prix des Lectrices de Elle  

 D’autres avis :

A propos des livres ; Audouchoc ; Nadael ; Mimipinson .

Directmatin 

 

Notre force est infinie, Leymah Gbowee, avec Carol Mithers, Traduit par Dominique LETELLIER, Belfond, octobre 2012, 352 p., 19 euros

grand prix lectrices de elle 

 

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Tours et détours de la vilaine fille de Mario VARGAS LLOSA

Publié le par Hélène

                                                  tours et détours

 ♥ ♥

  L’auteur :

 Né en 1936 au Pérou, Mario Vargas passe une partie de son enfance en Bolivie. Dès l’âge de quatorze ans, il est placé à l’Académie militaire Leoncio Prado de Lima qui lui laisse un sinistre souvenir. Parallèlement à ses études universitaires, il collabore à plusieurs revues littéraires et, lors d’un bref passage au Parti communiste, découvre l’autre visage du Pérou. En 1959, il publie un recueil de nouvelles très remarqué, Les caïds, et s’installe à Paris. Il publie de nombreux romans, couronnés par des prix littéraires prestigieux. Devenu libéral après la révolution cubaine, il fonde un mouvement de droite démocratique et se présente aux élections présidentielles de 1990, mais il est battu au second tour. Romancier, critique, essayiste lucide et polémique (L’utopie archaïque) Mario Vargas Llosa est considéré comme l’un des chefs de file de la littérature latino-américaine. Source : Gallimard

 L’histoire :

Que de tours et de malices chez cette " vilaine fille ", toujours et tant aimée par son ami Ricardo, le " bon garçon ".

Ils se rencontrent pour la première fois au début des années cinquante en pleine adolescence, dans l'un des quartiers les plus huppés de Lima, Miraflores. Joyeux, inconscients, ils font partie d'une jeunesse dorée qui se passionne pour les rythmes du mambo et ne connaît d'autre souci que les chagrins d'amour. Rien ne laissait alors deviner que celle qu'on appelait à Miraflores " la petite Chilienne " allait devenir, quelques années plus tard, une farouche guérillera dans la Cuba de Cassa, puis l'épouse d'un diplomate dans le Paris des existentialistes, ou encore une richissime aristocrate dans le swinging London.
D'une époque, d'un pays à l'autre, Ricardo la suit et la poursuit, comme le plus obscur objet de son désir. Et, bien entendu, ne la perd que pour mieux la rechercher. Mario Vargas Llosa nous offre un cadeau inattendu : une superbe tragi-comédie où éros et thanatos finissent par dessiner une autre Carte de Tendre entre Lima, Paris, Londres et Madrid. Car Tours et détours de la vilaine fille est bien cela : la géographie moderne d'un amour fou. (Présentation de l’éditeur)

 Ce que j’ai aimé :

Les aventures de cette vilaine fille prête à tout pour trouver un mari riche qui puisse lui fournir protection et argent sont divertissantes. Amoureuse du pouvoir avant tout, elle recherche les portefeuilles fournis avant le bonheur :

 « L’argent te donne de la sécurité, te défend, te permet de jouir à fond de la vie sans te soucier du lendemain. Le seul bonheur qu’on puisse toucher. » (p. 87)

Elle se lasse vite de ses maris, et repart alors en chasse d’un nouveau pigeon prêt à succomber à ses charmes. Elle s’enfuit alors, laissant sur le carreau des hommes furieux et meurtris, poursuivie par la police, ce qui l’oblige à mettre à chaque fois le pied dans un nouveau pays ou continent. Ricardo la retrouve régulièrement sur son chemin, et se laissant prendre dans ses rets, il vit à chaque fois une passion tumultueuse avec elle, jusqu’à sa prochaine fuite… Leurs périples permettent de découvrir l’atmosphère de ce début de siècle dans différents pays, en France, à Londres, à Madrid, Tokyo… Ricardo connaît ainsi des amitiés très fortes avec des personnages marquants dont l’histoire étoffe la lecture.

 Ce roman peint avec facilité la « géographie moderne d’un amour fou ».

 miraflores.jpg

                     Lima, Miraflorès

 Ce que j’ai moins aimé :

Au milieu du roman, j’ai trouvé les épisodes quelque peu répétitifs, mais un rebondissement a par la suite –miraculeusement- relancé l’action.

 Les « cucuteries » du narrateur ont eu tendance à m’agacer, ce n’est pas un personnage que j’ai trouvé sympathique, sa faiblesse et son amour inconditionnel pour une femme qui s’obstine à le faire souffrir ont fini par m’exaspérer. Peut-on être à ce point être hanté par une personne, perdre sa dignité, tout lui sacrifier, sans avoir un sursaut de dignité pour s’abstraire de ce sentiment néfaste ?

 « Je ne suis ni ne serai jamais ton ami. Tu ne t'en es pas encore aperçue? Je suis ton amant, ton amoureux, quelqu'un qui depuis tout gosse est fou de sa petite Chilienne (...). Ton pitchounet qui ne vit que pour te désirer et penser à toi. À Tokyo je ne veux pas vivre de nos souvenirs. Je veux te tenir dans mes bras, t'embrasser, respirer ton odeur, te mordre, te faire l'amour ». (p. 182)

 Premières phrases :

« Ce fut un fabuleux été. Pérez Prado vint à Lima avec son orchestre de douze musiciens pour animer les bals de carnaval au Club Terrazas de Miraflores et au Lawn tenis, et un championnat national de mambo fut organisé aux arènes d’Acho, avec grand succès malgré le cardinal Juan Gualberto Guevara, archevêque de la ville, qui menaça d’excommunier tous les couples de danseurs ; et puis mes copains du quartier Alegre à Miraflores, des rues Diego Ferré, Juan Fanning et Colon, disputèrent les olympiades de football, cyclisme, athlétisme et natation contre la bande de la rue San Martin : on remporta toutes les médailles, bien sûr. »

 Vous aimerez aussi :

Du même auteur : La tante Julia et le scribouillard

 

D’autres avis :

Gangoueus  

 

Tours et détours de la vilaine fille, Mario Vargas Llosa, Gallimard, 404 p., 21 euros

POCHE : Tours et détours de la vilaine fille, Mario Vargas Llosa, Folio, 2008, 4.79 euros

  12 d'Ys

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