Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

1260 résultats pour “vie parfaite

Toxic blues de Ken BRUEN

Publié le par Hélène

                                                    TOXIC-BLUES.jpg

♥ ♥ ♥

Une enquête de Jack Taylor, le plus déjanté des irlandais...

 

 L’auteur :

 Ken Bruen est né en 1951 à Galway. Après une carrière qui le mène en Afrique, en Asie du Sud-Est et en Amérique du Sud, il crée les inspecteurs Roberts & Brant, puis le privé Jack Taylor dont Toxic Blues est la deuxième enquête. Son style incisif et la férocité désarmante de ses personnages l'ont d'emblée placé parmi les meilleurs d'une génération en passe de renouveler le roman noir anglo-saxon.

 

L’histoire :

 

 Jack Taylor, l'ancien flic de Galway reconverti en privé dans un pays qui ne supporte pas cette profession, revient dans sa ville natale. A peine a-t-il le temps de retrouver ses marques, les dealers divers et les pubs gorgés de soiffards qu'il croise un chef tinker. Ces gens du voyage, sans être tsiganes, passent leur vie sur les routes d'Irlande. Tout le monde s'en méfie. Peu de gens les aident. Des jeunes hommes du clan, depuis quelques semaines, sont pourtant mutilés et tués sans que la police ne bouge. Quatre au total. Taylor, marginal à sa façon, le nez dans la poudre et la Guinness, accepte le marché. Nourri et logé en échange de son travail, il va, très loin des bars branchés du centre-ville, partir bille en tête affronter le chaos.

 

Ce que j’ai aimé :

 

 Il s’agit ici du deuxième opus des aventures de Jack Taylor, après « Delirium tremens ». mais qui est Jack Taylor me demanderez-vous ? Un privé alcoolique, drogué, célibataire et ne refusant pas quelques femmes de passage dans son lit et dans sa vie, sentimental à ses heures, amoureux des bons livres (Pelecanos, Harry Crews, les références sont nombreuses au fil des pages) , de la bonne musique, fréquentant plus que de coutume les pubs enfumés aux côtés de ses amis, bref un irlandais atypique, sympathique malgré ses nombreux défauts. Un être imparfait, pas franchement malheureux, mais pas pleinement heureux non plus, trop conscient du monde dans lequel il évolue.

 Il revient ici dans la ville de son enfance, Galway, après un séjour londonien. Il se voit alors confier deux missions : trouver qui élimine les tinkers de la région, gens du voyage, et qui tue les cygnes du lac avoisinant. Deux missions qu’il va mener avec autant d’assiduité l’une que l’autre. Il va fréquenter alors des mondes interlopes pour faire la lumière sur cet univers bouleversé.

 Ce personnage atypique tient les rênes du roman, concentrant tout son intérêt, l’enquête demeurant en arrière-plan. Ses dialogues sont vifs et intelligents et les citations nombreuses qui émaillent le récit lui apporte profondeur et émulation intellectuelle...

 

Ce que j’ai moins aimé :

 Il est à noter que l’intrigue policière passe franchement au second plan, le premier plan étant largement consacré à Jack et à ses boires et déboires…


Premières phrases :

 « Dans le car qui me ramenait à Galway, The Boys Are Back In Town me trottait dans la tête, comme un scie. Un tube de Thin Lizzy, avec Gary Moore dans un de se solos d’enfer. J’avais assisté au dernier concert qu’ils avaient donné à Dublin. »

 

Vous aimerez aussi :

 Du même auteur : Delirium tremens

Autre :  Triste flic de Hugo HAMILTON

 

D’autres avis :

 Yves http://lyvres.over-blog.com/article-35411794.html

Kathel http://lettres-expres.over-blog.com/article-20735093.html

 

Toxic blues, Une enquête de Jack Taylor, Ken Bruen, traduit de l’anglais (Irlande) par Catherine Cheval et Marie Ploux, Folio policier, 

 

Publié dans Roman policier Europe

Partager cet article
Repost0

Swan peak de James Lee BURKE

Publié le par Hélène

♥ ♥ ♥ ♥

"Pendant toute notre vie, la violence et le sang versé avaient été notre addiction et notre fléau. Nous avions dilapidé notre jeunesse au Vietnam et en avions rapporté un héritage d'amertume et de vinaigre dont nous parvenions pas à rincer nos rêves." p. 366

Ce que j'ai aimé :

Dave Robicheaux, son épouse Molly et leur Clete Purcel ont décidé de prendre le large après l'ouragan Katrina qui a détruit la Nouelle Orléans. Ils tentent de se ressourcer dans les paysages grandioses du Montana : "La campagne était magnifique, les falaises abruptes, les sommets des tertres couverts de pins jaunes, et les pentes de fleurs sauvages précoces. Sur le bord du ruisseau, les seules traces qu'il y eut dans le gravier moelleux étaient celles de cerfs et des élans. L'air sentait le bois, la fougère humide, la pierre froide, l'humus qui reste toujours à l'ombre et la vapeur irisée dérivant sur les rochers au mileu du courant. L'odeur d'un air qui n'avait jamais été pollué par les produits chimiques de l'ère industrielle. Il sentait comme sentait la terre, sans doute, le premier jour de la Création, pensa Clete." Mais un homme va émerger soudaineement dans ce paradis terrestre et ébranler l'ordre du jour : Ridley Wellstone. Ses hommes de main semblent en avoir après Clete, puis les meurtres qui secouent la région sonnent le glas de la tranquillité bucolique des deux amis. 

"Mais un meurtre aux airs d'exécution avait été commis à portée de vue du bungalow où Molly et moi habitions, et prétendre qu'un acte aussi  monstrueux n'avait aucun lien avec nos propres vies, attendre que les autorités, avec leurs moyens limités, assurent la sécurité de notre environnement, ça rappelle la conduite de quelqu'un qui se repose sur l'homme de la météo pour le protéger des astéroïdes." p. 92

Clete a alors rendez-vous avec un fantôme issu de son passé, Sally Dio, et Dave seconde le shérif du comté de Missoula. Ils se heurtent ainsi aux frères Wellstone, à Jamie Sue, chanteuse de talent, un musicien métis en fuite, un gardien de prison qui le suit à la trace,  un prêtre peu orthodoxe. Les démons de James Lee Burke ne manquent pas à l'appel : l'alcool comme anésthésiant, la violence incontrôlée, le passé trouble qui hante les nuits, le paradis définitivement perdu... Les hommes combattent leurs propres fantômes, si bien qu'à l'orée des chemins, ils ignorent encore quels chemins ils vont prendre : celui de la violence ou celui de la rédemption ? 

"Quel genre d'homme étais-je ? avait-il demandé. La réponse que je lui avais donnée était à la fois facile et cynique. Le fait est que, dans des moments pareils, je n'avais aucune idée de qui vivait dans mon corps." p. 419

Un roman profondément lyrique dans lequel sentiments et mort s'entremêlent pour enchanter le lecteur !

Ce que j'ai moins aimé :

- Rien.

Présentation de l'éditeur :

Payot et rivages 

Vous aimerez aussi :

Du même auteur : La rose du cimarron   

La série de Dave Robicheaux dans l'ordre : 

La Pluie de néon,

Prisonniers du ciel,

Black Cherry Blues

Une saison pour la peur

Une tache sur l'éternité

Dans la brume électrique avec les morts confédérés

Dixie City

Le Brasier de l'ange

Cadillac Jukebox

Sunset Limited

Purple Cane Road

Jolie Blon's Bounce

Dernier tramway pour les Champs-Elysées

L'Emblème du croisé

 La descente de Pégase

La nuit la plus longue

Swan Peak

L'Arc-en-ciel de verre

Créole belle

D'autres avis :

Lecture commune avec Electra

Pourquoi Swan Peak est le meilleur des derniers James Lee Burke ? 

Télérama

 

Swan Peak, James Lee Burke, traduit de l'anglais par Christophe Mercier, Rivages noir, 2014, 555 p., 

Partager cet article
Repost0

Soulfood équatoriale de Léonora MIANO

Publié le par Hélène

                                              

♥ ♥ ♥

« Au départ, ça n’a l’air de rien. »

 

L’auteur :

 

Léonora Miano est une auteure camerounaise. Elle a reçu un accueil enthousiaste et de très nombreux prix pour L'Intérieur de la nuit (2005). Après Contours du jour qui vient (2006), lauréat du prix Goncourt des lycéens, son troisième roman, Tels des astres éteints (2008), a confirmé la qualité et l'ampleur de son inspiration.

 

L’histoire :

 

La soul food est la nourriture de l'âme des Afro-Américains.
Soulfood, nom d'une gargotte qui fut l'âme de Douala, donne son titre à cet " Exquis " d'une grande densité, où Léonora Miano se livre à une réjouissante chasse aux trésors du langage gourmand sur les rivages du Cameroun : le jazz, sauce tomate glissée dans les sandwichs saxophones, le solo, plat de morue présidant à un destin amoureux... Entre légendes intemporelles et saynètes prises sur le vif, entre secrets culinaires et conseils pleins d'humour pour détourner les traditions, nous sommes ici conviés à un envoûtant voyage en Afrique équatoriale. (4ème de couverture)

 

Présentation de la collection :

 

Petite bibliothèque gourmande contemporaine, cette collection de livres courts propose à des auteurs contemporains d’horizons très différents de donner libre cours à leur imagination gourmande, en s’inspirant d’un jeu à la fois simple et dynamique de mots clefs. Exquis d’écrivains souhaite rendre hommage à la richesse de la langue française pour dire les plaisirs de la nourriture et constituer la mémoire littéraire de la gastronomie. Fictions, rêves et souvenirs, chaque auteur y livre ses voyages personnels au pays de la nourriture, sous différentes formes narratives (récits, nouvelles, dialogues, contes, poèmes…), qui donnent envie de passer à table ou de se mettre aux fourneaux.  Exquis d’écrivains, première collection demandant à des auteurs contemporains de livrer
leurs plaisirs de table et de bouche, s’adresse à tous les lecteurs gourmands et gourmets auxquelles elle propose des textes intimistes et variés, émouvants ou drôles, résolument appétissants et agréables à lire…

 

Ce que j’ai aimé :

 

- « Au départ, ça n’a l’air de rien. » : un petit recueil léger comme un soufflé qui nous parle de recettes et de souvenirs culinaires. Mais Léonora Miano a su épaissir ses anecdotes en leur ajoutant le piment nécessaire à une recette réussie. Si bien que bien loin de n’évoquer que des plats et  des habitudes culinaires, elle nous convie à un voyage chamaré au cœur de son univers.

 

« Ce que sont les peuples, cela ne s’écrit pas dans les livres, et c’est d’ailleurs sans rapport avec leur production en la matière. La civilisation est avant tout dans l’assiette. » (p. 15)

 

«  La sève des plantains tache les vêtements, difficiles à ravoir après. Pendant la préparation, la pluie continue de tomber. On a ouvert la fenêtre de la cuisine.

Une odeur de terre mouillée se mêle à celle des beignets ou à celle des plantains coupés en fine rondelles avant d’être plongés dans l’huile chaude.

Au moment de la dégustation, accoudé sur le rebord  de la fenêtre, on se dit que c’est beau, un orage, quand on n’est pas dessous. » (p. 25)

 

« Dans les BH [beignets-haricots], il y a l’endurance joyeuse de nos peuples. La capacité à fabriquer de la vie avec ces petits riens. Le désir de savoir ce que demain apportera. La foi dans la vie. » (p. 36)

 

- Les récits et les personnages sont variés : un jeune voleur qui fantasme sur un avocat ou un plat de gari aux crevettes, une jeune femme sommée de choisir entre deux prétendants et qui les départagera en les faisant cuisiner un plat  typique, explications sur  l’origine de certains plats, conseils matrimoniaux cocasses « Nul ne doit goûter de votre ndole sans avoir fait ses preuves au préalable. Dans tous les domaines. » (p. 69)

 

Ce que j’ai moins aimé :

 

-          J’attends maintenant l’invitation dans mon restaurant africain préféré car toutes ces nouvelles m’ont mis l’eau à la bouche… 

 

Premières phrases :

 

« Il est des jours comme celui-ci, où une fringale de rivage me prend. En un rien de temps, je l’aperçois. Le voici. Là, sous mes mains qui cherchent, dans le placard de la cuisine, le gros palet plat et sa petite pierre ronde. Une pierre dense et solide. Elle sert à écraser, une fois posés sur le galet, les ingrédients de la sauce qui me ramènera chez moi. Je la laisse épouser parfaitement le creux de ma main.

 

Vous aimerez aussi :

 

Du même auteur : Blues pour Elise de Léonora MIANO

Autres : Tous les autres livres de cette collection.

 

D’autres avis :

 

Cathulu

 

Soulfood équatoriale, Léonora Miano, Nil Editions, Exquis d’écrivains,  2009, 100 p.,  12 euros

 

 defi Afrika Choupynette

 

 

Publié dans Littérature Afrique

Partager cet article
Repost0

Gouverneurs de la rosée de Jacques ROUMAIN

Publié le par Hélène

♥ ♥ ♥ ♥

 "Nous ne savons pas encore que nous sommes une force, une seule force, tous les habitants, les nègres des plaines et des mornes réunis. Un jour, quand nous aurons compris cette vérité, nous nous lèverons d'un point à l'autre du pays et nous ferons l'assemblée générale des gouverneurs de la rosée, le grand coumbite des travailleurs de la terre pour défricher la misère et planter la vie nouvelle."

Ce que j'ai aimé :

A l'ombre de sa case, la vieille Délira sent planer la misère au-dessus d'elle. Une sécheresse dévastatrice désespère les habitants affamés de son petit village de Fonds Rouge en Haïti. Délira espère juste le retour de Manuel, son fils parti à Cuba couper la canne à sucre il y a plusieurs années de cela. 

Quand Manuel revient, il ne reconnaît plus son village, enlisé dans la résignation, dans les rivalités claniques et fort de son expérience cubaine, décide de lutter contre l'enlisement ambiant, contre la sécheresse, contre la pauvreté en rassemblant les hommes :

"C'est traître la résignation ; c'est du pareil au même que le découragement. Ca vous casse les bras ; on attend les miracles de la Providence, chapelet en main, sans rien faire. On prie pour la pluie, on prie pour la récolte, on dit les oraisons des saints et des loa. Mais la Providence, laisse-moi te dire, c'est le propre vouloir du  nègre de ne pas accepter le malheur, de dompter chaque jour la mauvaise volonté de la terre, de soumettre le caprice de l'eau à ses besoins ; alors la terre l'appelle : cher maître, et l'eau appelle : cher maître, et il n'y a pas d'autre Providence que son travail d'habitant sérieux, d'autre miracle que le fruit de ses mains." 

Il part à la recherche de l'eau et rencontre en chemin la belle Anaïse, tous deux synonyme de rédemption : 

"L'eau. Son sillage ensoleillé dans la plaine ; son clapotis dans le canal du jardin, son bruissement lorsque dans sa course, elle rencontre des chevelures d'herbes ; le reflet délayé du ciel mêlé à l'image fuyante des roseaux ; les négresses remplissant à la source leurs calebasses ruisselantes et leurs cruches d'argile rouge ; le chant des lessiveuses ; les terres gorgées, les hautes récoltes mûrissantes."

Jacques Roumain clame ici un magnifique chant d'amour, amour de ses semblables, amour de son pays, amour de la lutte, amour de l'espoir qui palpite en nous.

"Ce que nous sommes ? Si c'est une question, je vais te répondre : eh bien, nous sommes ce pays et il n'est rien sans nous, rien du tout. Qui est-ce qui plante, qui est-ce qui arrose, qui est-ce qui récolte ? le café, le coton, le riz, la canne, le cacao, le maïs, les bananes, les vivres, et tous les fruits, si ce n'est pas nous, qui les fera pousser ? Et avec ça nous sommes pauvres, c'est vrai. Mais sais-tu pourquoi, frère ? A cause de notre ignorance : nous ne savons pas encore que nous sommes une force, une seule force, tous les habitants, les nègres des plaines et des mornes réunis. Un jour, quand nous aurons compris cette vérité, nous nous lèverons d'un point à l'autre du pays et nous ferons l'assemblée générale des gouverneurs de la rosée, le grand coumbite des travailleurs de la terre pour défricher la misère et planter la vie nouvelle."

Cet auteur hors du commun écrivit ce texte en 1944 :

"Président fondateur de la Ligue de la Jeunesse patriotique, Président d'honneur de la Fédération des Jeunesses haïtiennes, dirigeant du Comité de Grève qui sonna le glas de l'occupation et de la dictature de Borno, Jacques Roumain marchait à la tête de toutes les manifestations et participait à l'action directe des masses."

"Les peuples sont des arbres qui fleurissent malgré la mauvaise saison, à la belle saison notre arbre continue à vivre. Un peuple qui vient de produire un Jacques Roumain ne peut pas mourir. Roumain est une immortelle qui fertilise nos ramures par son amour universel. Tous les grands Haïtiens qui fleuriront désormais sur notre sol ne pourront pas ne pas lui devoir quelque chose." (Jacques Stéphen Alexis) 

Lisez-le !

                    

http://www.saintmarconline.com/

Ce que j'ai moins aimé :

-Rien.

Premières phrases :

"Nous mourrons tous... - et elle plonge sa main dans la poussière ; la vieille Délira Délivrance dit : nous mourrons tous : les bêtes, les plantes, les chrétiens vivants, ô Jésus-Marie la Saint Vierge ; et la poussière coule entre ses doigts. La même poussière que le vent rabat d'une haleine sèche sur le champ dévasté de petit-mil sur la haute barrière de cactus rongés de vert-de-gris, sur les arbres,ces bayahondes rouillés." 

Informations sur le livre :

Zulma 

D'autres avis :

Chez Babélio

 

Gouverneurs de la rosée, Jacques Roumain, Zulma, 2013, 224 p., 8.50 euros

Publié dans Littérature Antilles

Partager cet article
Repost0

Le papillon et la lumière de Patrick CHAMOISEAU

Publié le par Hélène

      

 ♥ ♥ ♥

 « C’est cela la vraie définition du courage : ne pas renoncer à vivre ce qu’on est de la manière la plus élevée, à être tout ce qu’on est de la manière la plus décente. » (p. 89)

  

L’auteur :

 Écrivain majeur de la littérature française contemporaine, prix Goncourt 1992 pour Texaco, Patrick Chamoiseau est l'auteur d'une vingtaine d’ouvrages dont Chronique des sept misères ( 1986) ou encore Les neuf consciences du Malfini (2009). (Présentation de l’éditeur)

 L’histoire :

« C'est une soirée très ordinaire, dans un coin de la ville. Les papillons sont là. Ils tourbillonnent autour des lampadaires. Comme la lune est absente, les ampoules électriques s'emparent de l’idée de lumière : ils apparaissent alors mille fois plus fascinants. Les papillons s’en exaltent, s’en approchent, et en reviennent parfois. Le plus souvent, ils s’y brûlent les ailes. L’hécatombe est massive. Des centaines de dépouilles gisent au pied des pylônes.

Les survivants tourbillonnent encore autour des lampadaires, mais ils ont les ailes plus ou moins estropiées. Rares sont ceux qui n’arborent pas quelque chose d’abîmé. Pour les papillons de nuit, l’aile délabrée est l’emblème du courage : le signe d’un début d’expérience du grand secret de la lumière. »

Un jeune papillon se tient à l’écart des réverbères et préserve sa vie. Mais il sent bien qu’une expérience fondamentale lui échappe. Il s’en ouvre à un vieux papillon, lui aussi aux ailes intactes. Ce dernier n’en est pas forcément plus heureux et semble éluder ses questions, avant de l’entraîner dans un voyage initiatique à travers la ville, dans la nuit d’abord, puis au lever du jour vers le soleil.

Ce conte philosophique, délicatement illustré par les dessins à l’encre de Chine d’Ianna Andréadis, mène le jeune papillon (et le lecteur avec lui) vers la résolution de la lancinante énigme de toute existence : quel est le sens d’une vie où l’on ne se met pas en danger ? (Présentation de l’éditeur)

 

Ce que j’ai aimé :

Accompagner le vol de ces papillons de nuit permet d'accéder à un monde spirituel dense, riche en questionnements philosophiques incessants. Le jeune papillon ne veut pas se contenter de vivre comme les autres et risquer de se brûler les ailes aux lumières artificielles si attirantes, il préfère comprendre, réfléchir et non pas subir. Dans sa quête de la vérité, le vieux papillon va le guider, non pas en lui offrant des réponses formatées, mais en le menant vers sa propre vérité, vers son être unique et irremplaçable, vers ce qu’il est réellement. Il va le faire accoucher de lui-même comme Socrate avec ses disciples.  Et peut-être qu’alors, il pourra frôler du bout des ailes la beauté… 

papillon-deux.jpg

Patrick Chamoiseau nous offre un récit original au charme indéniable, un récit nourri d’aphorismes qui pourront mener le lecteur à son tour vers sa propre lumière… 

  « Je n’attends rien ni personne. C’est pourquoi je ne suis jamais surpris de ce qui arrive. (…) Attendre quelque chose, s’attendre à quelque chose, soupire le vieux, n’est-ce pas fermer la porte à tout ce que l’on n’attend pas : à tous les autres possibles ? » (p. 22)

 « Les croyances sont des petites traces de fortune qui permettent de conjurer l’abîme et de se donner l’impression d’avancer… » (p.24)

 « La vieillesse est le lieu de l’ultime connaissance. (…) c’est elle qui permet de de donner du sens à ce que l’on a réussi, mais aussi et surtout à tout ce que l’on a raté, tout ce que l’on a jusqu’alors été incapable d’oser, de tenter ou bien d’imaginer. C’est donc le seul moyen de vivre non pas longtemps mais…complètement. » (p. 48)

 papillon-et-lumiere.jpg

 

Ce que j’ai moins aimé :

-          Rien

 

Premières phrases :

« Chaque nuit, dans les villes, sur les routes, ensorcelés par les lumières artificielles, des millions d’insectes s’écrasent contre les ampoules brûlantes.

Parmi eux, les papillons de nuit. »

 Vous aimerez aussi :

Du même auteur : Texaco

Autre : Le poids du papillon de Erri DE LUCA

  

Le papillon et la lumière, Patrick Chamoiseau, Illustrations de Ianna Andreadis, Philippe Rey éditeur, 109 p., 15.50 euros

Publié dans Littérature Antilles

Partager cet article
Repost0

Les affligés de Chris WOMERSLEY

Publié le par Hélène

                 

                        

♥ ♥ ♥

L’auteur :

 Chris Womersley est un écrivain australien, né en 1968 à Melbourne. Eclectique, il est l’auteur de romans policiers, de nouvelles mais aussi de recueils de poésie.

Il fit ses classes en tant que journaliste pour la radio. C’est également un voyageur passionné (Inde, Asie du Sud-Est, Amérique du Sud, Amérique du Nord et Afrique de l’Ouest.)

Il vit aujourd’hui à Sydney et publie pour la première fois en 2012 chez Albin Michel (Les Affligés).

 

L’histoire :

Australie, 1919. Alors que la Grande Guerre est enfin terminée, une épidémie de grippe espagnole ravage le pays.  Dans une atmosphère de fin du monde, des hommes en armes bloquent les routes et parcourent les campagnes pour imposer la quarantaine. 

Quinn Walker, un soldat démobilisé et hanté par ce qu’il a vécu, retrouve la petite ville de  Flint en Nouvelle- Galles du Sud, qu’il avait quittée dix ans plus tôt, après avoir été accusé à tort d’un crime effroyable. Persuadé que son père et son oncle le pendront s’ils le trouvent, Quinn décide de se cacher dans les collines avoisinantes. Il y rencontre une gamine mystérieuse, qui l’encourage à réclamer justice et semble en savoir plus qu’elle ne le devrait sur son supposé crime…

 

 Ce que j’ai aimé :

Dès les premières pages, Chris Womersley ferre son lecteur qui sait désormais qu’il ne pourra plus se défaire de son roman avant la fin. Son écriture va droit au but, sans circonvolutions inutiles, efficace, implacable, permettant aux éléments de se mettre en place rapidement.

 Quinn est un être marqué, marqué par la guerre qui vient de s’achever mais ne l’a pas laissé intact puisqu’il a  été physiquement marqué, gazé, mais aussi psychologiquement ayant cotoyé l’horreur. Mais sa vie porte surtout l’empreinte du drame qui s’est déroulé dix ans plus tôt : accusé par son père et son oncle d’avoir violé et tué sa petite sœur, il a dû fuir loin des siens pour se daire oublier.

Il revient sur les lieux de son enfance et du drame sans savoir lui-même précisément ce qu’il souhaite : que vérité soit faite, que sa mère croit en son innocence et lui pardonne, mais ce qu’il aimerait avant toute chose est que sa petite sœur adorée ressuscite et que la vie reprenne son cours comme avant l’horreur…

 Dans sa quête de rédemption, il va être secondé par Sadie, une petite fille espiègle, intelligente usant de sortilèges magiques pour survivre dans un monde hostile dans lequel rôde le Mal, incarné par un personnage peu recommandable lancé à ses trousses…

 Les affligés est un roman qui semble graviter en apesanteur tant il est pur et lumineux. Il nous parle de vengeance, de douleur, de deuil, mais surtout d’espoir et d’amour. Il restera longtemps en suspens dans nos âmes la dernière page tournée.

 

Ce que j’ai moins aimé :

 -          Rien.

 

Premières phrases :

« Le jour où la petite Sarah Walker fut assassinée, en 1909, un ouragan déboula brutalement à travers les plaines de la Nouvelle-Galles du Sud avant de se déchaîner sur la minuscule ville de Flint. Un tel meurtre devait constituer le point focal de ces quelques journées d’agitation fébrile où presque chacun des deux cents habitants eut quelque chose à déplorer. »

 

Vous aimerez aussi :

 A la lueur d’une étoile distante de Mary McGARRY MORRIS

 

D’autres avis :

Blog : Clara ;  Nina ; Jérôme ; Jostein ; Véronique ; Yves

Presse : France Inter   

 

  Les affligés, Chris Womersley, traduit de l’anglais (Australie) par Valérie Malfoy, Albin Michel, mai 2012, 336 p., 20 euros

Publié dans Littérature Océanie

Partager cet article
Repost0

Sur les chemins noirs de Sylvain TESSON

Publié le par Hélène

♥ ♥ ♥ ♥

"On devrait toujours répondre à l'invitation des cartes, croire à leur promesse, traverser le pays et se tenir quelques minutes au bout du territoire pour clore les mauvais chapitres." p. 100

Dans la nuit du 21 au 22 août 2014, Sylvain Tesson fait une chute qui aurait pu s'avérer mortelle. Il tombe du toit d'un chalet de montagne qu'il avait décidé d'escalader sur un coup de tête festif. S'ensuivent plusieurs mois de coma, une lutte contre la mort qui laissera indubitablement des séquelles. Durant sa convalescence, il forme le projet de traverser la France à pied, du Mercantour au Cotentin, en diagonale, traversée qu'il débute en août 2015 et qu'il achève début novembre. 

Il décide d'emprunter les chemins noirs, ces minces traits sur la carte qui sont comme des chemins de traverse, des issues de secours, parce que "Vivre me semblait le synonyme de "s'échapper""  Les cartes IGN sont pour lui comme un sésame, "Les feuilles révélaient l'existence de contre-allées, inconnues, au coeur de la citadelle, de portes dérobées, d'escaliers de service où disparaître.", les chemins noirs ouvrant des portes pour l'imagination. 

Porté par la marche, l'auteur se sépare peu à peu des scories du monde, sur les chemins noirs "Les nouvelles y étaient charmantes, presque indétectables, difficiles à moissonner : une effraie avait fait un nid dans la charpente d'un moulin, un faucon faisait feu sur le quartier général d'un rongeur, un orvet dansait entre les racines. Des choses comme cela. Elles avaient leur importance. Elles étaient négligées par le dispositif." Loin des écrans dont l'homme devient esclave, le monde revient en fanfare dans toute sa beauté lumineuse.

Passionné par les formules de repli, Sylvain Tesson tente ici une nouvelle forme de solitude, une solitude en marche. Pour lui, si ceux qui se jettent dans le monde sont louables, souvent ils finissent par manifester une satisfaction d'eux-mêmes assez détestable : 

"Quitte à considérer la vie comme un escalier, je préférais les gardiens de phare qui raclaient les marches à pas lents pour regagner leurs tourelles aux danseuses de revue qui les descendaient dans des explosions de plumes afin de moissonner les acclamations." p. 81

Sa solitude n'est jamais totale toutefois, il se fait accompagner quelques jours par des amis, Thomas Goisque ou encore Cédric Gras. Il convoque aussi des écrivains en son esprit, parce que "Les phrases sont des prescriptions pour les temps difficiles." Il s'allonge pour observer les nuages, profite de chaque seconde, et peu à peu son corps meurtri par la chute se reconstruit. 

"Assis sur l'herbe dans la volute d'un cigarillo, je disposais au moins du pouvoir d'oublier les écrans et de m'hypnotiser plutôt du vol des vautours par-dessus les ancolies." p. 26

Sa conclusion résonnera longtemps en nos esprits, comme une invitation à sortir des sentiers battus : 

"Une seule chose était acquise, on pouvait encore partir droit devant soi et battre la nature. Il y avait encore des vallons où s'engouffrer le jour sans personne pour indiquer la direction à prendre, et on pouvait couronner ces heures de plein vent par des nuits dans des replis grandioses.

Il fallait les chercher, il existait des interstices.

Il demeurait des chemins noirs.

De quoi se plaindre ?" p. 100

 

Le trajet IGN de Sylvain Tesson : IGN

Présentation de l'éditeur : Folio

D'autres avis : Babélio

A lire : Rencontre avec Sylvain Tesson à la Maison de la Poésie dans le cadre du festival Paris en Toutes Lettres

Du même auteur : Une vie à coucher dehors ♥ (Nouvelles) ; Dans les forêts de Sibérie (Récit de voyage)Géographie de l’instant ♥ (Récit de voyage) ; S'abandonner à vivre ♥ ; Aphorismes sous la lune
 

A signaler un concours photo jusqu'au 7 mars : sur Facebook  http://education.ign.fr/node/2949

 

Partager cet article
Repost0

Rien ne résiste à Romica de Valérie RODRIGUE

Publié le par Hélène

♥ 

"Il y a la pauvreté mais il y a aussi la famille, les enfants, l'amour. Sans tout cela, il n'y aurait que la pauvreté." p. 72

Après le discours de Nicolas Sarozy en 2010 dans lequel il stigmatisait les Roms et créait un amalgame dérangeant entre Roms, gens du voyage et délinquance, Valérie Rodrigue, journaliste dans des magazines féminins, s'insurge et décide de réagir, de militer. Dans un premier temps, elle s'investit auprès des enfants et propose de l'aide aux devoirs dans un village d'insertion rom roumain dans le 93. Puis, un beau jour, son chemin croise celui de Romica, une jeune rom enceinte faisant la manche avec son enfant. Touchée par la détresse mêlée de colère de la jeune femme, elle s'intéresse à elle et une amitié improbable voit alors le jour. Délicatement, des liens profondément humains se tissent entre elles. Valérie devient "l'ange gardien" de Romica, lui rappelant qu'elle a des droits sur le sol français, et qu'elle a aussi le droit de croire à ses rêves "Enfin, parce qu'elle avait un rêve, Romica, celui de devenir médecin. Mais la vie de misère n'autorise pas les rêves, seulement le mariage à l'âge de la puberté et les grossesses non désirées à la suite. C'est ça naître fille et rom dans les Balkans." (Source http://www.huffingtonpost.fr/)

Elle offre ici le témoignage de cette rencontre et de cette communauté stigmatisée. Ce sont des hommes et des femmes qui doivent toujours reconstruire, ailleurs, encore et encore parce qu'ils sont chassés, expulsés, parce que leurs camps sont incendiés. Des êtres touchants qui se heurtent pourtant aux préjugés, aux phrases toutes faites, à la méfiance collective, résonnant des discours habituels ""Qu'ils travaillent au lieu de faire la manche." "Dans une situation pareille on ne fait pas d'enfants." "Ils ont des enfants pour les faire mendier." "Ils viennent ici pour les prestations sociales." "Encore faut-il qu'on leur donne le droit de travailler et la possibilité d'engager une nounou pour garder leurs enfants ...

"S'ils mendient, c'est qu'ils n'ont rien, ni argent, ni nourriture, ni bien à échanger. Si les mères mendient avec leurs enfants, c'est qu'elles n'ont pas d'autre choix, à moins de les laisser tout seuls dans la cabane du bidonville. Elles n'ont qu'à les confier ? A qui ? A une nourrice agréée ?

Pour obtenir des prestations sociales (CAF, CMU), il faut pouvoir justifier d'un domicile, d'un séjour régulier et de ressources déclarées. Autant dire que cela concerne des gens qui ont déjà des acquis. Autant dire une infime minorité.

L'Aide médicale d'Etat est rarement accordée, seulement dans 7% des cas éligibles. Parce qu'il est difficile de comprendre la paperasse française, sauf à avoir été scribe dans une autre vie, parce qu'il faut avoir une domiciliation, parce qu'il faut attendre la réponse environ trois mois, sans se décourager malgré les expulsions et les ordres de quitter le territoire français." p. 62

Valérie Rodrigue peint des réalités là où ne règne que des préjugés, elle s'est intéressée à ces êtres humains démunis en suivant la jeune Romica. Elle raconte les aberrations administratives, le parcours du combattant pour obtenir un bout de papier nécessaire à la survie et à l'intégration, la difficulté de se faire comprendre pour des populations qui ne parlent pas toujours le français, mais elle montre aussi que l'espoir peut être au bout du chemin. 

Ce récit d'une vraie rencontre, entre deux femmes d'univers opposés, résonne profondément dans nos esprits. "Romica, c'est Dora, jeune femme rom roumaine de 25 ans, arrivée en France en 2008 par le circuit des passeurs. Elle ne s'attendait ni à cette misère ni à faire la mendicité. Venant d'un ancien pays communiste où la contraception était interdite, elle a eu quatre enfants (mariée à 14 ans) et plusieurs avortements sauvages sur les bidonvilles."

@Le Parisien

Ce que j'ai moins aimé :

Le style est assez basique, très journalistique, décrivant un état de fait sans aucune fioriture. 

Bilan : Un beau témoignage brut qui met en avant l'importance des liens humains et la foi en l'humanité. 

 

Présentation de l'éditeur : Editions Plein Jour

D'autres avis : Antigone ; Clara ; Paolina

Revue de presse 

 

Merci à l'éditeur.

 

Rien ne résiste à Romica, Valérie Rodrigue, Plein jour, mars 2016, 176 p., 17 euros

Partager cet article
Repost0

Beauté parade de Sylvain PATTIEU

Publié le par Hélène

♥♥

"Château-d'Eau zone de non-droit, comme on dit des cités terribles. En plein coeur de Paris. Non-droit du travail. Non-droits humains. Sous le regard de tous." p. 89

Ce que j'ai aimé :

Dans un salon de coiffure et manucure du quartier Château d'eau à Paris, Lin Mei et six de ses collègues font grève. Leur patron est parti avec la caisse et soutenues par la CGT, elles ont décidé de lutter pour faire valoir leurs droits. Elles dorment sur place, mangent sur place, et continuent à coiffer et à soigner les ongles des clientes.

Sylvain Pattieu a suivi durant plusieurs mois ces femmes émigrées, africaines ou chinoises, sans papiers, luttant pour obtenir une reconnaissance dans ce pays étranger. Il tient la chronique de ce microcosme atypique, écoutant les témoignages des unes et des autres, éclairant son récit de données capillaires ou ongulaires.

"Il est recommandé de confier ses ongles à des professionnels. Il est recommandé de s'adresser aux spécialistes du stylisme ongulaire. Il est recommandé d'aller en institut, de vérifier les diplômes. Il est recommandé de faire attention, d'éviter les substances qui abîment, qui trouent, qui bossellent, qui déchaussent les ongles. Il est recommandé de se méfier des mathacrylates, des éthylmétacrylates, il est recommande d'être vigilant face aux risques respiratoires ou cutanés.

Il est recommandé mais on fait comme on peut.

Si on n'a pas d'argent on va à Château d'Eau." p. 118

Les femmes racontent leur quotidien, évoquent leurs conditions de travail, les 400 euros par mois qui ne permettent pas de vivre, les horaires à rallonge, les normes de sécurité non respectées, les patrons qui partent avec la caisse, les laissant démunies. Elles content  leurs joies, leurs peines, la douleur d'avoir dû quitter pays et famille pour gagner un peu plus d'argent ici, au coeur de Paris, dans des conditions indignes d'un être humain :

"Il a fallu tout quitter pour langer, bercer, changer, nourrir. Pour couper, vernir, peindre, coller. Pour payer les études, là-bas. Pour financer la vie quotidienne. Cruel dilemne, rester dans la pauvreté, partir pour assurer l'avenir. De la tristesse dans tous les cas. (...)

Avoir les papiers, pour les Chinoises, pour les Ivoiriennes, ça veut dire pareil. Ca veut dire revenir. Un mois, deux mois, pour rattraper le temps perdu. Tâche impossible. Retrouver les proches, raconter les années, retrouver les enfants qui n'en sont plus, les parents ridés, voûtés, retrouver l'autre, le mari, en partie étranger, peut-être désormais. Difficile d'imaginer, difficile de se faire une idée." " p. 151

Sylvain Pattieu met en lumière des vies précaires qui évoluent à côté de nous, des femmes qui sont nos voisines, nos pareilles, et qui pourtant souffrent chaque jour. 

"Château-d'Eau zone de non-droit, comme on dit des cités terribles. En plein coeur de Paris. Non-droit du travail. Non-droits humains. Sous le regard de tous." p. 89

A notre époque, il est impossible de fermer les yeux sur cette misère, et il devient nécessaire de se battre à  leurs cotés pour espérer qu'un jour, enfin, ces femmes et ces hommes de l'ombre recouvrent leur dignité humaine ! 

Les salariées grévistes du salon de coiffure

Ce que j'ai moins aimé :

La construction au jour le jour inclut des répétitions qui auraient sans doute pu être évitées. A moins qu'elles ne soient voulues pour appuyer sur le combat sans fin de ces émigrées... 

Présentation de l'éditeur :

Editions Plein jour 

Plus d'informations sur le combat des femmes du "57" :

CGT ; France 24 ; Le monde ; 20  minutes

Malheureusement, cet article récent de Libération montre que le combat doit continuer, rien n'est gagné !

Vous aimerez aussi :

Americanah de Chimamanda Ngozi Adichie

D'autres avis :

L'express  ; France culture ;

Clara 

 

Beauté parade, Sylvain Pattieu, avec la participation de Ya-Han Chuang, Plein jour, 2015, 18 euros

 

Merci à l'éditeur.

Partager cet article
Repost0

Suite française d'Irène NEMIROVSKY

Publié le par Hélène

♥ ♥ ♥ ♥

"Ce qui m'intéresse ici c'est l'histoire du monde."

Irène Némirovsky a fait une entrée fracassante en littérature avec son David Golder en 1929. Pendant l'année 1941-1942, elle entreprend un travail ambitieux, la Suite française, qui devait comprendre cinq parties. Elle rêvait d' "d'un livre de mille pages, construit comme une symphonie, mais en cinq parties." (préface de Myriam Anissimov) Seulement la guerre rattrapera son auteur, arrêtée puis déportée à Auschwitz.

Seuls deux romans sont achevés,  Tempête en juin qui commence en juillet 1940 et s'axe sous forme de tableaux sur la fuite de nombreux habitants loin de Paris avant l'arrivée des allemands dans la ville, et Dolce, roman décrivant l'occupation dans Bussy, une petite ville de campagne. Le  troisième roman intitulé Captivité devait montrer les origines d'une volonté de résistance, le quatrième et cinquième romans Bataille et La Paix étaient encore flous. Certains personnages se retrouvaient d'une partie à l'autre, dans le but de créer une sorte de Guerre et Paix, une fresque ample et ambitieuse, dans lequel destin communautaire et destin individuel seraient irrémédiablement liés. Son manuscrit sera publié de manière posthume après un voyage qui mériterait à lui seul un roman...

Ainsi, elle nous raconte l'Histoire avec un grand H à travers des destins individuels. "Le plus important ici et le plus intéressant est la chose suivante : les faits historiques, révolutionnaires, etc., doivent être effleurés, tandis que ce qui est approfondi, c'est la vie quotidienne, affective et surtout la comédie que cela présente." (Annexes Notes manuscrites d'Irène Némirovsky sur l'état de la France et son projet Suite Française, relevées dans son cahier)

Dans Tempête en juin, elle met en scène la famille Péricand, parents et enfants. Le jeune Hubert s'échappe pendant l'exode qui doit les mener à Nîmes et cette expérience participera à son apprentissage de la vie. Il découvrira l'autre côté de l'exode, les portes closes, les réfugiés qui pillent, le désordre, la lâcheté, la vanité, l'ignorance. Son frère Philippe, prêtre, fera aussi cette expérience cruelle. L'auteur peint également le destin de Corte, écrivain imbu de sa personne, et des Michaud, des employés de banque qui doivent rejoindre Tours et s'inquiètent pour leur fils Jean-Marie parti au combat. Ce dernier est blessé et soigné dans une famille de paysans à Bussy.

Bussy, petit village que nous retrouvons dans Dolce à travers le destin de Lucile Angellier dont le mari est fait prisonnier par les allemands et condamnée à vivre avec sa belle-mère qui ne l'apprécie guère. Elles doivent accueillir un allemand dans leur maison. Si Madame Angellier montre son mépris de l'ennemi de façon ostentatoire, les sentiments de sa belle-fille Lucile se font plus complexe face à cet homme, qui avant d'être un soldat allemand, est avant tout un être sensible, animé par les mêmes passions que la jeune femme. Une douce relation s'installe entre eux : "Jusqu'au soir, rien, des heures lentes, une présence humaine, un vin léger et parfumé, de la musique, de longs silences, le bonheur..." 

Parallèlement Madeleine, qui avait abrité le jeune Jean- Marie, se doit d'épouser Benoît, son promis qui revient de la guerre, tout en espérant toujours secrètement le retour de Jean-Marie. Le couple abrite quant à eux un interprète allemand qui n'est pas insensible au charme de la jeune paysanne. 

Par le biais de ces personnages, les sentiments contradictoires qui animent les français occupés sont mis en valeur : ce savant mélange d'attirance - répulsion pour les allemands qui anime la jeune Lucile, mais aussi d'autres personnages : "Elle eut presque peur des sentiments qui s'éveillaient en elle et qui ressemblaient à ce qu'elle eût éprouvé en caressant une bête sauvage, quelque chose d'âpre et de délicieux, un mélange d'attendrissement et de terreur."

"La guerre... oui, on sait bien ce que c'est. Mais l'occupation en un sens, c'est plus terrible, parce qu'on s'habitue aux gens ; on se dit : "Ils sont comme nous autres après tout", et pas du tout, ce n'est pas vrai. On est deux espèces différentes, irréconciliables, à jamais ennemis."

Dans ce roman bouleversant, Irène Némirovsky nous offre un tableau complet et vivant de cette période historique, éclairant les hypocrisies et les humanités des uns et des autres. Un grand roman, digne de Guerre et Paix...

 

Présentation de l'éditeur : Folio

Lu dans le cadre du Blogoclub consacré aujourd'hui à Irène Némirovsky

 

Publié dans Littérature Europe

Partager cet article
Repost0