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1260 résultats pour “vie parfaite

Ascension de Ludwig HOHL

Publié le par Hélène

♥ ♥ ♥

Repris, corrigé et réécrit six fois entre 1916 et 1940, avant de recevoir sa forme définitive (et un succès critique sans précédent) en 1975, Ascension est le récit d’une ascension en montagne. Deux hommes se lancent à l'assaut d'un glacier : Ull et Johann, le premier plus aguerri en terme d'alpinisme que le deuxième. labyrinthe de glace, séracs, abîmes , mauvais temps lancinant, certains choix s'avèrent définitifs. Les deux hommes se heurtent à des conditions extrêmes, à une nature qui n'épargne pas et qu'il faut apprendre à écouter et connaître. La chute du récit sonne comme un avertissement, et toute l'histoire peut être interprété comme une parabole de la vie.

Toute la force du récit tient dans ses silences, dans ces interstices dans lesquels les deux hommes risquent de tomber.

Un court récit à découvrir !

Présentation de l'éditeur : Le Nouvel Attila

Réservez ce roman dans votre librairie la plus proche

Publié dans Littérature Europe

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Mes seuls dieux de Anjana APPACHANA

Publié le par Hélène

                                                    

 ♥ ♥ ♥

 

 « Il y a tant de cruauté et de frustration sous le vernis des apparences distinguées. » (p. 9)

 

L’auteure :

 Originaire du sud de l’Inde, dans l’État du Kodagu, Anjana Appachana partage sa vie entre l’Arizona et Delhi. AvecMes seuls dieux, elle poursuit une investigation quasi sociologique de l’imaginaire indien, en y ajoutant cette ampleur intimiste, frémissante de nuances, qui nous rend si proches ses personnages. En rupture avec la respectabilité et les conventions, Anjana Appachana place le lecteur au cœur même de la sensibilité féminine indienne.

Vient de paraître, chez Zulma : L’Année des secrets. Ainsi que la réédition (poche) de Mes seuls dieux. (Présentation de l’éditeur)

  

L’histoire :

 Pleines d’inventions narratives, les nouvelles d’Anjana Appachana entrelacent enchantement amoureux et cruauté inconsciente, songeries amères et tendres, conflits cocasses ou tragiques. Elles nous font découvrir l’Inde du point de vue de la femme, de l’enfance vulnérable aux déboires des épousailles ; de la fillette qui s’invente une vie sentimentale en lisant Jane Eyre au moment où sa sœur aînée se marie, à celle qui porte une dévotion folle à sa mère — au point de la croire en communication directe avec le panthéon des divinités hindoues ! Les situations se répondent ; si bien qu'on éprouve le sentiment d'être dans l'espace multiple et concentré du roman, au sein d'une famille de la bourgeoisie indienne. 

D’une histoire à l’autre, on se laisse envoûter par l’univers d’Anjana Appachana.

 

Ce que j’ai aimé :

 Ce petit recueil de nouvelles nous plonge au coeur de familles indiennes en pleine évolution. Dans « Bahu » une femme mariée oppressée par sa belle-mère ressent au fond d'elle un profond besoin de liberté. Le couple ne lui apporte pas la satisfaction salvatrice qu'elle s'imaginait recontrer, au contraire, il fonctionne comme un carcan inconfortable :

« Les livres parlent de l’instant de la révélation, la soudaine et absolue prise de conscience de son propre malaise. En réalité ça ne se produit pas comme ça. Il n’y a pas d’instant unique. Chaque fois que vous cédez, vous vous persuadez que l’adaptation est indispensable au mariage. Inutile de contrarier les gens quand vous vivez avec eux. Il n’y aura pas de prochaine fois. Mais si, il y en a une. Vous cédez encore, et encore, et encore. (…) Insensiblement, mais irrévocablement, vous glissez dans le genre de vie qui est l’opposé total et affreux de tout ce à quoi vous croyez. Le genre de vie dont vous parliez avant le mariage (un temps de bonheur parfait en principe) en disant, jamais je n’accepterais une telle chose. Plutôt partir. Maintenant cette situation est la vôtre. Vous n’êtes pas partie. Vivrez-vous toujours comme ça ? » (p. 12)

 Au-delà du couple l'emprisonnement est surtout le fait d'une société percluse dans des moeurs rétrogrades oppressantes, à l'image des deux jeunes femmes de  « Prophétie » dont l’une est enceinte. La société indienne est comme leur université, une véritable prison qui ne leur permet pas de s'épanouir et es oblige à se cacher, à fuguer, à louvoyer sans cesse. Dans « Incantations » une jeune fille de douze ans est la confidente de sa sœur aînée violée qui n’ose en parler à personne à cause des risques qu'elle encourt : répudiation, honte, solitude... C’est à sa petite sœur qu’elle confie le dur fardeau de sa peine, un fardeau beaucoup trop lourd pour une enfant.

Anjana Appachanah peint un tableau sans fards de la société indienne, et des portraits émouvants de jeunes femmes tiraillées entre la modernité et l’appel de la liberté et la famille traditionnelle qui ne les comprend pas. Les hommes profitent de cette situation et bien souvent les femmes ne peuvent compter que sur leurs amies pour les épauler. 

 

 

Ce que j’ai moins aimé :

 - J'ai moins aimé les deux nouvelles consacrées à un employé arrivant au retard à son travail : « Sharmaji » et « Sharmaji et les sucreries de DIwali »

 

Premières phrases :

« Ce jour-là c’était le premier film que l’on voyait depuis des mois. Nous n’avions plus jamais de temps pour ces choses-là. J’avais (bêtement) imaginé que mon mari et moi nous irions seuls tous les deux, mais la famille au grand complet décida qu’elle voulait nous accompagner. Si bien qu’à la fin nous étions sept : mes beaux-parents, ma belle-sœur, mon beau-frère, leur fils âgé de huit ans, mon mari et moi. Cela faisait un an que nous n’étions pas sortis juste nous deux. »

 

Vous aimerez aussi :

Une interview de Sarojini Sahoo dans l'Humanité sur la condition des femmes en Inde

 Du même auteur :  L’année des secrets d’Anjana APPACHANA

 

D’autres avis :

Loumina 

 

Mes seuls dieux, Anjana Appachana, nouvelles traduites de l’angais (Inde) par Alain Porte, Zulma, 2013, 8.95 euros 

♥ ♥ ♥ 
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L’aiguillon de la mort de SHIMAO Toshio

Publié le par Hélène

                                                 aiguillon-de-la-mort.jpg

♥ ♥

« L’eau qui a été renversée une fois ne retourne plus jamais au récipient. » (p. 17)

 

L’auteur :

 

Shimao Toshio (1917-1986) sera confronté à la mort en 1944 en qu'officier de commando kamikaze, une expérience qui sera à la source de nombreux romans qu'il écrira après la guerre. Mais la folie qui s'empare de sa femme lorsqu'elle découvre son infidélité le conduira à écrire L'Aiguillon de la mort, long roman autobiographique rédigé durant dix-sept années et qui connaît toujours une grande célébrité au Japon. (Présentation de l’éditeur)

 

L’histoire :

 

L’entremêlement inextricable de la littérature et de la vie peut donner parfois des oeuvres magistrales. Ainsi en est-il de L’Aiguillon de la mort, un roman autobiographique d’une sincérité stupéfiante où le narrateur tente de révéler ce qu’est l’amour dans une écriture vécue comme une expérience des limites.

Un couple s’est lié autrefois d’amour passionné dans une petite île du Japon pendant la guerre. Elle apprend un jour que son mari a une maîtresse. Pour elle, qui croyait à sa vie d’amour et de confiance absolus, tout à coup, l’univers s’effondre et l’emporte progressivement vers la folie. Commence alors l’histoire extraordinaire d’un couple vivant l’extrémité du possible, au rythme d’une vie quotidienne faite de suppliques, d’aveux et de dévouement que nous fait partager le narrateur dans le même souffle où lui les a éprouvés au quotidien. Et le lecteur en vient à entrer avec fascination au coeur de cette histoire et à vivre de l’intérieur cette vertigineuse descente dans les abîmes du désespoir, qui est aussi une recherche obsessionnelle, éperdue, de la vérité. (Présentation de l’éditeur)

 

Ce que j’ai aimé :

 

Shimao Toshio emprunte le titre de son œuvre à la Première Epitre de saint Paul aux Corinthiens (chap. 15, 55-56) :

« Où est-elle, ô mort, ta victoire ? Où est-il, ô mort, ton aiguillon ? L’aiguillon de la mort, c’est le péché, et la puissance du péché, c’est la Loi. » (p. 41)

Cet aiguillon est donc le péché, ici l’infidélité du narrateur, qui, pendant dix ans a cédé à la tentation et  a connu différentes maîtresses. Le jour où sa femme l’apprend, commence alors une lente descente aux enfers.  Les différents stades sont décrits méthodiquement, minutieusement, de l’intérieur : l’ impression de vivre en cage, la peur des crises imminentes, les interrogations sans fin nourries par des fatigues liées aux nuits d’insomnie, les mensonges inévitables,  la jalousie insidieuse, l’autre femme, toujours présente, quoi qu’il arrive, ombre de malheur planant sur le couple… Le narrateur espère que le temps atténuera les douleurs, mais sa femme ne fait que s’emmurer dans sa folie, loin de relâcher son étreinte fatale, elle emprisonne son mari jour après jour.

« Je dois me dire que tout ce qui m’entoure, sans exception, est passé au crible de la sensibilité anormale, obsessionnelle de ma femme. » (p.86)

 « La gaieté qui était revenue sur le visage de ma femme grâce qu plaisir de la journée s’ajoutait à cette impression, nous étions joyeusement  animés, mais il m’était impossible de perdre ma méfiance, car c’était comme si j’avais tenu dans mes mains une chose aussi fragile qu’un jouet en verre. » (p. 205)

Les enfants, âgés de quatre et six ans, pauvres témoins innocents de ces batailles sans fin, sont les dernières victimes de ce duel, êtres en souffrance qui ne se relèveront probablement pas d’une telle tension quotidienne.

« Chaque jour après l’autre était une image de l’enfer, mais ce n’était ni la souffrance d’un être humain en proie à la torture, ni la douleur de celui qui attend dans la solitude d’être jugé. Le tribunal n’était pas un endroit où tous les liens étaient coupés, c’était le lieu de vie d’un couple et de deux enfants. (.. .) Ce monde restait creux, obscur, et j’ignorais quand il m’attaquerait à coups de tentations et de châtiments qui venaient se superposer à mes péchés. » (p.123)

Un roman puissant sur l’infidélité, mais surtout sur la jalousie maladive qui peut ronger les êtres plus sûrement que la plus tenace des maladies mentales.

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Ce que j’ai moins aimé :

 

Un peu trop long à mon goût.

 

Premières phrases :

 

« Ce soir-là, nous avons cessé de suspendre la moustiquaire. Les insectes avaient disparu, sans qu’on sache pourquoi. Il y avait trois jours que nous ne dormions pas, ma femme et moi. J’ignore si c’est une chose réellement possible. Peut-être nous étions-nous assoupis sans nous en rendre compte, en tous cas ma mémoire n’en a pas gardé trace. »

 

Vous aimerez aussi :

 

Sélection littérature japonaise

 

D’autres avis :

 

Télérama

 

L’aiguillon de la mort, Shimao Toshio, roman traduit du japonais par Elisabeth Suetsugu, Picquier, 2012, 640 p., 23 euros

 

Merci aux Editions Picquier.

Publié dans Littérature Asie

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Quand viennent les cyclones de Anita NAIR

Publié le par Hélène

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♥ ♥ ♥ ♥

Un roman à la fois profond et léger.

  

L’auteur :

 

Anita NAIR est une écrivaine indienne qui signe son premier roman en 1997. Compartiment pour dames en 2007 a rencontré un franc succès.

 

L’histoire :

 

Mira, 40 ans est une femme apparemment comblée : elle a un mari aimant, deux enfants en parfaite santé, une mère et une grand-mère à ses côtés et un métier qui lui plaît : elle est écrivain de livres de cuisine. Jusqu’au jour où son mari la quitte pour une autre femme, la privant ainsi de son statut social. Elle est donc amenée à travailler aux côtés de J. A. Krishramurthy, spécialiste des cyclones et marqué par la tragédie qu’a connue sa fille Smriti, dans le coma après avoir été mystérieusement attaquée dans un village indien éloigné.

 

Ce que j’ai aimé :

 

-          La capacité du roman à s’adapter à plusieurs publics : Quand viennent les cyclones a un côté léger  avec le portrait de cette femme de 40 ans qui doit se reconstruire après une rupture sentimentale. Ses rencontres amoureuses, ses ennuis professionnels, ses enfants divisés par la rupture, tous ces thèmes apportent un souffle léger au roman. Parallèlement les chapitres consacrés à Jak abordent des sujets plus graves : le coma de sa fille, le rôle des parents dans l’éducation de jeunes adultes, le choc des cultures, la culpabilité, le pardon…

-          L’engagement : Anita Nair dénonce notamment le foeticide des filles en Inde :

« Parce que le garçon transmet le nom, qu’il hérite de la fortune familiale et qu’il peut s’occuper de ses parents âgés, il est sans conteste préféré à la fille qui devra être correctement dotée pour trouver un mari et quitter la famille. » 

(source : Amnesty International http://www.amnesty.fr/index.php/amnesty/s_informer/la_chronique/juin_2006_sommaire/inde_foeticide)

Anita Nair éclaire également intelligemment l’évolution lente de la société indienne : elle met en avant le poids des traditions et le rôle du mari prépondérant, mais ouvre également sur une modernité qui s’installe non sans heurts.  

-          Les pistes de réflexion ouvertes : Les parents sont-ils toujours responsables de ce que deviennent leurs enfants ? Qui est responsable d’un divorce dans un couple ? Quelle place doivent occuper les femmes dans un couple ? Doit-on s’engager au péril de nos vies ? Autant de sujets qui méritent un arrêt…

-          La poésie : elle transparaît à travers le parallélisme entre les vies et les changements climatiques, ainsi que dans la comparaison entre Mira et Héra, déesse grecque.

 

 « La fissure qui est en tout,

C’est par là qu’entrera la lumière

Et toute la grâce, toute la joie sera sienne

Toute la vie épousera ses désirs,

Un jour, un jour parfait. » (p. 382)

 

-          Pour couronner le tout, l’intrigue liée à l’attaque de la jeune Smriti aiguillonne l’intérêt du lecteur tout au long de sa lecture.

 

Ce que j’ai moins aimé :

 

-          Les scènes qui frôlent la mièvrerie : les confidences de Mira à Vinnie par exemple, ou encore les moments que passent Mira avec le jeune acteur. Cette relation n’apporte d’ailleurs rien à l’intrigue, elle n’est là à mon avis que pour plaire aux amateurs de « chick lit »…

 

Premières phrases :

 

« Toute le vie épouse ses désirs en cette parfaite journée de septembre. Tant de grâce, tant de joie, pourquoi cela lui arrive-t-il, pourquoi à elle ?

Mîra, visage levé, sourit de nouveau au ciel. Un soleil fluide brasse un distillat de senteurs, de notes hautes espiègles, dansantes. Pomme, jasmin, noix, rose, musc, vin. Un chrysanthème solitaire. Le « pop » des bouchons. La courbe constante de l’arc qui s’écoule dans les verres. Le verre frais  contre sa joue. »

 

Vous aimerez aussi :

 

Noces indiennes de Sharon MAAS

 

Un grand Merci à Judith OTT pour cette belle découverte...

 

Quand viennent les cyclones, Anita NAIR, Albin Michel, août 2010, 400 p., 21.50 euros

 

TAGS :  Littérature indienne - Femmes -Deuil- Famille

 

Publié dans Littérature Asie

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En étrange pays de Karel SCHOEMAN

Publié le par Hélène

♥ ♥ ♥  

"Chacun de nous doit supporter sa propre solitude." p.217

Sur les conseils de son médecin, Versluis, un bourgeois hollandais vient soigner sa maladie des poumons aux confins de l'Afrique, à Bloemfontein, en Afrique du Sud. Il est censé tirer profit de l'air sec du "veld". Il s'installe d'abord à l'hôtel avant de trouver refuge dans la pension de Mme Van der Vliet. Son univers se réduit à la communauté hollandaise et allemande de la petite ville. Il fréquente d'abord les Hirsch, une famille tonitruante, pour qui ce nouvel arrivant constitue un palliatif à leurs habitudes de colons. Mais Versluis ne tarde pas à se lasser de leurs conversations mondaines, le pays et l'approche de la mort réclament pour lui plus de calme et de paix. Ainsi, il se rapproche du pasteur Scheffler et sa famille qui lui apprennent peu à peu à apprivoiser le vide de cet étrange pays.

"Il aurait aimé trouver les mots afin d'évoquer pour eux l'éclat blanc de cette chaleur de l'après-midi. Il aurait aimé trouver des mots pour décrire l'aspect désolé du veld qui entourait la ville, et les sensations d'inquiétude et de joie qu'il éveillait en lui. Mais les mots existaient-ils ? Possédait-il le langage nécessaire à de tels récits ?" p. 78

Jour après jour, visite après visite, il tombe sous le charme du bonheur calme de cette famille et son univers s'éclaire en découvrant d'autres moeurs. 

"C'était ainsi que vivaient les gens, se dit-il - ils s'asseyaient ensemble dans la clarté des lampes pour boire du café, ils jouaient de la musique ensemble, ils parlaient ensemble, et ils n'avaient pas besoin de beaucoup de mots parce qu'ils connaissaient les mêmes choses et qu'ils partageaient un vaste espace commun de référence. Plus tard, dans le ville obscure et moribonde où il souhaita bonne nuit à Mme Van der Vliet avant de se retirer dans sa chambre, dans la nuit profonde où les animaux nocturnes hurlaient et où les aboiements des chiens se répondaient, il se rappellerait que d'autres gens vivaient leur vie, regardaient la pendule, écoutaient un instant pour vérifier s'ils entendaient un bébé pleurer, avant de se retourner en souriant vers leurs compagnons." p. 226

Le pasteur et sa soeur ont vécu au coeur du pays, au plus près des locaux et leur regard sur la colonisation est très opposé à ceux des hollandais et allemands de la communauté : 

"Parfois, je pense que nous avons échoué. (...) Nous avons apporté la civilisation ici ; nos maisons et nos églises ; nos meubles, nos livres et nos modes d'Europe : nous avons apporté ici sans qu'on nous le demande et nous l'avons entassé comme si l'Afrique était une sorte de tas d'ordures, et nous sommes venus vivre ici selon les modèles que nous ou nos parents avons apportés d'ailleurs. Nous vivons de souvenirs et nous nous entourons de fantômes, et quant à l'Afrique elle-même, nous ne la voyons que de loin, deriière les rideaux en dentelle que nous avons accrochés devant les fenêtres de nos salons. (...) Quant aux Noirs que ne leur avons-nous pas fait ? Nous leur avons fait des cadeaux douteux, les maisons et les églises européennes, l'argent, l'alcool et des maladies qui leur étaient totalement inconnues.D'un côté nous avons essayé de les élever, comme nous disons, sans qu'ils nous l'aient jamais demandé, et de l'autre nous les repoussons chaue fois qu'ils s'approchent trop et que nous nous sentons menacés. Qu'avons-nous fait de ce pays ? Et de quel droit ?" p. 248

Cette "histoire d'une âme en quête du dépouillement absolu" résonne dans nos âmes émues bien après la dernière page tournée... Elle nous parle philosophiquement de la mort non pas comme une fin, mais davantage comme une paix de l'âme et du corps. Les paysages désolés du veld s'accordent parfaitement avec l'esprit en délition de Versluis. L'étrange pays n'est-il pas l'aboutissement d'une vie que le vide envahit ?

http://southafricaphotoblog.tumblr.com/

"Ne plus faire qu'un avec cette terre, comme les dieux et les esprits dans d'autres pays, et dans le même temps lui permettre de ne plus faire qu'un avec soi, dans l'obscurité parmi les pierres, les racines et le gravier." p.254

Aux confins du monde et de sa vie, Versluis rencontrera peut-être enfin la plénitude de l'humanité...

 

Présentation de l'éditeur : Phébus ; Libretto

Du même auteur : Cette vie

 

En étrange pays, Karel Schoeman, traduit de l'anglais par Jean Guiloineau, Phébus, février 2007, 20.30 euros, 11.80 en libretto

 

Je remercie Sandrine et son Lire le Monde consacré aujourd'hui à Karel Schoeman et sans qui je n'aurais sans doute pas relu cet auteur pourtant si profond !

 

Publié dans Littérature Afrique

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A la trace de Deon MEYER

Publié le par Hélène

                     

♥ ♥ ♥

L’auteur :

Né en 1958 à Paarl, en Afrique du Sud, Deon Meyer a été journaliste, puis rédacteur publicitaire et stratège en positionnement Internet, il est aujourd’hui l’auteur unanimement reconnu de best-sellers traduits dans 15 pays. Il vit à Melkbosstrand.

 L’histoire :

Chacun des protagonistes de ce roman aux intrigues apparemment distinctes laisse des traces. Toutes, à un moment donné, vont se croiser.

Milla, mère de famille qui plaque son foyer et rejoint l’Agence de Renseignement Présidentielle au moment où un groupuscule islamiste s’agite de manière préoccupante.

L’aventurier Lemmer qui protège le transfert à la frontière du Zimbabwe de deux inestimables rhinos noirs. Lukas Becker, l’archéologue aux prises avec les gangs de la plaine du Cap. L’ex-flic Mat Joubert, devenu détective privé, chargé d’enquêter sur la disparition d’un cadre de l’Atlantic Bus Company.

Comparée à l’univers du polar américain (corruption, drogue, prostitution), la matière romanesque de À la trace, qui allie « le monde animal, inhérent à notre culture », des contrebandes pittoresques, l’émancipation des femmes, la culture gangsta des villes, frappe par sa richesse et sa diversité.

Deon Meyer est un des rares auteurs qui, tout en maîtrisant avec brio les règles du genre, ouvre grand le champ des problèmes contemporains de son pays. (Présentation de l’éditeur)

Ce que j’ai aimé :

Deon Meyer nous offre trois histoires dans un seul roman :

Celle de Milla, femme au foyer qui décide de fuir son havre oppressant. Obligée de trouver du travail, elle se fait embaucher ni plus ni moins par les services de renseignement sud africains et va se lancer à cœur perdu dans sa mission. Seulement un grain de sable va s’immiscer dans sa vie monotone, faisant exploser en lambeaux toutes ses certitudes. Milla souhaiter une vie trépidante, loin de son quotidien lassant, elle va trouver bien plus que cela...

« Notre vie est composée de vingt-deux mille jours en moyenne. Combien nous restent en mémoire, nommés et datés ? Dix, douze ?... Anniversaires, mariage et divorce, séparations, décès, puis quelques Grandes Premières… Les traces des autres jours s’usent peu à peu. Résultat : la vie consiste en fin de compte en l’équivalent d’un mois de jours dûment enregistrés en mémoire et d’une poignée de souvenirs non datés.

Il faudrait vivre en sorte que chaque jour laisse une trace. » (p. 345)

La deuxième histoire nous permet de retrouver Lemmer et ses failles qui nous emmène au cœur du veld. Lemmer est un personnage passionnant qui garde en lui cette violence sous-jacente, l'entourant d'une aura dense. Il va faire ici la connaissance de Fléa, jeune femme fascinante aux mille facettes...

 

Rhinoceros_en_Afrique_du_Sud.jpg

 

« N’est-ce pas là le problème essentiel de notre communauté ? Nous sommes tous devenus spectateurs, nous restons en marge et commentons, critiquons… Avides de lire, d’entendre et de raconter les malheurs d’autrui, nous participons de loin, du haut de notre supériorité morale. « Eh oui, ils ont eu ce qu’ils ont cherché !... » Personne n’a le courage d’intervenir, de faire quoi que ce soit. » (p. 273)

La troisième histoire est ancrée autour de l’enquête de Mat Joubert qui cherche à expliquer la disparation d’un conducteur de bus. Cette partie du roman permet de mettre en avant les luttes entre bandes rivales mais aussi l’incommunicabilité qui peut régner dans un couple au point qu’on ne connait pas vraiment son conjoint.

On y croise aussi Lukas Becker, archéologue idéaliste aux prises avec des gangs bien plus puissants que lui...

Cette combinaison de destins permet d’offrir un panorama juste de cette Afrique du Sud post- apartheid. Deon Meyer, en nous menant dans des univers différents aux ramifications multiples nous offre la possibilité de nous plonger dans un monde riche, passionnant mais aussi terrifiant, et ceci sans jamais nous lasser.

« Sacré pisteur que ce Meyer, qui traque sa proie sans jamais la lâcher, jusqu'à la dernière page. » (Télérama Christine Ferniot)

 

Ce que j’ai moins aimé :

Plus de 700 pages, c’est lourd à transporter…

 

Premières phrases :

« Ismail Mohammed dévale le Heiliger Lane. Les plis de sa galabiyya blanche s’envolent à chaque foulée ; le col mao est ouvert, comme le veut la mode. Terrifié, il agite les bras pour garder son équilibre. »

 

Vous aimerez aussi :

Du même auteur :  13 heures de Deon MEYER

Autre :  Disgrâce de J.M. COETZEE

 

D’autres avis :

Blogs : Cathulu

Presse : Le figaro  Télérama Jeune Afrique   Lire 

 

A la trace, Deon Meyer, Traduit par Marin Dorst, Seuil Policiers, février 2012,  736 pages, 22.9 € 

Publié dans Littérature Afrique

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Le plâtrier siffleur de Christian BOBIN

Publié le par Hélène

♥ ♥ ♥ ♥

"Il est possible que, par l'attention aux choses menues, très simples, très pauvres, je trouve peut-être ma place dans ce monde." (p. 6)

Que signifie habiter poétiquement le monde ? Christian Bobin s'interroge ici et livre ses réponses, pour peut-être, enfin, mieux vivre et regarder le monde en paix... Il vante les vertus de la contemplation, et appelle cet homme perdu dans notre monde à regarder et comprendre le monde comme un enfant le ferait, en toute innocence, prêt à être réceptif à ce qui s'offre...

"Ce texte est issu d’une conversation dans la forêt. Il a pour auteur les sapins austères et les fougères lumineuses. Il y est question, mieux que dans un salon, de nos manières de vivre, c’est-à-dire de perdre. Le nom merveilleux de cette perte est la poésie – ou si l’on veut : l’humain."

Présentation de l'éditeur : Editions Poésis

Du même auteur : Les ruines du ciel   ; La part manquante ; L’homme-joie ♥ ;  Eloge du rien ♥ ♥ ♥ ; La dame blanche ♥ ♥ ♥ ; La grande vie ♥ ♥ ; L'épuisement  ♥ ♥ ♥ ♥ ; L'inespérée ♥ ♥ ♥ ; Le plâtrier siffleur ♥ ♥ ♥ 

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Le règne du vivant de Alice FERNEY

Publié le par Hélène

             

           

♥ ♥

"La Terre appartient aussi à nos successeurs, ce que nous leur laisserons doit nous préoccuper, disait-il."

"L'avenir, si on le met au présent, s'appelle la préservation." (p. 27) 

Ce que j'ai aimé :

Fasciné par la personnalité hors norme de Magnus Wallace, militant activiste qui lutte contre la pêche illégale en zone protégée,  le narrateur, Gérald Asmussen, décide de s'embarquer comme cameraman à ses côtés. Sous l'égide de ce maître prêt à tout pour protéger le règne du vivant, il prend rapidement conscience des enjeux liés à la planète.

"La Terre appartient aussi à nos successeurs, ce que nous leur laisserons doit nous préoccuper, disait-il." "L'avenir, si on le met au présent, s'appelle la préservation." (p. 27)

Mille baleines sont massacrées chaque année dans le sanctuaire austral, et Magnus Wallace s'évertue à poursuivre ceux qui commettent ces crimes en haute mer, car les eaux internationales demeurent un espace hors la loi, qui ne sont pas dotées de suffisamment de surveillance, un espace gangrené par la corruption et le mensonge. 

En rassemblant des hommes et des femmes animés de la même volonté de faire régner ordre et respect de la nature dans sa globalité, Magnus Wallace lutte avec ses moyens, pas toujours orthodoxes. "Je crois dans la force de quelques individus inspirés qui résistent au mouvement d'ensemble." (p.113)

Il est prêt à risquer sa vie pour ses idées, en pensant au monde qu'il souhaite laisser aux générations futures :

 

"Si nos enfants vivaient un jour dans un monde sans baleines, sans requins, cela voudrait dire que leurs pères les ont exterminés. Et cela voudrait dire que nous les avons laissés faire...Voulons-nous laisser enseigner le murtre par profit et le profit comme règle de survie ?" (p. 109)

"Nous vivions éloignés de cette nature, nous en oublions l'émotion, et c'était ainsi qu'elle pouvait être détruite sans que  s'élevât notre protestation. Il fallait restaurer l'alliance et crier au scandale." ( p. 139)

Dans ce récit poignant, Alice Ferney s'inspire du capitaine Paul Watson, activiste de Greenpeace :

"En juin 1975, Paul est le second du Capitaine John Cormack à bord du Greenpeace IV et participe à la confrontation entre Greenpeace et la flotte baleinière soviétique. Durant cette campagne, Robert Hunter et Paul sont les toutes premières personnes à mettre leur vie en danger pour sauver des baleines en plaçant leur semi-rigide entre un groupe de cachalots sans défense et un navire-harpon soviétique. Un cachalot blessé surgit alors dangereusement au-dessus de l'embarcation de Paul et ce dernier échange un regard avec l'animal mourrant. Ce qu'il voit dans cet œil va changer sa vie à tout jamais: le cachalot comprend ce que ces deux hommes essaient de faire. L'animal évite alors le petit bateau et meurt quelques secondes plus tard, une nouvelle fois harponné. Paul fait alors le vœu de défendre les créatures marines pendant le reste de sa vie." http://www.seashepherd.fr/who-we-are/captain-watsons-biography.html

Ce que j'ai moins aimé :

Il manque un souffle romanesque, une psychologie prononcée des personnages qui permettrait d'autant pus de s'intéresser à leur cause. Ces derniers ont l'air de portaits glacés d'activistes engagés.

Le ton dogmatique, les discours trop appuyés déservent le propos, certes convaincant, mais pas assez touchant pour remuer réellement les foules. C'est dommage car les romans sur l'écologie ne se bousculent pas en France. 

Premières phrases :

"Avant de m'asseoir pour consigner cette histoire, je l'ai vécue. J'ai vu se lever l'activiste et croître sa détermination. Que pourrais-je faire ? se demande un homme qui contemple un désastre, et c'est le commencement des miracles. J'ai suivi pareil homme, refoulé pareille colère, rêvé pareil renouveau : j'apercevais le même désastre."

Informations sur le livre :

Actes sud

Vous aimerez aussi :

Du même auteur : Grâce et dénuement

Autre : Requiem pour un thon de Romain Chabrol

D'autres avis : 

Babélio

Le point

Page 

 

Le règne du vivant, Alice Ferney, Actes sud, août 2014, 208 p.,19  euros

 

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Concerto pour la main morte d’Olivier BLEYS

Publié le par Hélène

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♥ ♥

" Je jouerai pour les arbres debout, pour le fleuve aux longs méandres,

pour le premier brin d'herbe qui percera la neige au sortir de l'hiver. "

 

L’auteur :

http://monvolubilis.canalblog.com/

L’histoire :

À Mourava, hameau perdu de Sibérie centrale, Vladimir Golovkine n’a qu’un rêve : prendre le bateau pour Krasnoïarsk, la grande ville en amont du fleuve. Mais faute de pouvoir s’offrir un billet, c’est un étranger qu’il voit débarquer dans sa vie : Colin, un pianiste français raté dont la main droite refuse d’obéir dès qu’il se met à jouer le concerto n°2 de Rachmaninov. À la frontière du récit et de la fable, Olivier Bleys crée ici un univers poétique où le tragique côtoie l’absurde. Histoire de vodka et de mystère, de musique et d’amitié entre les hommes, ce livre nous invite à cultiver la joie.(Source : Editeur)

Ce que j’ai aimé :

Mourava est un petit village de Sibérie Centrale, aux habitants simples dont  la vie se déroulait « dans un décor de conte populaire, sombre et élégiaque » (p. 10) Vladimir Goloukine est l’un d’eux, éboueur de son état, rêvant de quitter  « ce village pourri et les crétins qui l’infestent ». Ce tableau planté en quelques pages plonge le lecteur au cœur d’un monde âpre et hostile, maisaux habitants décalés, drôles et réjouissants. Pétris de passion ou d’alcool, ils s’agitent dans cette destinée ennuyeuse pour s’arracher tant bien que mal à ce paysage frileux…

« Il n’y a que deux façons de passer le temps, ici, c’est l’alcool et les histoires. » (p.68)

Arrive alors un français, un pianiste un peu triste, qui justement va leur raconter une histoire étonnante. Ce pianiste perd en effet l’usage de sa main quand il essaie d’interpréter le concerto n°2 de Rachmaninov. Cet amoureux des notes souffre de ne pouvoir maîtriser son corps et de ne plus être en mesure de partager son art.

 « Mettre son piano dans un camion, partir sur les routes, offrir la musique aux gens qu’on rencontre, puis s’en aller  ailleurs. C’est ainsi qu’on doit vivre lorsqu’on est pianiste. «  (p. 232)

La quête du pianiste aidé par son acolyte atypique Vladimir s'avère épique, ils rencontreront des ours, des cousins alcooliques, et surtout un drôle de sorcier... Une galerie de personnages drôles et profondément humains, qui n'hésiteront pas à porter secours au malheureux pianiste, même si a priori tout les séparait.

« On ne pouvait tout prévoir ni tout réparer. La vie n’était qu’un tissu d’à peu près, de décisions hâtives sur lesquelles pourtant l’on bâtissait, comme on laisserait aux fondations d’un édifice des pierres qui tombent en poudre. «  (p. 234)

Olivier Bleys peint une Russie hantée par des êtres perdus, errant dans un univers pauvres, des hommes du bout du monde ancrés à la solitude. Mais leur capacité à rebondir, à aimer leur prochain, à croire au surnaturel et à apprécier les belles histoires les sauvent d'une destinée tragique en les rendant malgré eux heureux de vivre... En sortant du cadre bien établi d'une vie linéaire, ils accueillent en leur pensée la beauté du monde.

 

Ce que j’ai moins aimé :

Le ton truculent des premières pages s’essouffle un peu au fil des pages, pour plus de gravité, mais Concerto pour la main morte n’en reste pas moins un roman agréable à lire et à découvrir.

 

Premières phrases :

"Le petit village se nommait Mourava, ce qui traduit de l'ancien russe donne à peu près "la jeune herbe". Encore ne l'appelait-on "village" que par commodité, ou pour le distinguer d'autres plus frustes encore, parfois de simples campements qui s'échelonnaient sur de grandes distances le long du fleuve Ienisseï, région de Touroukhansk, Sibérie centrale."

 

Vous aimerez aussi :

Du même auteur : Le fantôme de la Tour Eiffel

Autre : Amazone de Maxence FERMINE

 

D’autres avis :

http://www.babelio.com/livres/Bleys-Concerto-pour-la-main-morte/495381/critiques

 

Concerto pour la main morte, Olivier Bleys, Albin Michel, août 2013, 234 p., 18 euros

 

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S’abandonner à vivre de Sylvain TESSON

Publié le par Hélène

                    

        

♥ ♥

L’auteur :

Sylvain Tesson est un journaliste, écrivain voyageur et alpiniste français. Ses expéditions sont financées par la réalisation de documentaires, par des cycles de conférences et par la vente de ses récits d'expédition, qui connaissent un certain succès.

L’histoire :

Devant les coups du sort il n’y a pas trente choix possibles. Soit on lutte, on se démène et l’on fait comme la guêpe dans un verre de vin. Soit on s’abandonne à vivre. C’est le choix des héros de ces nouvelles. Ils sont marins, amants, guerriers, artistes, pervers ou voyageurs, ils vivent à Paris, Zermatt ou Riga, en Afghanistan, en Yakoutie, au Sahara. Et ils auraient mieux fait de rester au lit.

Ce que j’ai aimé :

La quatrième de couverure est formulée de façon ambivalente : comme si on avait seulement le choix entre vivre et prendre des coups, ou rester dans son lit, pour "s'abandonner". Vision plutôt pessimiste de la vie qui pourtant n'est pas le fond du propos des nouvelles de Sylvain Tesson. 

Ce dernier nous présente le pofigisme  «l'accueil résigné de toute chose » :

« Ce mot russe désigne une attitude face à l’absurdité du monde et à l’imprévisibilité des évènements. Le pofigisme est une résignation joyeuse, désespérée face à ce qui advient. Les adeptes du pofigisme, écrasés par l’inéluctabilité des choses, ne comprennent pas qu’on s’agite dans l’existence. Pour eux, lutter à la manière des moucherons piégés dans une toile d’argiope est une erreur, pire, le signe de la vulgarité. Ils accueillent les oscillations du destin sans chercher à entraver l’élan. Ils s’abandonnent à vivre. » (p. 201)

Ainsi ses personnages ont souvent tendance à lutter contre les éléments, comme dans « Le barrage », symbole des hommes qui luttent contre le courant, détournent des fleuves et détruisent ce qui est :

« Sous le miroir avait vécu un monde, des plantes, des hommes. Des Dieux peut-être. Tout était mort. » (p. 32)

Dans « L’ennui », une femme russe se marie à un français pour fuir l’ennui de sa vie, mais retrouve malheureusement les mêmes travers dans sa nouvelle vie en France. Elle aura voulu changer le cours de son destin en vain. 

AInsi la question est posée : faut-il ébranler le mystérieux équilibre du monde ? ("Les pitons")

Quelquefois faire chuter ce qui est permet d'apporter un peu de bonheur aux personnages, comme dans cette magnifique nouvelle « La ligne » nous contant l'expédition de deux hommes dans le froid sibérien pour faire chuter un arbre.

Sylvain Tesson ouvre des voies de réflexion, observateur du monde il s’interroge sur lui et sur les différentes façons qu’ont les êtres humains de l’appréhender. Mais il ne répond pas aux questions qu’il pose, à la manière de Montaigne, il s’essaie à différentes philosophies au travers d’anecdotes tirées de son expérience personnelle.

Il nous enjoint finalement à nous ouvrir au monde, sa nouvelle finale « Les fées » résume son propos : il vaut mieux accepter ce qui arrive sans a priori et s’ouvrir ainsi à la poésie du monde et à sa magie imprévisible...

Ce que j’ai moins aimé :

Malheureusement de nombreuses nouvelles m’ont semblé manquer cruellement d’inspiration. Comme celle sur un immigré clandestin, linéaire, celle sur l’amant dans le placard revisité, celle sur les amants incompatibles, celle sur l’ermite, etc…

Premières phrases :

« Rémi et Caroline ? Des Parisiens de quarante ans du genre de ces héros de roman écrits par des Parisiens de quarante ans. Je les ai connus tous les deux, bien avant leur rencontre, avant que tout le monde ne prenne l’habitude de dire « Rémi et Caroline », de ne jamais dire « Rémi » sans a jouter « Caroline ni de prononcer le nom de « Caroline » sans y associer « Rémi ». «Rémi & Caroline », ça aurait fait un bon nom de restaurant bio. »

Vous aimerez aussi :

Du même auteur :  Une vie à coucher dehors  ; Dans les forêts de Sibérie  Géographie de l’instant 

 

S’abandonner à vivre, Sylvain Tesson, Gallimard, 2014, 220 p.,  17.90 euros

 

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