Six adolescents se retrouvent dans un camp de vacances au coeur de l'Arizona, envoyés là pour "s'endurcir" et devenir de vrais "cow-boys" américains. Mais Lally I, Lally II, le plus jeune de tous, Teft, Shecker, Goodenow et leur chef Cotton ne semblent pas fait pour entrer dans le moule, ce sont des êtres qui restent à part, refoulés, malmenés par les autres qui ne tolèrent pas cette différence. Une nuit, alors que tout le camp dort, ils partent pour une mission spéciale qui leur tient à coeur...
"Car c'était la substance fondamentale de toutes les histoires d'aventure américaines : des hommes armés, allant quelque part, pour faire quelque chose de dangereux. Qu'il s'agisse de partir à la découverte d'un continent à bord d'un chariot de pionnier, de sceller l'Union en plein désert, de sauver le monde en lui apportant la démocratie, de franchir les mers et de défricher les jungles et de la planter nos graines, notre drapeau et notre mentalité, l'essence de notre mélodrame reste la même : des hommes armés, allant quelque part, pour faire quelque chose de dangereux.
Et donc c'était ce qu'ils faisaient." p 43
Face à un certain conservatisme américain peuplé de clichés immémoriaux, ils s'affirment en tant qu'individus uniques, peu enclins à s'aligner sur les autres, et surtout peu aptes à devenir ce qu'on attend d'eux. Mais ils deviendront d'autres hommes, plus glorieux finalement, plus proches d'eux-mêmes.
"Pendant un instant, ou peut-être plusieurs, ce fut comme s'ils vivaient au commencement du monde, avant que n'existât la peur, le mal, ou la mort, aux temps de la création, alors que la terre était neuve et que toutes formes de vie naissaient dans ses entrailles, alors que l'univers était juste et que toutes formes de vie se côtoyaient en bonne intelligence. Pendant un instant, ou peut-être plusieurs, bêtes et enfants furent amis, par cette nuit pleine de douceur et de silence, dans ces champs respirant le calme et la beauté du Seigneur. "
Un très beau roman d'apprentissage porté par une fraternité lumineuse.
Chaque printemps, Shelly et Laura traversent les Etats-Unis pour profiter de la floraison du lilas. Ce périple leur permet d'accompagner des femmes en fuite souhaitant passer la frontière canadienne sans encombre. Cette année, elles sont accompagnées de Maria Pia, sexagénaire brésilienne. Au fil des carnets qu'elle remplit, son histoire apparait, une histoire de femmes fortes et déterminées face à des hommes brutaux.
Ce roman - qui se revendique féministe- , met juste en scène des femmes moins fragiles qu'il n'y parait, et qui décident de prendre leur destin en mains.
Ce que j'ai moins aimé :
- Beaucoup d'histoires parallèles, de digressions interminables par exemple autour de l'histoire du Brésil, de Léopoldine de Habsbourg, arrière-petite-fille de Marie-Thérèse d'Autriche, ou même du lilas ...
"On se croît mûr
on est sûr
de ne pas se tromper parce qu'on plante son futur
dans une terre sèche entre des billes d'argile
pour qu'il ne pousse pas trop beau et trop facile. "
Un beau jour, par hasard, Eugène croise Tatiana, avec qui il a connu une histoire d'amour avortée dix ans plus tôt. Alors qu'il l'a rejetée à l'époque, aujourd'hui, il ressent une attirance irrépressible vers elle. Mais pourra-t-il effacer le passé ?
"Parce que leur histoire ne s’était pas achevée au bon endroit, au bon moment,
parce qu’ils avaient contrarié leurs sentiments,
il était écrit, me semble-t-il, qu’Eugène et Tatiana se retrouvent dix ans plus tard,
sous terre,
dans le Meteor, ligne 14 (violet clair), un matin d’hiver. "
Ce que j'ai aimé :
- La forme tellement originale : inspirée des deux Eugène Onéguine de Pouchkine et de Tchaikovsky Clémentine Beauvais a choisi d'écrire en vers, pour conserver la poésie des textes.
“ Et comme vous, je ne peux pas envier Tatiana et Eugène dans ce restaurant de sandwichs,
choristes heureux,
près de la fenêtre adoucie d’un tégument de buée.
Je sais- et l’un et l’autre, sans le dire, savaient aussi,
qu’ils vivaient là ce que l’on vit si peu de fois,
si peu de temps, [...]
où tout est simple, beau, et entier, et précis
organisé: tout se répond,
ce dont on parle, et le ton de la voix, et ce décroisement de jambes, et ce hochement de tête,
tout est exactement à la place, dans cet espace compact et clair”
- En filigrane, s'ébauche une réflexion sur le couple, sur son enlisement, sur la passion qui peut laisser place à une routine aliénante
Jack Waterman, écrivain accepte d'écrire le témoignage d'un joueur de hockey, « l’autobiographie » du jeune gardien de but du Grand Club de Hockey de Montréal, Isidore Dumont, issu de la lignée de Gabriel Dumont, chef militaire de Louis Riel.
Submergé par son propre roman, il demande à son petit frère Francis de s'en charger, aidé par la Grande Sauterelle le personnage qui a traversé l’Amérique avec Jack dans Volkswagen blues, et qui rentre justement à Québec. Le hockeyeur est un métis dont les ancêtres ont été décimés par la milice anglaise en Saskatchewan; il a des idées bien arrêtées sur la place que la langue française devrait occuper dans le Grand Club.
L'univers ouaté de Jacques Poulin se retrouve en ces pages dans lesquelles le lecteur se love comme les chats qui parcourent ses histoires. Un monde dans lequel les rapports humains sont somme toute assez simples, sans promesses inutiles ou attaches, à l'image de la Grande Sauterelle qui suit sa route, indépendante et heureuse. C'est toujours un plaisir de s'immerger dans son monde...
Laurie trouve du réconfort auprès des siens : de son père, mécanicien, de sa mère, gérant le stationnement dans un hôpital depuis sa guérite et passionnée par la lecture, de son amie Sonia, mais aussi auprès de Cindy, une gamine qu'elle a prise sous son aile et pour qui elle invente des voyages imaginaires. Etudiante, elle accepte un poste d'assistante gérante dans un restaurant italien et décide d'acheter "un char" - comprenez une voiture.
Au-delà de des dialogues truculents, le ton sincère et simple de ce roman est profondément touchant. Laurie déborde d'humanité pour son prochain et ses hésitations, ses coups de cœur et coups de gueule sonnent profondément juste.
Morceaux choisis :
"Mets la droite en dessous, tu prends l'hostie avec.
- C'est ma plus sale, j'arrive pas à la décrasser.
- Là, le curé va dire quéque chose, me rappelle pus quoi...
- Le corps du Christ.
- C'est ça. Pis toé, tu réponds "Amen". That's it that's all.
- Ça veut dire quoi, "Amen" ?
- On s'en crisse.
- Ça veut dire "OK".
- Mais non, ça veut dire "merci".
- Merci pour quoi ?
- Pour t’avoir donner une hostie, calvaire.
- Qu'est-ce que ça fait si je prends la main gauche ?
- L'enfer direct, mon chum. "
"Ma mère s'est fait un chum, tu devrais voir ça.
Y est comment?
Y est con comme une palourde. Lette comme un cul. "
"-Mais y disent "avec expérience".
- Y précisent pas dans quoi.
- Mais c'est évident que c'est dans le service !
- C'est pas écrit. Peut-être qu'expérience de vie, ça peut faire.
- Mais y disent d'apporter un CV. aujourd’hui entre 13h et 15h.
- Oui.
- J'ai pas de CV.
- Pas grave. Tu feras une version orale aujourd'hui."
En août 1979, le jeune Michael 12 ans, disparait mystérieusement dans les bois de Rivière-aux-Trembles, comme volatilisé, sous les yeux de sa camarade Marnie. Trente ans plus tard, Billie Richard vit le même drame : sa fille de neuf ans ne reviendra pas de son cours de danse. Les enquêtes n'aboutissent pas et ceux qui restent souffrent.
Ce que j'ai aimé :
Les descriptions de la nature sont magnifiques, rendant à merveille cette atmosphère si particulière, fascinante et angoissante à la fois.
"Derrière nous, près du lac aux Barbotes, croissait la rumeur qui s’était élevée un peu plus tôt. Nous l’avons entendue gonfler sous les feuillages, s’enrouler aux arbres puis monter à leur cime. Après, le vent l’a emportée vers les maisons de Rivière-aux-Trembles pour la faire glisser par la fenêtre ouverte jusqu’aux oreilles des hommes et des femmes qui tenaient férocement leurs enfants contre leur ventre. "
Ce que j'ai moins aimé :
- De longues descriptions pointues sur les affres psychologiques des protagonistes
- Une intrigue policière qui prend l'eau
Bilan :
Un roman plus psychologique sur la perte et le deuil d'un enfant disparu qu'un réel roman policier.
"J'ai été élevée sans broderies et aux couleurs de la pierre et des forêts sombres."
Noële habite aux pieds de la Géante, montagne qui rythme son quotidien, sa boussole, son repère. Elle vit avec son frère Rimbaud qui ne parle pas mais chante avec le petit-duc. Tout comme lui, Noële est reliée à la nature qui l'entoure, y puisant sa force. Elle va néanmoins se confronter au monde par l'intermédiaire d'un voisin et des lettres qu'il reçoit.
Mes réticences :
Il faut se laisser porter par les mots, se laisser envoûter, le texte peut quelquefois résister si la concentration n'est pas au rendez-vous... Les personnages apparaissent comme dans un rêve, ombres qui tracent leur chemin vers une destination inconnue, au milieu d'une nature millénaire vivante elle aussi. Les frontières s'estompent entre êtres réels et oniriques, la Géante veille ...
La deuxième partie du roman permet de reprendre pied dans la réalité par le biais de l'histoire de Carmen et Maxim, personnages plus ancrés dans le réel, ce réel qui se révèle soudain à Noële, et les contours se précisent.
"Je ne sais pas ce que fait faire l'amour, ce qu'il sème dans le coeur des hommes, de craintes, de renoncements, de lâchetés ou de comètes, combien il met les têtes à l'envers, dedans des petites poussières, des chemins en miettes ou de grands soleils, comment depuis des millénaires il fait tourner les peaux de bêtes et les robes, brode et repasse, effiloche ou ravive les dentelles. Et c'est beaucoup, beaucoup pour un seul mot."
Bilan :
Un roman déroutant à la prose poétique envoûtante.
Une jeune femme passe tous ses étés à Salluit, village de l'arctique canadien auprès des Inuits. Cet été là, elle est en deuil, son amie Eva a disparu, vraisemblablement noyée dans le fjord. La narratrice s'adresse à celle qui n'est plus là tout en s'activant pour s'occuper des enfants inuits. Au fil de ses rencontres et pérégrinations, elle se heurte aux problèmes de d'alcool, de drogue, à la violence. En demandant à quelqu'un "comment ça va" on prend le risque d'entendre des drames, des tragédies, des morts violentes, des suicides.
"Vous êtes là avec vos vies de tragédies grecques, vous feriez baver Shakespeare avec vos douleurs lancinantes et votre désespoir, et je ne sais pas comment vous faites pour endurer ça, moi qui en arrache déjà avec ma petite misère ordinaire." p10
Les autochtones souffrent, tandis que les blancs viennent puis repartent...
Le témoignage est poignant, vécu, la narratrice assiste impuissante aux malheurs de ce peuple qui perd peu à peu son identité et son espoir devant l'adversité.
Ce que j'ai moins aimé :
- La deuxième partie sur Elijah et sur les histoires de couple, les triangles amoureux qui se forment et se déforment m'a moins intéressée.
Bilan :
Un beau témoignage d'amour pour ces territoires du bout du monde.
Il s'agit de partir à la découverte de la littérature québecoise durant le mois de novembre, et d'en parler, sur les blogues, sur booktube, sur Instagram, Facebook ou Twitter… Pour participer, il faut parler d’au moins UN titre québécois pendant le mois de novembre.
Les filles ont organisé les lectures autour de 15 chansons québécoises qui seront associées à un thème sur lequel vous pourrez broder. Des fois, c’est juste le titre qui a rapport, des fois les paroles… Vous êtes libres de faire une pile ou pas. De choisir une catégorie ou pas. De faire entrer un livre dans 15 catégories ou 2.
Un livre ayant gagné un prix littéraire. C’est bien les prix, ça donne des idées et vous pouvez vous appuyer sur les plus prestigieux comme sur les plus confidentiels voire carrément privés… (genre le top 10 de mes livres québécois préférés, voui voui voui)
Un roman où il y a de l’amour. De l’amour, de l’amour et encore de l’amour… Les romances fittent mais il y a des tas d’autres romans où l’amour est présent au détour d’une page.
Un roman SFFF. Science-Fiction, Fantastique, Fantasy et tous les sous genres, aujourd’hui on dirait les littératures de l’imaginaire mais ça me semble toujours un peu flou… enfin profitez-en pour jouer sur le flou si ça vous arrange.
Un roman issu de la diversité ou dans lequel on parle de la diversité. diversité de culture, de genre, d’orientation sexuelle, d’apparence, de capacité, que sais-je encore ?
Un classique québécois ou un futur classique selon vous. Un petit classique, ça remet sur les rails non ? et puis on a l’impression d’avoir accompli un truc, enfin moi ça me fait cet effet et vous ? Pour la définition de classique, on vous fait confiance mais disons que l’âge et la célébrité sont toujours des critères sûrs.
Un roman qui a traversé l’océan. Tout roman québécois publié (ou plus souvent republié) par un éditeur français (ou autre mais je ne connais que des français)… Ce sont les plus faciles à trouver de ce côté de l’océan et ça compte (et oui moi aussi je vis en France depuis un bail maintenant et ce n’est pas toujours facile de trouver les romans qui me crient de les lire toutes affaires cessantes, croyez-moi.)
Un roman qui fait partie d’une série. Une série de livres (ou un roman issu de la série hein, paniquez pas), une série télévisée, une suite, une prequel, un spin off (comment on dit ça en français aidez-moi) , tout ce que vous voulez…
Un roman dans lequel il y a de l’art. Au départ ce devait être “livre avec des livres dedans” : quand on est obsédées textuelles et qu’on organise un challenge, on se fait plaisir mais finalement, au diable les restrictions, tous les arts sont les bienvenus.
Un livre d’un auteur canadien, mais pas québécois. Francophone ou anglophone (ou autre finalement) peu importe tant qu’il vient d’une autre province. (Je vous ai déjà parlé de Robertson Davies ? Non ? ben faudrait… ) Et sinon j’adore Jean Leloup oui voilà, il fallait que ce fut dit.
Le titre dit tout. Comment ? Vous aviez un titre inclassable ? Un Otni en puissance ? Un truc impossible ? Que nenni cette catégorie est là pour vous… Tout y fitte, tout y va, tout y convient (si j’ose ainsi dire bien sûr)…
Pour ma part, je compte parler de :
La route des lilas de Eric DUPONT qui m'avait tant enchanté avec sa La fiancée américaine
La rivière tremblante de Andrée A MICHAUD, dont j'avais bien apprécié le Bondrée
L'homme de la Saskatchewan de Jacques POULIN, mon auteur québecois chouchou
Nirliit de Juliana LEVEILLE TRUDEL
Le beau mystère de Louise PENNY, car j'adore les enquêtes de cet inspecteur Gamache
Les chars meurent aussi de Marie-Renée LAVOIE, l'auteure de l'émouvant La petite et le vieux
Tsubaki de SHIMAZAKI, parce que j'en entend parler depuis longtemps
Alors que tous les membres de sa famille l'abandonnent un à un, Kya grandit au cœur du marais, tirant sa puissance de son environnement, échappant aux services sociaux, elle se forge une place dans cet univers naturel. Son père fait quelques rares apparitions, mais elle ne peut compter que sur elle-même pour survivre. Elle échange peu à peu le fruit de sa pêche contre des vêtements et du carburant pour sa barque et la lampe à pétrole auprès du vieux Jumping et de sa femme Mabel, ne côtoyant pas les autres pour qui elle est une sauvageonne qu'ils surnomment "la fille des marais". Seul Tate, jeune homme passionné par la zoologie, semble prendre plaisir à sa compagnie. Plus tard, Chase réussira aussi à apprivoiser la jeune femme.
"Un marais n’est pas un marécage. Le marais, c’est un espace de lumière, où l’herbe pousse dans l’eau, et l’eau se déverse dans le ciel. Des ruisseaux paresseux charrient le disque du soleil jusqu’à la mer, et des échassiers s’en envolent avec une grâce inattendue – comme s’ils n’étaient pas faits pour rejoindre les airs – dans le vacarme d’un millier d’oies des neiges."
La jeune Kya s'adapte peu à peu à cette vie atypique, malgré les difficultés. Car bien sûr, les blessures sont là, l'abandon, la confiance que l'on offre avant d'être trahi, la violence des espèces, de l'espèce humaine, la cruauté des hommes... Mais face à ces défaites, se dresse la beauté du monde, la nature, la poésie, l'espoir, malgré tout, toujours.
"Regardons les choses en face, le plus souvent l'amour ne marche pas. Et pourtant, même quand tout rate, il vous relie aux autres et, au bout du compte, c'est tout ce qui reste, ces liens. Regarde-nous : toi et moi, nous nous avons l'un l'autre aujourd'hui, et pense un peu, si j'ai des enfants et que tu en as aussi, eh bien ce sera la début d'un nouveau réseau de liens. Et ainsi de suite."
Roman sur la différence, parcourus par des lueurs éblouissantes, ce roman est une petite pépite brute, pure, de celles qui palpitent longtemps au fond de nos cœurs !