Printemps des poètes 2021
Seul l’inespéré
donne à la vie
le goût de vivre
Gil Jouanard, Inédit pour le Printemps des Poètes
Quelques pistes de lectures pour s'envoler vers de belles découvertes
Seul l’inespéré
donne à la vie
le goût de vivre
Gil Jouanard, Inédit pour le Printemps des Poètes
♥ ♥ ♥
Lisa vit seule avec sa fille Ava, semblant fuir un passé oppressant. Elle aspire à une vie sans histoires, même si ces derniers temps, des détails l'inquiètent. Son anxiété atteint son apogée quand Ava sauve de la noyade un petit garçon, s'exposant ainsi dans la presse locale, et provoquant un séisme dans leur vie bien rangée. Parallèlement, Marilyn, une collègue et amie de Lisa, semble aussi avoir une vie parfaite, mais ses coulisses sont aussi hantées. Le destin des trois femmes va irrémédiablement basculer.
Chaque être porte finalement en lui ses fêlures, son passé au poids quelquefois étouffant, ou ses secrets inavouables. Comment composer avec cet ensemble disparate, comment construire ainsi une amitié, une famille ? Faut-il faire confiance à son instinct ?
Porté par de multiples rebondissements, ce roman policier est plutôt bien conçu, il manipule habilement le lecteur, tout comme les personnages manient avec brio l'art de la manipulation ! Les femmes maltraitées sont au cœur de l'intrigue, ces femmes malmenées qui trouvent un refuge comme elles peuvent, où elles peuvent.
Alors même si quelques caricatures et invraisemblances ponctuent le roman, il reste un polar efficace !
Présentation de l'éditeur : Le livre de poche
Un poème parfois, ce n’est pas grand-chose.
Un insecte sur ta peau dont tu écoutes la musique des pattes.
La sirène d’un bateau suivie par des oiseaux, ou un pli de vagues.
Un arbre un peu tordu qui parle pourtant du soleil.
Ou souviens-toi, ces mots tracés sur un mur de ta rue :
« Sois libre et ne te tais pas ! ».
Un poème parfois, ce n’est pas grand-chose.
Pas une longue chanson, mais assez de musique pour partir
en promenade ou sur une étoile,
à vue de rêve ou de passant.
C’est un aller qui part sans son retour
pour voir de quoi le monde est fait.
C’est le sourire des inconnus
au coin d’une heure, d’une avenue.
Au fond, un poème, c’est souvent ça,
de simples regards, des mouvements de lèvres,
la façon dont tu peux caresser une aile, une peau, une carapace,
dont tu salues encore ce bateau qui ouvre à peine les yeux,
dont tu peux tendre une main ou une banderole,
et aussi la manière dont tu te diras :
« Courage ! Sur le chemin que j’ai choisi, j’y vais, j’y suis ! ».
Un poème, à la fois, ce n’est pas grand-chose
et tout l’univers.
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« Ah ! la vie, la vie ! la sentir et la rendre dans sa réalité, l’aimer pour elle, y voir la seule beauté vraie, éternelle et changeante, ne pas avoir l’idée bête de l’anoblir en la châtrant, comprendre que les prétendues laideurs ne sont que les saillies des caractères, et faire vivre, et faire des hommes, la seule façon d’être Dieu ! »
Claude est un peintre avant-gardiste, incompris par l'Académie partisane de l'art officiel. Il persévère malgré tout et travaille jour et nuit sur son grand projet "Plein air". Il veut peindre la vie moderne « la vie telle qu’elle passe dans les rues, la vie des pauvres et des riches, aux marchés, aux courses, sur les boulevards, au fond des ruelles populeuses; et tous les métiers en branle; et toutes les passions remises debout, sous le plein jour; et les paysans, et les bêtes, et les campagnes!... »
Alors qu'il s'était juré de se consacrer à la peinture uniquement, il rencontre alors Christine qui prend une place grandissante dans sa vie.
Dans ce roman s'exprime Zola critique d'art, ami de Cézanne, fervent défenseur de Manet, de Monet et de toute l'avant-garde qu'incarne Claude Lantier dans le roman. Il met en scène le statut de l'artiste et les affres de la création, les doutes, l'envie prégnante de toucher du doigt la perfection quand tout fuit et se délite. Face à cette passion dévorante, certains êtres sont laissés alors sur le bord de la route, qu'il s'agisse ici de Christine jalouse des femmes peintes, ou de Jacques, jeune sacrifié à l'autel de la création. L'artiste demeure tout entier voué à cette quête incertaine, sans suivre les conseils sages du peintre plus âgé : « Je vous l’ai dit vingt fois qu’on débutait toujours, que la joie n’était pas d’être arrivé là-haut, mais de monter, d’en être encore aux gaietés de l’escalade. »
Zola écrit : "Avec Claude Lantier, je veux peindre la lutte de l'artiste contre la nature, l'effort de la création dans l’œuvre d'art, effort de sang et de larmes pour donner sa chair, faire de la vie : toujours en bataille avec le vrai et toujours vaincu, la lutte contre l'ange. En un mot, j'y raconterai ma vie entière de production, ce perpétuel accouchement si douloureux "
Un roman profondément parlant et toujours tellement juste et pointu dans sa peinture des milieux !
Présentation de l'éditeur : Folio
A noter : attention à ne pas acheter une version simplifiée qui vous privera de passages essentiels
Du même auteur : Au bonheur des dames ; Thérèse Raquin
Toute la beauté du monde, je ne peux pas te la dire. Mais rien ne m’empêche d’un peu l’approcher avec toi.
Il y a de si grands murs qui cachent les jardins, des dépotoirs au bord des plages, des ghettos dans des îles, tant de blessures aux paysages.
Par bonheur, un peu de splendeur demeure alentour et le dire, même tout bas, par amour, c’est croire encore qu’un jour, nous irons la trouver, toute la beauté du monde.
Carl Norac, « Avant de tout dire », Le livre des beautés minuscules, Éditions Rue du Monde.
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Morue est malmenée dans son village : surnommée ainsi à cause de l'odeur qu'elle véhicule, elle est laide et peu appréciée. Le jour où elle délivre sans le vouloir une fée d'un sortilège, elle choisit d'inverser la tendance et demande comme cadeau à être très belle. Mais cette beauté ne change pas vraiment les choses : jalousée des femmes, elle doit lutter contre des assauts incessants des hommes de la région. Sauvée par le seigneur local, elle se prépare pour une autre destinée, sans se douter que la famille à laquelle elle appartient désormais est en proie à des luttes royales qui risquent de l'inquiéter.
Le jeu sur le point de vue est subtilement amené, les dessins jouant sur l'angle de vue qui peut transformer quelqu'un à loisir. Loin des clichés habituels, l'histoire met en avant les méfaits de la beauté, ses limites, ses affres, la métaphore de "fleur du mal" de Baudelaire prenant alors tout son sens.
Mon exemplaire proposait des dessins en bichronie, accentuant le caractère duel de cette beauté empoisonnée.
Présentation de l'éditeur : Dupuis
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Sur la mer d'Irlande se nouent des drames qu'alimentent les tempêtes. Cinq adolescents ont pris la mer, aguerris à la navigation.
Quand s'ouvre le roman le corps de l'un d'eux flotte à côté du bateau, puis git sur le bateau, désespérément mort, assommé. Que s'est-il passé ? Savamment, le lecteur remonte le fil de ces amitiés passionnées, de ces caractères exacerbés par l'adolescence, de ces jalousies incontrôlées, de ces prises de pouvoir soudaines et pernicieuses.
Les quatre survivants, en sus de cette tempête intérieure, doivent affronter une véritable tempête, les éléments se déchainant autour d'eux et malmenant leur frêle esquif.
La construction au millimètre ajoute au suspens haletant des pauses qui nous immergent au cœur de ce groupe de jeunes, parfaitement sondé.
Un voyage en mer dont on ne ressort pas indemne...
Présentation de l'éditeur : PKJ
Du même auteur : L'été circulaire ♥ ♥ ♥ ♥ ; Sans foi ni loi ♥ ♥ ♥ ♥
"Quelle profonde inquiétude, quel désir d’autre chose,
Autre chose qu’un pays, qu’un moment, qu’une vie,
Quel désir, peut-être d’autres états d’âme…"
S’exclamait Fernando Pessoa sous le masque d’Álvaro de Campos. En portugais aussi, le désir nous relie aux étoiles. Tout droit tombé des astres et des regrets latins : desiderare qui vient de sidus, sideris.
Comme un ciel étincelant d’absences. Une aimantation vitale. Un souhait ancestral, jamais élucidé, jamais rassasié, jamais exaucé.
Alors oui, après L’Ardeur, La Beauté et Le Courage, voici venu le Printemps du Désir.
Des longs désirs de Louise Labé aux désirs obstinés d’Olivier de Magny. Du désir de gloire des chansons de geste jusqu’au rude chemin des plus hauts désirs de René Daumal. De l’anéantissement, qui mène au rien du nirvana, jusqu’au désir sans fin d’Éros.
Depuis le grand désir du plaisir admirable de Pernette du Guillet jusqu’au fragile et subreptice désir de vivre d’Alejandra Pizarnik, en passant par l’amour réalisé du désir demeuré désir qu’est le poème pour René Char. De Philippe Desportes, qui entendait Avoir pour tout guide un désir téméraire, jusqu’au plus sentimental spleen d’Alain Souchon, qui nous a mis en tête refrains et souvenirs : Mon premier c’est Désir…
Du Cantique des cantiques aux désirs éperdus de ce troisième millénaire menacé, tout reste à fleur de mots.
Et à oser ensemble, au plus intime de soi.
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Kate est une avocate spécialisée dans les crimes à caractère sexuel. Quand elle accepte de défendre une jeune femme qui accuse de viol un notable, de surcroit ami du premier ministre anglais, elle sait qu'elle tient là une affaire qui pourrait faire sa réputation.
De l'autre côté du miroir, Sophie, la femme de James Whitehouse, l'homme accusé de viol, décide de soutenir son mari envers et contre tout, pour préserver sa famille. Mais pourra-t-elle réellement se persuader de l'innocence de son mari à partir du moment où le doute s'est instillé en elle ? A-t-elle fait les bons choix en renonçant à sa liberté pour devenir la femme d'un homme influent ? Parfois, lui reviennent des réminiscences des temps heureux de sa jeunesse, quand elle était libre, insouciante et qu'elle n'avait pas le poids d'une famille à porter, quand elle glissait sur la Tamise :"la puissance remonte de ses pieds, parcourt le longe de ses jambes, de ses fessiers, de son dos et de ses bras ; son corps est calme, ancré à l'embarcation, invincible ; le bonheur jaillit en elle quand elle fend l'eau avec ses avirons, qui laissent des sillons à la surface."
La place des femmes est au cœur du roman : ces femmes qui disent non mais que des hommes ne veulent pas entendre, prouvant qu'il serait temps d'avancer vers une meilleure compréhension de ce que les femmes désirent vraiment. La peinture de la jeunesse dorée des milieux favorisés est aussi assez acerbe, l'impunité régnant dans ces hautes sphères, impunité qui se retrouve des années plus tard quand le pouvoir permet d'échapper au pire. Seuls les avocats et les journalistes chercheurs de vérité s'en sortent indemnes dans ce roman qui n'hésite pas à égratigner différents milieux...
Un roman prenant que vous ne lâcherez pas !
Présentation de l'éditeur : Le livre de poche
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"Nous avions au moins une bonne raison de vivre : nous rendre utiles à ceux qui avaient eu encore moins de chance que nous."
Les habitants de Campidanese, un petit village de Sardaigne, voient leur quotidien bouleversé quand arrivent des migrants accompagnés d'humanitaires. Ils s'installent dans une maison vide, déçus de cette Europe dont on leur avait tant chanté les louanges. Pour les sardes, ce sont des envahisseurs. Mais un groupe de femmes se rapprochent d'eux sous l’œil désapprobateur du reste du village.
Ce que j'ai moins aimé :
Il m'a manqué une force, un souffle qui m'aurait réellement emportée. Les personnages sont nombreux, difficiles à différencier.
J'ai trouvé l'ensemble un petit peu léger derrière ses belles intentions.
Présentation de l'éditeur : Liana Levi
Du même auteur : Battements d’ailes ♥ ♥ ♥ ; Quand le requin dort ♥ ♥ ♥ ; Sens dessus dessous ♥ ♥ ♥ ♥ ; Terres promises ♥ ♥ ♥ ♥