Dans la pittoresque ville de Killarney, un jeune homme se fait violemment rosser. Et pourtant, Bernard Dunphy n'a jamais contrarié qui que ce soit, se contentant d'admirer Marian, de composer pour elle de belles chansons de blues et de conduire sa jument avec sa calèche pour les touristes. Dans la ville, erre aussi Jack, son ami d'enfance, et un trio de copines qui ne se doutent pas des conflits sous-jacents. Jusqu'à ce que tout éclate, à l'heure où les protagonistes doivent affronter leurs démons intérieurs.
Si la violence habite le passé et le présent de certains personnages, Bernard offre une figure apaisée, marquante et réconfortante dans cette communauté. Etre profondément bon, il répand la lumière et empêche son entourage de sombrer dans les ténèbres. Ce clair-obscur nimbe le roman d'une atmosphère poétique porté par les notes lancinantes du blues de Bernard et par les paysages brumeux de l'Irlande.
Une beauté mélancolique habite ce premier roman d'un jeune poète irlandais.
En 2009, en pleine crise économique, Florence Aubenas, journaliste, décide d'aller vivre la crise de l'intérieur, concrètement aux côtés des plus démunis, pour mieux en parler ensuite. Elle part pour Caen, s'inscrit à Pôle emploi en se fabriquant un personnage. On lui propose alors de devenir agent de propreté dans des entreprises. Commence alors un parcours du combattant pour glaner des heures de ménage à droite, à gauche, au gré des contrats ou des absences des collègues car « aujourd’hui on en trouve pas de travail, on trouve des heures « Elle apprend à "gagner en productivité", à manier la mono-brosse avec dextérité, elle enchaine les formations, les forums de l'emploi, et trouve finalement quelques contrats sur le ferry de Ouistreham et dans un camping de mobile-homes.
Des rencontres marquantes ponctuent son parcours, chaque personne lui raconte son expérience, ses échecs, ses humiliations, ses victoires quelquefois. Il est avant tout question de dignité humaine, Florence raconte comment elle est devenue "invisible", comment elle et ses collègues doivent abattre un travail harassant en un temps record car les heures supplémentaires ne sont pas payées, comment elles sont à la merci de chefaillons, de "dragons" qui aiment les humilier.
«On travaille tout le temps, sans avoir vraiment de travail, on gagne de l’argent sans vraiment gagner notre vie. »
Elle pointe du doigt aussi les manquements de Pole emploi : chaque conseiller a 180 demandeurs dans son portefeuille il devrait n’en avoir que 60. Dans la région 4000 dossiers en retard. Chacun fait comme il peut pour aider ces contrats précaires à trouver leur place dans cette société en crise...
Ce livre rend avant tout hommage à ces "invisibles", ces femmes qui luttent dans l'ombre pour conserver leur dignité et faire vivre leur famille, quoiqu'il advienne. Elles s'épaulent, s'entraident, partagent des fous rires et malgré les vicissitudes de leur vie, restent profondément humaines !
Un beau récit profond et humain !
Si vous voulez connaitre les réactions des collègues de travail de Florence après la parution du livre, Elle leur a consacré un article ICI.
Le privé norvégien Varg Veum est appelé par la mère de la petite Mette, qui a disparu... vingt-cinq ans plus tôt ! En effet la date de prescription du crime approche et elle veut tenter un dernier recours pour découvrir ce qui a pu arriver à sa fille alors qu'elle jouait tranquillement sous les fenêtres de la cuisine.
Varg se lance alors dans cette enquête, difficile en raison des années qui séparent la disparition du présent. Il découvre que sous le vernis argenté de communautés, se cachent souvent des secrets inavouables...
Appréciant les enquêtes de Varg Veum, j'ai voulu découvrir les opus ayant obtenus les meilleures appréciations sur le site de Babélio, site que je consulte souvent car les avis restent assez justes. Et effectivement je n'ai pas été déçue, il fait partie de mes préférés avec Les chiens enterrés ne mordent pas et L'écriture sur le mur.
L'enquête est lente ce qui permet de faire connaissance avec chaque personnage pour en percevoir forces et faiblesses, et de s'immerger dans l'atmosphère douce amère du privé oscillant entre raison et aquavit. Les problématiques sont souvent sociales, puisque Varg Veum est présenté comme un ancien salarié de la Protection de l'Enfance devenu détective privé et la résolution de l'intrigue est souvent complexe et peu manichéenne.
Une série à découvrir pour ceux qui ne connaissent pas !
Lors d'une nuit interlope, trois personnages errent dans la ville de bar en bar : Jona doit rejoindre sa femme le lendemain sur Berlin et cherche un peu de compagnie ce soir-là. Il se retrouve accompagné de Buzz, personnage quelque peu voyant. Rodolphe et Victoria déambulent également dans ces soirées décalées. Chacun se heurte au vide de son existence, dans une quête d'identité hallucinée. Les personnages se découvrent dans une prolifération de saynètes, bulles et dialogues agissant comme une logorrhée puis les plans larges dévoilant une beauté soudain surprenante.
Esthétiquement, cet album est une merveille, et l'histoire est à l'image de leur quête, décousue, sans réel sens, ponctuée d'alcool, drogue et sexe, comme un rêve éveillé dans lequel on ne sait plus bien ce qui tient de l'hallucination ou de la réalité.
Il aura fallu quatre ans à l'auteur pour réaliser ce roman graphique de plus de 300 pages, véritable prouesse esthétique !
Alex passe son été à Long Island chez Simon, mais un faux pas suffit à la rendre indésirable. Simon lui paie son billet retour pour New-York, sauf que Alex ne désire nullement rentrer sur New York, indésirable là-bas aussi. Aussi décide-t-elle de rester au bord de la mer, dans l'optique de se présenter à la fête du Labor Day organisée par Simon quelques jours plus tard. En attendant, elle se greffe sur diverses rencontres, errant de maison en appartement, de relation chaotique en relation toxique, invitée rapidement bannie...
Le rythme très lent, lancinant frôle presque autant l'ennui que cette jeune fille qui tue le temps, désœuvrée, sans réel projet, fuyant un homme qu'elle semble avoir volé, nouant des relations improbables sans lendemains, parasite désirée puis indésirable. Ses rencontres sont prétexte à dresser un portrait sans compromission de ces milieux huppés troubles et d'une grande vacuité sentimentale et intellectuelle.
Cette jeune femme floue, caméléon capable de se lover dans n'importe quel groupe, court après une identité factice ternie par les milieux qu'elle fréquente. L'autrice tant admiré pour ses portraits au vitriol dans The girls offre encore ici un beau portrait de femme.
Durant un été, quelques bandes d'adolescents prennent l'habitude de se retrouver sur la corniche Kennedy et de sauter du haut de la corniche, comme un pied-de-nez à la mort. Mais un commissaire les observe et tente de les protéger des risques encourus en accroissant sa surveillance.
L'atmosphère de cet été se tend entre les conflits inhérents à toute bande d'adolescents, la nouvelle qui s'impose mais n'est pas tout à fait intégrée, les attirances improbables, les interdits que l'on aime dépasser, les adultes qu'il faut provoquer. Et le saut dans le vide est comme une façon de se sentir encore plus vivant, plus important, quoiqu'en pense la police !
L'écriture ample de l'autrice permet de coller à cet élan de la jeunesse et d'embrasser ces adolescents avec tendresse et bienveillance.
Ce que j'ai moins aimé :
- La fin, tout aussi abrupte que la falaise !
- De même l'histoire du policier ne se termine pas réellement.
Bilan :
Une peinture très fine de l'adolescence qui rappelle les romans de Marion Brunet ou encore Nicolas Mathieu.
« Notre société est dévastée, se dit l'inspecteur Stave. Nous, les flics, pouvons seulement déblayer les ruines. »
Hambourg. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la ville, sous occupation britannique, n’est plus qu’un champ de ruines. Épaulé par le lieutenant écossais James MacDonald, Frank Stave, l’inspecteur principal de la police allemande, tente d’oublier la perte de sa famille en s’investissant corps et âme dans son travail.
Durant l'hiver 1947 alors que le froid mort avidement les âmes, le cadavre d'une jeune fille nue est retrouvé parmi les décombres des bombardements. Franck Stave et James MacDonald mènent l'enquête en collaboration avec Lothar Maschke, de la brigade des mœurs. Rapidement, d'autres morts sont retrouvés.
Ce roman remarquable dépeint avec force détails Hambourg en ruines en proie à la désolation et au froid. Plus de normalité depuis 30 ans pour les allemands, la violence seule est devenue normalité avec ses alliés la souffrance et la mort.
Il s'agit ici du tome 1 d'une trilogie.
Ce que j'ai moins aimé :
Très lent, au milieu du livre, l'enquête piétine, dans le froid, dans les ruines...
Voici le voyage d'une
survie grâce à la poésie
voici mes larmes, ma sueur et mon sang
de vingt et un ans
voici mon cœur
dans tes mains
voici la blessure
l'amour
la rupture
la guérison
Dans ce recueil poétique, de courts poèmes en prose sont présentés, centrés autour de 4 parties : souffrir / aimer / rompre / guérir.
La jeune femme aura connu la violence, les abus sexuels, mais aussi l'amour fou, sa perte, pour mener son chemin vers l'affirmation de sa féminité et de son identité. Ce chemin lui aura permis de comprendre qu'on se construit avec et contre les hommes, mais que finalement les forces qui dorment en nous sont capables de nous élever et de nous mener vers toutes les résiliences. Pour qui sait regarder et aimer le monde, le bonheur reste possible dans ce monde tourmenté. Histoire d'une reconstruction, d'une résilience, ce recueil résonne langoureusement en nos âmes.
Quand la narratrice reprend conscience, elle est au chaud dans une maison nichée au cœur des montagnes. Elle est entourée par Jeanne et Stella. Son histoire se dévoile peu à peu, par à coups : victime d'un accident de la route, elle a été recueillie par les deux femmes qui la soignent jalousement. Loin de la ville et de son agitation, la jeune femme se reconstruit.
Ce roman est assez étrange, atypique, son atmosphère est particulière presque onirique. La jeune femme se retrouve seule et perd quelquefois ses repères humains pour redevenir animal.
Pour tout vous dire, j'ai découvert en lisant d'autres critiques le sens caché du roman, sens que je n'avais pas du tout perçu... Un échec pour moi !
J'ai pu assister hier soir à une rencontre organisée par Babélio et animée par Pierre Krause autour du dernier roman de Michel Jean Tiohtiá:ke, roman qui met en scène des autochtones réfugié à Montréal.
Michel Jean est un journaliste, chef d'antenne et écrivain québecois. Sa grand-mère était autochtone et son grand père considéré comme blanc. Quand ils se sont mariés, ils ont dû quitter la réserve, ce que l'auteur considère à la fois comme un mal et un bien. Il a ressenti un manque inexorable éloigné de ses racines, un vide au creux de la poitrine, mais cela a permis aussi de les épargner puisqu'ils n'ont pas fait partie de ces autochtones envoyés au pensionnat.
Pourquoi situer l'action du livre à Montréal, est-ce une ville qui vous inspire ?
Je ne suis pas tellement inspiré par cette ville, je l'aime, entendons-nous, c'est une ville à l'activité foisonnante, multiculturelle, où il fait bon vivre. Mais c'est surtout l'aspect autochtone de Montréal qui m'intéressait. Je voulais décrire une situation que je voyais, alors que les gens qui vivent ici voient aussi ces autochtones mais ne comprennent pas forcément la situation. Malgré leur nombre, les québecois ont tendance à ignorer ou juger les autochtones, je voulais mettre en valeur ce peuple et comment ils sont devenus des itinérants quand ils sont partis des pensionnats ou ont quitté leurs réserves. Ils se retrouvent entre eux à Montréal car c'est là qu'ils sont le plus nombreux et ils ont besoin de se regrouper.
A Montréal ils se rassemblent dans le square Cabot, point de rassemblement autour duquel s'articulent les foyers pour femmes, les centres pour trouver de la nourriture. Cela crée des tensions par contre avec les gens qui habitent à proximité.
Vos personnages s'inspirent -ils de personnages qui existent ?
J'aime personnellement aller à côté du square pour regarder les gens. Les deux jumelles existent effectivement. Elie est inspiré par un homme que j'ai connu Raymond Hervieux, itinérant. Si mes personnages s'inspirent de personnes réellement rencontrées, ils n'ont pas la même vie. Raymond est décédé peu de temps après la parution du livre et je redoutais un peu la réaction de sa famille à la lecture, mais ils ont été très heureux, ils m'écrivaient. C'est important aussi de comprendre que si les itinérants sont dans la rue ils ont aussi de vraies familles qui ne les oublient pas.
Etes-vous le seul journaliste à vous intéresser aux autochtones ?
Nous ne sommes pas très nombreux à nous y intéresser car malheureusement selon les rédactions, ce n'est pas un sujet qui intéresse les gens. C'est un préjugé, ce n'est pas raciste. Il y a quelques temps quatre pères de famille autochtones avaient disparu, ils ont eu droit à une journée de recherche et à aucun journaliste alors que quelques temps plus tard un père et son fils blancs ont aussi disparu et eux ont eu droit à un hélicoptère, une couverture presse et des recherches poussées. Il faut savoir qu'une étude a montré que si vous êtres noirs ou autochtones au Québec vous avez six ou sept fois plus de chances d'être interpelés par des policiers. c'est une réalité.
Dans le milieu littéraire, jamais aucun roman autochtone n'a eu de prix. Ils ont eu des prix en poésie, prix considéré comme le moins prestigieux mais ce sont des blancs qui ont eu les "gros" prix. Le milieu littéraire est moins ouvert qu'il ne le pense. Kukum a obtenu plusieurs prix mais en France, pas au Canada.
Cela ne fait pas longtemps qu'on écrit des livres sur les autochtones. C'est seulement en 2012 pour ma part que j'ai abordé le sujet avec Atuk. Mais ce roman n'a pas eu beaucoup de succès. Un seul autre roman existait à cette époque Kuessipan de Naomi Fontaine. J'ai écrit Maikan l'année d'après qui n'a pas connu non plus beaucoup de succès. Puis j'ai enchainé avec deux autres romans qui ne parlaient pas de ce sujet. En 2016 j'ai participé à un recueil de nouvelles sur le sujets qui a bien fonctionné, puis en 2019 Kukum, gros succès de bouche à oreilles. Cela prouve que les lecteurs évoluent plus vite, ont plus d'intérêt.
Aujourd'hui il existe d'autres auteurs. Il existe un salon des premières nations dont l'importance augmente tous les ans. C'est une littérature émergente et vivante.
Les journalistes et le milieu littéraire sont en retard par rapport aux lecteurs qui lisent les livres.
Pourquoi cette difficulté au Québec d'accepter la littérature autochtone ?
Les québecois cherchent leur identité et ont tendance à laisser de côté celle des autres. Il est plus difficile d'être une autochtone au Québec qu'au Canada. Quand on est québecois on grandit entouré d'un milieu anglophone. A l'école on dit que la France nous a abandonnés avec le traité de Paris. Le français est une langue menacée, au Québec on est entouré d'anglais. La seule langue officielle au Québec est le français, on ne reconnait pas les langues autochtones parlées depuis des milliers d'années. Si on parle du droit des autochtones, les québecois ont l'impression qu'on délégitime les québecois. En se défendant finalement, ils font du mal.
Est-ce que les jeunes autochtones sont tout de même optimistes aujourd’hui ?
Malheureusement dans notre histoire, il y a eu un effet d'entrainement, un cycle infernal. Chassé des réserves pour être placés dans ces pensionnats, les autochtones sont aujourd'hui des itinérants avec tous les risques que cela comporte : absence d'emplois, décrochage scolaire, drogue, alcool. Arrêter cette spirale c'est comme arrêter un train en marche. Les blessures sont intergénérationnelles. Aujourd'hui certains jeunes s'en sortent, mais ce sera long, une seule génération ne suffit pas. On dit qu'il faudra sept générations pour revenir à la normale. Il faut comprendre que nous sommes une société post-apocalyptique, nous avons vécu la fin de notre monde, cela est difficile de se remettre de cela. J'ai voulu écrire un roman optimiste, Elie fait partie de ces jeunes qui se lancent dans les études, la littérature autochtone est souvent pessimiste, je voulait montrer que quelquefois, ça finit bien !