Mariette vient d'hériter d'une vieille maison en Normandie et elle se décide de laisser derrière elle Paris et ses turpitudes pour se terrer au fond de la campagne. La maison est branlante et le jardin qui la jouxte est en friche, mais Mariette souhaite ici fuir ses fantômes. Une jeune fille, Louise vient troubler sa solitude : cette adolescente en vacances dans la région choisit d'aider Mariette à débroussailler le jardin, prétexte aussi pour fuir la lourdeur familiale. Peu à peu, un lien ténu se crée entre les deux femmes solitaires.
Deux femmes et un jardin est un roman délicat, simple qui chante juste la magie d'une rencontre improbable, quand deux solitudes se frôlent dans la fraicheur d'un été. L'instant est comme suspendu, tout comme le fut cette amitié.
Tout commence par l'annonce tonitruante du beau Haluk qui annonce que Faruk, son beau-frère, le frère de sa femme sublime Canaan a été arrêté pour le meurtre d'un chauffeur de minibus. Comme le narrateur se plait à résoudre les énigmes policières, et comme ledit narrateur est tombé sous le charme de Haluk, il se lance dans cette enquête pour oublier aussi une rupture douloureuse. Accompagné de sa meilleure amie Pompon, elle aussi travestie quelque peu extravagante, il remonte pas à pas vers un beau scandale financier !.
Ce héros des temps modernes est l'atout majeur de ce roman turc : il aime les hommes, et joue de son côté féminin, jusqu'à se travestir quand bon lui semble. Il possède un club de travestis à Beyoglu, le quartier chaud d'Istanbul, mais il travaille aussi dans une boite informatique en free-lance. Ses ambivalences apportent légèreté et humour à cette enquête somme toute relativement banale.
Ce personnage atypique permet d'explorer des communautés turques peu connues, et si les conversations ou réactions son quelque fois excessives, à la limite de la caricature, l'ensemble est plutôt distrayant.
Ferdinand VON SCHIRACH est un avocat allemand qui publie en 2009 un recueil de nouvelles Crimes, en se basant sur des cas provenant de ses archives. Sont présentées ici trois de ses nouvelles : Le hérisson, Changement d'heure et L'éthiopien.
Le hérisson
"Le renard sait beaucoup de choses, mais le hérisson sait quelque chose d'important. Que les juges et les procureurs sont des renards, alors il se ferait hérisson."
Dans cette nouvelle, le personnage principal Karim choisit de délibérément jouer le simplet, rôle dans lequel on le maintient depuis l'enfance, pour se jouer de la justice. Il préfère, comme le hérisson rester dans l'ombre et observer ce qui l'entoure, en savoir plus que les autres, mais sans prendre la lumière qui peut être dangereuse.
Changement d'heure
"Les avocats, en revanche, cherchent une faiblesse dans l'édifice de preuves monté par l'accusation. Le hasard est leur allié, leur devoir est d'empêcher toute conclusion hâtive reposant sur une apparente vérité. Un fonctionnaire de police a dit un jour à un juge de la Cour fédérale de justice que les défenseurs n'étaient que les freins du char de la justice. Le juge répondit qu'un char sans frein n'est bon à rien, Un procès pénal ne fonctionne qu'à l'intérieur de ce jeu de forces."
La défense de l'avocat est centrée sur le changement de l'heure d'été à l'heure d'hiver mais cette nouvelle a été la cause de nombreuses discussions pour mieux comprendre le retournement de situation finale, j'ai découvert même des forums de discussions sur ce sujet, sans pour autant découvrir le fin mot de l'histoire.
L'Ethiopien
Cette nouvelle peint le destin d'un homme qui n'a jamais eu de chances dans l'existence, et qui est pris dans les mailles de la justice par hasard.
Toutes ces nouvelles mettent en lumière les rouages, sociaux, économiques ou psychologiques, qui peuvent mener aux tribunaux, tout en déconstruisant cette image prégnante des immigrés coupables de tous les maux.
Avec intelligence et dynamisme, l'auteur partage son expérience d'avocat et montre que les profils défendus ne sont jamais manichéens, ce qui permet sans doute à l'avocat de mener son jeu plus sûrement.
Uni fuit sa campagne natale pauvre pour tenter sa chance à la ville et conquérir son indépendance. Elle veut se consacrer au théâtre, mais se rend rapidement compte que là comme ailleurs, elle est à la merci de la critique et du regard des hommes. Elle peine également à trouver du réconfort auprès de Kristian son fiancé, tout aussi enfermé dans des carcans.
Ainsi, ce texte écrit en 1925 met en avant le poids des conventions écrasant les femmes, poids aliénant qui les poussent à renoncer peu à peu à leurs rêves. Dans ce livre teinté de mélancolie l'accomplissement personnel se perd dans les méandres du couple.
"Vivre ne serait-ce qu'un seul instant, mais vivre de tout notre être une vie intérieure, une vie où nos yeux ne regarderaient plus dans le brouillard qui nous entoure, mais au-dedans de nous-mêmes, dans notre cœur plein de désirs." p 40
Dans la nouvelle suivante, Anton Simonsen, nous suivons un homme d'une soixantaine d'années qui depuis la mort de son épouse enchaîne les emplois précaires.
Ces deux nouvelles offrent un portrait social de la Norvège du début du 20ème siècle et témoignent de l'engagement de cette autrice, prix Nobel de littérature qui n'a cessé de lutter pour l'émancipation de la femme, et contre le poids des conventions et la misère.
"Si je sors un jour, j'irai jeter des oiseaux de paradis depuis le sommet du monde."
Mémory est dans le couloir de la mort et à la demande de son avocate, elle écrit tout ce dont elle se souvient, elle raconte son histoire à une journaliste venue l'interviewer. Elle plonge alors dans ses origines et raconte son enfance dans son township natal, près d'Harare au Zimbabwe, elle raconte comment elle a été vendue à un blanc qui l'a menée dans les banlieues riches, homme qu'on l'accuse aujourd'hui d'avoir assassiné pour hériter de sa fortune. Mais Mémory ne cherche pas la fortune, ou du moins, pas celle-ci, elle voudrait juste comprendre, éclairer son passé empli de secrets et mystères pour enfin avancer vers la vérité.
"Mais même ici, il y a des choix à faire et le plus important d'entre eux, c'est la vie intérieure. Je ne penserai pas à demain. Tout ce que je veux, c'est vivre dans l'instant. Echapper à mon passé ne sera pas possible. Mais si j'y retourne, ce sera seulement pour découvrir des moyens d'enrichir mon présent. Pour accepter le fait qu'il n'y a pas de méchants dans ma vie, seulement des gens brisés qui essaient de guérir, qui titubent dans l'obscurité et se cognent les uns contre les autres ; pour trouver un moyen de pardonner mon père et ma mère, pour pardonner Lloyd, pour retrouver la voie de mon propre pardon."
Mémory est albinos et elle a fait très tôt l'expérience de l'altérité, et toute son histoire sera marquée par ses rencontres avec des êtres meurtris eux aussi parce que différents. Elle a su s'adapter à la prison, lieu de toutes les différences et cohabite avec les surveillantes et prisonnières relativement sereinement. Dans son livre, elle décrit aussi cet univers carcéral, l'éducation qu'elle a reçue lui permet d'analyser, de s'échapper par le biais de ses lectures, de maitriser le monde et d'accepter ainsi peu à peu la cohabitation des deux univers qui l'ont formée : celui des townships, des croyances ancrées dans la tradition, et celui de Lloyd et de son éducation libératrice.
JM Coetzee qualifie cette autrice de "voix exceptionnelle" et il faut lire effectivement ce roman pour comprendre toute sa puissance, puissance d'écriture, mais aussi voie vers le pardon, vers la tolérance et la compréhension.
REFLECHIR avant d'agir ou de se taire, réfléchir avant d'adhérer à des causes en suivant aveuglément les discours communs, réfléchir pour construire le monde d'après
PENSER aux implications de nos actes, s'interroger sur les origines
RAISONNER, ne pas nous laisser mener par nos émotions, nos colères, nos peurs, nos désirs
CROIRE en l'homme, croire en sa capacité à s'améliorer, croire en nos valeurs
IMAGINER enfin, un homme meilleur, un monde meilleur, une humanité apaisée !
« Le miracle c'est de marcher sur la terre » (Thich Nhat Hann)
Christophe André propose une initiation à la méditation en 25 leçons éclairée par 25 tableaux.
J'ai été attirée non pas par la méditation, que je ne pratique nullement, mais par les tableaux et l'idée de les coupler avec des leçons de vie. La pleine conscience consiste à porter une attention tranquille à l'instant présent, et il semblerait que la méditation permet d'atteindre cet état - si j'ai bien compris. Il me semble possible de glaner ici et là des conseils pour améliorer le quotidien sans pour autant souhaiter entrer dans ce processus. Je l'ai lu sur plusieurs mois, comme un livre de chevet dans lequel on puise de temps en temps une pensée réconfortante
"De toutes nos forces, il est important de rester des humains sensibles; de s'accrocher à notre humanité, à ce qui la réveille autour de nous, la nature, la beauté. Encore et toujours ouvrir notre esprit à autre chose que nos souffrances, pas pour masquer l'adversité, pas pour l'oublier mais juste pour qu'elle ne règne pas en maître absolu dans notre esprit comme dans notre vie. "
"Enfin, les méditations recommandent de s'entraîner à rester capable de souhaiter le bien de tous les humains, même de ceux qui sont loin de nous, qui nous sont inconnus, mêmes de ceux qui nous sont antipathiques ou qui ont pu nous faire du mal. Travailler à éprouver pour eux de la bienveillance, de la compassion et de la joie altruiste face à leurs bonheurs. Le pressentiment et la conviction qui sous-tendent ces méditations, c'est que la souffrance est à l'origine de la plupart des conduites problématiques ; si un humain est heureux, s'il souffre moins, il fera moins souffrir les autres. "
Alors certes certaines métaphores ou pensées restent naïves comme :
"Allumer plus souvent l'interrupteur de sa conscience."
"Le disque dur de notre conscience est encombré de trop de choses inutiles."
"Ne plus faire mais être."
Mais globalement chacun pourra y puiser ce qui l'intéresse, pour, jour après jour, devenir meilleur ..
Anne Frank a reçu son journal le et commence à l'écrire le jour même. Trois semaines plus tard, la famille Frank est contrainte de se cacher dans des pièces appelées l'Annexe au-dessus et à l'arrière des bureaux de la société de son père, où ils resteront deux ans. Le journal s'arrête au mardi 1er , quelques jours avant l'arrestation des huit personnes survenue le .
Publié par son père Otto deux ans après la fin de la guerre, Le Journal d'Anne Frank sera traduit en plus de 70 langues et vendu à plus de 30 millions d'exemplaires. Il s'agit ici d'une adaptation de la première version du journal, les auteurs ayant choisi de raconter cette histoire en BD pour perpétuer le souvenir de la jeune fille et continuer à la faire vivre. Pour que personne n'oublie.
Le journal entremêle subtilement les préoccupations d'une adolescente ordinaire, les premières amours, les conflits avec les parents exacerbés par la promiscuité, avec un climat bien plus terrifiant, la peur d'être découverts, l'impossibilité de sortir, les échos violents du monde extérieur.
La jeune fille est profondément touchante, terriblement vivante jusqu'au jour fatidique marqué par cette page noire glaçante.
Un essentiel que tout le monde devrait lire par devoir de mémoire !