« On n’est pas les sœurs de Bon Secours, merde ! On est la police ! »
Ils font équipe pour une soirée : Virginie, Erik et Aristide, gardiens de la paix, sont chargés d'une mission particulière : reconduire à l'aéroport Charles de Gaulle un étranger en situation illicite. Virginie comprend rapidement que ce retour au pays signifie pour leur passager la mort certaine. Dans ce cas précis, préservent-ils réellement la paix ? Cette mesure est-elle juste ? Qui en prend l'entière responsabilité ?
« La responsabilité est dispersée entre la Préfecture, les gardiens, les escorteurs, la Police aux frontières, les pilotes, les hôtesses, les stewards, pour que chacun ait le confort de penser : ce n’est pas moi, c’est l’autre. »
Dans un récit ramassé particulièrement efficace, Hugo Boris s'interroge sur le droit, la morale, responsabilité. En deux phrases, deux mots, deux silences, il heurte ses personnages et les pousse dans leurs retranchements, créant une intensité percutante. A travers leurs contradictions et hésitations, l'humanité de ces hommes et femmes malmenés transparaît et nous frappe par sa pureté...
"Chacun veut la loi pour les autres et la liberté pour soi, pas vrai ? L'ensemble compte plus que l'individu."
Alors qu'il est revenu dans son village natal pour voir son père, un jeune homme subit un grave accident de voiture. Il est recueilli par Matthias, un vieillard qui accepte de la soigner. En échange, on lui promet une place dans le prochain convoi qui lui permettra de quitter le village encerclé par la neige. Les deux hommes cohabitent dans ce village coupé du monde, cernés par une nature hostile, ils ne peuvent s'échapper et restent face à eux-mêmes. La maison de Matthias est un peu à l'écart du village, ils reçoivent d'abord quelques visites des habitants, jusqu'à ce que le village se déserte.
Au sein de ces paysages immaculés, la tension grandit entre les deux hommes. L'atmosphère est particulière, tour à tour oppressante, lumineuse, l'oscillation entre peur et beauté ne s'évanouissant jamais tout à fait. Comme dans la vie, chacun ignore de quoi demain sera fait, chacun espère un départ vers un ailleurs meilleur. L'action se niche dans l'infime, dans le détail, dans un geste synonyme de don de soi ou de haine. Parce que finalement :
"La panne, ton accident, ce village, tout ça, ce ne sont que des détours, des histoires incomplètes, des rencontres fortuites. Des nuits d'hiver et des voyageurs."
En septembre 2015, le petit Aylan Kurdi, réfugié Syrien de trois ans échouait sur la plage après avoir tenté de rejoindre la Grèce. Trois ans plus tard, Khaled Hosseini décide de lui rendre hommage, avec un texte écrit sous forme d'une lettre imaginaire d'un père adressé à son fils. Il demande à la mer de protéger son enfant au cours de la dangereuse traversée qui les attend. Son texte est illustré par Dan Williams.
"Parce que toi, Marwan, tu es une cargaison précieuse, la plus précieuse qu’il ait jamais été.
Je prie pour que la mer le sache.
Inch’Allah.
Combien je prie, pour que la mer le sache. "
Porteuse d'espoir, cette lettre est également le témoignage de leur vie d’avant à Homs en Syrie, et de la transformation rapide de la ville en zone de guerre. Ce pays de cocagne s'est peu à peu transformé, les obligeant à fuir loin des bombardements et de la mort certaine.
Khaled Hosseini versera ses droits d’auteur au Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, programme dépendant de l’ONU, ainsi qu’à sa fondation qui vient en aide aux femmes et enfants réfugiés. Albin Michel reversera un euro par exemplaire vendu à la Cimade, qui vient en aide aux réfugiés.
Un très bel hommage rendu aux exilés, déracinés de ces pays en guerre.
Diane a 48 ans quand un beau matin son mari la quitte pour une femme plus jeune. Toute confiance en elle la quitte en même temps que ce mari volage, et l'impression d'être une femme plate (ennuyeuse) s'insinue dans son esprit. Ce sera sans compter sur son amie Claudine qui lui conseille de frencher, (flirter) pour reprendre confiance en elle, et décide qu'elle s'entrainera avec Jean-Pi son collègue.
Marie-Renée Lavoie transforme cette situation somme toute banale en comédie cocasse et enjouée. Les situations loufoques s'enchaînent, Diane se plaisant à défoncer à coup de masse ses meubles qui lui rappellent trop les promesses non tenues de son mariage, n'hésitant pas à courir pieds nus dans la rue, parce qu'elle a offert ses bottes à Jean-Pi, bataillant avec une souffleuse à feuilles, ou admirant Claudine qui s'efforce de lui redonner le sourire en dansant sur What a feeling, ce qui leur vaudra un petit passage aux urgences.
Le style typiquement québecois apporte du piquant à la narration et transforme cette déconvenue maritale en comédie douce amère.
"Je suis sans doute tombé sur la mauvaise planète.
Ici tout est tellement bizarre." Sigbjorn Obstfelder
Au fil des errances de la narration éclatée, se profilent un à un les personnages : Sigvaldi, Helga et leur amour passionné, Asta lors de son séjour dans une ferme, sa rencontre avec Josef, Asta à Vienne, des années plus tard, déprimée, Sigvaldi encore, tombé de son échelle, qui se remémore son existence, le frère de Sigvaldi, poète à ses heures, Asta écrivant des lettres à son amour perdu ... Les époques se confondent et s'entremêlent parce que la vie n'est jamais aussi linéaire qu'on peut le croire, et que les souvenirs ont tendance à s'interposer pour casser le fil trop droit du destin.
Chacun cherche une once de bonheur ou de répit, sans succès, parce que le monde est ainsi fait, parce que la société de consommation, le monde qui nous entoure et nous enserre est créé pour engendrer notre insatisfaction. "Voilà pourquoi le but de la publicité est de nous rendre insatisfaits du moment présent, de nous donner l'impression que nous passons à côté de quelque chose, que nous n'avons pas la vie que nous méritons."
Si la quête du bonheur reste vaine, il est urgent de vivre chaque minute intensément. Passer une soirée entre frères en ne pensant pas au dernier bus qui part sans nous, batifoler dans le foin frais odorant, étrenner une table plutôt solide, se gorger de la beauté du monde, faire rouler dans nos cœurs les mots doux et serrer dans nos bras les gens qu'on aime, tant qu'il est encore temps, avant qu'ils ne tombent d'une échelle ou d'un bateau, avant que la nuit ne tombe dans l'oubli. Ne pas oublier l'importance d'aimer, aimer ses enfants, aimer ses frères, ses sœurs, aimer ses parents, inconditionnellement, sans laisser les lettres d'amour sans réponse, sans penser que le mot est galvaudé et usé jusqu'à la corde ...
"La meilleure manière de contrer la mort, c'est de se constituer des souvenirs qui, plus tard, auront le pouvoir de caresser doucement et d'apaiser les blessures de la vie."
Et finalement, ce sera la pureté qui irradiera le destin de Asta et de ses proches :
"Mais il y a si peu de choses qui ne soient pas des erreurs ici-bas. Au contraire, les vérités du cœur ne font pas toujours bon ménage avec celles du monde. C'est cela qui rend la vie incompréhensible. C'est notre douleur. Notre tragédie. La force qui fait notre lumière."
Un roman lumineux qui fusionne les nuits sombres et les aurores boréales pour enfanter la beauté ...
D'autres avis : Télérama ; Moka ; Karine ; Jérôme (qui vante depuis longtemps les mérites de cet auteur et que j'avais tout de même à moitié écouté puisque je me suis rendue compte que j'avais deux romans de cet auteur dans ma Pal, ô joie)
Lu dans le cadre des matchs de la rentrée Littéraire de PriceMinister #MRL18
Il s'agissait d'un choix de Moka que je remercie pour cette belle découverte ! Voici ce qu'elle en disait dans sa présentation pour les matchs :
"Un roman étranger / Une envie folle que vous croisiez à votre tour Ásta / Une histoire d’amour / Un peu de désamour / Un petit goût d’Islande / Un pavé de rentrée / Une odeur de vodka / Une plume poétique qui dit l’ailleurs et les autres / L’abandon, les retrouvailles et tous leurs absents. / Une fresque familiale qui se reflète dans un miroir brisé. / Ce concentré de drame et de désillusion. "
Deux frères Pierre l'aîné se destine à une carrière de médecin, quand Jean le cadet fait des études de droit. Un héritage inattendu tombe alors du ciel, brouillant les rapports de la famille : en effet, seul Jean hérite d'un ami de la famille. Le doute s'installe alors en l'esprit de Pierre : pourquoi Jean a-t-il été privilégié ? Qui est cet ami de la famille ?
La rivalité entre les deux frères est centrée autour de l'argent, cet argent-roi capable de pervertir et d'annihiler tous les sentiments. La cupidité règne au sein de cette classe bourgeoise du XIXème, avide de posséder et de paraitre. Le mariage n'est alors qu'alliance de fortune et d'intérêt, exempt de sentiments et de désir. L'amour lui-même est condamné à sa fin :
"Le baiser frappe comme la foudre, l'amour passe comme un orage, puis la vie, de nouveau, se calme comme le ciel, et recommence ainsi qu'avant. Se souvient-on d'un nuage ?"
Pour ce roman, Maupassant s'est inspiré d'un fait divers rapporté par sa voisine d'Etretat concernant une affaire d'héritage dans une famille bourgeoise. l'éditeur ajoute par la suite à cet écrit rédigé rapidement un petit texte théorique sur le roman, manifeste dans lequel il expose ses principes esthétiques en matière de roman et de création littéraire. Il se rapproche en effet du réalisme et s'éloigne ainsi de Zola et de son naturalisme.
Ainsi, Pierre et Jean nous emporte dans cette vaine quête de vérité, au sein d'un univers tremblant, instable car manquant de fondations solides et durables. Maupassant présente ici un conte cruel et pessimiste sur la condition humaine. Il traverse les siècles et nous émeut par sa justesse psychologique.
"Je ne suis jamais retournée à Bondrée, mais j’en garde un souvenir vivace me permettant de toucher à la fragilité du bonheur chaque fois qu’un froissement d’ailes soulève un parfum de genièvre et qu’un renard détale, vivant, à l’orée d’un sentier. "
À l’été 67, trois jeunes filles inséparables hantent les épaisses forêts entourant Boundary Pond. Dans ces bois, erre l'âme de Pierre Landry ayant choisi la mort après le rejet de sa belle. Au creux des fourrés, une des jeunes filles est retrouvée morte, sa jambe prise dans un vieux piège rouillé. S'agit-il d'un accident ? Quand sa meilleure amie trouve la mort dans les mêmes circonstances, il devient clair que le tueur n'est pas seulement un vieux piège à ours...
"Rien ne semblait pouvoir assombrir l’indolence bronzée de Boundary, car c’était l’été 67, l’été de Lucy in the Sky with Diamonds et de l’exposition universelle de Montréal, car c’était le Summer of Love, clamait Zaza Mulligan pendant que Sissy Morgan entonnait Lucy in the Sky et que Francky-Frenchie Lamar, munie d’un cerceau orangé, dansait le hula hoop sur le quai des Morgan. Juillet nous offrait sa splendeur et personne ne soupçonnait alors que les diamants de Lucy seraient sous peu broyés par les pièges de Pete Landry. "
Le désarroi des uns et des autres est prégnant dans cette petite communauté écrasée par l'été : désarroi des mères tentées de tenir leurs enfants enfermés, désarroi des policiers hantés par ces jeunes disparues et par ce tueur qui ronge pue à peu leur vie personnelle, désarroi des jeunes filles qui aimeraient courir leur liberté dans les bois. Au milieu d'eux tous, la petite Andrée apporte un peu de fraicheur à cette lourde atmosphère, observant du haut de sa pré-adolescence les errances de chacun, et hésitant à devenir comme les jeunes filles "That's kind of girl".
L'écriture de Andrée Michaud rend parfaitement la moiteur de cet été, et le mélange des communautés de cette région entre Québec et Maine américain. Son style à la fois lyrique et réaliste mélange savamment le français et l'anglais, pour coller au plus près au langage de chacun.
Ce que j'ai moins aimé : Quelques longueurs.
Bilan : Pour ceux qui aiment les romans d'atmosphère.
Tous les jours, Rachel prend le train pour se rendre à Londres. Tous les jours, elle guette les habitants d'une jolie maison en contrebas de la voie ferrée, se plaisant à fantasmer leur vie de couple qu'elle imagine idéale. Il faut dire qu'elle connait bien cette vie qu'elle a elle-même vécue, avant que son mari ne la trompe et avant qu'elle ne sombre dans l'alcoolisme... Mais un beau jour, un autre homme apparait auprès de la belle jeune femme, et peu de temps après, celle-ci disparaît. Une enquête est lancée... Or il se trouve que Rachel était dans le quartier ce soir-là et qu'elle ne se souvient plus du tout de ce qu'elle a pu y faire. A-t-elle un lien avec la disparition mystérieuse de la jeune femme ? Perdue dans son addiction à l'alcool, elle peine à démêler le vrai du faux, tout comme le lecteur !
J'ai mis du temps à ouvrir ce roman dont tout le monde parle - ou a parlé -, mais finalement je me suis plongée dans ce thriller très prenant en immersion totale, déconnectée du monde, volant chaque minute disponible pour y retourner, menée à plaisir sur des fausses pistes, tremblant pour Rachel, Anna ou Megan, bref ... un bon thriller à ne pas négliger !
En Nouvelle Calédonie, Gocéné, kanak raconte comment il est devenu ami avec Francis Carroz, un blanc. Cela remonte à l'année 1931 quand un groupe de kanak a été envoyé en France pour représenter leur île lors de l'exposition coloniale universelle. Parmi eux Gocéné et sa promise, Minoé sur laquelle il a promis de veiller. Quelques jours avant l'exposition, tous les crocodiles du marigot meurent, obligeant les organisateurs à faire appel au cirque Höffner de Francfort : en échange du prêt de leurs crocodiles, le cirque demande quelques kanaks. Minoé fait partie de ceux et celles qui sont conviés en Allemagne, au grand damne de Gocéné qui s'empresse de partir sur ses traces.
Inspiré par un fait authentique, le récit dénonce le scandale des zoos humains qui ont été l’une des attractions de l’exposition coloniale à Paris en 1931. Non seulement les kanaks sont arrachés à leur terre natale, contraints de subir un voyage éprouvant dont certains ne sortiront pas vivants, subissant le froid, la maladie
"On nous a mis derrière des grilles, comme des bêtes sauvages, entre la fosse aux lions et le marigot des crocodiles... Tout le monde nous présente comme des cannibales, les enfants nous jettent des cacahuètes, on prétend que nous vivons avec plusieurs femmes alors que nous sommes de fervents catholiques. (...) Tu as bien vu que nos compagnes étaient obligées d'exhiber leurs seins, alors que chez nous elles gardent leur robe missionnaire même pour se baigner dans la mer. Les gardiens nous frappent si nous oublions de pousser des cris d'animaux féroces devant les visiteurs ! Ce qu'on nous donne à manger, nos chiens s'en détournent..."
Réquisitoire contre la barbarie et l'ignorance, Cannibale nous rappelle s'il est besoin que face à l’injustice, il faut s’engager et agir tels Gocéné et son ami Francis !
Le narrateur est pilote d'hélicoptère, chargé de ravitailler notamment le petit refuge de Maravilla, perché dans les Andes à 4200 mètres d'altitude. Malheureusement, ce jour-là, il se trouve bloqué par une tempête, obligé de rester pour quelques temps auprès du gardien et de son visiteur, un mystérieux Jésus chargé de surveiller la frontière entre l'Argentine et le Chili.
Ce que j'ai aimé : la première partie intrigue, différentes interprétations, pistes se dessinent, entretenant le suspens
Ce que j'ai moins aimé : la deuxième partie ressemble à un roman de Paolo Coelho, avec cette marche sans fin ponctuée de sentences comme "Il ne faut jamais rebrousser chemin", "On doit être ferme en son coeur et sûr de son pas"ou des passages plus étonnants durant lequel le narrateur a envie de mordre les fesses de Jésus (sic...)
Bilan : si la fin sauve quelque peu le roman, on ne peut pas dire que ce sera un roman qui me marquera...
"Mais nous les vivants, nous ne brillons qu'un instant, non pas diamants mais perles de rosée, avant la nuit qui tout avale."